Réalités Familiales n°124/125 : Etre père aujourd’hui !

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Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

Être père, aujourd’hui ! 28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr I

@unaf_fr ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

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N° 124-125 - 2018

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Réalités N°124-125 / 2018

Sommaire

Être père, aujourd'hui ! REVUE DE L’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES Magazine édité par L’Union Nationale des Associations Familiales 28, place Saint-Georges 75009 PARIS www.unaf.fr Direction : Présidente et directrice de la publication : Marie-Andrée Blanc Directrice générale : Guillemette Leneveu Rédaction : Rédaction en chef : Laure Mondet Rédaction en chef adjointe : Elise Séaume Secrétariat de rédaction : Cécile Chappe

ÉDITORIAL Place des pères : les enjeux pour les familles par Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’UNAF........3

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AVANT-PROPOS L’UNAF engagée pour faire progresser la place des pères par Isabelle SAUNIER, Présidente du département Parentalité-Enfance à l’UNAF......................................4 INTRODUCTION 3 questions à Nob, auteur de la bande dessinée Dad ...............................................................5

Contact : Service Communication Tél. : 01 49 95 36 00 courriel : realites.familiales@unaf.fr Dépôt légal : Décembre 2018 - n°ISSN 0220 9926

par Daniel Coum, psychologue et psychanalyste ...................................................22

• Les modes de présence paternelles Marc Bessin, sociologue, EHESS................. 25

• Le père au risque de l’éthique par Anne Damon-Grilliat, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent........28

par Francine de Montigny, Christine Gervais et Diane Dubeau....................................................31

Impression - Mise en page Hawaii Communication 78310 Coignières 01 30 05 31 51

Diffusion et abonnements : Abonnement annuel (3 numéros) : France : 22 euros Étranger : 25 euros Commande au numéro : Numéro simple : 6,50 euros Numéro double : 10 euros Numéro triple : 13 euros + 3,15 euros de frais de traitement

• Du père à la fonction paternelle

• Agir tôt sur la santé de la famille en soutenant l’engagement paternel

Remerciements à : Jean-Philippe Vallat, Guillemette Leneveu, Claire Ménard, Yvon Sérieyx, David Pioli, Nathalie Serruques, Hélène Melin

Crédits photos : X, Shutterstock

Nouveaux pères : un modèle en construction ?

Paternités à l’épreuve

État des lieux • Chiffres-clés de la paternité

• Une paternité à l’épreuve : le cas des pères solos

par Alexandra Piesen, sociologue, CERLIS.....36

• Pères et justice familiale

• Etre père aujourd’hui : 11 000 pères témoignent

par Brigitte Brun-Lallemand, vice-présidente du TGI de Nanterre............................................. 40

• Etre père, évolution ou révolution ?

• La place des pères quand la parentalité est précarisée

Extraits de l’Observatoire des familles ........... 8

par Nicole Prieur, philosophe et thérapeute...... 14

• Droits et responsabilités des pères dans leur lien avec l’enfant par Claire Ménard, chargée des relations parlementaires, UNAF ............................................16

• Quels congés pour les pères ?

Tableau récapitulatif.............................................18

par Pascale Jamoulle, anthropologue, UC Louvain.....................................................................43

• Les pères face à la procréation médicalement assistée

René Frydman, gynécologue..............................45

Quels temps pour les pères ?

• Congé paternité : quel effet sur la répartition du travail domestique et parental ?

par Ariane Pailhé, économiste, INED..............47

• Pratiques parentales des pères et normes sociales Respectueux de l’environnement, ce document est imprimé sur du papier utilisant la certification forestière PEFC (Programme européen de certification forestière). La certification PEFC donne l’assurance que le papier que nous utilisons est issu de pâtes produites à partir de forêts gérées durablement. Reproduction interdite sauf autorisation de l’UNAF

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Danielle Boyer, ethnologue, CNAF...................49

Analyse •P ourquoi et comment valoriser la place des pères ? par Guillemette Leneveu, Directrice générale de l’UNAF.............................................................................20

• Le congé parental à temps plein : des pères à part ?

par Myriam Chatot, sociologue, EHESS..........51

• Pour une politique du temps des pères

par Yvon Sérieyx, chargé de mission, UNAF.......53

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RÉALITÉS FAMILIALES#ÊTREPÈREAUJOURDHUI#2018

Être père, aujourd'hui !

• Entreprise : vers de nouvelles normes pour plus d’égalité

par Hélène Valade, présidente de l’ORSE.......56

• Le groupe monoparentalité et paternité

par l’UDAF 68........................................................64

• Conférence sur les pères du Réseau parentalité 82

par l’UDAF 82........................................................65

Initiatives des associations familiales

Aux côtés des familles Initiatives des UDAF

• Le transport des familles de détenus

par l’UDAF 02........................................................58

• « Et les pères ! »

par l’UDAF 13.........................................................59

Les articles marquées d'un ont été adaptés des interventions au colloque "La place des pères", organisé par l'UNAF le 11 octobre 2018

• Espace rencontre et retour d’expérience des pères incarcérés

par l’UDAF 19........................................................61

• Conférence départementale : la place des pères

par l’UDAF 31........................................................62

• Parce que tout enfant a droit à ses deux parents

par l’UDAF 67........................................................63

• La vertu de l'exemple et de l'éducation contre la force du préjugé par le CNAFAL........................................................66

• Parents solos par Familles de France

.......................................

67

• Adoption : et les pères ?

par Enfance et familles d’adoption...................68

• Trois métiers pour soutenir les familles et les pères

par CLER Amour et Famille................................69

• Pères veufs, une minorité silencieuse, fragilisée et ignorée

par la FAVEC...........................................................70

• La place des pères … divorcés

par SOS Papa.........................................................72

• Manque de père, manque de repère ?

par la Fédération Couples et familles..............73

• Pères, enfants, parrains, marraines… de nouvelles formes « d’alchimie »

par l’UNAPP............................................................74

• Homoparentalité au masculin : la place des pères ?

par l’APGL................................................................75

Bibliographie

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Edito L’UNAF engagée pour faire progresser la place des pères Marie-Andrée BLANC Présidente de l'UNAF

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n dehors des discours sur les « nouveaux pères », on s’intéresse en fait assez peu aux pères et à leur place, qui, en deux ou trois générations, a beaucoup évolué. Pourtant, cette question cristallise des enjeux multiples : équilibre des familles, intérêt des enfants, égalité entre femmes et hommes…

Les pères sont prêts à s’impliquer plus auprès de leurs enfants Les évolutions de la société ont transformé les familles et déstabilisé le rôle traditionnel des pères. Ces changements créent beaucoup d’attentes, et l’opportunité pour eux de réinventer leur rôle. Quand on les interroge, les pères d’aujourd’hui disent vouloir être différents de leur propre père, plus proches et plus présents pour leurs enfants. Pour les y aider, la société et l’entreprise doivent évoluer et regarder les hommes comme des parents potentiels. Encore trop de pères n’ont pas recours aux congés auxquels ils ont pourtant droit, par peur d’être disqualifiés professionnellement ou par manque d’information. Davantage cibler les pères en entreprise est par ailleurs un levier incontournable pour plus d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et une répartition des tâches plus équilibrée au sein des familles. Les pères se sentent également perçus comme des parents « secondaires » dans d’autres sphères sociales, notamment médicales et éducatives (PMI, crèches, écoles). Former les professionnels à davantage s’adresser aux pères pourraient participer à légitimer les hommes comme parents à part entière.

Un lien père-enfant à sécuriser Des pères plus investis et confiants dans leurs capacités parentales ont moins tendance à perdre le lien avec leur enfant. Ce lien peut se révéler, dans les faits, plus fragile que celui qui unit l’enfant à sa mère : on le voit avec les séparations conjugales, à la suite desquelles un enfant sur cinq finit par perdre tout contact avec son père. Souvent, ce délitement du lien trouve son origine dans l’éloignement géographique et la précarité : les pères les plus pauvres ont encore davantage de difficultés à se loger près de leur famille, et à recevoir leurs enfants dans des conditions décentes. Face à ces obstacles liés au logement, il faut mettre en place des politiques publiques adaptées et permettre aux pères de rendre effectifs leurs droits et l’exercice d’une paternité régulière, afin d’éviter les ruptures de liens. Pour l’UNAF, l’ensemble des acteurs publics et privés doivent maintenant se saisir de ces questions et se mobiliser pour améliorer la place des pères. Ces préoccupations sont d’autant plus actuelles qu’elles concordent avec un véritable élan des pères : écoutons les familles et les pères et levons, enfin, les résistances qui empêchent les pères de s’impliquer dans leur vie familiale.

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Avant-Propos

Isabelle SAUNIER Présidente du département Parentalité et enfance de l’UNAF

Place des pères : les enjeux pour les familles

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n tant que représentants des familles et opérateurs de services, nous agissons pour promouvoir et améliorer la place des pères par nos prises de positions, nos études et travaux menés à l’échelle nationale et sur tout le territoire, mais aussi par les actions de notre réseau d’UDAF auprès des familles sur le terrain.

Soutenir les familles dans leurs fonctions éducatives et parentales Impliqué dans l’ensemble des dispositifs de soutien et d’accompagnement des parents, le réseau UNAF-UDAF est un acteur majeur dans le domaine du soutien à la parentalité. En plus des nombreux services portés par les UDAF, nous sommes pleinement investis dans la Stratégie nationale de soutien à la parentalité « Dessine-moi un parent » qui définit les contours d’une politique construite pour accompagner les parents et réduire les risques pour les familles. Dans ce cadre, nous portons les besoins des familles pour améliorer la place des pères, en termes d’égalité entre les femmes et les hommes, d’accompagnement des séparations ou encore de prévention des ruptures. Les UDAF sont également les premières à observer et accompagner les difficultés auxquelles les pères peuvent être confrontées dans l’exercice de leur parentalité, à travers les services en lien avec l’enfance, la médiation familiale ou encore les espaces de rencontres.

Etudier et faire connaître les difficultés des familles A travers les Observatoires des familles, l’UNAF a publié en 2016 les résultats de l’enquête « Etre père aujourd’hui », menée auprès de 11 000 pères de tous milieux sociaux, dans 48 départements, pour mieux connaître les aspirations des pères et leurs pratiques parentales. De façon massive, les pères interrogés ont confirmé vouloir être des pères impliqués et présents pour leurs enfants. Ils témoignent aussi du sentiment que leur rôle est dévalorisé par les médias, la justice familiale, et également par les acteurs de la petite enfance, de l’éducation et du secteur médical, sanitaire et social, pour qui l’interlocuteur naturel est plutôt la mère. Au regard de ces problématiques, nous avons invité, le 11 octobre dernier à Paris, plusieurs chercheurs et professionnels à échanger leurs points de vue lors d’un colloque pluridisciplinaire sur « la place des pères ». Ce numéro de Réalités Familiales reprend l’essentiel de leurs contributions, les propositions que défend l’UNAF pour améliorer et valoriser la place des pères dans la politique familiale, ainsi que plusieurs initiatives d’UDAF et d’associations familiales : il est l’occasion de porter et de diffuser plus largement les idées et propositions échangées.

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© Dicom/MJ

Introduction

NOB Dessinateur, scénariste et coloriste de bande dessinée français

3 questions à Nob, auteur de la bande dessinée Dad Dad est une chronique moderne, tendre et ironique du quotidien d'une famille (pas) comme les autres avec un père comédien qui a trouvé le rôle de sa vie : celui de s'occuper de ses quatre filles chéries.

Où avez-vous puisé l’inspiration pour dessiner « Dad » ? Dad est né dans le Journal de Spirou, dans le cadre d’une rubrique qui mettait en scène des auteurs de BD dans leur quotidien, un quotidien réinventé, un peu fantasmé. J’avais dessiné quelques pages sur moi en tant que père, et ça m’a donné l’idée d’une série. La paternité, c’est un aspect de ma vie qui compte beaucoup pour moi : j’ai toujours eu envie d’être papa. Dans la réalité, j’ai deux enfants : un garçon et une fille. Je n’avais pas envie de nous mettre directement en scène: il aurait fallu figer les enfants à un âge ou une période donnée… Décaler le propos avec quatre filles, ça m’a permis de mettre dans chacune d’elles un peu du caractère de mes enfants. Leur âge très différent, c’est aussi une façon d’évoquer mes souvenirs, avec le personnage du bébé, ou avec les personnages plus âgées, d’imaginer comment serait ma fille ado ou adulte. Ce père, Dad, n’est pas vraiment moi non plus, même si on a des traits communs bien sûr…

Où se situe la frontière entre la réalité et la fiction ?

à lire... « Le manuel du Dad (presque) parfait » par Nob Dupuis « tous publics » (2018) (2018))

Il y a un peu des deux. Ce qui est drôle au quotidien n’est pas forcément drôle à raconter, et à l’inverse des situations pas drôles et même franchement dures ou pénibles dans la vraie vie deviennent finalement drôles dans la BD, si on leur donne un angle particulier. Ce sont elles qui donnent du sel aux histoires ! Il y a aussi le prisme de la famille de Dad, qui donne une direction un peu particulière, un peu exagérée à l’histoire : un père solo qui élève ses quatre filles, sachant qu’elles ont toutes une maman différente. Dad a eu une vie compliquée : de chacune de ses aventures amoureuses lui est resté un enfant à charge… Au départ, j’ai eu peur que l’histoire ne soit pas crédible pour les lecteurs. Mais au fil du temps et des dédicaces, j’ai rencontré des papas avec des vies au moins aussi compliquées. Comme quoi, on a beau inventer des choses extravagantes, on est vite rattrapé par la vraie vie ! Il n’y pas qu’une seule famille, il y a plein de modèles parentaux.

Finalement, qu’est-ce qui est le plus dur dans la paternité ?

MerciDauupxuis ! Editions

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Dans la bande dessinée, je ne m’interdis aucun thème. D’un premier abord, les situations vécues par Dad pourraient sembler un peu tristes, mais justement le principe de la série c’est de dédramatiser tout cela. Du moment qu’on est ensemble, qu’on est en famille, on peut surmonter toutes les difficultés. Dans Dad, malgré des tensions et des engueulades bien présentes, il y a beaucoup de bonne humeur, on rit bien : rien n’est simple, mais tout est surmontable. A titre personnel, ma problématique principale reste toujours le temps. Mon père restaurateur était peu présent, j’ai pu passer du temps avec lui quand j’ai travaillé dans son restaurant. Moi, je voulais avoir du temps avec mes enfants. En travaillant à domicile, j’ai vraiment pu être là pour eux. Mais la frustration reste, la BD prend beaucoup de temps, je suis parfois là sans être vraiment disponible. Mais je pense que cette question du temps, c’est aussi un problème pour les mamans. Et je réalise, maintenant que mes enfants deviennent ados, que j’ai eu la chance de passer beaucoup de temps avec eux, et de les voir grandir. C’est un grand luxe que je souhaite à tous les parents.

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État des lieux Aujourd’hui, la plupart des pères veulent s’impliquer davantage auprès de leurs enfants. En quoi leur place est-elle différente de celle qu’ils avaient hier ? Comment les pères voient-ils leur rôle dans la famille, dans la société ? Devenir père implique des conséquences concrètes, des droits et des responsabilités qui figurent dans la loi, et des dispositifs existent pour les soutenir spécifiquement : Réalités familiales fait le point.

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État des lieux

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Être père... (Sources : INSEE « Couples et familles », références statistiques Justice 2017 / Observatoires « Etre père » / Laurent Toulemon « Les pères dans les statistiques » - 2013)

Chiffres

Les pères et leurs enfants

clés

La France comptait en 2015

8 138 000 pères en 2015, dont 6 497 800 pères d’enfants mineurs.

A 50 ans

4 hommes sur 5

6

sont pères

% des enfants

ne sont pas reconnus par leur père au moment de leur naissance.

Temps parental Le congé de naissance est de

Le congé de paternité est fixé à

3 jours

Chaque jour, les pères consacrent en moyenne

11 jours calendaires

41 minutes

à s’occuper de leurs enfants. Les mères y consacrent quant à elles

95 minutes (2x plus).

Parmi les pères qui ont droit au congé paternité, en moyenne

67% le prennent

(88 % dans la fonction publique, 32 % chez les indépendants, 80 % en CDI)

47%des pères

ont la sensation de ne pas passer assez de temps avec leur(s) enfant(s).

Justice familiale & séparations Après un divorce ou une séparation, la résidence de l’enfant est fixée chez la mère dans 73 % des cas, chez le père dans 7 % des cas, dans 17 % des cas une résidence alternée est mise en place. Quand la résidence habituelle de l’enfant est fixée chez la mère, c’est dans des cas d’un commun accord entre les parents.

80

%

La résidence alternée est choisie dans des divorces par consentement mutuel (couples mariés).

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%

17

,8%

des enfants de parents séparés ne voient jamais leur père.

15

%

des parents solos sont des pères.

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État des lieux

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Etre père aujourd’hui : 11 000 pères témoignent Comment les pères se situent-ils par rapport au miroir que la société leur renvoie, entre « nouveau père » et « parent secondaire », entre intériorisation de l’égalité entre les femmes et les hommes et des représentations encore genrées des rôles parentaux ? Comment les pères vivent-ils la paternité ? Comment leurs discours s’articulent-ils avec les pratiques ?

C

omment inciter les pères à s’investir dans leur famille, pour un plus grand équilibre des rôles parentaux auprès des enfants ? Pour en trouver les clefs, nous avons voulu donner la parole aux pères, à travers un questionnaire qui sollicitait véritablement leur expression. Au total, 11 000 pères de plus de 48 départements ont répondu à l’enquête.

Une volonté de se différencier de leur propre père

La volonté de marquer une différence entre « anciens » et « nouveaux » pères se donne clairement à voir dans perception qu’ont les des pères interrogés de leur paternité, par rapport à celle qu’ils ont héritée de leur propre père. Par rapport à leur propre père, ils déclarent élever leurs enfants de manière plutôt différente (48 % des répondants) ou totalement différemment (38 %). Seuls 14 % des pères déclarent élever leurs enfants de la même manière : ceux-là mettent en avant une conception traditionnelle de la paternité. La grande majorité des pères met en avant le fait d’être plus présent auprès de ses enfants et de s’investir davantage. Ils disent aussi être plus à l’écoute, dialoguer davantage, être plus proches de leurs enfants, plus affectifs, s’impliquer davantage

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dans leur scolarité par rapport à leur propre père. Par exemple, un des pères déclare qu’il élève ses enfants « de la même manière [que son père] pour les valeurs, les repères (autorité) et différemment sur l’implication au quotidien ». Quelques pères tiennent à signaler également que contrairement à leurs parents, ils n’ont pas recours à des châtiments corporels.

médias et la société en général, même si leur rôle dans l’éducation des enfants y est perçu de façon plutôt positive. Pour 56 % d’entre eux, le rôle du père est perçu comme secondaire par la société par rapport à celui de la mère, et cette perception génère chez eux de la frustration, un sentiment d’injustice, ou encore un sentiment de manque de reconnaissance.

D’autres modèles, parfois féminins

Il ressort également que les pères interrogés ont une perception très négative de la justice familiale : 54 % des pères ont le sentiment que la justice familiale prend des décisions injustes concernant le lieu de résidence des enfants en cas de rupture conjugale, contre seulement 21 % qui pensent qu’elle prend des décisions justes. Certains pères ont le sentiment que la Justice conforte une vision traditionnelle des rôles père / mère qu’ils ne partagent plus : « le rôle des pères a changé mais la justice, non ». Par exemple, un père déclare : « la justice privilégie la mère. Le père est là pour payer une pension, même si la maman a un bon salaire. »

Les pères sont nombreux à déclarer avoir été influencés par d’autres personnes que leur père concernant l’exercice de leur paternité (45 % des pères). Leur vision de la paternité emprunte ainsi plusieurs modèles ou influences dont beaucoup sont féminins : le plus souvent leur mère (43 %), leur conjointe ou leur ex-conjointe (20,6 %). Les membres de la famille sont souvent évoqués : les grandsparents, un oncle, plus rarement un frère, une sœur ou encore la belle-famille. Cités également parmi ces références, des amis (9,2 %) ou des pères d’amis. En dehors de la référence à leur propre père, la plupart des pères interrogés évoquent des femmes comme leur modèle de paternité (74 %).

L’image du père dans les représentations collectives

Une majorité de pères a le sentiment que le rôle du père est considéré secondaire par les

Réseau national des

bservatoires des Familles D’après la synthèse de l’enquête du Réseau national des Observatoires des familles

Réseau national des

bservatoires des Familles

bservatoire national des

Familles

Si cette vision de la justice familiale est nettement majoritaire dans les réponses à notre enquête, elle n’est toutefois pas partagée par tous les pères. Certains déclarent faire confiance à la justice familiale et estiment qu’elle s’améliore par rapport au passé et que les juges commencent à accorder davantage

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État des lieux

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de gardes aux pères ou à systématiser la garde alternée. Certains pères mentionnent que la décision rendue par le juge, dans le cas de leur propre divorce, était conforme à leur volonté, ou que la décision s’est basée sur l’intérêt de l’enfant.

La crispation sur la justice familiale est plus forte pour les pères séparés ou en famille recomposée. *Lire aussi « Pères et justice familiale », par Brigitte Brun-Lallemand, page 40.

Pourquoi ce ressenti ? Cette vision de la justice familiale n’a rien d’étonnant étant donné la couverture médiatique accordée aux actions spectaculaires menées par certains pères pour dénoncer les décisions de la justice. Ces actions sont d’ailleurs citées dans plusieurs réponses de pères. Rappelons cependant que « dans 82 % des affaires impliquant des parents ayant des enfants à charge […], il n’y a pas de conflit sur la résidence des enfants : soit qu’il n’y ait pas de désaccord du tout (divorces par consentement mutuel), soit que le ou les litiges portent sur d’autres sujets ». En effet, si dans la majorité des cas la garde est accordée à la mère, c’est « parce que les justiciables eux-mêmes vont dans ce sens »1 : la plupart des pères déclarent qu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas s’occuper seuls de leurs enfants, soit parce qu’ils n’en ont jamais fait l’expérience, soit parce que leurs horaires de travail les en empêchent. Enfin, malgré les préjugés, une enquête statistique a mis en évidence que le sexe du magistrat (70 % des juges aux affaires familiales sont des femmes) n’a aucune influence significative sur le type de décision rendue.

« Un bon père est un père présent, à l’écoute et qui offre un cadre sécurisant où les enfants peuvent s’épanouir.» Parole de père

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Des pères qui ne se sentent pas suffisamment pris en compte par l’école en cas de séparation parentale Extrait de « Coéduquer son enfant quand on est séparés », Etude qualitative n°9 – UNAF (2014)

ualitative Ecouter les familles

éditorial François FONDARD Président de l’UNAF

Certains établissements (surtout en primaire) semblent ne pas prendre en compte suffisamment les deux parents, notamment les pères. Certains parents (surtout les pères), disent qu’il faut se manifester expressément pour être pris en compte par l’école :

N0

9

pour mieux les comprendre

Coéduquer son

enfant

quand on est séparé Exercice de la coparent alité dans la vie et dans les relations quotidienne avec l’École

Les parents restent parents, publics et apporter la voix même quand ils ne vivent plus en couple. Pour des familles, l’UNAF s’est éclairer le débat public, et éduquent leur enfant. intéressée à la façon dont donner les parents séparés exercent avis aux pouvoirs leur autorité parentale

Exercer son autorité parentale

à deux,

quand on n’est plus en En cas de séparation, les couple deux école, orientation scolaire, parents continuent à faire face « ensemble » aux décisions concernant santé, loisirs… L’autorité l’éducation de leurs enfants parentale « ensemble de pour protéger l’enfant dans droits et devoirs ayant pour : sa finalité l’intérêt de l’enfant doit être exercée en commun sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer … son éducation et permettre par les parents (art.372 les règles de dévolution son développement.», qui de l’exercice de l’autorité Code civil), n’est pas affectée par la séparation qui parentale » (art.373-2). retenu à l’issue de 98% L’exercice partagé de l’autoritéest « sans incidence sur des divorces et de 93% des autres séparations. parentale est d’ailleurs

Des principes existent…

Ainsi le guide de l’éducation nationale sur l’exercice de l’autorité parentale en milieu scolaire rappelle « L’exercice en commun que : de l’autorité parent également responsable parentale rend chaque décisions éducatives relatives de la vie de l’enfant. Les à l’enfant requièrent l’accord des deux parents ». La loi distingue les actes usuels des actes importants, et ce n’est que pour les actes importants que l’accord explicite des deux parents est requis.

Mais qui résistent aux

réalités

Cependant, il faut le reconnaître, la séparation ne facilite pas l’exercice conjoint de nuances entre actes usuels l’autorité parentale et les et actes importants sont connues des parents. peu Dans la pratique, et ce quels que soient les textes et leurs évolutions, « le cabinet du juge est le lieu quotidien où sont recueillies les difficultés pratiques d’application de l’exercice de la coparentalité » (rapport Léonetti de 2009 1). Notre étude s’attèle justement à écouter le vécu de couples séparés dans ces l’exercice de leur coparentalité et plus particulièrement dans le suivi scolaire de leur enfant et leurs relations avec l’école. Leurs témoignages éclairent les questions de résidence de l’enfant, usuels et importants, d’actes de double par l’école et plus largement information des parents de la manière d’exercer rôle de parent dans un son couple séparé. 1

Etude qualitative

« Intérêt de l’enfant, autorité

parentale, droits des tiers

»

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Mai 2014 19/05/14 17:57

« C’est toujours moi qui doit prendre l’initiative. Ils me l’ont dit en primaire, si je ne me manifeste pas, on ne va pas voir où est le père. » « J’ai été choqué car je n’ai pas été convié par la psychologue qui a vu M. Je pense qu’il n’y a que moi qui ai été choqué. Bien qu’il y ait de plus en plus de garde alternée … » Parfois l’école semble « oublier » que l’enfant peut aussi être hébergé principalement chez le père et que parfois c’est lui qu’il faut prévenir en priorité, par exemple quand l’élève est absent : « L’année dernière, j’ai donné l’ordonnance du juge en copie et j’ai mis mes coordonnées en premier. Malgré tout, c’est le réflexe, on appelle la mère d’abord. Le problème c’est que la mère n’habite pas à côté. Si ma fille est malade, sa mère ne peut pas se déplacer. Seul le professeur principal connait la situation, alors que tous les professeurs devraient être au courant. C’est dans le dossier, mais à aucun moment, ils ne marquent sur la fiche de l’élève, « attention, prévenir le père en priorité ». Maintenant, j’ai tellement rué dans les brancards, qu’ils l’ont pris en compte, mais ce n’est pas normal que ce ne soit pas pris en compte dès le début. » De même, certaines mères interviewées, confirment et déclarent faire elles-mêmes le transfert d’information car cela n’est pas fait par l’institution scolaire (surtout en primaire). Pour les parents qui entretiennent de bonnes relations, cela n’est pas forcément un problème, car ils se communiquent les informations. Mais cela peut agacer quand même les pères : « L’école a mis du temps à comprendre ; au début elle ne me tenait pas informé et mon ex ne me donnait pas beaucoup d’infos. Il a fallu que je monte au créneau, ils ont enfin compris qu’il y avait une séparation. »

Bessière Céline, Biland Emilie, Fillod-Chabaud Odile, 2013, « Résidence alternée : la justice face aux rapports sociaux de sexe et de classe »

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Le bon père, un bon parent comme un autre ? Si le fait d’être présent est la qualité essentielle du « bon père pour les pères interrogés, beaucoup voient cette présence contrainte par leur activité professionnelle. Une part importante des pères (47 %) laissent ainsi entrevoir un exercice de la paternité entravé, notamment du fait de l’activité professionnelle (75 %). Seule une courte majorité des pères ont le sentiment de disposer d’un temps suffisant pour faire ce qu’ils souhaitent avec leurs enfants. Pourtant, ces pères ne semblent pas envisager la possibilité de réduire ou transformer leur activité professionnelle afin de se rendre disponibles pour leurs enfants. Ainsi, la division sexuée du travail au sein de leur couple semble être un état de fait contraint. Cependant, contrairement à une part importante des mères, ils n’ont pas adapté leurs obligations professionnelles aux contraintes familiales. On peut se demander dans quelle mesure cet impensé est un héritage de la division traditionnelle des rôles (avec le père comme principal apporteur de ressources), la conséquence de résistances des employeurs, d’une autocensure de la part des pères ou d’un comportement « rationnel » face à des inégalités salariales qui restent majoritaires entre hommes et femmes au sein des couples2.

D’où vient ce sentiment de manquer de temps ?

Parmi les pères qui ont dit ne pas avoir suffisamment de temps pour faire ce qu’ils souhaitent avec leurs enfants, les trois-quarts d’entre eux évoquent le travail comme la source de ce manque de temps, qu’il s’agisse d’un problème d’horaires, d’éloignement du lieu de travail, ou de « charge mentale » qui empêche ces hommes de se libérer l’esprit lorsqu’ils sont 2

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« Un bon père c’est un père attentif et attentionné, un père qui est là, qui s’investit dans ses enfants comme il s’investit dans sa propre vie personnelle, professionnelle, de couple. Il donne son amour, de l’aide, du soutien, il explique, il juge, il punit.» Parole de père

présents au domicile. Dans une bien moindre mesure, certains pères mentionnent des travaux dans leur domicile qui occupent leur temps libre (bricolage, jardinage, etc.) ou encore les tâches ménagères (courses, ménage). Enfin, quelques pères expliquent leur difficulté à passer autant de temps qu’ils le voudraient avec leurs enfants par des contraintes liées à leur situation familiale (parents « en solo » ou séparés) ou à l’âge des enfants (adolescents).

La paternité, une question de temps ou de compétence ?

Plusieurs enquêtes quantitatives (Emploi du temps, Efri, Matisse) montrent que l’implication des pères auprès de leurs enfants a un peu augmenté en termes de temps passé avec eux : le temps quo-tidien consacré au temps parental par les hommes a doublé entre 1985 et 2010 pour les hommes, mais entre 1999 et 2010, cette évolution n’est que de neuf minutes. De plus, les femmes y consacrent encore deux fois plus de temps que les hommes (les hommes y consacrent 41 minutes par jour, les femmes 95). Cette augmentation est plus forte chez les hommes jeunes : par rapport à 1985, les pères de 18 à 30 ans passent 36 minutes de plus par jour en 2010 à s’occuper de leurs enfants. Cependant, les tâches parentales restent sexuées : les trois-quarts des soins aux enfants, de leur suivi scolaire ou de trajet d’accompagnement sont pris en charge par les mères. Les activités de jeux et de socialisation sont quant à elles également partagées3.

Notre enquête confirme cette répartition sexuée des tâches. L’hypothèse selon laquelle les pères participent peu aux tâches familiales par contrainte professionnelle n’est que partiellement confirmée. Ainsi, la préparation des repas et le suivi médical restent la prérogative des mères même les jours nontravaillés (pris en charge « plutôt par la conjointe » à 42 % et 45 % respectivement). Une répartition des tâches semble établie « de fait » au sein du couple. Cette répartition se traduit par le fait que lorsque les pères augmentent leur temps de présence (jours non travaillés par exemple), leur participation aux tâches familiales augmente également mais toujours dans le cadre de cette division sexuée. Ils participent davantage mais ne prennent pas forcément en charge de nouvelles tâches.

L’incompétence, une fausse excuse ?

L’incompétence est-elle mise en avant par les pères pour échapper à certaines tâches ingrates ? Difficile de se prononcer : la plupart des pères disent ne pas avoir de difficulté particulière à réaliser les tâches parentales. Seules les questions de la scolarité (46 %) et du contrôle du sommeil (31 %) émergent. Chez les ouvriers, le suivi scolaire est davantage vécu comme une difficulté que chez les cadres ou les chefs d’entreprise. On pourrait penser que les hommes longtemps absents du domicile en journée (plus de 12 heures par jour) trouvent plus difficile que les autres la prise

elon l’INSEE, la part des couples dans lesquels l’homme gagne plus dépend du nombre d’enfants mais oscille entre 72 % et 77 % pour les couples S avec moins de 3 enfants. Cette proportion majoritaire est néanmoins en diminution. www.insee.fr/fr/themes/document.asp ?ref_id=ip1492#inter3 Source : Richroch L., 2012, « En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l’écart de situation avec les hommes se réduit », INSEE Références, Regards sur la parité

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« Un bon père doit transmettre des valeurs morales telles que le respect, la politesse, le sens du travail, pour gagner sa vie, apprendre à être autonome.» Parole de père

en charge des tâches parentales. Or, il n’en est rien : on n’observe pas d’augmentation des difficultés ressenties chez les pères longtemps absents, et même moins que chez ceux sont moins absents (entre 5 à 8 heures par jour). On peut donc faire l’hypothèse que les couples où le père est absent plus de 8 heures adoptent une division sexuée des rôles parentaux qui confronte moins les pères aux difficultés du quotidien. En effet, le fait d’être absent plus de 12 heures du domicile est fortement corrélé avec le sentiment de ne pas être suffisamment proche de ses enfants, le fait de moins prendre en charge certaines tâches parentales et le fait que la conjointe soit plus à l’aise avec les enfants. 39 % des pères absents plus de 12h du domicile déclarent, par ailleurs, que leur conjointe est plus à l’aise avec les enfants, contre 29 % de ceux qui sont absents entre 5 et 8 heures.

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Culture et loisirs

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Les nouveaux pères, une question de catégorie sociale ? L’appartenance sociale semble peser sur les représentations des rôles parentaux et sur le sentiment d’avoir suffisamment de temps, ou d’être aussi à l’aise que la conjointe avec les enfants. Ainsi, les pères appartenant aux catégories populaires déclarent, plus que les autres, que leur conjointe est plus à l’aise avec les enfants : 50 % des agriculteurs et 44 % des ouvriers répondent « oui » à la question « d’une manière générale, pensez-vous que votre conjointe est plus à l’aise que vous avec les enfants ? » ; contre 28 % des pères cadres et 27 % appartenant aux professions intermédiaires. La capacité à passer du temps avec ses enfants dépend en partie de contraintes professionnelles et notamment du temps d’absence hors du domicile. On note ainsi que les pères cadres et appartenant aux professions intermédiaires sont plus souvent absents du domicile plus de 10 heures que les autres : 74 % des cadres et 54 % des professions intermédiaires, contre 43 % des employés et 48 % des ouvriers. Pourtant, ils sont un peu plus nombreux que les autres à déclarer passer régulièrement ou occasionnellement du temps seuls avec leurs enfants. Il y a donc d’autres facteurs qui jouent : des facteurs culturels (une paternité qui semble un peu plus investie et aisée dans les catégories moyennes et supérieures) mais aussi d’autres facteurs de disponibilité (possibilité de sous-traiter certaines tâches ménagères ou d’entretien dans les ménages aisés…) ou une

capacité différenciée à subir ces contraintes professionnelles.

Des contraintes professionnelles perçues différemment selon les CSP

On a vu que 47 % des pères interrogés avouaient manquer de temps pour faire ce qu’ils souhaitent avec leurs enfants, principalement en raison de contraintes professionnelles. Ces contraintes s’exercent de façon différenciée selon les CSP : 63 % des agriculteurs, 56 % des cadres ou encore 53 % des artisans, commerçants, chef d’entreprise expriment ce manque de temps. C’est un peu moins le cas en ce qui concerne les ouvriers (42 %) et les employés (40 %). Ce sentiment résulte-t-il d’un manque objectif de temps plus accentué dans certaines professions, ou bien d’attentes plus fortes quant à l’exercice de la paternité ? Les agriculteurs et les artisans, commerçants et chefs d’entreprise sont plus nombreux que les autres à avoir modifié l’organisation de leur temps de travail pour s’occuper de leurs enfants (53 % et 52 % respectivement), que ce soit par le temps partiel ou une organisation différente des horaires. Au contraire, seulement 22 % des pères ouvriers et 36 % employés ont modifié leur organisation du travail. La prise de temps partiel est largement minoritaire chez l’ensemble des pères interrogés. C’est donc bien la capacité à donner de la souplesse à son organisation de temps qui semble faire la différence. On peut ainsi supposer que les indépendants disposent de plus de latitude pour décider de leur emploi du temps. Les cadres sont dans une situation intermédiaire, recourant peu au temps partiel mais disposant d’organisations du travail plus souples. Tandis que les employés et surtout les ouvriers subissent des organisations du travail plus rigides qui s’adaptent beaucoup plus difficilement aux contraintes familiales. Les ouvriers subissent cette forte rigidité : ce sont ceux qui modifient le moins leur activité.

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*Lire aussi « Pourquoi et comment valoriser la place des pères », par Guillemette Leneuveu page XX.

On voit bien que l’enjeu d’une meilleure prise en compte de la paternité dans le milieu professionnel n’est pas le même pour tous les hommes. D’autres facteurs jouent aussi dans l’implication des pères qui semble, conformément à d’autres études, un peu plus élevée chez les cadres ou les professions intermédiaires. Des facteurs culturels mais aussi économiques (capacité à sous-traiter certaines tâches lorsqu’on dispose de davantage de moyens) expliquent sans doute ces différences.

Pour des pères plus présents en famille

Cette enquête révèle un fort souhait de la part des pères d’être entendus et reconnus comme éducateurs à part entière. Ils souhaitent majoritairement vivre une paternité différente de celle qu’ils ont vécue enfants. Les pères que nous avons interrogés souhaitent être plus proches de leurs enfants, davantage dans l’échange que dans l’exercice d’une « autorité ». Les pères sont aussi prêts à davantage d’égalité mais avec la reconnaissance d’une différence avec les mères. Bien sûr, la différence invoquée par les pères peut parfois dissimuler le souhait d’échapper à des tâches déplaisantes, de ne pas renoncer à des carrières qui pèsent

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« Un bon père doit accompagner les enfants dans leurs développements (intellectuel, physique, éducatif), être garant de repères au quotidien (autorité, règles de vie en société).» Parole de père

pourtant sur leur disponibilité. Il faut toutefois prendre en considération qu’ils sont soumis à des attentes contradictoires de la société : davantage s’investir comme parents… tout en restant de bons professionnels qui pourvoient aux besoins matériels de leur famille. Au-delà de la sympathie que les « nouveaux pères » suscitent, il est parfois difficile de trouver sa place dans les univers scolaires ou d’accueil du jeune enfant,

EN SAVOIR

souvent très féminisés. Les contraintes professionnelles et économiques très fortes qui pèsent sur les familles ne leur permettent souvent pas (quelle que soit leur volonté) de coller au modèle « égalitaire » promu dans nos sociétés. Pour l’UNAF, cela suppose une véritable réflexion sur les dispositifs publics et associatifs destinés aux « parents » pour mieux prendre en compte les pères. l

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L’enquête spécifiquement adressée aux pères repose sur des échantillons de 3 000 adresses par département sélectionnés aléatoirement parmi les ménages allocataires des CAF ayant au moins un enfant à charge âgé de 4 à 20 ans. Le questionnaire a été envoyé par voie postale à des pères allocataires CAF par 2 URAF et 41 UDAF. Au total, 11 000 pères, de 48 départements, ont répondu au questionnaire. Retrouvez la note de synthèse de l’étude « Etre père » en intégralité sur www.unaf.fr, rubrique Etudes & recherches > Observatoire des familles

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Etre père, évolution ou révolution ?

Nicole PRIEUR Philosophe et thérapeute familiale Co-directrice de Prieur-Formations

La question des pères se situe au croisement de plusieurs transformations. Sociologique, déjà, avec la place nouvelle des femmes dans la société, avec la reconnaissance des droits de l’enfant, la transformation des structures familiales. Juridique, également, en 1970 le code civil met fin à des siècles de « puissance paternelle » accordant aux 2 parents une autorité conjointe. Tout ceci a bien évidemment ébranlé les fondements traditionnels de la paternité.

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ais si cette question nous interpelle si profondément, c’est parce qu’elle relève d’une véritable révolution. Révolution anthropologique dont on ne mesure pas suffisamment les conséquences, et qui, pour avancer discrètement n’en n’est pas moins radicale et irréversible. De quoi s’agit-il exactement ? Dans les années 1980, le premier bébé éprouvette nait. Depuis, grâce à la fécondation in vitro, l’enfant n’est plus nécessairement issu de la sexualité de ses parents. D’une manière totalement inédite depuis le début de l’histoire de l’humanité, une relation sexuelle n’est plus indispensable à la conception d’un enfant. Plus encore avec les inséminations avec donneur, dons d’ovocyte, gestation pour autrui, l’enfant n’est plus nécessairement « sang de mon sang », « chair de ma chair » aussi bien pour le père que pour la mère. Un bébé peut être conçu avec les gamètes d’un donneur et d’une donneuse, porté par une femme puis élevé par une autre, et peut-être aussi connaitra-t-il une belle-mère. Les progrès scientifiques ont en outre mis en évidence, là aussi, pour la première fois depuis la nuit des temps, la possibilité de l’infertilité des hommes. Troisième élément de cette révolution anthropologique : le sexe ne crée plus le genre.

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Un enfant peut être élevé par deux parents du même sexe, un homme peut assurer une fonction maternante, un parent solo tient le rôle de père et de mère. En un mot, le biologique ne détermine plus ni la parenté ni la parentalité. La mère n’est plus forcément celle qui porte l’enfant, le géniteur n’est pas nécessairement le père qui élève l’enfant, on n’a plus besoin d’être deux pour faire, adopter ou élever un enfant, le couple parental n’est plus seulement constitué d’un homme et d’une femme. Qui est mère ? Qui est père ? L’homme qui a donné son sperme, la femme qui a donné son ovocyte, celle qui porte l’enfant, l’homme qui a sollicité la mère porteuse, celle ou celui qui l’élève, le beau-père qui se lève la nuit pour rassurer l’enfant de sa compagne ? Le père du weekend ? Si les gamètes masculines sont encore nécessaires pour faire des bébés, a-t-on encore besoin d’un père pour faire, élever un enfant ? Finalement à quoi peut bien servir un père ? On mesure que nous sommes au-delà de la seule question de fonctions paternelles mais bien au niveau d’une réflexion sur l’identité même de « l’être père ». Nous sommes tous concernés par cette révolution anthropologique, directement ou indirectement. Aujourd’hui tout est à repenser.

Une identité en gestation Il n’est donc pas étonnant, comme l’atteste l’étude de l’UNAF, qu’il y ait une rupture dans la transmission au niveau du modèle paternel, un homme ne peut plus être père au XXIème siècle comme son propre père, comme une lignée de pères l’ont été avant lui. Les fonctions traditionnellement « paternelles » sont aujourd’hui exercées indifféremment par les hommes et par les femmes, comme l’autorité, la fonction « séparatrice », symbolisatrice, l’ouverture sur le monde extérieur. Il est intéressant de voir à travers l’enquête - ce qui confirme tout à fait ce que j’ai observé auprès de mes patients - que les pères impliqués dans la relation à leurs enfants s’inspirent des mères, et des valeurs portées traditionnellement par le « féminin ». Ils ont envie de « nourrir le lien » à l’enfant, manifestent plus de bienveillance, d’attention, d’écoute, de partage, et quittent apparemment sans remords le carcan imposé pendant des siècles de l’autorité marquée par la force, et la contrainte. Ils aiment jouer, accompagner, faire « avec », et prennent un réel plaisir à être avec leur enfant. On peut aujourd’hui parler de désir paternel, la paternité devenant pour certains une manière de s’accomplir, d’accéder à un véritable sentiment de plénitude.

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Il n’y a pas de doute, ce décloisonnement des fonctions, interroge profondément l’identité. Il déstabilise davantage les hommes que les femmes, dont la maternité se vit dans une certaine forme de continuité. Toute la question pour les pères : comment être ce père que j’ai envie d’être sans perdre mon identité d’homme ? Comment, en plagiant Simone de Beauvoir, en ne naissant pas père, oser le devenir ! Cette question met évidence les forces en tension dans notre société ; d’un côté une assignation forte de devenir ce père moderne ; d’un autre les représentations genrées ancestrales ne facilitent pas la reconnaissance de cette nouvelle forme de paternité, représentations âprement défendues par le monde professionnel qui continue à déprécier le travail des femmes et à peu favoriser les congés de paternité. En un mot, on demande aux hommes de changer tout en les regardant à travers les prismes des représentations d’une autre époque. Comment sortir de ce double lien ?

Au-delà des catégories père/mère, qu’est-ce qu’être parent ?

Un changement de paradigmes s’impose. Là aussi, c’est dans les années 1980 qu’apparaît le concept de « parentalité ». Prenons la mesure de ce qu’il implique. Il met en évidence le lien spécifique qui relie chaque parent avec son enfant, et ce quelque soit la structure familiale- nucléaire, recomposée, monoparentale, adoptive, homoparentale. Il renvoie à l’essence même de ce lien. Que dois-je mettre en œuvre dans ma position parentale pour que mon enfant se reconnaisse comme fils ou fille de, inscrit dans une appartenance, une filiation, engagé dans son devenir propre, et qu’il puisse trouver sa place dans le mode qui l’entoure. Que faire pour qu’il me reconnaisse comme parent, figure d’identification, guide structurant ?

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Sans aucun doute, cela nous interpelle sur le registre de l’éthique. Pour E. Levinas : « L’éthique serait cette dette que je n’ai jamais contractée. » Ce qui caractérise, le lien intergénérationnel, et qui le structure d’une manière spécifique, c’est la dimension éthique de ce lien et son asymétrie. Dans la relation parents-enfants, tout commence par des dons -de la vie, des tuteurs de développement, d’amour comme de névrose familiale… Etc. Ces dons créent des dettes, qui à leur tour créent des loyautés. Mais, nous sommes dans une véritable disproportion de moyens. Dons et dettes ne pourront jamais s’équilibrer. Ce que reçoit un enfant est tellement incommensurable qu’il ne pourra jamais – quoiqu’il fasse -s’acquitter de sa dette. C’est la spécificité absolue du lien parent-enfant. C’est une des lois humaines qui inscrit l’individu inéluctablement dans une relation d’obligations envers les ascendants. On restera toujours peu ou prou débiteur, à l’égard des générations passées. Cette asymétrie confronte chaque homme, chaque femme à 3 questions essentielles, qui l’interpelleront tout au long de sa vie, et qui le constitue comme sujet éthique. « Qu’ai-je reçu ? » « De quoi suis-je redevable, envers qui ? » « Que transmettre à mon tour, à qui ? » L’éthique, c’est cette interrogation constante sur ce que je dois à l’autre pour le respecter et ce que je me dois à moi-même pour me respecter. Assumer sa responsabilité en restant à sa place d’adulte, c’est à dire continuer à grandir. Quand on devient parent, on n’en reste pas moins l’enfant de ses propres parents. Prendre sa place vis à vis de ses enfants cela suppose se placer autrement vis à vis de ses propres parents. On ne peut pas dire à un fils ou fille « grandis », alors qu’on continue à attendre de ses parents ce qu’ils ne peuvent nous donner. Grandir, c’est solder les comptes.

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Instituer le lien de filiation, transmettre à l’enfant le récit de ses origines. Cette question des origines est un élément essentiel de la structuration d’un individu, de la construction du lien de filiation et des relations intergénérationnelles. C’est bien une des fonctions centrales de la parentalité, quelque soit la structure familiale. Les liens se constituent en même temps que le récit des origines peut s’énoncer. Tisser le sentiment d’appartenance, en partageant avec les enfants leur questionnement sur la vie, le sens de l’existence. Cela permettra aux parents de transmettre les valeurs qui leur sont chères. Découvrons ainsi combien la philosophie peut être une aide précieuse pour consolider le lien parent-enfant. La reconnaissance à l’œuvre. L’enjeu, en tant que parent, c’est d’oser devenir soi-même, ce qui permettra à l’enfant de s’engager dans cette voie. Pour reconnaître l’enfant dans ce qu’il est, au-delà des projections, le parent doit apprendre à se découvrir sans cesse, dans sa différence avec l’autre. Dans cette dialectique, la singularité de chacun peut être respectée. Une famille, quelle que soit sa forme, c’est le lieu où on fait l’expérience du vivre avec l’autre, de l’altérité, le lieu des premières expériences d’amour mais aussi de souffrances. Le rôle des parents c’est ouvrir l’enfant à son devenir, lui donner les moyens d’affronter la vie, et lui transmettre la capacité de savourer au-delà des difficultés de l’existence ce qui est beau, sublime. l

à lire... Nicole Prieur, auteure de nombreux ouvrages sur la famille, dont : • Petits règlements de comptes en famille, Albin Michel • Nos enfants, ces petits philosophes, Albin Michel • Raconte-moi d’où je viens, Bayard • Grandir avec ses enfants, Ed. L’atelier des parents. + d’infos sur www.parolesdepsy.com

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Droits et responsabilités des pères dans leur lien avec l’enfant La filiation confère à l’enfant une identité et une place unique au sein d’un ordre généalogique. Au-delà du fait biologique de la naissance, elle l’inscrit dans une double lignée maternelle et paternelle, une histoire familiale, un héritage culturel.

Claire MÉNARD Chargée des relations parlementaires, UNAF

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e droit de la filiation, consacré dans un titre du code civil (articles 310 et suivants) précédant le titre sur la filiation adoptive, a été historiquement marqué par la hiérarchisation des filiations et l’inégalité juridique en résultant. La filiation légitime a bénéficié d’un statut supérieur pendant des siècles. Cette situation a perduré, en droit français, jusqu’à la loi du 3 janvier 1972, qui a amorcé l’harmonisation des régimes régissant les filiations légitime et naturelle en posant le principe de l’égalité entre enfants et en atténuant sensiblement l’infériorité de statut de l’enfant adultérin. L’ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation ratifiée par la loi du 16 janvier 2009 a entériné les évolutions de ces dernières décennies sur le plan socio-démographique marquées par l’augmentation du nombre de naissances hors mariage, qui représentent aujourd’hui 60 % du total des naissances. A la lumière de ces évolutions et sous l’angle du statut de père, il s’agira dans le présent article de rappeler comment le droit reconnaît la qualité de père et ce qui en découle en termes de responsabilités et de droits du père dans ses liens avec son enfant.

Comment le droit reconnait les pères ? Il existe quatre modes d’établissement de la filiation paternelle :

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la voie non contentieuse par l’effet de la loi, par une reconnaissance volontaire ou par la possession d’état constatée dans un acte de notoriété et l’établissement contentieux par un jugement. L’établissement de la filiation paternelle par l’effet de la loi : c’est l’application du principe de la présomption de paternité du mari, qui repose sur l’obligation de fidélité entre époux et traduit l’engagement pris par le mari, lors de la célébration du mariage, d’élever les enfants du couple. Cette présomption est issue de l’adage « pater is est quem nuptiae demonstrant » (le père est celui que le mariage désigne). La reconnaissance est subsidiaire à l’établissement de la filiation par l’effet de la loi. Une reconnaissance de paternité peut être faite avant ou après la naissance. Elle est faite dans l’acte de naissance, par acte reçu par l’officier de l’état civil ou par tout autre acte authentique. La reconnaissance n’établit la filiation qu’à l’égard de son auteur. La filiation par la possession d’état peut être demandée par chacun des parents ou l’enfant au juge du tribunal d’instance pour que lui soit délivré un acte de notoriété qui fera foi de la possession d’état jusqu’à preuve contraire. La possession d’état s’établit par une réunion suf-

fisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Ces faits reposent sur l’utilisation du nom (nomen), le fait d’avoir traité un enfant comme le sien et d’être considéré par celui-ci comme son parent (tractatus), la réputation (fama).

Quelles sont, en droit, les responsabilités des pères ?

De la filiation établie entre un père et son enfant découle l’autorité parentale et l’exercice de cette autorité parentale. La loi du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale substitue, dans le code civil, les règles relatives à l’autorité parentale à celles de la puissance paternelle avec pour conséquence directe un exercice conjoint de cette autorité parentale entre le père et la mère. La réforme de 2002 traduite dans la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale vient repréciser les règles de l’autorité parentale pour tenir compte d’un certain nombre d’évolutions de la société telles que les naissances hors mariage, les séparations, le concubinage, l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette réforme s’est construite autour de 4 principes : réaffirmer le bien-fondé de cette autorité ; définir un droit commun à tous les enfants et à tous les parents, quelles que soient les formes de leur vie familiale, dont le principe général est l’exercice par-

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tagé de cette autorité ; assurer la sécurité du double lien de l’enfant à ses père et mère ; donner aux familles fragilisées par des situations de précarité sociale les moyens matériels d’assurer ce double lien. Au rang de la question de la place et du rôle des pères, la ministre déléguée à la famille, à l’enfance et aux personnes handicapées de l’époque, Mme Ségolène Royal rappelait devant les députés le 14 juin 2001 : s’agissant du partage de l’autorité parentale entre le père et la mère « Deuxième principe, définir un droit commun de l’autorité parentale fondé sur le principe de l’exercice partagé par le père et la mère. … Regrouper dans un chapitre unique toutes les dispositions relatives à l’autorité parentale, quel que soit le statut juridique de la famille, donnera à ces dispositions davantage de force et de clarté. Leur permanence, quels que soient les aléas de la vie du couple, doit être réaffirmée. Faire procéder l’exercice de l’autorité parentale du seul lien de filiation, dès lors qu’il est établi dans la première année de la vie de l’enfant, renforce l’égale responsabilité des parents. C’est un gage de plus grande sécurité juridique pour tous puisque la seule lecture de l’acte de naissance d’un enfant permettra d’établir que les deux parents ont l’exercice de l’autorité parentale. C’est également inciter les pères à reconnaître leur enfant le plus tôt possible. » S’agissant en suite de l’exercice commun de l’autorité parentale en cas de séparation du couple, elle ajoutait : « Faire entrer le principe de la résidence alternée dans le code civil, c’est favoriser un partage moins inégalitaire des temps, c’est en finir avec des formules standard qui, pour n’avoir jamais figuré dans la loi, figeaient de manière sûre l’inégalité des rôles, ne réservant au père que le fameux « week-end sur deux », laissant à la mère la charge lourde de toute la semaine, notamment pour éduquer les adolescents. »

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Ce principe et ses déclinaisons sont traduits dans le code civil de la façon suivante : • Article 371-1 : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. » • Article 372 : « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale. » • Article 372-2 : « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. »

Quels droits sont reconnus aux pères ?

Au registre des droits spécifiques reconnus aux pères, la liste est assez facile à établir et tient en quelques articles. Le congé de paternité créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 trouve sa concrétisation dans le code de la sécurité sociale (article L 331-8) et le code du travail pour les conséquences du congé sur le contrat de travail (articles L1225-35 et L1225-36). La durée de ce congé est fixée à 11 jours calendaires consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. Il doit être pris dans les 4 mois qui suivent la naissance de l’enfant. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 allonge ce congé de paternité lorsque l’état de santé de l’enfant nécessite, immédiatement après sa naissance, son hospitalisation dans une unité de soins spécialisée : le congé paternité sera alors de droit pendant la durée de l’hospitalisation.

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Autre mesure en demi-teinte pour les pères ou pour le moins au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes : la majoration de durée d’assurance pour éducation de l’enfant en matière de droits à retraite. En loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, l’article L.351-4 du code de la sécurité sociale a été réécrit pour tenir compte d’un arrêt de la Cour de cassation de l’époque estimant purement et simplement incompatibles avec les exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales les dispositions de majoration de durée d’assurance en tant qu’elles réservent aux seules femmes le bénéfice de la majoration de carrière pour avoir élevé des enfants. Il a dès lors été institué au bénéfice du père ou de la mère une majoration de durée d’assurance de quatre trimestres attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption. Les parents désignent d’un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définissent la répartition entre eux de ce droit. Cette option est exprimée auprès de la caisse d’assurance vieillesse compétente dans le délai de six mois à compter du quatrième anniversaire de la naissance de l’enfant ou de son adoption. Dans les faits, cette option n’est jamais formalisée et la règle en cas de défaut d’option et en l’absence de désaccord exprimé, précise que cela vaut décision conjointe implicite de désignation de la mère. Au-delà de ces droits spécifiques, les pères ont également les mêmes droits que les mères, par exemple en termes de congés parentaux : congé enfant malade, congé de présence parentale, congé de naissance ou d’adoption, congé parental d’éducation… Encore faut-il que ces droits soient promus, connus et demandés pour qu’ils soient effectifs pour les pères. l

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État des lieux

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Quels congés pour les pères ? Certains congés et droits sociaux sont dédiés aux pères, mais ils ont aussi la possibilité de recourir à d’autres congés au même titre que les mères. Encore faut-il les connaître ! Ces congés sont des droits : ils ne peuvent être ni refusés, ni reportés par l’employeur. Pour l’UNAF, il est important que les pères prennent conscience des congés mis à leur disposition pour les encourager à s’investir dans leur vie de famille. CONGÉ

Pour le père

Congé de naissance (ou d’adoption)1

POUR QUI ?

DÉMARCHE

DURÉE

RÉMUNÉRATION, INDEMNISATION ET CONSÉQUENCE SUR LE CONTRAT DE TRAVAIL

Salarié sans condition d’ancienneté, pour chaque naissance survenue à son foyer.

Remise à l’employeur d’un acte de naissance obligatoire

3 jours ouvrables, pris à la suite ou séparément, en accord avec l’employeur

Les jours de congés sont payés par l’employeur et assimilés à du temps de travail effectif.

Congé de paternité Salarié sans condition d’ancienneté, père de l’enfant ou personne qui partage la vie et d’accueil de de la mère. l’enfant2

Avertir l’employeur 1 mois avant le début du congé, par lettre RAR et préciser la date de fin du congé.

11 jours consécutifs (18 jours en cas de naissances multiples, allongement prévu en cas de prématurité), il doit débuter dans les 4 mois qui suivent la naissance de l’enfant et peut se poursuivre au-delà.

Le contrat est suspendu, le bénéficiaire peut démissionner pendant le congé, mais il est protégé contre le licenciement.

Parent salarié ayant 1 an d’ancienneté à l’arrivée de l’enfant de moins de 3 ans dans le cas d’une naissance, de moins de 16 ans dans le cas d’une adoption.

Avertir l’employeur par lettre RAR en indiquant la date de début du congé et sa durée, 2 mois avant le début du congé. Pour rallonger le congé, l’employeur doit être informé un mois avant.

Enfant de moins de 3 ans : le congé d’une durée maximale de 1 an, peut être renouvelé 2 fois et doit s’arrêter à la veille des 3 ans de l’enfant.

Salarié, sans condition d’ancienneté, ayant à charge un enfant malade ou accidenté de moins de 16 ans.

La maladie ou l’accident doit être constatée par un certificat médical à transmettre à l’employeur.

3 jours par an, 5 si l’enfant a moins de 1 an, ou si le salarié assume la charge d’au moins 3 enfants âgés de moins de 16 ans.

Congé non rémunéré sauf dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin ou du Bas-Rhin, ou si la convention collective de l’entreprise le prévoit.

Prouver cette situation par un certificat médical.

Congé attribué pour une durée maximale de 310 jours ouvrés, dont la prise peut s’étaler sur 3 ans.

Le contrat de travail est suspendu.

Entre 10 et 28 semaines selon le nombre d’enfant déjà à charge et le nombre d’enfant adopté, réparties entre les deux parents.

Contrat de travail suspendu, le salarié bénéficie de la protection contre le licenciement.

Pour le père ou Congé parental la mère d’éducation3

Congé enfant malade5

Pour le père ou Congé de présence Salarié ayant un enfant de moins de 20 ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou la mère : cas parentale6 victime d’un accident grave, entrainant une spécifiques présence soutenue et des soins contraignants peut demander ce congé. Congé d’adoption7

Salarié qui s’est vu confier un enfant : Avertir l’employeur par lettre - par le service d’aide sociale à l’enfance (Ase), recommandée en précisant le - par l’Agence française de l’adoption (Afa), motif et la date de fin de congé. - par un organisme français autorisé, - par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer en France.

Code du travail : articles L3142-1 à L3142-5. Code du travail : articles L1225-35 et L1225-36. 3/ Code du travail : articles L1225-47 à L1225-60, articles R1225-12 à R1225-13. Code de la sécurité sociale : articles L531-1 à L531-10, article L531-4, articles D531-1 à D531-26, article D531-4 à D531-16-1,articles R552-1 à R552-3. 1/ 2/

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Indemnités journalières versées par Caisse Primaire d’Assurance Maladie sous certaines conditions.

Le contrat est suspendu mais le salarié conserve le bénéfice de ces droits acquis. La CAF, sous certaines conditions, verse la PrePare. 1 enfant : indemnité de 6 mois versée à Enfant de 3 à 16 ans : 1 an non un parent, peut être complétée par 6 mois renouvelable. Le congé peut être d’indemnité versée à l’autre avant que prolongé d’1 an de plus en cas de l’enfant ait 1 an. maladie, handicap ou accident grave. 2 enfants4 : 24 mois maximum pour chaque parent, successivement, Le congé peut être rompu de jusqu’aux 3 ans de l’enfant. manière anticipée par un accord Les parents de 3 enfants et + peuvent entre salarié et employeur, sans être indemnisés par la PrePare majorée accord de l’employeur en cas de 8 mois maximum pour chaque parent avant décès de l’enfant ou de baisse que le plus jeune enfant ait 1an. importante des ressources.

Possibilité d’une Allocation journalière de présence parentale (AJPP).

Indemnités journalières sous certaines conditions de cotisation à la sécurité sociale et d’heures cotisées.

Pour les parents de 2 et 3 enfants la durée d’indemnisation est réduite du nombre de mois indemnisés dans le cadre du congé maternité/adoption. Code du travail : articles L1225-61 et articles L1226-23 à L1226-24 6/ Code du travail : articles L1225- 62 à L1225-65 7/ Code du travail : articles L1225-37 à L1225-46-1 - Code de la sécurité sociale : articles L331-3 à L331-7, article R313-4, articles R331-5 à R331-7. 4/

5/

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Analyse La question des pères se trouve à la croisée de multiples enjeux sociétaux. Entre éloge des « nouveaux pères » et crainte d’une fragilisation du lien paternel, quelles évolutions ont affecté le rôle des pères ? Comment sécuriser et préserver ce lien auquel tout enfant a droit avec ses deux parents, même après une séparation ? Quels enjeux autour des congés parentaux en termes d’implication des pères, d’équilibre des rôles parentaux et pour l’égalité entre les femmes et les hommes ?

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Pourquoi et comment valoriser la place des pères ?

Guillemette LENEVEU Directrice Générale de l’UNAF D’après son intervention au colloque « La place des pères »

*CNAF : Caisse nationale d’allocations familiales *INED : Institut national d’études démographiques *CERLIS : Centre de recherche sur les liens sociaux *LEGS : Laboratoire d’études de genre et de sexualité *TGI : Tribunal de grande instance *ORSE : Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises

Forte du témoignage de 11 000 pères à travers son enquête « Etre père », l’UNAF a réuni le 11 octobre 2018 des chercheurs, experts et témoins d’horizons différents sur le rôle et la place des pères dans les familles, dans la société. Ce colloque interdisciplinaire associait des représentants de la CNAF*, de l’INED*, de l’EHESS*, du Cerlis*, du LEGS*, du TGI* de Nanterre, et de l’ORSE*. A partir des enseignements tirés de la parole des pères, et du regard apporté par les spécialistes issus notamment du monde de la recherche, l’UNAF préconise 3 pistes concrètes pour favoriser l’implication des pères.

P

ourquoi s’intéresser aux pères ? Tout d’abord parce qu’ils sont 6,7 millions de pères d’enfants mineurs (sans compter tous les autres). Ensuite parce qu’on les entend peu et que peu d’études traitent de la paternité. D’ailleurs quand on les écoute, ils disent avoir l’impression qu’on ne s’intéresse pas (ou mal) à eux. Nombre d’entre eux s’impliquent déjà auprès de leurs enfants, et aspirent à s’impliquer davantage. L’intérêt des enfants est une autre raison, car la qualité et le maintien du lien avec les deux parents est un droit et une richesse. Enfin, bien sûr, il y a un enjeu d’égalité femmes-hommes car avec des pères plus investis dans la vie familiale, les mères peuvent davantage s’appuyer sur les hommes et repenser plus librement leur place au sein et en dehors de la famille.

Changer les mentalités pour que les hommes soient davantage considérés comme des parents

Des pères trop souvent oubliés par les professionnels de l’en-

*HCFEA : Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et des Ages

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fance : la majorité des pères ont le sentiment que la société considère le rôle du père comme moins important que celui de la mère1. Par ailleurs, les parents interrogés témoignent qu’en cas de séparation, l’Ecole considère la mère comme son interlocuteur « naturel » en « oubliant » le père, et ce même lorsque l’enfant a sa résidence habituelle chez son père2.

Rééquilibrer la répartition des tâches parentales en encourageant les pères

Propositions de l’UNAF : • Former les professionnels à intégrer systématiquement les pères dans la relation parents/ professionnels autour de l’enfant : enseignants, professionnels du soutien à la parentalité, métiers de la justice familiale, professionnels de santé. Cette dimension pourrait concrètement être intégrée dans le référentiel du plan de formation des professionnels de la petite enfance qui doit être élaboré par le Conseil de l’Enfance (HCFEA)*.

Si l’implication des pères auprès de leurs enfants a augmenté en termes de temps passé (il a doublé en 25 ans), les femmes consacrent toujours plus de temps à leurs enfants : 91 minutes par jour pour les mères, contre 41 pour les pères3. Les contraintes professionnelles et financières pèsent sur le temps des pères. Près de la moitié des pères regrettent de ne pas disposer de suffisamment de temps pour s’occuper de leur enfant, les trois-quarts invoquent des contraintes professionnelles4. 57 % des pères qui ne veulent pas prendre un congé parental citent comme motif le faible niveau d’indemnisation5. Seuls 68 %6 des pères prennent ont recours au congé paternité, avec de très fortes disparités : 88 % dans la fonction publique, 80 % en CDI mais seulement 32 % chez les indépendants.

• Informer l’ensemble des parents sur l’exercice de la coparentalité, avec le relais des acteurs du soutien à la parentalité.

Propositions de l’UNAF : • Rendre le congé parental (et son partage) attractif en augmentant son indemnisation (PréPare) jusqu’au niveau des

1/ 56 % des pères enquêtés ont ce sentiment selon l’observatoire des familles « être père » UNAF- 2016. 2/ Etude qualitative « Co-éduquer son enfant quand on est séparé » UNAF - 2014. 3/ Clara Champagne, Ariane Pailhé et Anne Solaz « Le temps domestique et parental des hommes et des femmes : quels facteurs d’évolutions en 25 ans ? », Economie et statistique, n°478, 479, 480, 2015, p. 22 4/ 47 % des pères ont ce sentiment selon l’observatoire des familles « être père » - UNAF - 2016 5/ Enquête nationale sur la parentalité : « les hommes en entreprise» - ORSE – Sept 2018. 6/ Comme le recommande l’IGAS dans son rapport sur le congé paternité – Sept. 2018

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/ LE COUPLE À L’ÉPREUVE /

indemnités maladie durant au moins 8 mois, dont 4 réservés au père.

« justes » concernant la résidence des enfants chez le père ou la mère, en cas de séparation8.

• Imposer, dans la négociation sociale en entreprise, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle des salariés parents comme un sujet obligatoire et spécifique.

Des modalités d’exercice de la coparentalité trop figées : quand l’âge moyen des enfants au moment de la séparation de leurs parents est de 9 ans9, les modalités d’exercice de la coparentalité décidées lors de la séparation deviennent parfois inadaptées au développement de l’enfant et devraient pouvoir évoluer avec plus de souplesse. Des obstacles matériels à la mise en oeuvre de la coparentalité : la difficulté de se loger et d’accueillir son ou ses enfants, les difficultés financières sont aussi des obstacles concrets au maintien des liens entre les pères et leurs enfants.

• Informer largement sur le droit des pères à tous les congés familiaux6 : congé enfant malade, congé de présence parentale, congé de naissance ou d’adoption… • Favoriser le recours au congé paternité par tous les pères. Promouvoir et assouplir le congé paternité (fractionnement de droit, facilitation des changements de dates, allongement de la protection contre le licenciement) dans les entreprises, pour les indépendants.

Maintenir et sécuriser le lien paternel quand il est fragilisé

Sur les 1,4 millions de jeunes de 18 à 24 ans qui ont des parents séparés7, un sur quatre déclare ne plus avoir de relation avec son père. La moitié des pères interrogés pensent que la justice familiale ne prend pas de décisions

Propositions de l’UNAF : • Faciliter les conditions de révision de la décision judiciaire initiale concernant le lieu de résidence habituelle de l’enfant. Les médiateurs familiaux pourraient être des acteurs importants pour accompagner les parents dans cette réflexion. En effet, ils sont en position de préparer avec eux de nouveaux accords (dans le cadre de médiations conventionnelles) ; ces accords peuvent faire ensuite l’objet

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d’une homologation par le juge aux affaires familiales. • Rendre accessibles les aides au logement10 pour le parent qui a des revenus faibles et qui n’a pas la résidence habituelle de l’enfant, sans toucher aux allocations du parent qui a la résidence habituelle de l’enfant. • Généraliser l’accès à des logements « temps partagé » pour les parents qui n’ont pas la possibilité matérielle d’accueillir leur enfant. A cet égard, les initiatives de la CAF* 33 et de la CAF 94 peuvent servir d’exemple.

*CAF : Caisse d’allocations familiales

• Proposer un accompagnement budgétaire aux couples qui se séparent et aux parents veufs afin de prévenir les situations de surendettement et les risques d’expulsion locative. Les pouvoirs publics et les acteurs privés (entreprises, associations) doivent se mobiliser pour valoriser la place des pères, essentielle dans la politique familiale. Pour l’UNAF, c’est un enjeu non seulement pour les hommes, mais aussi pour les enfants et également pour les femmes, pour un meilleur équilibre au sein et à l’extérieur de la famille. l

7/ Etudes et résultats, n°1071, « Etudes, travail, logement : comment les enfants de parents séparés entrent dans l’âge adulte ? », juin 2018 8/ 54 % des pères enquêtés ont ce sentiment selon l’observatoire des familles « être père » UNAF- 2016. 9/ « Les conditions de vie des enfants après le divorce », INSEE première, février 2015. 10/Proposition du rapport du Haut Conseil de la Famille (HCF) sur les ruptures familiales - 2014

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Du père à la fonction paternelle Examinons une perspective quelque peu différente, qui s’intéresse moins au père tel que nous en faisons l’expérience au quotidien qu’à la fonction paternelle telle qu’elle est nécessaire à l’enfant pour qu’il grandisse.

Daniel COUM Psychologue et psychanalyste, directeur des services de l’association PARENTEL (www.parentel.org) et maitre de conférences associé en psychologie clinique et psychopathologie à la faculté Victor Segalen à Brest D’après son intervention au colloque « La place des pères »

*PMA : Procréation médicalement assistée

L

a réflexion d’une petite fille, qui affirmait avoir « quatre papas », vient illustrer et soutenir les recherches faites à ce propos et dont l’ouvrage « Paternités »1 rend compte. Cette petite fille prend acte, et essaye de s’en débrouiller sans beaucoup d’aide, d’un changement opéré pour cette nouvelle génération de pères, donc pour cette nouvelle génération d’enfants, par rapport à leurs propres pères et grands-pères. Il est désormais possible, pour un enfant, d’avoir plusieurs pères, c’est-à-dire plusieurs figures parentales masculines faisant fonction de père : un géniteur, un éducateur, un détenteur de l’autorité parentale, etc. Mais il est également possible pour un enfant de grandir dans une famille où il n’y a pas de père, tel qu’on l’attend habituellement. S’il faut bien un géniteur pour qu’il y ait un enfant – encore qu’aujourd’hui quelques paillettes de sperme produit par un donneur anonyme suffise – il se peut qu’il n’y ait pas de père ni de papa présents pour s’occuper de l’enfant. Telles sont les familles d’aujourd’hui. Cette évolution, extrêmement rapide puisqu’elle s’est réalisée en à peine deux générations avec l’apparition de techniques telles que la PMA*, la procréation avec donneur, et plus largement, la libération des mœurs qui légitime le droit de faire famille comme on le veut et d’interpréter les rôles

parentaux à sa guise, pose, de manière singulière, la question du rôle, de la place et de la fonction du père. De fait, les enfants d’aujourd’hui n’ont pas les mêmes pères que leurs pères ont eus. Alors comment analyser puis accompagner les familles d’aujourd’hui. Ces changements culturels produisent une discordance dans les discours entre le père que chacun/e a dans la tête et dans le cœur pour en avoir hérité de la culture qui imprègne nos savoirs, donc nos pratiques, autant que nos identités, donc nos pensées, et ce dont les enfants d’aujourd’hui font l’expérience. Alors comment s’occupe-t-on des enfants d’aujourd’hui avec des références qui datent ? Comment comprendre les phénomènes parentaux en général et la question de la paternité en particulier si l’analyse que nous portons sur des faits inédits et actuels s’enracine dans des représentations et des théories devenues obsolètes ?

Devenir père consiste désormais à interpréter une partition qui n’est plus écrite à l’avance

En effet, pour nos grandsparents, devenir un homme, puis un père résultait d’une prédestination sociale, d’une assignation de place et de rôle à tenir dans la famille, auprès de l’enfant, sans beaucoup de possibilité d’y déroger. Mais le père traditionnel, époux de la mère, chef de famille et détenteur de l’autorité, repré-

sentant dans la famille de la loi collective… a fait long feu. Désormais, les hommes ont acquis le droit sinon la possibilité d’être hommes puis pères comme ils le veulent, comme ils le peuvent, en fonction de leurs idéaux personnels, de leurs envies, de leur désir et de la place qu’on leur laisse... Devenir père, quand on est un homme, consiste désormais à essayer d’interpréter une partition qui n’est plus écrite à l’avance et pour laquelle il faudra savoir improviser. Il s’agit alors de négocier sa place, son rôle et son rapport à l’enfant, tout d’abord avec soi-même – quel homme, quel père veuxje devenir ? – mais également avec l’autre : avec qui vais-je avoir un enfant ? Qu’attendil/elle de moi comme père ? Comment s’occuper à deux du même enfant ? Etc. Mais la liberté, bien précieux s’il en est, a un prix : l’indécision, l’inquiétude, voire pour d’aucuns l’angoisse qui alimente à l’occasion la nostalgie voire les tentations conservatrices voire réactionnaires. Devenir femme et mère participe d’une semblable contestation du modèle traditionnel de la féminité et de la maternité qui s’appuie sur le dogme – laïc ou religieux – selon lequel la loi vaut pour tous indexé au principe moral sinon légal selon lequel un enfant ne peut avoir, comme il est encore écrit dans le droit canon, qu’« un seul père, une seule mère, pas un de plus, pas un de moins »2.

1/ Coum D., Paternités : figures contemporaines de la fonction paternelle, Presses de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, 2017. 2/ Le droit canonique ou droit canon (Jus canonicum en latin) est l’ensemble des lois et des règlements adoptés ou acceptés par les autorités catholiques pour le gouvernement de l’Église et de ses fidèles

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/ « NOUVEAUX PÈRES », UN MODÈLE EN CONSTRUCTION ? /

« Cette grande liberté induit une grande incertitude » La modernité a changé l’ordre symbolique qui organise la famille dite « traditionnelle » en opposant, à la soumission et à la conformité à un modèle unique et valable pour tous, la liberté de chacun d’interpréter son genre, sa place, ses unions conjugales et, pour finir, sa parentalité de manière variable. L’individu moderne libéré du dogme collectif est désormais soumis à l’impératif de son désir et de la satisfaction de celui-ci, de la réalisation de soi et de son épanouissement personnel. Il doit donc se définir comme homme, puis comme père à partir de lui-même, en fonction de ce qu’il souhaite être et de l’enfant qu’il souhaite avoir et éduquer. Cette grande liberté induit une grande incertitude. Le désarroi de nombreux hommes et pères d’aujourd’hui, de même que la fragilité des vies conjugales et familiales qu’ils tentent de construire, tient à cette nouvelle précarité existentielle qui commence dès l’adolescence au moment où l’enfant se pose la question devenir adulte, soit homme, soit femme. Ce désarroi, cette anxiété (et pour certains cette angoisse) nous apparait comme étant le prix à payer d’une liberté inédite jamais totalement conquise, pour les mères comme pour les pères, donc pour les enfants...3 L’avantage d’un tel changement de paradigme tient à la créativité qu’il permet et à la responsabilité qu’il suppose : les sujets modernes sont convoqués à devoir élaborer, avec d’autres si possible, leur style de vie donc à s’interroger sur ce qu’ils veulent vivre, être, devenir et à en assumer les conséquences. L’inconvénient de ce changement de paradigme tient assurément à ceci que les hommes les moins bien dotés en termes de ressources psychiques et/ou culturelles se retrouvent ainsi on

ne peut plus seuls et démunis face à une tâche qui leur parait incommensurable. Ceux-ci sont donc particulièrement exposées au risque de se démettre de leur rôle auprès de l’enfant et de sa mère, ou de se soumettre à des discours radicaux.

On attend du père qu’il soit conforme à l’idée qu’on s’en fait

Nous sommes donc dans un moment de mutation non seulement des manières de faire le père mais également de l’être… jusqu’à constater que, dans certaines familles, le père tel que nous attendons de pouvoir l’observer n’est pas toujours là : familles monoparentales, familles homoparentales, etc… Les parents qui vivent dans ses nouvelles familles dont le père traditionnel est absent rencontrent, à plus ou moins de tranquillité, la difficulté de mettre en œuvre autrement ce qui, du père, est nécessaire à l’enfant. En l’absence du père, il s’agit donc de mettre en œuvre la fonction qui lui était traditionnellement attribuée, mais autrement, en son absence. Cela permet de poser l’existence d’une fonction dite « paternelle » agissante malgré son absence (familles monoparentales ou familles lesboparentale) ou sa présence selon des modalités inédites : couples gay, familles recomposées avec beau-père, famille d’accueil4. En conséquence de quoi les professionnels sont confrontés aujourd’hui à la difficulté de penser et d’accompagner les liens familiaux en général, et la place du père en particulier, autrement qu’en s’appuyant sur des références traditionnelles. Le frein au changement et à l’analyse du changement tient donc à ce que les sociologues appellent avec raison des « représentations », conscientes ou inconscientes. Quelle idée nous faisons-nous du père ? Inévitablement, des pensées

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et des sentiments arrivent à la conscience à partir desquelles son rôle est préjugé, prédéfini, présupposé. L’on attend alors de la famille et du père qu’ils soient conformes à l’idée que l’on se fait de ce qu’ils devraient être. Parce que toute définition normative s’inscrit dans une culture, le changement de culture que nous vivons comporte un risque. Le risque tient à ceci que le regard, voire l’analyse et les pratiques qui en découlent, soient chargés de représentations donc d’attente qui, confondant la fonction du père avec ses modalités sociales et psychologiques de mises en œuvre, projettent sur les familles d’aujourd’hui une grille d’analyse qui ne convient plus : nous cherchons dès lors un père, avec tel comportement, conforme à nos attentes. Et si nous ne l’y trouvons pas alors nous disons qu’il manque, en anticipant anxieusement les conséquences inévitablement qualifiées de néfastes.

Faire la différence entre la fonction paternelle et ses modalités d’incarnation

Autrement dit, pour penser aujourd’hui la question de ce que nous appelons habituellement « le père », il nous faut savoir faire, in fine, la différence entre d’une part la fonction paternelle, invariable et nécessaire pour que l’enfant grandisse et devienne adulte, et d’autre part les modalités d’incarnation de cette fonction, quant à elles culturellement relatives. Autrement dit encore, ce qui compte n’est pas tant que le rôle, la place et la personne du père soit identifiables – les modalités en sont variables – mais que la fonction soit mise en œuvre selon des modalités qui varient selon les temps, les lieux et les milieux. En vertu de quoi, il apparait que la famille patriarcale dans laquelle le père est identifié et conforme au modèle, n’est pas nécessaire. Elle est contingente. L’expé-

3 / Cela légitime le développement des actions dites d’aide à la parentalité telles que nous les mettons en œuvre à partir des différents Services de l’association PARENTEL que nous dirigeons. Pour plus de renseignements : www.parentel.org 4 / Nous avons étudié la complexité de la mise en œuvre de la fonction paternelle dans les scénariaux familiaux singuliers tels que les dispositifs de placement familial sont l’occasion dans Coum D., Repères pour le placement familial, Erès, 2010/2017.

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rience nous montre que la conformité du père au modèle socialement attendu, ne garantit pas que la fonction paternelle soit mise en œuvre ! Pareillement, l’absence d’un « papa », identifiable dans la vie de l’enfant, n’exclut pas que la fonction paternelle opère et soit mise en œuvre. Mais autrement. Encore faut-il définir cette fonction. Le changement de culture que nous traversons vient donc se confronter à des représentations ancrées dans l’histoire et des scénarios familiaux inédits. Or la question n’est pas : « où est le père ? » ou « qui est le père ? » dans ces nouvelles familles, mais : « la fonction paternelle y est-elle mise en œuvre ? » Cette fonction est celle qui, en tout temps, en tout lieu et en tout milieu, quelles que soient les configurations familiales, est nécessaire à l’enfant en ce qu’elle participe au devenir adulte du petit d’homme. Quelle est-elle ? C’est une des deux dimensions d’une parentalité qui se révèle dialectique. Convenons que si la composante biologique de la filiation intervient dans la fabrication de la chair, le géniteur ne suffit pas à faire le parent et encore moins le père… Par ailleurs, s’il faut qu’un parent s’occupe de l’enfant au quotidien, c’està-dire le prenne dans son désir et dans son histoire, bref l’aime, c’est nécessaire mais cela ne suffit pas non plus ! L’on pourrait même dire, à la lumière des modalités actuelles d’investissement des enfants, que cela peut s’avérer dangereux : l’enfant peut, au nom de l’amour que le parent (y compris celui que l’on nomme le père) lui voue être abusé par excès, en quantité ou en qualité, d’investissement. L’enfant aliéné au désir d’un parent, l’enfant considéré comme un égal, ou l’enfant parentifié souffre d’un excès d’amour qui empiète sur son psychisme et porte atteinte à son potentiel de développement. Il s’agit, au-delà de la question de l’attachement dont l’enfant a bien sûr besoin, d’inscrire celui-

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« Quoi, qu’on y croit ou pas Y aura bien un jour où on n’y croira plus Un jour ou l’autre on sera tous papa Et d’un jour à l’autre on aura disparu Serons-nous détestables ? Serons-nous admirables ? Des géniteurs ou des génies ? Dites-nous qui donne naissance aux irresponsables ? Ah dites-nous qui, tiens Tout le monde sait comment on fait des bébés Mais personne sait comment on fait des papas » « Papaoutai » - Stromae

ci dans une lignée symbolique, ce qui le déloge du lieu de son origine, du désir dont il est né, de l’amour dont il est l’objet, pour qu’il advienne en son nom propre et inscrive son existence dans la succession des générations.

L’enfant a besoin de la limite « paternelle »

La fonction paternelle consiste donc à séparer l’enfant de sa place d’être l’objet du désir parental (que cela soit du fait de l’homme ou de la femme), à l’initier à un rapport médiat au monde, à limiter l’expansion de son désir, et avant tout de l’émanciper du désir parental dont il est né. La fonction paternelle, quelle que soit la manière dont elle est mise en œuvre et celui ou celle qui en est l’agent, revient à limiter l’engagement parental vis-à-vis de l’enfant que cet engagement soit du fait de la mère ou du père… En cela la fonction paternelle (tout comme la fonction maternelle) est désormais détachée de la

question du genre, d’une part, et de la personne des parents désignés comme tels, d’autre part. Autrement dit, l’enfant a besoin de l’un, l’amour « maternel », et de l’autre, la limite « paternelle ». En cela, la parentalité constitue la conjugaison dialectique entre ces deux fonctions également nécessaires à l’enfant : l’une « paternelle », permettant à l’enfant de s’émanciper du désir dont il est né et qui lui permet de grandir, et « maternelle » relevant de l’amour, de la possession voire de l’emprise dont l’enfant est l’objet. Certains pères célèbres corroborent notre thèse : Laïos, le père d’Œdipe, le roi Salomon et son fameux jugement, ou encore Abraham, père d’Isaac. Ils nous enseignent que la fonction paternelle est symbolique et relève d’un interdit qui soutient la compétence du parent à consentir à renoncer à la possession de l’enfant. En ce sens, l’on peut dire que la fonction paternelle suppose le partage de l’enfant. l

à lire... Paternités : figures contemporaines de la fonction paternelle, Daniel Coum, Presses de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, 2017.

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Les modes de présence paternelle Les « nouveaux pères » est une expression que les sociologues s’empressent en général de déconstruire1. Elle émerge dans les années 1980 et correspond à des changements structurels amenant les parents à s’investir davantage pour élever différemment des enfants impliqués de plus en plus tôt dans une compétition sociale qui s’est intensifiée avec la crise. Marc BESSIN

L

’usage médiatique de cette catégorie de nouveaux pères a éludé ces dimensions économiques et politiques et a englobé des pratiques qui sont en fait différenciées socialement. Mais il faut surtout retenir que ces nouveaux pères choisissent les territoires de cette plus grande implication. Ces fameux nouveaux pères ont certes donné une autre image des hommes, ils intégrent dans la masculinité des aptitudes à aimer les enfants autrement qu’en exerçant une autorité sur un mode viril, mettant en scène une paternité capable de s’exprimer par la tendresse, qui n’est plus dès lors forcément l’apanage « naturel » des

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femmes, ils n’ont pas pour autant retourné les rapports de domination. Les habits neufs de la domination masculine2, permettent aux hommes réconciliés de s’impliquer davantage en tirant volontiers au passage les bénéfices de cet investissement qu’il convient d’ailleurs de relativiser eu égard au temps consacré aux enfants et aux tâches domestiques, qui reste très inégalitaire selon les enquêtes régulières sur la question du partage du travail domestique.

Langage et communication Les hommes s’investissent

dans leur fonction paternelle sur un mode « monochrone »

Le couple bi-actif, devenu la référence, pose aux hommes de façon désormais incontour-

nable la question de l’articulation des sphères professionnelles et familiales. Mais les pères n’y répondent pas de la même façon que les femmes, du fait d’une division sexuelle du travail qui a construit socialement une temporalité « féminine » polychronique (faire plusieurs choses en même temps).

Sociologue, directeur de recherche au CNRS, Iris, EHESS D’après son intervention au colloque « La place des pères »

C’est-à-dire que les femmes étant amenées à vivre dans une disponibilité permanente visà-vis de leur conjoint, de leurs enfants et de leur employeur, ont intégré une capacité à jongler avec toutes ces contraintes et à gérer leurs activités dans un enchevêtrement des temps sociaux, comme penser aux tâches domestiques pendant leur travail, organiser leurs trajets en fonction des courses à faire et des enfants à transporter, etc. Cette charge mentale supplémentaire dans le soutien à autrui ne se retrouve pas dans la façon des hommes de s’investir dans leur fonction paternelle, qui reste sur un mode monochrone. « Une seule chose à la fois », quitte donc à s’occuper moins longtemps des enfants, mais en étant plus disponible (parce qu’il n’y a pas à surveiller la cuisine pendant le bain des enfants), et de préférence dans le cadre de pratiques éducatives incluant des dimensions ludiques.

1/ Cf. Fagnani Jeanne & al., « Rétrospective et prospective de la fonction paternelle. Points de vue de chercheurs », Recherches et prévisions (2004) « La paternité aujourd’hui », n° 76 (1), 79-84 ; je me permets de reprendre ici certains aspects de ma contribution. Voir aussi Jami, I. & Simon, P. « De la paternité, de la maternité et du féminisme : entretien avec Michèle Ferrand ». Mouvements (2004), 31,(1), 45-55. 2/ de Singly François, « Les habits neufs de la domination masculine », Esprit, novembre 1993.

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« Qui n’a pas eu envie un soir de dire Papa je suis heureux ? Je suis heureux, je te le dois, si je suis ici c’est grâce à toi Je ne trouve pas les mots pour dire merci à toi et à Maman aussi Papa, Papa, Papa si tu n’avais pas été là Dis-moi qu’aurais-je fait sans toi ? Papa, Papa si tu n’avais pas été là Qu’aurais-je fait de mes dix doigts ? Toi, qui m’as donné la musique Le cœur et l’âme romantique avec ces instants si magiques Et ces souvenirs nostalgiques Papa, Papa, Papa, et si un jour tu n’es plus là Comment pourrais-je vivre sans toi ? » « Papa » – Claude Barzotti (Paroles : Claude Barzotti / Vincent Handre)

Des inégalités mises au jour au moment des séparations C’est notamment au moment des crises biographiques que ce cadre inégalitaire des implications apparaît, et elles peuvent même être l’occasion de réinvestissements et de pratiques différentes, palliatives pourrait-on dire plutôt qu’égalitaires. Un film récent aborde très bien ces questions d’articulation des temps de vie, dites de conciliation, mais posées pour une fois du côté des pères. Nos Batailles, réalisé par Guillaume Senez met en scène Romain Duris, excellent dans le rôle d’un père qui travaille dans un usine dépôt comme Amazon. Chef de groupe au plus près des préoccupations des ouvriers qu’il encadre, il est investi dans son travail à tel point qu’il ne voit guère ses enfants et sa femme, vendeuse. Celle-ci finit par craquer, part et il se retrouve à gérer tout à la fois. Le film montre comment le métier de père investi pleinement au quotidien ne s’improvise pas. Le personnage principal y est confronté de plein fouet

et on le voit découvrir « la vie en deux », selon la très belle expression de Monique Haicault3, et apprendre ce que c’est que la charge mentale d’une nouvelle vie multitâche. Les ruptures et les recompositions familiales, par leur ampleur, ont aussi changé la donne quant à la place des pères, même si la répartition de l’attribution de la garde des enfants, très majoritairement en faveur des mères, a contribué à cette implication paternelle discontinue. Mais bon nombre de pères ne se sentent plus d’exercer cette fonction, après une séparation, uniquement un week-end sur deux. L’idée du couple parental qui se perpétue pour l’éducation des enfants, pour les choix de scolarité par exemple, quels que soient les aléas du couple conjugal, a fait son chemin. Elle appelle à un renouvellement des relations avec les enfants, plus continues malgré la séparation. Les alternatives telles que la résidence alternée sont apparues dans ce contexte-là sur la scène publique, à défaut pour l’instant de s’imposer dans les pratiques4.

Le genre constitue notre cadre de socialisation dans nos implications familiales Cette incise sur la résidence alternée, parfois présentée comme masculiniste, permet de faire une petite clarification du débat sur les pères et leurs engagements. Il convient en effet d’aller à l’encontre de l’idée que s’intéresser aux ambivalences de ces implications paternelles jouerait le jeu des masculinistes et tendrait à nier le cadre de la domination masculine qui perdure. Le genre en tant que construction sociale des différences des sexes, qui hiérarchise et naturalise par bicatégorisation biologique, constitue notre cadre de socialisation, notamment dans nos implications familiales, dans nos engagements vis-à-vis des autres, et en l’occurrence de nos proches. L’autorité, par exemple, peut se concevoir avec distance ou dans la proximité, dichotomie qui renvoie à un autre couple de notre système de pensée, la raison et les émotions. Cette dichotomie contribue à ériger un ordre du genre, avec un pôle du masculin auxquels les garçons sont socialisés dans nos sociétés genrées pour prendre leur distance et incarner la raison et laisser aux filles apprendre leur rôle de mère dans la proximité et la passion. Ces engagements parentaux sont à la fois moraux et pratiques, de tous les jours, au quotidien, et en partant du plus ordinaire, si ordinaire qu’ils en deviennent invisibles. Le care, cette attention aux autres dans ses dimensions à la fois morales et pratiques, est d’autant plus efficace qu’il ne se voit pas. Le personnage de Romain Duris dans le film Nos batailles ne voyait pas celui de sa femme et les difficultés qu’il impliquait, il ne voit plus que cela lorsque c’est lui qui y est confronté.

3/ Haicault, Monique. «La gestion ordinaire de la vie en deux.» Sociologie du travail (1984): 268-277. 4/ Sur la résidence alternée, vue pour une fois du point de vue de la pratique des acteurs, en l’occurrence les parents, Cf. Benoit Hachet, La résidence alternée : une sociologie de l’expérience temporelle des parents, thèse de doctorat de sociologie, EHESS, 2018.

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L’engagement des pères dans une proximité et une disponibilité permanente constitue un défi au genre Les masculinités s’élaborent dans une mise à distance des temporalités de ces présences familiales, de cette disponibilité permanente, de cette attention aux choses du quotidien et de cette responsabilité qu’elles ont au regard du passé et pour le futur. Dans l’ordre du genre, le féminin auxquelles les filles et les femmes sont socialisées est un rapport au temps qui correspond à cet investissement auprès des proches, le masculin s’en éloigne. Dès lors, l’engagement des pères au plus près de ces réalités et de ces temporalités constitue effectivement un défi au genre. Or, ce rapport social de sexe perdure bel et bien, il y en a même qui aujourd’hui osent le revendiquer au nom de la beauté de la différence, comme si en appeler à des rapports égalitaires constituerait un nivellement des singularités. En tout cas, il est intéressant d’étudier la manière de s’investir dans le quotidien de la parentalité en tant que père, et les résistances que ça implique face aux défis

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à la masculinité que constitue le fait d’être dans le care, dans l’engagement au quotidien, morale et pratique, auprès de ses enfants. Je commence à enquêter actuellement sur des lieux d’apprentissage du quotidien de l’exercice de la paternité. Il s’agit d’ateliers où des futurs pères sont formés aux gestes et aux normes de puériculture. Il s’agit en fait de leur inculquer des pratiques qui sont à l’encontre de ce à quoi ils ont été généralement socialisés, en tant qu’hommes : être non plus dans le rapport à l’immédiat, mais dans des pratiques responsables et conséquentialistes. Ce qui se traduit par une formation à l’éducation positive en prévision des difficultés de l’adolescence. Ou tout simplement à des cours de prévention des risques domestiques ou d’appropriation des normes de santé pour les enfants. L’intérêt pour le chercheur dans ces ateliers de formation des pères, ceux que j’observe en tout cas au début de cette enquête, est d’étudier ce hiatus entre cette socialisation au care, à des temporalités qui érigent le féminin (disponibilité, patience, attention, responsabilité, consé-

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quentialisme…), et cet entre soi des hommes permettant la réassurance masculine que l’animateur se doit de toujours rappeler (« c’est pas réservé aux homos »). Et c’est dès lors les petites résistances à l’engagement féminin que j’observe pour préserver les masculinités. A partir de cet exemple trop rapidement décrit, on peut conclure que les modes de présence paternelle s’élaborent dans ce contexte des rôles de genre, en tension. Les transformations des temporalités vont se poursuivre dans le sens d’une plus grande flexibilité, avec une mise en mobilité des individus qui en fragilisera une partie. Dans ce contexte, les hommes seront vraisemblablement contr­aints à vivre sur un mode plus polychronique. Ce qui n’est vraisemblablement pas une bonne nouvelle sur le front du travail peut s’avérer plus intéressant dans la sphère familiale, la polychronie permettant de mieux affronter l’injonction qui se fera de plus en plus grande à s’occuper davantage de leurs enfants. Pour autant, le rappel du genre et des masculinités les amène à le faire dans des tensions qui sont parfois inconfortables. l

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Le père, au risque de l’éthique Anne DAMON-GRILLIAT Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à la faculté de médecine de l’Université de Strasbourg1

L’enfant n’est pas un être autonome (il dépend de ses parents et/ou tuteurs), tout en étant un individu à part entière et détenteur, comme ses parents, du bien inaliénable qu’est sa dignité humaine, première, bien qu’étant encore petit d’homme en développement.

L

Extrait de l’article « Le père, au risque de l’éthique », in Glangeaud-Freudenthal NMC & Florence Gressier « Accueillir les pères en périnatalité » Cahier de la Société Marcé Francophone, Collection La vie de l’enfant (direction) S. Missonnier, Editions Eres, avril 2017

a visée éthique se doit de prendre en compte le père, individu à part entière, dans son identité et sa dignité propre, mais aussi dans son rôle (être le père de…) auprès de son enfant, pour lequel il endosse, par le fait de sa paternité (qu’elle soit biologique ou adoptive), la responsabilité (en général partagée) de son engagement et de son devenir. Elle se doit d’interroger l’impact de l’épanouissement d’un père au regard de son positionnement par rapport à l’enfant, la dialectique entre le droit d’un homme à être père (ce que disent la loi, la technique médicale, son désir, son rapport à la mère de l’enfant) et le droit de l’enfant à être « protégé » (avoir un père et une mère qui endossent leurs responsabilités malgré les modifications des repères classiques de notre société). Un couple peut remettre en question, de façon légale, la logique de la fécondité, de la biologie et/ou de la physiologie dans le cadre de la loi ou pour la faire bouger. Mais les principes de bienveillance, non-malveillance, autonomie, équité, dignité et vulnérabilité seront toujours convoqués, non pas l’un ou l’autre mais bien articulés les uns aux autres. Le père a des droits mais aussi des devoirs et c’est dans un (juste) équilibre entre ce qui le concerne en tant qu’individu et ce qu’il doit à l’enfant que sa paternité va pouvoir et devoir se réaliser.

Pater semper incertus est... Ce qu’est une mère reste précis dans le droit français : est mère celle qui met au monde l’enfant2 cela en raison de son caractère de Praesumptio iuris et de iure (présomption absolue et non combattue). Par contre, ce qu’est un père est devenu plus incertain. Dans le droit romain, un enfant n’était reconnu par son père, et donc le père ne devenait celui de l’enfant, qu’après que le pater familias l’ait pris dans ses bras et élevé devant l’autel des dieux Lares3. L’adage de droit romain « Mater semper certa est, pater semper incertus est » (la mère est toujours certaine, le père est toujours incertain) a été repris par le droit français et inscrit dans le Code Napoléon sous la forme « Mater certissima pater is est quem nuptiae demonstrant » : la mère est absolument certaine, le père est celui que le mariage désigne. Précisons que l’adoption est une exception à cette règle juridique à la condition que le couple soit marié (ce qui ouvre à la possibilité d’adoption par un couple d’hommes ou de femmes et à la revendication du droit à la gpa dans le cadre du mariage de couples homosexuels). Qu’en est-il dans nos sociétés occidentales modernes où, en dehors de l’adoption, couple et naissance d’un enfant ne sont plus équivalents de mariage ?

Les mères continuent de savoir de qui elles sont mères. Le mariage ne désignant plus le père, celui-ci doit faire « confiance » à son épouse/ compagne ou entrer dans une quête de présomption légale de paternité via la biologie et les tests génétiques. Mais un père ne se résume pas à une définition juridique ou à la biologie et les données scientifiques et culturelles qui sont les nôtres évoquent de nombreuses figures de paternité4. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, l’homme occidental revendique la reconnaissance de l’individu et son épanouissement par rapport au groupe social dans lequel il se fondait jusque-là. Cet héritage de la philosophie des Lumières éclaire l’impératif mis aujourd’hui sur l’individualisme, l’égalité de tout être humain mais aussi « le droit d’avoir ce que l’on désire ».

Être père : un statut ?

Le substantif père fait référence à la paternité. Le père est classiquement le parent, biologique et/ou social, de sexe masculin, d’un enfant. C’est un statut. Mais c’est aussi une fonction, hautement symbolique : être père se définit par rapport à un autre, enfant garçon ou fille ou ce qui symbolise un enfant (le « Saint Père » pour l’Église romaine, le « Pater Patriae » des Romains ou encore le « Roi,

1/ Ancien chef du pôle de psychiatrie et santé mentale des hôpitaux universitaires de Strasbourg, membre de l’EA 3424 IRIST de l’Université de Strasbourg, équipe « Éthique et pratiques médicales », service de psychiatrie pour enfants et adolescents, pôle de psychiatrie, santé mentale et addictologie. 2/ GPA (Gestation pour autrui) est une technique d’aide médicale à la procréation interdite en France justement du fait de ce principe juridique. 3/ Divinités d’origine étrusque, propres à chaque famille et protectrices de celle-ci. 4/ Cf. C. Jousselme, « Le père dans les “nouvelles familles” », publié dans Glangeaud-Freudenthal NMC & Florence Gressier «Accueillir les pères en périnatalité» Cahier de la Société Marcé Francophone, Collection La vie de l’enfant (direction) S Missonnier, Editions Eres, avril 2017

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père du peuple » sous l’Ancien Régime) et dans la famille, par ce que cela implique à des degrés divers : participer à la conception et/ou à l’attente de l’enfant, prendre soin de lui et le protéger, l’éduquer (le faire « sortir du cercle ») avec tout ce que cela implique de transmission et de responsabilités dans le « bien faire ». Être père n’est donc pas une fin en soi. Être père interroge immédiatement la façon d’être et la façon de se situer par rapport à un engagement !

Fonction paternante et/ou fonction paternelle ?

Ce que l’on pourrait appeler la fonction du père dans le couple parental et auprès de l’enfant s’entend de deux façons : le rôle du père dans le réel de la vie de chaque jour et le rôle symbolique qu’il endosse, par ce qu’il « représente » pour un enfant. On peut également nommer ces deux fonctions : « fonction paternante » pour la première (qui peut ressembler à la fonction maternante de nursing) et « fonction paternelle » pour la seconde. La première renvoie au fait de « prendre soin », au côté de la mère. Notre modernité a permis aux hommes de conquérir cette place sans que cela soit forcément synonyme de dévalorisation de la figure paternelle et peut-être aussi de leur virilité : dans cette quête d’individualisme, d’égalité des droits entre l’homme et la femme, de recherche de l’épanouissement et du plaisir de chacun, le père et la mère ont vu leur place respective évoluer. Si les femmes/mères ont conquis le droit d’avoir des droits égaux aux hommes/ pères en matière de responsabilité parentale et de partage des responsabilités familiales, les hommes ont certes perdu leur « puissance paternelle et maritale » qui les faisait chef de famille et de leur couple, mais

ont conquis le droit d’être pères en s’occupant du bien-être de leur progéniture et en en partageant les charges : montrer qu’on aime son petit, le câliner, le porter sur son cœur comme la mère le fait (au risque d’apparaître désirer plus ou moins consciemment le droit de « porter aussi un enfant »…), lui donner le biberon, se lever la nuit, l’emmener à l’école, lui lire des histoires lorsqu’il est petit pour qu’il s’endorme, avoir droit à des congés de paternité, etc. En référence à la théorie de l’attachement (Guédeney et Guédeney, 2006),

vici, 1983). Il devient père en reconnaissant l’enfant, par la place qu’il occupe auprès de la mère (avec elle ou loin d’elle), a priori à part égale. Ce n’est plus le mariage qui le fait devenir père. Il doit donc le vouloir, l’accepter, mais ce rôle doit aussi être accepté par la mère.

le père peut prendre une figure de caregiver, au même titre que la mère. Désormais, l’homme peut, mais également doit, parfois « sous une forme symbolique brutale, comme couper le cordon à la naissance » (Knibielher, 1997), faire sa place dans le couple auprès des enfants, même si sa façon d’être et les interactions qu’il a avec ses enfants sont empreintes d’une particularité comportementale qui semble lui être propre (Lebo-

acquis par les pères ouvrent clairement à des interrogations débouchant souvent sur une confusion d’interprétation : l’égalité des droits (et des devoirs !) sur l’enfant, la possibilité d’accéder à un rôle paternant remettent-elles en question une fonction essentielle des pères, développée par Freud (1905), Lacan (1938) et les psychanalystes, à savoir la fonction paternelle ? La seconde se dissout-elle dans la première ? Certains répondent

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Tout cela est possible aujourd’hui en France pour un père, ce qui ne l’était pas au début du XXe siècle ! Mais la perte de la « puissance paternelle » au profit de « l’autorité parentale partagée5 de même que ce rôle maternant

5/ Loi du 4 juin 1970. L’autorité parentale en droit français est un ensemble de droits et de devoirs que les parents ont à l’égard de leurs enfants mineurs. Elle est définie par le Code civil, sous la forme de l’autorité parentale conjointe par défaut, et fortement influencée par le principe juridique international d’intérêt supérieur de l’enfant, introduit en 1989 par la Convention internationale des droits de l’enfant (cide). L’autorité parentale consacre l’égalité des pouvoirs et devoirs du père et de la mère dans l’éducation des enfants. L’autorité paternelle continue d’exister dans de nombreux pays. www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do,cidTexte=JORFTEXT000000693433 6/ Convention internationale des droits de l’enfant. Convention des Nations unies du 20 novembre 1989. www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/ Conv_Droit_Enfant.pdf

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par l’affirmative. D’autres, par la négative (de Singly, 1993b).

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Il est une autre ambiguïté de notre monde moderne : les droits de l’enfant reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant6 sont à juste titre considérés comme un engagement de la société et donc des parents à donner aux enfants la protection et l’éducation dont tous ont besoin. Mais souscrire à cet impératif veut-il dire que l’enfant a « tous les droits » et que les parents doivent se soumettre au « bon vouloir » de l’enfant et à son désir de garder sa toute-puissance infantile ? Les devoirs du père comme de la mère doivent prendre en compte les droits de l’enfant… à être éduqué, protégé mais aussi à entrer dans les repères de la loi. La psychanalyse va bien au-delà d’un rôle de protecteur et de donneur de soins pour le père. Elle le différencie radicalement de la mère tout en le liant à elle non pas dans

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le seul rapport biologique (ce qui ouvre à d’autres formes de paternité), mais dans sa place d’homme aimé (ou ayant été aimé) par elle. Le (un) père est nécessaire pour le développement de l’autonomie mais également la construction de l’identité de l’enfant. La « fonction paternelle », avec la théorie psychanalytique, relève du symbolique. Pour Freud (1905), qui a élaboré sa théorie à la fin du XIXe siècle, avec un modèle de la famille (famille stable structurée sur un modèle patriarcal, hiérarchique) qui a depuis largement évolué (modèle consensuel et égalitaire (Lazartigues, 2007), couples séparés, non mariés, familles recomposées, monoparentalité, homoparentalité, filiations complexes dans le cadre de l’aide médicale à la procréation), le père n’est pas celui qui s’occupe de l’enfant mais celui qui le structure en le séparant de sa mère, lui permet avec l’appui et la reconnaissance en tant que père, mais aussi d’(ancien) amant de celle-ci, d’entrer dans le symbolique et d’accepter la castration. Dans la théorie freudienne, un père n’est pas une mère, et il ne peut véritablement être père que par la place que lui donne la mère dans son propre désir et pour l’enfant. Si l’enfant, quel que soit son sexe, est dans les premiers temps de sa vie dans une relation fusionnelle avec celle qui l’a porté, le rôle du père est de médiatiser ce lien en le marquant de l’interdit de l’inceste et donc de la loi qui lui permettra d’être lui-même désirant et de sortir d’une relation fusionnelle à la mère, potentiellement destructrice à terme.

celle-ci peut ne pas être endossée par le père biologique de l’enfant. La question de savoir si un père, au sens de porteur de la fonction paternelle, séparatrice et castratrice, doit toujours être un homme ou peut être une femme, est posée avec acuité de nos jours, non seulement par le politique et le juridique mais également, et c’est d’ailleurs ce qui guide les deux premiers, par les évolutions sociétales au cœur desquelles « le droit à l’enfant pour tous » prend une place incontournable. C’est le problème soulevé par les paternités liées à des techniques d’assistance médicale à la procréation et/ ou les couples homosexuels. Ce « droit à l’enfant » revendiqué comme une preuve irréfutable de notre liberté, de notre individualité, de notre dignité humaine et de notre autonomie ainsi qu’au nom de l’équité entre et pour les hommes et les femmes, mariés ou non, stériles ou non, jeunes ou âgés, dans une relation hétéro ou homosexuée, prend-il en compte le bien de l’enfant et ses « droits » ? Y a-t-il ou non risque de confusion, d’abandon du bien de l’enfant au profit d’un individualisme assumé et triomphant ? L’équité vis-à-vis d’un père et d’une mère, au niveau de leurs droits, pousse à égaliser, uniformiser les modes de vie et de rencontre. Si la loi le permet, est-ce pour autant faire le bien pour cet enfant précis ? Qu’en est-il de l’âge de l’enfant, de ses besoins développementaux en termes de stabilité, de maternage, d’étayage stable, de conditions de vie et de l’impératif que l’enfant ne devienne pas otage d’une revendication à l’équité.

L’enfant a besoin d’au moins un parent pour vivre et être protégé mais se structure dans la filiation affective à deux parents. Les enfants ont besoin d’un père, qu’il soit vivant ou mort, présent ou absent, mais bien présent dans la tête de la mère… Un homme peut avoir une fonction maternante et

Il n’est pas question ici de répondre par l’affirmative ou la négative mais de souligner qu’à côté de la loi et des désirs des parents, les principes éthiques ont toute leur place. Et c’est dans une dialectique incessante entre le juste et le bon que le « bien faire » pourra advenir. l

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« INITIATIVE AMIS DES PÈRES AU SEIN DES FAMILLES »

Agir tôt sur la santé de la famille en soutenant l’engagement paternel Depuis plus de 40 ans, des chercheurs québécois portent une attention particulière au rôle des pères au sein des familles, en particulier sous l’angle de l’engagement paternel. Il est reconnu que l’engagement des pères contribue au développement cognitif et langagier de l’enfant, de même qu’à son développement social et affectif2.

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n outre, l’engagement paternel participe au bien-être des deux parents, diminuant le stress ressenti chez les mères , et les affects dépressifs chez les pères3. Cet engagement génère de saines trajectoires de développement pour les enfants, les pères, leur partenaire et leur famille4. Inspirées par l’ensemble des études effectuées tant au Québec qu’à l’international, les auteures ont conçu, en 2010, le programme novateur et original « Initiative amis des pères au sein des familles »* (IAP) (Gervais et coll., 2015 ; Gervais, Montigny, Lacharité, 2012). L’IAP vise la promotion de l’engagement des pères au sein des familles et des communautés, notamment en implantant des ateliers réflexifs ciblant le développement de pratiques professionnelles inclusives des pères. L’évaluation de cette première phase, en 2011, a révélé que les intervenants ayant participé aux ateliers réflexifs de

l’IAP adoptent des attitudes, des croyances et des comportements favorisant l’engagement des pères à l’égard de leur enfant (Gervais et coll., 2012). La révision du programme, de 2012 à 2013 , a généré le développement d’actions multiniveaux et multisectorielles, fondées sur le modèle bioécologique du développement humain de Bronfenbrenner (2001), ciblant notamment les intervenants, les gestionnaires et les communautés entourant les parents et leurs enfants.

La relation des intervenants avec les mères et les pères

Situons d’emblée que le regard et l’action des intervenants de la santé et du domaine social sont orientés vers les mères et les enfants, et ce, de la période du début de la grossesse aux 5 ans de l’enfant. Ces comportements sont observés non seulement par les chercheurs lorsqu’ils questionnent les intervenants à ce propos, mais aussi par les mères et les pères eux-mêmes

(Montigny et Lacharité, 2002 ; Gervais et coll., 2015b). Certains intervenants ne voient tout simplement pas les pères qui sont dans l’environnement de l’enfant, leur attention étant sollicitée par la dyade mère-enfant. D’autres encore réagissent aux caractéristiques masculines, portées vers l’action par exemple ; les pères interagissant avec l’enfant par des jeux et avec des mouvements plus brusques sont jugés moins aptes à prendre soin de l’enfant et à le réconforter. Les intervenants évoquent l’absence de formation à l’égard de l’intervention spécifique auprès des hommes pour expliquer leurs difficultés à composer avec leurs réactions. Ainsi, des réactions comme la colère et le retrait peuvent être différentes du prisme habituel auquel ils sont habitués, ce qui peut entraîner chez eux des sentiments d’incompétence (Montigny et coll., 2009). Il s’ensuit une mise à distance du père, qui est alors introduit dans la dyade mère-enfant principalement sous l’angle d’un rôle

Francine de MONTIGNY Christine GERVAIS et Diane DUBEAU

Extrait de l’article « Le projet québecois, initiative amis des pères au sein des familles : agir tôt sur la santé de la famille en soutenant l’engagement paternel ». in Glangeaud-Freudenthal NMC & Florence Gressier « Accueillir les pères en périnatalité » Cahier de la Société Marcé Francophone, Collection La vie de l’enfant (direction) S. Missonnier, Editions Eres, avril 2017

*IAP : Initiative amis des pères au sein des familles

1/ « Francine de Montigny, professeure titulaire en sciences infirmières, université du Québec en Outaouais, Gatineau, Québec ; chaire de recherche du Canada sur la santé psychosociale des familles, chercheure boursière sénior-Fonds québécois de recherche-santé ; directrice du Centre d’études et de recherche en intervention familiale ; directrice du groupe de recherche Paternité, famille et société. Christine Gervais, professeure en sciences infirmières, université du Québec en Outaouais (UQO), Saint-Jérôme, Gatineau, Québec. Chercheure au Centre d’études et de recherche en intervention familiale. Diane Dubeau, professeure au département de psychoéducation et psychologie, chercheure au Centre d’études et de recherche en intervention familiale, université du Québec en Outaouais (UQO), Saint-Jérôme, Québec. 2/ Cabrera et coll., 2007 ; Sarkadi et coll., 2008 3/ Ramonetti, 2007 4/ Allen et coll., 2012 5/ Les auteures remercient Carl Lacharité et Marleen Baker (CEDEIF, université du Québec à Trois-Rivières) pour leur contribution au développement et à l’implantation de la phase 1 de ce projet (2010-2012). 6/ Les auteures remercient Marleen Baker pour sa contribution au développement de la phase 2 de l’IAP

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de soutien à la mère . L’essence même du père, avec ses forces, ses difficultés, ses aspirations et ses compétences, est occultée au profit d’un père objet qui supplée aux besoins de sa partenaire.

La relation des pères avec les professionnels de la santé

Les hommes sont donc sensibles au fait d’être relégués à la position d’observateur de la dyade mère-enfant (Montigny et Lacharité, 2002, 2004). De même, bien qu’ils apprécient soutenir leur partenaire, ils souhaitent être reconnus, tant dans leur existence que dans leurs compétences qui contribuent au bien-être de la famille (Buckelew et coll., 2006 ; Gervais et coll., 2015b). Leur quasi-invisibilité les trouble (Plantin et coll., 2011), mais nombreux sont les pères qui ne se reconnaissent pas le droit de revendiquer une place dans les soins et les services. Lorsqu’ils le font, force est de constater que l’écoute et le respect des compétences des pères ne sont pas toujours au rendez-vous (Montigny et coll., en cours). Nombreux sont les exemples de pères qui ont rapporté des comportements d’évitement à leur endroit, ou encore des propos critiques ou négatifs. S’il est souvent difficile pour les hommes de demander de l’aide ou du soutien des professionnels, ils apprécient le fait d’être intégrés dans les soins et de participer activement au développement de leur famille.

Les facteurs d’influence de l’engagement paternel

Le modèle bioécologique du développement humain de Bronfenbrenner reconnaît que le père est actif dans son développement et que celui-ci est « le fruit des interactions complexes entre les caractéristiques de l’individu et de ses milieux de vie » (Dubeau et Devault, 2012, p. 66). Ce modèle permet de situer les facteurs d’influence

de l’engagement paternel en six sphères systémiques, positionnant le rôle des différents acteurs dans la vie des pères (conjointe, enfants, famille, amis, intervenants de la santé et du social ainsi que les pères eux-mêmes) dans une perspective bidirectionnelle. L’ontosystème représente les caractéristiques personnelles du père, soit son âge, ses perceptions d’efficacité personnelle, ses valeurs, ses croyances, ou ses expériences personnelles antérieures, par exemple son histoire avec son propre père. Le microsystème réfère aux caractéristiques des contextes au sein desquels le père joue un rôle direct, que ce soit sa famille proche et élargie, son milieu de travail, ses lieux de loisirs, les services utilisés par son enfant, etc. Sur le plan familial, les microsystèmes réfèrent aux caractéristiques de la mère, des enfants, de la relation conjugale, coparentale, parentale ainsi qu’au sein de la fratrie. Le mésosystème attire l’attention sur les interactions, la complémentarité ou les oppositions entre les microsystèmes et l’ontosystème. À titre d’exemple, comment les intervenants provenant de différents univers disciplinaires sont-ils capables d’adopter un langage commun qui résonne dans l’univers du père lui-même ? Comment les exigences de la conjointe en termes de participation du père à la vie familiale sont-elles compatibles avec les exigences de l’emploi du père ? Bombardé par les conseils bienveillants, certes, mais souvent contradictoires de ses amis, de sa famille et des professionnels de santé, le père peut devenir anxieux s’il se perçoit inadéquat auprès de son enfant. On constate ici que tant les caractéristiques du père que celles des intervenants et des services peuvent influer sur les relations que le père tissera

ou non avec les professionnels de la santé et du social, et l’aide qu’il demandera ou acceptera pour soutenir son engagement auprès de son enfant. L’exosystème est l’ensemble des milieux de vie qui peuvent influer sur le père, bien que celui-ci ne soit pas en contact direct avec eux. À titre d’exemple, les caractéristiques de l’emploi de la mère influeront sur l’engagement du père. De même, les caractéristiques des services de santé – par exemple, leurs politiques qui restreignent les possibilités du père de faire du peau à peau dans les deux heures après la naissance afin de soutenir l’allaitement maternel – peuvent influer sur son engagement. Le macrosystème inclut les valeurs et normes de la société, celles dans laquelle le père vit, et pour certains pères, celles de son pays d’origine, qui peuvent par moments être conflictuelles concernant les attentes à l’égard des comportements adoptés par un « bon père » (Pangop, 2015). Les politiques familiales et de santé influent aussi sur le quotidien des parents, tant par le soutien financier accordé lors du congé parental que par le droit même d’y avoir accès notamment. Finalement, le chronosystème réfère au temps. Le temps est ici perçu en termes de moment dans la vie personnelle du père où survient la paternité, et dans un sens plus large, en termes de temps sociohistorique, qui tient compte de l’évolution de la paternité dans la société. Ainsi, un jeune père ou un homme qui le devient tardivement n’auront possiblement pas la même expérience de leur engagement. De même, les pères d’aujourd’hui définissent leur engagement de manière plus diversifiée que les pères des années 1950, qui s’engageaient principalement dans les rôles de pourvoyeur ou de figure disciplinaire.

7/ C. Lacharité, F. de Montigny, J.-M. Miron, A. Devault, et coll., Les services offerts aux familles à risque ou en difficultés. Modèles conceptuels, stratégies d’action et réponses aux besoins des parents, rapport final remis au Fonds de recherche société et culture, Québec, 2005, https://cerif.uqo. ca/sites/cerif.uqo.ca/files/Lacharite(2005).pdf

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Le modèle bioécologique du développement humain permet d’expliquer comment les pères se développent en relation avec leurs proches, en fonction de caractéristiques précises de leur environnement proximal et distal, mais aussi de saisir que les intervenants également se développent en relation les uns avec les autres ainsi qu’avec les familles qu’ils côtoient.

Le programme initiative amis des pères au sein des familles

L’Initiative amis des pères au sein des familles (IAP) s’inscrit à la fois dans le soutien des relations que les professionnels de différents horizons disciplinaires et d’environnement de services tissent entre eux et avec les familles qu’ils côtoient, mais aussi dans le soutien direct aux pères et à leur famille. • Les objectifs de l’Initiative amis des pères au sein des familles L’IAP vise à informer, sensibiliser, influencer et mobiliser un ensemble d’acteurs dans l’environnement des pères et leur famille, ainsi que ces derniers, autour de l’importance de soutenir l’engagement paternel dans des actions concrètes et quotidiennes. • Les fondements théoriques de l’Initiative amis des pères au sein des familles Le cadre théorique de l’Initiative amis des pères au sein des familles se fonde sur quatre approches conceptuelles, soit : l’empowerment, qui met l’accent sur le développement du pouvoir d’agir des individus et des communautés (Le Bossé et Dufort, 2000) ; l’approche systémique ; la pratique réflexive ; le modèle bioécologique du développement humain. • Les acteurs de l’Initiative amis des pères au sein des familles Le projet s’implante selon un processus participatif où les intervenants, les décideurs, les pères et leur famille s’impliquent dans différentes actions. Une

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structure de gestion multicentrique veille à créer, dans chacune des régions, les conditions propices à une transformation de l’ensemble des sphères systémiques interagissant avec les pères. Un agent de liaison agit dans chaque région comme catalyseur de l’implantation d’activités en lien avec les comités de pilotage, de mobilisation et d’évaluation responsables du déroulement du projet et de son évaluation. Cet agent de liaison soutient la mise sur pied d’un comité de paternité régional, qui prend ensuite son propre essor pour animer des actions dans sa communauté autour de l’engagement des pères. Chaque quinzaine, les agents de liaison se réunissent avec la codirectrice de l’ IAP, par l’entremise d’un logiciel web, afin de partager leurs histoires de réussites et de trouver ensemble des solutions aux défis rencontrés. Enfin, un comité de communication et de transfert des connaissances gère la production et la diffusion d’outils, de textes, de conférences, ainsi que le plan de communication avec les médias, le site web et Facebook. • Les actions Le programme de l’Initiative amis des pères au sein des familles comprend un ensemble d’actions multisystémiques ayant pour cible chacune des sphères systémiques décrites par Bronfenbrenner (voir figure 1). L’ensemble des activités de l’IAP ciblent la promotion de l’engage- ment des pères au sein des familles. Toutefois, des activités interpellent directe-

ment les pères, par exemple, les ateliers « Pères présents, enfants gagnants ! », tout en visant l’amélioration des relations entre les pères et les différents microsystèmes qu’ils côtoient (niveau mésosystème). Ces ateliers s’adressent à tous les pères qui désirent améliorer leur relation avec leur enfant, quel que soit le contexte de leur paternité (beau-père, père séparé, père ayant perdu la garde de son enfant, etc.). Ils offrent aux hommes l’opportunité de réfléchir sur leur rôle de père et les défis qui y sont associés, et de voir comment ils ont envie de les relever. La coanimation des ateliers par un duo d’intervenants homme-femme de même que les thèmes abordés fournissent aux pères des occasions d’acquérir des compétences et des habiletés leur permettant d’améliorer leurs relations avec leurs enfants.

Thèmes proposés pour les ateliers « Pères présents, enfants gagnants »

1. L’héritage 2. Le rôle du père 4. Les relations homme-femme 5. La communication 6. Les besoins : les identifier, les nommer, les affirmer, les dire, les négocier 7. Le père face à l’école 8. Le père face à l’autorité et à la discipline 9. Les relations non violentes et l’agressivité Ces ateliers se déroulent en groupe « fermé », à raison d’une rencontre de 150 minutes chaque semaine, et ce pour une

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Figure 1

Actions multisystémiques du programme Initiative amis des pères au sein des familles

durée de 10 semaines. Les animateurs adoptent tour à tour un rôle de facilitateur, d’enseignant, de médiateur et d’accompagnateur, afin d’inviter les hommes à réfléchir d’abord à ce qu’ils ont vécu en tant qu’enfant (leur héritage familial). Par la suite, les réflexions et les discussions portent sur leurs expériences comme homme, comme partenaire dans un couple et comme père. Les thèmes de chaque atelier sont proposés par les animateurs lors du premier atelier et peuvent être modifiés selon les intérêts ou les caractéristiques de chaque groupe de pères. • Le microsystème : couple Reconnaître l’importance du père signifie aussi inclure des interventions auprès des mères, par exemple afin que celle-ci intègre son conjoint comme père dans l’espace domestique, ou encore, pour améliorer la communication au sein du couple en regard de la coparentalité ou de la sexualité. Un document de quatre pages, « Un père, c’est pour la vie », cible directement les couples en illustrant, entre autres, la contribution du père au développement

de l’enfant. Il vise à ce que les mères comprennent mieux l’importance des jeux physiques et des gestes que le père pose pour que son enfant s’ouvre au monde extérieur. L’ensemble des outils créés par l’équipe IAP sont disponibles en version papier ou PDF sur le site web de l’IAP8. • Le microsystème : enfants Afin de s’intéresser directement au sous-système des enfants, l’équipe de l’IAP a produit un cahier à colorier représentant différentes configurations familiales. Adoptés par les centres de petite enfance, les cahiers sont aussi remis à l’unité de naissance aux membres de la fratrie qui accueillent un nouveau-né. • Le microsystème : milieux de loisirs Les actions de l’IAP à ce niveau se situent principalement durant la Semaine québécoise de la paternité. Les comités de paternité et les agents de liaison profitent de cet événement pour rendre les pères visibles dans leur communauté à l’aide d’activités diverses, les reconnaissent sociale- ment. Les pères par-

ticipant aux fêtes de famille et autres événements conçus par les comités de paternité locaux expriment leur satisfaction de vivre ces moments qui les mettent en relation avec leurs enfants et leur réseau. • Le microsystème : réseau formel La principale action de l’IAP est d’offrir des ateliers réflexifs regroupant des intervenants (par exemple, infirmières, psychologues, sages-femmes, intervenants sociaux, éducateurs), des gestionnaires des différents milieux de pratiques, des éducatrices de petite enfance ou des médecins afin de réfléchir ensemble aux croyances, aux pratiques et aux services relatifs aux pères et aux enjeux de la paternité. La durée des ateliers varie selon les groupes. Ce faisant, l’action de l’équipe IAP cible aussi le mésosystème des relations entre les intervenants et les pères. Les ateliers réflexifs IAP s’appuient sur quatre conditions qui favorisent le changement de pratiques : les professionnels doivent ressentir le besoin de développer leurs habiletés, dans leur intérêt et dans celui des familles ; l’enseignement doit être spécifique à leur contexte de travail, ce qui se réalise, entre autres, avec des histoires de cas liées à ces contextes ; les techniques éducatives doivent être diversifiées, afin de permettre aux participants de faire des apprentissages au plan des connaissances, des croyances et des habiletés (Goudreau, 1999) ; la création d’un climat de groupe instaure une confiance mutuelle qui permet la co-construction des pratiques par une réflexion collective (Montigny et Gervais, 2012 ; Lerouche, 2005). Dans cette optique, ces ateliers allient les discussions réflexives aux échanges plus théoriques, ce qui permet à la fois de conscientiser les intervenants aux besoins des pères, de susciter le désir de développer leurs

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habiletés, d’adapter la démarche au contexte réel de travail, de modifier des croyances et de s’inter-influencer (Gervais et coll., 2012, 2015). L’approche réflexive permet aux intervenants de faire des allers-retours sur leur propre pratique, de confronter, de valider et d’enrichir leur expérience en relation avec les familles qu’ils côtoient. Lors des ateliers, les difficultés rencontrées dans l’essai de nouvelles pratiques sont partagées, de même que les histoires de succès, ce qui suscite des réflexions à la fois individuelles et collectives. Il est fréquent qu’un intervenant s’inspire, dans sa propre pratique, d’une stratégie proposée par un collègue, ainsi qu’en témoigne cette intervenante : Bien qu’il soit trop tôt pour observer les effets des ateliers réflexifs réalisés auprès des intervenants sur l’engagement des pères eux-mêmes, des entretiens auprès de groupes de pères révèlent que ceux-ci sont capables d’identifier des comportements inclusifs adoptés par les intervenants à leur égard. • L’exosystème : une collaboration intersectorielle et interdisciplinaire Pour que des pratiques inclusives des pères s’enracinent dans une communauté, l’intérêt pour les pères doit être porté par plusieurs organismes et des personnes d’univers disciplinaires diversifiés. Une des forces de l’IAP a été la mobilisation de l’ensemble des gestionnaires œuvrant dans les programmes qui touchent les enfants et les familles autour de l’importance de développer et consolider des services et des approches inclusifs des pères. L’adhésion à la formation du personnel, par les ateliers réflexifs, a favorisé une concertation interdisciplinaire, intersectorielle et inter-établissements. L’espace ainsi créé a permis l’émergence d’une colla boration entre les différents services, de manière à favoriser le relais entre les ressources et des interventions cohérentes à l’égard des pères.

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• L’exosystème : caractéristiques des services De prime abord, intervenants, parents et gestionnaires s’accordaient pour décrier l’écart entre l’organisation même des services et les besoins exprimés par les pères. Que ce soient tant la couleur « rose bonbon » des murs des services de maternité, les magazines féminins dans les salles d’attente, l’horaire des rencontres de préparation prénatale, les outils de collecte de données centrés sur la mère que l’absence de fauteuil pour le repos du père après la naissance, tous ces éléments déclamaient implicite- ment que ces services étaient avant tout pour les mères. Les gestionnaires et les intervenants se sont engagés dans une réflexion à propos de mesures concrètes qui devaient être prises afin de donner une place réelle aux pères dans les services. Des affiches et une vidéo promouvant l’engage- ment paternel ont été conçues et des magazines masculins ont été intégrés aux aires d’accueil des services. Lorsque c’était possible, certains milieux ont offert des rencontres prénatales les week-ends, avec une belle participation des pères. Les outils et les horaires des services ont été révisés afin de créer des environnements de service qui reconnaissent les forces des pères et soutiennent leur participation active. • Le macrosystème : le politique et les médias L’iap repose également sur des actions de sensibilisation et de mobilisation au sujet de l’engagement paternel auprès des décideurs politiques et des médias. Rencontres informelles ou formelles avec les politiciens municipaux et provinciaux, production de rapports d’analyse des politiques publiques, présentation de résultats de recherche, et arrimage régulier entre ces résultats et des entretiens médiatiques suscitent une vision commune de l’importance de l’engagement paternel, pour les hommes, leurs enfants, leur conjointe, et la société tout entière.

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Conclusion La promotion de l’engagement paternel est un thème mobilisateur, qui rejoint tous et chacun au plan personnel ou professionnel. Depuis 2010, l’implantation du projet Initiative amis des pères au sein des familles au Québec génère un réel enthousiasme, tant des intervenants, de leurs gestionnaires, que des familles et des communautés touchées. Le projet répond à un réel besoin des communautés dans lesquelles il s’implante, qui se responsabilisent pour créer des occasions de souligner l’engage- ment des pères. Les activités proposées par le programme IAP sont accueil- lies comme un brin de fraîcheur par les intervenants, qui ont peu d’espace, au quotidien, pour réfléchir sur leurs pratiques et s’inspirer de celles de leurs collègues. L’adoption d’attitudes, de croyances et de comportements « amis des pères » par les professionnels permet de dénouer des situations complexes avec des familles souvent perçues comme réfractaires, démontrant que l’inclusion réelle du père modifie la dynamique intervenant-famille. Les actions de l’équipe IAP se poursuivent, de manière à influer sur toutes les sphères systémiques de l’environnement des pères. Il s’agit de contribuer à créer une société véritablement inclusive des pères au sein des familles. Il importe de considérer, pour qui se sentirait interpellé par l’aventure de l’ IAP, que la mise en place de l’ensemble de ces stratégies s’est réalisée, et se réalise, sur une période de temps qui permet que les milieux s’adaptent aux innovations proposées, les intègrent et se les approprient. L’adoption d’une approche « pas à pas » dans la promotion de l’engagement paternel permet de reconnaître l’importance de chacun des petits succès obtenus et de persévérer devant les difficultés. l

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Une paternité à l’épreuve : le cas des pères solos Dans une société où les médias comme les politiques prônent l’égalité homme/ femme, de nombreuses inégalités demeurent prégnantes. Les situations dans lesquelles les parents hommes ou femmes, se retrouvent à élever leur(s) enfant(s) seuls au quotidien, permettent de mettre en lumière certains stéréotypes qui continuent à imprégner la perception de la famille en France. Alexandra PIESEN Docteure en sociologie – Chercheure associée au CERLIS D’après son intervention au colloque « La place des pères »

A

insi, les mères restent les interlocuteurs privilégiés des professionnels quels qu’ils soient (santé, école, etc.), alors que les pères restent souvent cantonnés à un rôle secondaire. Dès lors, comment font les pères qui s’occupent quotidiennement de leur(s) enfant(s) sans médiation maternelle ? Comment se sentent-ils perçus et comment vivent-ils leur paternité au quotidien ? Dans le cadre d’une recherche doctorale menée sur le rôle parental des parents solos1, plusieurs éléments relatifs à la paternité solo ont été identifiés.

La mise en place des résidences quotidiennes aux pères

Sur les 18 pères solos rencontrés, les modalités d’entrée en parentalité solo sont variées. Il peut s’agir de séparations dues au divorce, au veuvage, ou à l’abandon du domicile familial (et donc à la rupture des contacts), le plus souvent à l’initiative de la mère. Aucun des pères rencontrés ne s’est retrouvé dans cette situation à la naissance de l’enfant. La résidence au père est le plus souvent subie et réalisée dans un contexte de tensions. Seuls deux pères ont déclaré que l’attribution de la garde s’était déroulée dans de « bonnes » conditions. « Du jour au lendemain, leur mère est partie, donc j’ai calqué toute mon organisation sur celle des enfants »

Olivier, 40 ans, deux enfants

« Ça s’est fait précipitamment, leur maman est partie quasiment du jour au lendemain ; donc je me suis retrouvé avec mes deux filles » Romain, 49 ans, deux enfants

« C’est la mère qui a quitté la maison conjugale… et puis après c’est moi qui ai entamé mon divorce » Edouard, 46 ans, quatre enfants

Dans le cas de Fabien, sa désignation comme parent gardien s’est faite à la demande de son enfant : « Je voulais récupérer ma fille sans entrer dans une procédure judiciaire, et on a réussi à s’entendre à l’amiable. Je ne voulais pas d’une situation où chacun des parents se plaignait de l’autre. Donc faire une procédure judiciaire avec tous les frais que ça implique et les déchirements pour ma fille, je n’en voulais pas. Tant qu’elle était bien chez sa mère, j’ai laissé faire, et dès qu’elle a exprimé l’envie d’habiter avec moi, on a évoqué cette possibilité avec sa mère » Fabien, 40 ans, un enfant

Ce père souhaitait obtenir la résidence de sa fille mais n’en avait pas fait la demande. Cette caractéristique est souvent reprise dans les travaux en droit de la famille qui soulignent que les pères sont rarement à l’initiative d’une demande de résidence quotidienne (Orain, 2012 ; Le Collectif Onze, 2013 ; Martial, 2013 b). Marco explique, lui, que c’est le couple parental qui est à l’origine de la décision d’une résidence au père, bien que celle-ci aille à l’encontre du jugement prononcé : « d’un point de vue pratique, je suis resté dans l’appartement familial et comme les enfants, leur scolarité c’est vraiment proche, c’était surtout par commodité pour les enfants. […] On ne voulait pas ajouter plus de bouleversements avec un déménagement ou un changement d’école et tout. D’un commun accord, on s’est dit que c’était mieux qu’ils restent avec moi, même si le juge avait statué qu’ils étaient en résidence quotidienne chez leur mère. On est resté comme ça depuis. » Marco, 40 ans, deux enfants

1/ Cet article s’appuie sur une recherche doctorale intitulée « (Re)définition du rôle parental au regard de la parentalité solo contemporaine » (Piesen, 2017). Ce travail repose sur cinquante-quatre entretiens semi-directifs réalisés avec des parents solos (trente-six mères et dix-huit pères). Les entretiens ont été réalisé avec le parent « gardien », celui ayant la résidence effective de son ou ses enfants à son domicile. Pour être qualifié de « parent solo », l’individu devait habiter avec son ou ses enfants âgé(s) de moins de 18 ans à son domicile, sans conjoint(e) cohabitant.

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Que les circonstances soient bonnes ou conflictuelles, le rapport à l’autre parent et les compétences parentales des deux parents sont étudiées et analysées par la justice pour choisir le parent « le plus compétent » ou le moins « mauvais ».

Une paternité « sous surveillance » ?

Bien que ces pères aient obtenu la résidence de leur(s) enfant(s), certains déclarent être « sous surveillance » au quotidien. Conscients de leur situation familiale « hors norme », ils doivent démontrer quotidiennement qu’ils ont les compétences parentales nécessaires pour être de « bons » parents bien qu’ils soient des hommes. Cette surveillance des pères solos serait liée aux craintes de l’institution judiciaire à confier la résidence quotidienne à un homme seul (Le Collectif Onze, 2013 ; Nagy, 2016). Dans une étude récente, Veronika Nagy a montré l’importance du rôle de la remise en couple et de l’entourage paternel dans les demandes de « temps en plus » de la part des pères (2016). Ainsi, elle explique que « dans les discours judiciaires des hommes qui demandent une résidence principale, une résidence alternée ou un droit de visite et d’hébergement élargi, leur capacité à bien s’occuper de l’enfant n’apparaît pas comme étant de nature strictement individuelle, mais comme passant aussi par une personne-relais, comme si la paternité s’exerçait aussi à travers ce tiers […] qui est toujours une femme » (ibid., 2016, p.112). Ainsi, un homme sera jugé plus apte à s’occuper de son enfant s’il peut attester d’une présence féminine « responsable » dans son entourage. Au-delà de ce constat, c’est la figure du « bon » père qui se dessine. Ainsi, « « le bon père » n’est pas un père en solitaire, mais un homme dont la paternité est soutenue, encadrée par et mise en lien avec la parenté » (ibid., 2016, p.121). La présence de la nouvelle compagne dans le cas des pères interrogés par Veronika Nagy, est perçue par la justice comme un élément « stabilisateur » du père célibataire. Ainsi, si la femme peut être mère par elle-même, l’homme serait père par le biais d’une présence féminine. Selon la sociologue, « un des intérêts majeurs du procédé consistant à souligner l’existence du nouveau couple réside assurément dans le fait qu’il permet de tenir à bonne distance les stéréotypes associés à l’homme célibataire (vie sexuelle débridée, soirées alcoolisées à répétition, hygiène douteuse et désordre domestique, etc.), dont la figure est d’emblée potentiellement dangereuse et inquiétante du point de vue de l’intérêt de l’enfant. En somme, tout se passe comme si la conjugalité faisait des hommes de meilleurs pères en leur faisant adopter des mœurs plus « civilisées », c’est-àdire en les transformant en adultes responsables et dignes de confiance » (ibid., 2016, p. 116).

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La peur de perdre la résidence Bien que la garde leur ait été attribuée, la plupart des pères rencontrés vivent dans la crainte d’une remise en cause de ce jugement. C’est notamment le cas de Dimitri (40 ans, deux enfants), qui déclare : « j’ai beaucoup de soucis avec la justice puisque mon ex-épouse cherche régulièrement à récupérer la garde des enfants ; donc je suis régulièrement entendu dans les tribunaux ou chez les gendarmes pour prouver que je m’occupe bien de mes enfants ». Cette inquiétude et ce contrôle sont également présents chez les pères dont l’ex-conjointe n’a pas entamé de démarches pour réviser le mode de garde. Ainsi, Joël exprime cette angoisse quotidienne que son ex-femme, lorsqu’elle aura retrouvé une stabilité, veuille « reprendre les enfants ». Cette crainte est inhérente au statut de père solo qui reste peu fréquent (15 % en France en 2011). Les pères rencontrés perçoivent la rareté de leur situation et, par conséquent, le caractère « exceptionnel » du type de garde dont ils ont bénéficié. Ils essaient de maintenir les conditions de vie les plus « normales » possibles et d’éviter toute situation problématique susceptible de servir à remettre en question leur garde (décrochage scolaire, problèmes comportementaux, etc.). L’étude menée par le Collectif Onze sur les jugements aux affaires familiales insiste sur le fait que « pour les juges, décider que les enfants résideront chez le père contre ce qui se fait habituellement relève bien de ces choix un peu difficiles à faire, en se fondant sur les seules pièces des dossiers et interactions d’audience. L’enquête sociale est manifestement un bon moyen pour mieux connaître la configuration éducative sur laquelle il faut trancher, puisqu’elle permet, avant tout, de s’assurer que la résidence chez le père est, une fois n’est pas coutume, préférable à la résidence chez la mère » (Le Collectif Onze, 2013, p. 199). Pour être mise en place, la résidence chez le père doit être « préférable à », quand la résidence chez la mère semble plus automatique et moins soumise à des critères spécifiques.

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Représentations sociales et stéréotypes de genre : un célibat suspect La plupart des pères rencontrés, ayant la résidence quotidienne de jeunes enfants et plus particulièrement des filles, font part de situations qu’ils n’avaient pas anticipées. Lorsque Joël a débuté sa vie en solo avec ses deux enfants, il s’est rendu compte que sa situation suscitait des interrogations et des soupçons de la part des autres parents : « tiens, un exemple flagrant, c’est quand ma fille me disait ‘‘papa, je vais dormir chez une copine’’, je disais ‘‘oui, pas de problème’’, et que ma fille arrivait en pleurant en me disant ‘‘la maman, elle ne veut pas, parce que tu es un papa tout seul et qu’elle ne te connaît pas’’. Et c’est des choses qu’on n’imagine pas, et bien je lui ai dit ‘‘tu dis à la maman que, si elle veut, on va boire un café, ici, et puis je me présente’’. Donc voilà, je l’ai fait, et les mamans ont accepté après. Je ne leur ai pas raconté ma vie mais je leur ai dit ‘‘voilà, j’élève mes deux enfants’’, et puis, elles ont vu comment ma fille était avec moi aussi. Donc, ça, c’était un problème oui. » Joël, 44 ans, deux enfants

La situation de Joël élevant seul ses deux enfants, est perçue comme sortant de l’ordinaire et suscite autant la curiosité que la méfiance. Suite à cet événement, Joël a mis en place une « stratégie » qui consiste à rencontrer à son domicile les mères qui se posaient des questions et à répondre à leurs interrogations. Il doit faire ses preuves de « bon » parent. Suite à cet incident, Joël a pris conscience des craintes inhérentes à son statut de père solo et a anticipé de possibles sources de problèmes en installant par exemple un mitigeur : « j’ai installé un robinet mitigeur dans la douche, […] ça s’est passé dans la foulée des mamans qui avaient un doute sur un papa tout seul avec ses enfants, […] je me suis dit ’‘je vais installer un mitigeur pour qu’elle puisse se doucher toute seule’’. Parce qu’il ne s’agirait pas, qu’en rentrant au collège, on lui demande : ‘‘alors comment ça se passe une journée ?’’, ‘‘papa me douche’’ ; […] ‘‘on ne sait jamais’’ ». Tous les pères ayant une fille à charge ont évoqué les doutes et la méfiance dont ils font l’objet. La dimension sexuelle du parent gardien est davantage présente lorsqu’il s’agit d’un père. On retrouve le lien évoqué par Veronika Nagy, entre homme célibataire et mœurs plus libres. La volonté de normaliser sa paternité solo peut également ressortir dans des univers de sociabilité féminine. Il existe de nombreux espaces de sociabilité pour les mères (parcs, aires de jeux, lieux

de change dans les toilettes féminines, etc.) mais peu pour les pères en charge d’enfants en bas âge. Certains pères comme Lucas, ne semblent pas avoir trouvé leur place dans ces milieux. « Au début où j’ai eu Marie [sa fille], on allait aux bébés nageurs tous les samedis matins. Au début, les gens nous regardaient en trouvant que c’était mignon, un père qui s’occupe de sa fille, et quand les gens ont vu que nous venions toutes les semaines, juste tous les deux, ils ont commencé à avoir un regard suspect. J’ai carrément demandé à une copine de venir avec nous pour normaliser les choses. Ça devenait vraiment lourd, le regard des gens était pesant » Lucas, 40 ans, un enfant

Ce n’est pas tant la démarche initiale de Lucas qui est perçue comme sortant de l’ordinaire que sa fréquence. Un père qui accompagne sa fille aux bébés nageurs est encore une situation atypique dominée par le modèle traditionnel de la mère accompagnant l’enfant2.

Résistances individuelles : des stratégies de « normalisation »

Face aux soupçons et aux doutes quant à leurs compétences parentales, les pères solos mettent en place des stratégies de « normalisation » de leur paternité. Nous pouvons identifier trois stratégies pouvant fonctionner séparément et/ou s’associer ponctuellement ou quotidiennement. La première stratégie est celle que nous avons appelé « performer son rôle de parent ». Cette dernière est ressortie dans l’ensemble des entretiens menés avec les pères solos qui tous, soulignaient la nécessité de faire plus que ce qui était attendu d’un parent. Par exemple, Romain, 49 ans, qui a ses deux enfants à charge, a décidé, suite à son entrée en parentalité solo d’investir un nouveau domaine de compétences : la cuisine. Pour lui, cuisiner revêt un caractère particulier puisqu’il s’agit de reprendre à sa charge la dimension nourricière traditionnellement attribuée à la mère mais également de travailler à partir de « bons » produits, de produits frais. « Je faisais une pizza tous les six mois… J’avais zéro formation à ce niveau-là. C’était mon ex-compagne qui était une super cuisinière, et qui s’occupait de tout… […]. J’avais des copines qui étaient de bonnes cuisinières et qui m’ont filé leurs recettes les plus simples […]. J’ai focalisé làdessus, ce qui était important, c’était qu’on mange normalement. Et donc, encore aujourd’hui, j’ai ce souci de la perfection, il faut que mes filles…Il faut que je leur fasse de bons trucs, je ne peux pas leur faire un

2/ Laura Merla souligne également cet aspect dans ses travaux sur les pères au foyer en Belgique, notamment les difficultés que doivent affronter les hommes lorsqu’ils s’approprient les gestes et les pratiques du soin aux enfants, car ils investissent des espaces sociaux massivement perçus comme féminin (Merla, 2007).

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steak haché que je vais sortir du frigo, ça s’est tout simplement impossible pour moi ». Romain, 49 ans, deux enfants

Au-delà de cette volonté commune de performer son rôle parental, l’ensemble des pères solos font part d’une inquiétude partagée : celle de ne pas parvenir à combler le manque de la mère chez leur(s) enfant(s), crainte déjà évoquée par Agnès Martial dans ses travaux (Martial, 2012). Lorsque les parents ont organisé les modalités de visite et d’hébergement, la mère est théoriquement présente, mais quand le lien entre les parents est distendu voire rompu, les pères font appel à d’autres femmes qui peuvent être leur mère, leur sœur, une amie, etc. Ces femmes peuvent être qualifiées de « référentes » au sens où elles sont sollicitées à différentes étapes clés de la vie de l’enfant pour l’accompagner (le conseiller, échanger avec lui, le soutenir, etc.) : enfance, puberté, passage à l’adolescence puis entrée dans l’âge adulte. Les pères peuvent également faire appel à ces référentes féminines lorsqu’ils ne se sentent pas légitimes sur un sujet et déléguer une partie du volet perçu comme féminin et maternel du travail parental3 (Verjus et Vogel, 2009). Cette seconde stratégie prend différentes formes selon les ressources relationnelles féminines dont bénéficient les pères solos. Marco par exemple, peut mobiliser différentes référentes selon les problématiques concernées. « Il y a toutes les questions autour des règles et des garçons, je ne sais pas trop comment aborder le sujet avec elle. C’est vrai que ce sont des choses où je sentais qu’elle n’osait pas trop m’en parler […]. J’ai pu appeler sa mère et elles en ont discuté toutes les deux, et ça m’a soulagé. […] Pour les rapports aux garçons, ma fille est très proche de ma sœur de 21 ans et je crois que ça l’aide à comprendre un peu le comportement des garçons ».

Analyse

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« C’est vrai que ce n’est pas évident tous les jours. On n’a pas de modèle de père qui élève seul leurs enfants, donc c’est compliqué, on ne sait jamais vraiment si on fait correctement les choses » Olivier, 40 ans, deux enfants

Conclusion

Cette absence de modèle rend difficile la qualification de leurs pratiques au quotidien avec leurs enfants : sont-elles correctes ? Sont-elles dans « la norme » ? Comme le soulignent Danielle Boyer et Benoît Céroux, « l’exercice de la paternité s’accomplit de moins en moins en référence à des modèles prescrits, mais…[…] cet exercice est l’objet d’ajustement, de négociations […]. » (2010, p. 50). La défiance à l’égard des hommes seuls ayant la résidence de leur(s) enfant(s) sans médiation féminine, est liée à la façon dont les politiques familiales et publiques ont été construites. Dans une publication récente, l’INSEE soulignait que les transformations « des modes de vie conjugaux [que connaissent actuellement les pays européens et notamment l’augmentation du nombre de familles dites « monoparentales »] ont participé à redéfinir le rôle de chacun dans le couple, rompant ainsi avec le modèle classique de l’homme assumant seul la responsabilité financière de la famille et de la femme s’occupant exclusivement des enfants. [..] En 2008, seul un Danois sur dix pense qu’un « père n’est pas aussi qualifié qu’une mère pour s’occuper des enfants. Et c’est parmi les pays scandinaves et du nord de l’Europe que le rejet de l’affirmation « un enfant a besoin d’un père et d’une mère pour être heureux » est le plus fort. Ces opinions vont de pair avec une plus forte proportion de pères seuls : « 22 % des familles monoparentales norvégiennes, par exemple, sont composées de pères seuls non veufs, soit deux fois plus qu’à l’échelle européenne » (Le Pape, Lhommeau et Raynaud, 2015, p. 32).

Marco, 40 ans, deux enfants

Au-delà du fait que ces pères solos cherchent à « normaliser » leur paternité à travers différentes stratégies, ils souhaitent également la faire valider auprès des autres parents et de professionnels. La dernière stratégie identifiée consiste à faire appel à des professionnels de la parentalité (psychologues, pédopsychiatres, etc.), notamment au moment de l’entrée en parentalité solo pour échanger sur leur situation. Les professionnels sont sollicités à deux niveaux : rassurer les pères sur leurs compétences parentales et évaluer comment les enfants réagissent à la situation. Cette demande de validation est à mettre en parallèle avec le manque de modèle de paternité solo auquel se référer :

En conclusion, l’expression « paternité solo » devrait être déclinée au pluriel tant les spécificités individuelles se dessinent à travers les discours des pères rencontrés. On note le caractère atypique de cette configuration familiale dont la rareté semble susciter des craintes et de la méfiance de la part de la société. Face à ces constats, des stratégies variées se construisent (performer son rôle parental, faire appel à des référentes féminines et le recours aux professionnels). Il s’agirait dès lors peut-être, pour une meilleure reconnaissance de ces configurations familiales, de souligner davantage les ressemblances entre paternités et maternités solos pour une meilleure reconnaissance globale des parentalités solos. l

3/ « Qu’entend-on par travail parental ? C’est d’abord le travail des parents en charge d’enfant(s) que nous retenons ici comme point d’entrée. Considérable en termes de tâches pratiques (occupation matérielle) et de charge mentale (préoccupation, disponibilité), le travail parental engage la définition de soi comme parent, père ou mère, et la perpéruation « réussie » de soi – c’est-à-dire son prolongement) travers un enfant voué à être, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre » (Verjus et Vogel, 2009, p. 4-6).

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Pères et justice familiale L’enquête UNAF fait apparaître une crispation des pères autour de la justice familiale. Ceci est semble-t-il du à une méconnaissance de l’action de la Justice. Je vais donc essayer de mieux vous en faire saisir les sousjacents, tout en traitant aussi bien entendu des paternités à l’épreuve dans un contexte judiciaire. Brigitte BRUN-LALLEMAND Première Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de Nanterre D’après son intervention au colloque « La place des pères »

Le cadre d’intervention du Juge aux affaires familiales (JAF)

Le code civil n’utilise pas les mots père et mère, mais celui de parents : le droit est volontairement non-genré et la coparentalité figure dans la loi. L’office du JAF est d’appliquer ces règles dans un contexte particulier, celui de la séparation. Il lui appartient de définir la place respective du père et de la mère du fait de l’éclatement de la cellule familiale. Pour ce faire, le premier critère mobilisé est l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce concept, parfois critiqué, ne constitue que la déclinaison en droit interne de la Convention internationale des droits de l’enfant de 2005, qui prescrit que cette considération doit l’emporter sur toutes les autres. L’audition de l’enfant est par ailleurs de droit lorsqu’il en fait la demande et il est dans ce cas assisté par un avocat qui lui est propre, l’avocat de l’enfant. La deuxième donnée importante, pour mieux appréhender le cadre d’intervention d’un JAF, est que nous sommes au civil et « le procès et la chose des parties ». Il doit y avoir une demande en justice et cette dernière est nécessairement formulée par l’un des parents (pas d’auto saisine). Ce sont les parents - et leurs avocats - et non le juge qui optent pour le degré de tension en constituant leur dossiers (avec des attestations, des certificats médicaux...) et lors des débats à l’audience. Ce sont eux qui sollicitent des expertises psychologiques, des

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enquêtes sociales et des auditions des enfants. Ce sont les parents qui multiplient ou non les procédures d’urgence, les nouvelles saisines pour faits nouveaux et les appels. Le juge arbitre dans le cadre d’un procès mené par les parties, la décision s’appliquant, selon la formule consacrée « sauf meilleur accord ». Une 3e donnée doit être prise en compte enfin pour mieux saisir le fonctionnement du service aux affaires familiales d’un tribunal : cette matière continue d’être un contentieux de masse pour les juridictions, même si la tendance est à la déjudiciarisation. L’évolution depuis une vingtaine d’années est très nette, réduire le champ de la justice aux cas les plus complexes. Pour autant, les juges restent saisis chacun d’un nombre considérable de dossiers par an. A Nanterre, cela correspondait à 850 par an et par juge avant la réforme du consentement mutuel, les JAF en traitent encore 650 chaque année. Concrètement, chacun tient audience trois fois par semaine, avec 12 dossiers par demijournée. Les JAF voient défiler dans leur cabinet un nombre extrêmement important de personnes, de tous milieux sociaux, et acquièrent rapidement une fine connaissance des phénomènes par cette accumulation de cas. Les ressentis des juges s’avèrent similaires à ceux révélés par l’étude. Les attentes sont grandes au sein des Palais de Justice. Le temps d’audience proprement dit, court (environ 15 à 20 minutes par affaire),

questionne, mais est lié aux moyens limités alloués à la Justice qui, on ne le sait sans doute pas assez, ne dispose pas plus de juges aujourd’hui qu’en 1815. Ainsi, le JAF n’est pas le juge du père ou de la mère mais celui de la relation parentale, garant de l’intérêt de l’enfant. Il détient, comme tout juge, un important pouvoir souverain d’appréciation, mais l’exerce dans un cadre précis et contraignant.

Retour sur les résultats de l’enquête

De façon assez logique, il existe une forte convergence entre les résultats de l’enquête UNAF et les constats des JAF. Première observation : les juges constatent des évolutions sociétales importantes et divergentes entre des liens paternels distendus, marques de notre époque, et des pères qui revendiquent un partage plus égalitaire des rôles au sein de la cellule familiale. Des difficultés sont générées par des liens initiaux plus fragiles, avec une séparation intervenant parfois avant même la naissance. À Nanterre, une réflexion a été initiée sur les liens paternels insuffisamment préservés en parallèle du questionnaire national sur la réforme de la Justice. Nous constatons que dans de nombreux cas, la justice n’est pas saisie, créant des familles monoparentales de facto. Il existe aussi un impensé : le non exercice des droits par bon nombre de pères (alors même qu’ils les ont obtenus initialement). Mais en même temps, les juges constatent au quotidien que les

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pères demandent clairement un partage plus égalitaire des rôles et ce, à travers trois demandes distinctes. Il peut être observé, tout d’abord, que la résidence alternée, modalité relativement récente consacrée par les textes que depuis 2003, a fortement augmenté et ce au détriment de la résidence habituelle chez la mère, comme le démontre l’étude Infostat du ministère de la Justice de janvier 2015. Son principal obstacle reste l’éloignement des domiciles respectifs. Deuxièmement, dans le cadre de la résidence chez la mère avec des droits élargis pour le père, il est de plus en plus souvent prévu que la fin de semaine commence le jeudi ou encore que le mercredi soit réservé aux pères la semaine où il n’exerce pas des droits le week-end. En troisième lieu, la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (anciennement pension alimentaire) tend à stagner, avec le développement du partage des frais. Les parents s’accordent pour que le budget ne soit pas dévolu uniquement à la mère mais que des sujets importants en lien avec l’éducation soient partagés (téléphonie, activités périscolaire, centres de loisirs, crèche, séjours linguistiques) afin que les deux parents aient un droit de regard sur ces « détails », dont l’importance est toutefois grande dans la vie de l’enfant. Deuxième constat : un contentieux spécifique, lié à l’implication croissante des pères, s’est développé. Il concerne l’autorité parentale conjointe. Le maintien de l’exercice conjoint en cas de séparation, qui a été inscrit dans la loi en 2002, est accepté et compris par les parents dans son principe. Dans la déclinaison pratique, certains désaccords peuvent émerger. Par exemple, les pères peuvent s’opposer à la mère sur des décisions qu’elle a prises seule, notamment sur des sujets liés à la santé (vaccinations, carnet de santé, etc.), à l’école (dérogations à la sectorisation, école publique/privée) ou encore à

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l’établissement des documents d’identité (passage de frontières, nationalité). Ces sujets relèvent de l’autorité parentale et il est demandé aux deux parents d’exprimer formellement leur accord. Les pères veulent peser sur ces choix. La question de la religion cristallise également des oppositions. Le JAF est ainsi amené à trancher sur des sujets qui auraient dans le passé été de fait considérés comme du domaine exclusif du parent « gardien ». Troisième observation : dans leur pratique quotidienne, les juges constatent l’existence de typologies de familles différentes. Une certaine prédominance des demandes « égalitaires » peut être observée, formulée par des pères cadres ou exerçant des professions indépendantes, qui bénéficient de modalités d’organisation de leur vie professionnelle plus souples même si elles sont plus contraignantes sur d’autres points. Mais il existe toujours des couples-parentaux inégalitaires. La France constitue en outre un pays de migrations et certaines familles se présentent à l’audience avec des fonctionnements parentaux sociologiques différents. Ces pères traditionnels se situent au cœur de nos grands ensembles et constituent des modèles qui s’expriment. Selon l’étude Infostat Justice janvier 2015, dans 80 % des cas, les décisions des JAF en faveur d’une résidence habituelle chez la mère reflètent l’accord des parties. Les conflits représentent donc une proportion relativement faible. Un certain consensus social privilégie toujours une résidence chez la mère, notamment lorsque les enfants sont petits, ce qui est le plus souvent le cas. C’est vraisemblablement la position de la majorité silencieuse même si par nature, contrairement aux minorités agissantes, elle reste taisante. Beaucoup de pères déclarent encore aujourd’hui ne pas pouvoir ou vouloir s’occuper seul des enfants au quotidien. Comment alors expliquer les

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crispations réelles mises en évidence par l’étude de l’UNAF ? Il faut, je crois, garder à l’esprit que le juge est saisi uniquement en période de crise, après l’échec des alternatives amiables. Le conflit vis-à-vis de la mère et la profondeur des liens constitue alors un cocktail explosif, que la chanson de D. Balavoine illustre bien (« c’est mon fils ma bataille, fallait pas qu’elle s’en aille, je vais tout casser, si vous touchez aux fruits de mes entrailles, fallait pas qu’elle s’en aille... »).

Les paternités à l’épreuve

Les JAF doivent composer avec trois difficultés : la séparation, le conflit et les violences conjugales. Ces dernières ne seront pas évoquées mais elles ne sont pas rares. Elles mettent les pères en cause et compliquent l’exercice des droits du parent. La deuxième difficulté, le conflit, qui est moins fréquent aujourd’hui mais reste toujours présent, est nourri de deux façons. D’une part, l’un des parents, celui qui a été quitté, trahi, ne peut s’empêcher parfois de « régler ses comptes » sous couvert de la question de l’intérêt de l’enfant. L’enfant est instrumentalisé de manière consciente ou non. D’autre part, dans certaines familles, il faut composer avec des visions extrêmement différentes de l’éducation des enfants et de l’exercice quotidien de l’autorité parentale. Dans ce contexte, la résidence alternée n’apparaît pas comme une panacée, car elle reflète, faute d’autre solution trouvée, un partage mathématique posant des difficultés pratiques considérables dans le cadre d’un égalitarisme poussé à l’extrême. Parfois, les parents ne sont d’accord sur rien sauf sur le fait qu’ils partageront tout. Par ailleurs, l’un des critères légaux et jurisprudentiels pour la mise en

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place d’une résidence alternée est une entente suffisante entre les parents pour des passages de bras dans de bonnes conditions. La troisième difficulté est la séparation, en ce qu’elle est l’échec d’un projet commun. Elle peut se cristalliser par des difficultés financières et des enjeux sur le logement familial. Ce sont les femmes, et donc les mères, qui sont le plus souvent à l’origine de la séparation. L’autre parent, et donc le père, est de fait un peu celui qui subit. La Justice revêt deux rôles. Elle doit tout d’abord imposer certaines solutions aux parents récalcitrants, dans le cadre de son rôle de glaive. Elle doit surtout contribuer à retisser le dialogue. Dans certains cas, le juge vient avaliser une solution que

« Les juges et les lois Ça m’fait pas peur C’est mon fils ma bataille Fallait pas qu’elle s’en aille Je vais tout casser Si vous touchez Au fruit de mes entrailles Fallait pas qu’elle s’en aille Bien sûr c’est elle qui l’a porté Et pourtant C’est moi qui lui construis sa vie Lentement Tout ce qu’elle peut dire sur moi N’est rien à côté du sourire qu’il me tend L’absence a des torts Que rien ne défend » « Mon fils ma bataille » – Daniel Balavoine (Paroles : Daniel Xavier/Marie Balavoine)

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beaucoup considèrent comme « de bon sens », mais qui a la particularité de ne pas recueillir l’accord d’une des parties. Ceci concerne notamment les « pères solos » évoqués dans l’étude, la mère victime de violences conjugales, le père à qui la mère annonce un déménagement rendant impossible le maintien de la résidence alternée, le père mis en cause sans fondement pour des négligences parentales voire des attouchements sexuels etc. Notre état de droit impose en toute circonstance un débat contradictoire. Il n’est pas si étonnant qu’à l’issue, celui qui ne veut rien entendre se sente malgré tout incompris, tandis que celui qui obtient satisfaction a l’impression que rien n’est allé de soi. Heureusement, la plupart du temps, le juge avec le concours des avocats constitue le tiers neutre qui parvient à apaiser les tensions. Il lui revient de rappeler que l’autre figure parentale ne doit pas être dénigrée. Il oriente les parties vers une médiation familiale, et cela marche ! En faire un préalable obligatoire est en cours d’expérimentation dans une dizaine de tribunaux. La médiation familiale permet d’aider les personnes en situation de séparation, à rétablir une communication afin de trouver des accords tenant compte des attentes et des besoins de chacun, et particulièrement ceux des enfants, dans un esprit de co-responsabilité parentale. Elle constitue un lieu de parole privilégié pour comprendre et apaiser

le conflit, instaurer une compréhension et une confiance mutuelle et dès lors, trouver des solutions concrètes, tant sur le plan de l’organisation familiale que sur le plan financier. Elle permet l’établissement d’un climat de coopération et de respect, par chaque parent, de la place de l’autre auprès de l’enfant. Si deux parents sont parvenus à mettre en œuvre une mesure de médiation et à trouver un accord, ils peuvent demander au JAF lors de l’audience d’homologuer l’écrit rédigé ou d’acter dans la décision les points d’accords partiels, ce qui donne à la solution qu’ils ont élaboré la force d’une décision de justice. En conclusion, j’espère avoir contribué à vous faire comprendre à quel point les JAF entendent, au quotidien, favoriser l’exercice en commun de l’autorité parentale. Leur action demeure méconnue parce que la justice ne pratique guère, dans ce domaine comme dans d’autres, de communication institutionnelle. Des visions plus polémiques s’emparent du sujet, s’exonérant à dessein, mais sans effet utile s’agissant du traitement de leur cas, des importantes contraintes du débat judiciaire. La véritable difficulté de la Justice est de faire face aux flux avec les moyens qui sont les siens, ce qui induit un certain stakhanovisme pour ne pas dégrader plus encore les délais, dans le contexte très contraint que nous connaissons. Pour autant, les JAF concourent fortement, par leurs décisions, à faire converger les points de vue et à faire prévaloir les bonnes pratiques, étant rappelé que selon la convention internationale des droits de l’enfant, « les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement ». Les pères séparés qui souhaitent s’impliquer davantage ont, dans ces conditions, vocation naturelle, dans l’intérêt de l’enfant, à se voir reconnu un rôle accru. l

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La place des pères quand la parentalité est précarisée Les transformations des familles contemporaines fragilisent-elles particulièrement la place des hommes en milieux précaires ? Comment les pères séparés et les beaux-pères peuvent-ils exercer leurs rôles parentaux ?

P

our traiter ces questions de recherche, j’ai enquêté pendant plusieurs années auprès de jeunes gens et de pères vivant dans trois cités sociales de l’ancien bassin minier du Hainaut belge (Mimosas, les Amazones et la cité du Phare ).

Ces hommes inventent leur parentalité à l’école de la vie

Mes discussions avec les hommes de ces cités m’ont été précieuses pour comprendre la fabrication intime de la paternité et de la beau-parentalité dans les zones de grande pauvreté. Leur propre paternité avait souvent évolué en fonction de la mouvance des liens familiaux qui caractérisent les familles contemporaines (séparations, recompositions, monoparentalité …). Elle était constamment refaçonnée par les transformations des conditions de vie dans les quartiers populaires : la précarisation du travail et l’embauche souterraine, la féminisation et la stigmatisation de l’habitat social, l’écart entre le taux d’allocation d’isolé et de cohabitant, les « primes à la solitude » prévues par le droit social, les tensions conjugales et la dégradation de l’image des hommes dans les parcs d’habitations … Ces hommes inventent leur parentalité à l’école de la vie. Ils sont en transition entre « l’ancien esprit » (du monde paysan ou industriel), distant, silencieux, autoritaire, et la paternité contemporaine, plus affective et relationnelle. La plupart de

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mes interlocuteurs ont eu des périodes d’évolution, de dépression et de désimplication. Ils se construisent par phases, à travers les ajustements éducatifs et les positions qu’ils expérimentent. Cette enquête montre que la place des hommes, pères ou beaux-pères, en couple ou « solo », est particulièrement fragilisée en milieux précaires. Mes interlocuteurs vivent de fortes tensions identitaires. Ils ne sont pas préparés aux fonctionnements sensibles et relationnels des paternités contemporaines. Ils inventent leurs rôles à partir de leurs expériences de vie, par ajustements successifs. Leurs récits montrent que l’identité de père ou de beau-père n’est jamais fixée. Elle se transforme, d’un enfant à l’autre, d’une étape à l’autre de l’existence, d’une situation familiale à une autre. Si certains pères se sont mis « à bouger » transformant lentement leurs relations avec leur femme et leurs enfants, leur nouvelle compagne et leurs beaux-enfants, beaucoup ont des phases de dépression et de désimplication. Dans les cités où j’ai enquêté, nombreux sont les hommes sans emploi déclaré, ce qui leur donne l’impression de ne pas pouvoir être ni des hommes, ni des pères à part entière. Certains se sentent coupables et fuient leur famille ; leur identité, maltraitée, se rigidifie. Les familles se transforment dans toute la société, les sépa-

rations et les recompositions se multiplient. Après les ruptures conjugales, beaucoup de pères ont l’impression que, sans la médiation de la mère, ils ne peuvent pas assumer de rôle paternel. Ils n’arrivent pas à être présents à l’enfant, à entrer en dialogue avec lui. Ils ont le sentiment que leur ex-femme a toutes les cartes de la parentalité en main, qu’elle « tient l’enfant ». Certains ont peu de savoir-faire sur la négociation co-parentale. Aussi les « problèmes de ménage » se soldentils souvent par une rupture de la relation des enfants avec leur père.

Pascale JAMOULLE Chargée de cours à l’Université de Mons (UMONS/CeRIS) et à l’Université de Louvain-laNeuve (UCL/LAAP), Belgique

Après séparation, les pères devraient pouvoir avoir accès à des logements qui leur permettent de recevoir leurs enfants

Cette enquête montre aussi la contre-productivité, pour la sphère familiale, de certaines mesures publiques. Les critères d’accès au logement social féminisent l’habitat social, où vivent toujours plus de femmes seules avec leurs enfants. Après les séparations, les pères des mondes populaires devraient pouvoir avoir accès à des logements à prix modérés qui leur permettent de recevoir leurs enfants, au même titre que les mères. Octroyer un logement social au parent qui a la garde, tandis que l’autre doit se contenter d’un studio sans chambre d’enfant, favorise la désimplication des pères. Notons que cette politique impliquerait une augmentation globale du

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parc d’habitations sociales déjà réclamée par de nombreux acteurs. Le droit social octroie « des primes à la solitude », fragili-

sant les couples, séparant les familles. L’écart entre les taux d’allocation « isolé » et « cohabitant » ainsi que les réajustements constants des loyers sociaux en fonction du revenu global du ménage créent des systèmes de domiciliations fictives dont seuls les propriétaires véreux bénéficient. Les pratiques des « boîtes aux lettres de domiciliation » donnent tout pouvoir aux femmes. Elles fragilisent la position des pères et beauxpères, déjà peu nombreux dans les parcs d’habitat social. Si à chaque membre qui s’ajoute à un groupe familial (adulte ou enfant) correspondait une augmentation de l’allocation d’aide sociale globale du groupe (selon le principe de l’allocation universelle), chaque individu apporterait sa quote-part au bien-être du groupe, ce qui favoriserait la reliance plutôt que l’éclatement des noyaux familiaux. Ces nouvelles dis-

positions pourraient faire sortir les pères et les beaux-pères de la clandestinité de résidence. Outre le gaspillage d’argent public, les domiciliations fictives ont des conséquences sur l’organisation interne des familles et leurs relations avec l’extérieur. Certaines ont une peur constante d’une invasion de leur vie privée. Ce qui altère leurs solidarités de voisinage et les éloigne des services d’aide. Cette étude montre aussi l’importance du travail collectif et communautaire dans les zones de précarité. Se rapprocher des parents, des mères, mais aussi des pères et des beaux-pères, établir une proximité avec eux et multiplier les espaces sociaux tiers, de dialogue, de médiation, de réflexion peut les aider à inventer leurs rôles parentaux quand les familles se transforment et évoluent. l

« Quand je suis allée taper aux portes en disant mes difficultés, pour payer mon loyer qui est cher, que j’ai beaucoup de trajet à faire et une pension alimentaire à payer, je n’ai jamais eu aucune aide, d’aucun service social. La situation sociale précaire des pères, elle n’existe pas. En tant qu’homme, on se dit qu’on peut se débrouiller, prendre un studio, au pire, aller travailler et dormir dans sa voiture… C’est peut-être caricatural, mais cela arrive souvent. C’est la base matérielle du problème, auxquelles viennent se greffer toutes les autres difficultés, psychologiques, relationnelles, affectives, l’isolement et la solitude ». Alexandre, père séparé d’une petite fille de 5 ans*.

à lire... « Des hommes sur le fil, la construction de l’identité masculine en milieux précaires. » (Paris, éd. La Découverte/Poche, 2008)

*/ Témoignage extrait de « Pères sur le fil », un film d’Hélène Davoudian

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Les pères face à la procréation médicalement assistée D’un point de vue médical, la Procréation médicalement assistée (PMA) est la première fois où l’avis des hommes leur est demandé avant de faire un enfant.

C

ela crée ainsi une égalité de positionnement, en particulier lorsqu’il s’agit d’embryons congelés. En effet, dans ce cas précis, une femme ne peut y avoir accès sans l’accord de son conjoint. L’homme doit également être présent au moment du transfert embryonnaire. Il y a, dès lors, une formulation de l’engagement masculin. Du fait du recours à la PMA, le père semble davantage pensé. La part masculine de l’infertilité n’est pas négligeable. Il faut éviter la culpabilité d’un des conjoints et parler plutôt de cumul de situation. Cependant, les techniques de FIV avec microinjection intracytoplasmique d’un spermatozoïde ou ICSI (Intra Cytoplasmic Sperm Injection), et injection intracytoplasmique de spermatozoïdes morphologiquement sélectionnés ou IMSI (Intra Cytoplasmic Morphological Sperm Injection), résolvent la plupart des problèmes masculins et la part du don de sperme s’avère assez faible, de l’ordre de 3 %. Les angoisses du père par rap-

port au parcours de PMA ne semblent pas majeures. Elles portent le plus souvent sur la congélation ou sur le risque de malformations de l’enfant à venir. L’homme pourrait ne pas verbaliser ses angoisses, du fait que la femme subisse la majeure partie du parcours de PMA. Ainsi, l’homme se met un peu en retrait pour la soutenir et ne semble pas vouloir rajouter à la difficulté de la prise en charge. Si le couple rencontre des difficultés, il est utile qu’il puisse bénéficier d’un soutien psychologique pour le couple, et chacun d’eux séparément. Les futurs pères sont dans une position d’accompagnement, même s’ils sont théoriquement à égalité avec leur compagne.

de résultat à un âge plus tardif. Chez les hommes, il y aurait une légère augmentation de certaines maladies liées à l’empreinte, qui sont soit du nanisme soit des hydrocéphalies ou d’autres malformations. Mais la fréquence est faible. Cependant, il peut être utile de souligner l’absence de grands-parents paternels pour cet enfant – à plus de 70 ans, habituellement un homme n’a plus de père –, et d’informer d’un risque légèrement supérieur de complications. Toutefois, il ne semble pas y avoir d’argument pour dire qu’il y a un âge limite à la PMA pour le père. En effet, la femme a également son désir et son choix. Il semble donc préférable de laisser le libre choix au couple.

Concernant l’âge du père, les centres de fécondation in vitro ont des positions extrêmement différentes : certains acceptent jusqu’à 55 ans, d’autres 60 ans, d’autres n’ont pas de limites d’âge. Chez les femmes, la nécessité de mettre un terme après 43 ans tient notamment à la chute de la fertilité. En effet, il n’y a pas

La PMA est une intrusion, une modification, une distanciation

En 2015, 24 839 enfants sont nés suite à une PMA soit 3,1 % des naissances. Soucre INSEE

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René FRYDMAN Gynécologue *Interview réalisée le 1er décembre 2015, retranscrite par Marie Schiaretti, Antonia Mezzacappa, Florence Gressier (Unité mère-bébé, service de psychiatrie d’adultes, chu de Bicêtre, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Le Kremlin-Bicêtre).

Article initialement publié in Glangeaud-Freudenthal NMC & Florence Gressier «Accueillir les pères en périnatalité» Cahier de la Société Marcé Francophone, Collection La vie de l’enfant (direction) S. Missonnier, Editions Eres, avril 2017.

*PMA : Procréation médicalement assistée

Le recueil de sperme peut poser un certain nombre de problèmes. Certains hommes ne vivent pas bien la masturbation, par exemple, le fait de devoir s’exciter devant un film ou une revue pour faire un enfant avec leur femme, alors que celle-ci n’est pas là. Il s’agit en effet d’une situation un peu séparée, un orgasme à part du projet qui les anime. Plusieurs hommes sont ainsi perturbés par ce type d’acte qu’ils doivent pratiquer. Il faut, si possible, et même si les locaux ne s’y prêtent pas toujours, favoriser le fait de laisser le couple ensemble. Certains hommes n’arriveront cependant pas à ce recueil, ce qui génèrera une culpabilité, surtout si la femme s’est fait ponctionner.

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Pour éviter cet écueil, il existe la possibilité de congeler des ovocytes. Il est également possible de congeler du sperme. Le vécu du père face à la PMA est très variable. Il est nécessaire d’être à l’écoute du père car la PMA est une intrusion, une modification, une distanciation… Chez certains hommes, la PMA ne suscite pas de problème majeur et les hommes continuent d’avoir une relation proche, tendre et sexuellement active avec leur compagne. Pour d’autres, la PMA met une distance dans le couple et s’avère plus complexe.

Pendant la période de PMA, les épreuves et les difficultés soudent les couples

Le couple doit se soutenir mutuellement et conjointement pendant le parcours de PMA. La question de la sexualité du couple doit également être abordée, notamment lors du premier entretien. Il est nécessaire de poser la question des rapports sexuels, afin de savoir s’ils sont déficients, incomplets… Tout peut arriver dans les parcours de PMA, que ce soit avec don ou pas. Pendant la période de PMA et les années qui suivent, les épreuves et les difficultés soudent les couples plutôt que le contraire. Le long parcours rapproche. Si cela éloigne le couple, la PMA n’a pas lieu. Certains hommes, après être restés long-

temps dans un registre d’attente, de projet, vont être déstabilisés par la venue de cet enfant. Quelques hommes vont ainsi s’en aller ou être repoussés par leur femme, mais cela est assez marginal. Dans la majorité des cas, les liens se renforcent. Le recours au don est un long cheminement. En cas de don de sperme ou de don d’ovocyte, la réflexion doit être favorisée. Il faut le plus souvent plus d’un an d’attente pour avoir accès au sperme d’un donneur. Il est important d’insister sur cette temporalité. Celle-ci permet le temps de la réflexion, afin d’éviter l’écueil des regrets par la suite. On est effectivement toujours confronté à la situation de la place du génétique et de la place de ce qui ne l’est pas, l’atteinte à la masculinité ou pas, la sexualité par rapport à l’infertilité. Un entretien psychologique peut également aider le couple.

Une fois que l’enfant est là, les craintes et les réticences disparaissent

Cependant, le plus souvent, lors d’un don de sperme, une fois que l’enfant est là, les craintes et les réticences disparaissent, du fait de l’échange qui se fait directement lors de la grossesse et de la venue au monde. Concernant la place des pères lors de la naissance, de nombreux changements ont eu lieu. En effet, lorsque j’ai débuté

mes études de médecine, les hommes ne pouvaient assister aux accouchements. Progressivement, les hommes ont pu être présents en salle de naissance. Cela a conduit à la présence systématique du père. Il fallait alors que les pères soient forcément présents lors de la naissance de l’enfant. Cela a pu les heurter, ou gêner les femmes n’ayant pas exprimé le souhait de la présence de leur conjoint. Aujourd’hui, l’équilibre doit être trouvé entre la présence du père à certains moments, et son absence à d’autres instants. En effet, un accouchement dure longtemps et le père n’est pas nécessairement continuellement présent. Au moment de la naissance, il est aussi souhaitable de prendre des précautions pour que l’homme soit du côté de la tête de sa compagne, et non du côté de son sexe, qui n’a pas la même connotation que le désir sexuel à ce moment-là. Ainsi, la naissance est un moment qui se déroule bien pour les pères, si l’équilibre nécessaire est trouvé. Certains hommes participent davantage que d’autres pendant la grossesse – le recours à l’haptonomie peut ici les aider, ou pendant l’accouchement – en poussant, par exemple, avec leur femme en miroir, ou en se mettant en position d’expulsion. Ainsi, à partir du moment où des possibilités un peu plus larges que la position classique allongée sont offertes, et où le désir des uns et des autres est entendu, beaucoup de choses sont possibles. Il y a toujours chez les pères une légère frustration, car la grossesse et la naissance ne sont pas vraiment vécues de l’intérieur. Cependant, le fait que les hommes assistent pour la plupart à la naissance, même lors d’une césarienne, leur donne le privilège d’être seuls à s’occuper du bébé dans les premiers instants. Que ce soit avec la PMA ou non, avec don ou sans, c’est finalement l’enfant qui naît qui fait de l’homme son père. l

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Congé paternité : quel effet sur la répartition du travail domestique et parental ? Les tâches domestiques et parentales produisent des biens et services qui contribuent au bien-être des membres du ménage, et au-delà. Il est dont important d’étudier le temps des pères et des mères dans la sphère privée, son évolution dans le temps, et les facteurs qui affectent sa répartition, notamment la prise du congé paternité.

L

es enquêtes Emploi du temps des instituts nationaux de statistiques permettent de mesurer la participation au travail domestique de la façon la plus objective possible. Elles reposent sur une méthodologie validée au niveau international. En France tous les 10 ans, l’INSEE mène une enquête au cours de laquelle plus de 15000 personnes remplissent un carnet dans lequel elles décrivent de façon précise, pour un jour donné, leurs activités par tranche de 10 minutes. L’enquête a lieu tout au long de l’année et tous les jours de la semaine et donne ainsi un temps moyen journalier pour chacune des activités pratiquées. Le temps domestique correspond à celui consacré aux activités domestiques (cuisine, linge, ménage, courses, etc.) et aux activités de semiloisir (bricolage, jardinage). Le temps parental est un temps actif des parents dédié aux enfants (nourrir, laver, suivi des devoirs, activités de jeu, transport, etc.). Seul le temps passé est mesuré. La charge mentale, relevant du registre de l’organisation, ne peut être ici mesurée. Au cours des 25 dernières années, la répartition des tâches au sein du couple est devenue moins inégale, principalement car les femmes ont considérablement réduit le temps consa-

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cré aux tâches domestiques. Elles y consacrent ainsi une heure de moins par jour en moyenne depuis le milieu des années 1980. C’est le temps de préparation des repas qui a le plus diminué. Pour les hommes, le temps passé au tâches domestiques est resté stable. Les femmes demeurant toujours les premières responsables de la bonne tenue de la maison, elles consacrent en moyenne chaque jour trois heures aux tâches domestiques, contre 1h45 pour les hommes ; près des deux-tiers du travail domestique restent assurés par elles. Le temps domestique des femmes augmente avec le nombre d’enfants dans le ménage. En revanche, plus le nombre d’enfants est élevé, moins le temps consacré par les hommes au travail domestique est important, révélant une spécialisation des tâches au sein du ménage. Les différences sexuées dans la nature des tâches effectuées se maintiennent : les femmes continuent à prendre davantage en charge les tâches répétitives et routinières, comme la cuisine, les lessives et le ménage quand les hommes exécutent plutôt des tâches occasionnelles pouvant être organisées en fonction des disponibilités comme le bricolage ou les courses. La progression de l’activité féminine et les changements des structures

familiales ont influencé ces évolutions. Mais ce sont surtout les changements de comportements, comme le recours à l’externalisation des tâches domestiques ou le relâchement des exigences en matière d’entretien domestique, qui expliquent ces évolutions.

Ariane PAILHÉ Économiste, INED D’après son intervention au colloque « La place des pères »

On observe une évolution plus contrastée du temps parental

Une évolution plus contrastée est observée pour le temps parental, lequel augmente pour les hommes comme pour les femmes, à l’instar des tendances observées dans l’ensemble des pays développés. Les pères d’enfants de moins de 14 ans consacrent en moyenne 54 minutes chaque jour de la semaine aux activités dédiés aux enfants, à peine plus longtemps le week-end (1 heures 05). En semaine, les pères passent plus de temps seuls avec les enfants (35 minutes) par rapport au week-end, où ce temps est partagé avec la mère. Le temps en présence des enfants, et non pas seulement celui dédié à s’occuper d’eux, est bien plus important. Chaque jour de semaine les pères passent ainsi 3 heures et demi avec leurs enfants, et 6 heures et demi le week-end, période pendant laquelle les activités familiales sont majoritaires.

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Les facteurs expliquant l’implication des pères s’avèrent multiples : du temps disponible de chacun des parents (dépendant des heures de travail, du type d’emploi, du type d’horaires, de la position sur le marché du travail), du nombre et de l’âge des enfants, des aides externes (publiques ou privées) ou encore de leur sentiment de compétence en tant que père. Dans les 25 dernières années, la progression du temps parental s’explique surtout par l’évolution des représentations quant au rôle des parents, et notamment des pères, avec une valorisation de ce rôle et le développement de la parentalité active. Certaines politiques publiques peuvent jouer un rôle sur ce temps privé consacré aux enfants. La principale politique publique française ciblant explicitement les hommes est le congé de paternité. Celui-ci, mis en place en 2002, vise à développer les tous premiers liens entre l’enfant et son père et ainsi à équilibrer le temps consacré aux enfants entre parents. Ce congé est rémunéré en fonction du salaire. Il dure 11 jours consécutifs pour une naissance simple (18 jours pour une naissance multiple) et peut être pris à la suite du congé de naissance obligatoire de trois jours, ou séparément, dans les quatre mois suivant la naissance. Sept pères sur dix prennent désormais le congé de paternité, ceux ayant un diplôme du supérieur plus fréquemment que ceux peu ou pas diplômés.

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Ceux qui en bénéficient sont plus souvent en emploi avec un contrat long ou permanent, travaillent plus souvent dans le secteur public que dans le privé, et ont des revenus plus élevés que les pères qui n’utilisent pas le congé. Le recours au congé est également nettement plus fréquent pour une première naissance. Les pères prennent généralement la totalité du congé, et dans les semaines suivant la naissance.

Lorsque les pères ont pris le congé, la répartition des tâches parentales est plus équilibrée

Nous avons étudié avec mes collègues Anne Solaz et Maxime Tô quel effet pouvait avoir ce congé sur la répartition des tâches domestiques et parentales au sein du couple. Nous avons mené cette recherche à partir des données de l’enquête Elfe (Etude longitudinale française depuis l’enfance), qui suit près de 18 000 enfants nés en 2011 depuis leur naissance. Comme les pères qui prennent le congé sont aussi ceux qui sont potentiellement les plus impliqués auprès de leur enfant, il est parfois difficile d’isoler l’effet propre du congé. Pour cela, nous avons comparé, parmi les pères ayant l’intention de prendre ce congé, ceux qui l’avaient déjà pris au moment de l’interview aux deux mois de l’enfant et ceux qui étaient sur le point de le prendre. Nous montrons que le congé paternité permet aux pères de réellement s’investir dans les tâches parentales dès les pre-

miers mois de l’enfant. Lorsque les pères ont pris le congé, la répartition des tâches parentales est plus équilibrée dans les cinq tâches suivantes : changer les couches, coucher l’enfant, donner le bain, se lever la nuit quand le bébé pleure ou l’emmener chez le médecin. Ce plus grand partage des activités parentales est particulièrement marqué pour une première naissance. Le type de tâche réalisée avec l’enfant varie aussi selon le niveau d’éducation. Ainsi lorsqu’ils prennent le congé de paternité, les pères non bacheliers vont davantage promener leur enfant alors que les diplômés du supérieur s’occupent davantage des nourrissons au moment du coucher ou l’emmènent plus souvent chez le médecin. Ces activités sont peut-être plus compatibles avec leurs horaires professionnels souvent étendus. La plus grande implication des pères observée à l’âge de deux mois se maintient aux deux ans de l’enfant. En revanche, on observe peu d’effet du congé paternité sur la répartition des autres tâches domestiques, preuve que les pères l’utilisent vraiment pour s’occuper avant tout de l’enfant. Le temps du congé apparaît donc comme une période d’apprentissage de compétences parentales. Le message public légitime en outre le fait que les pères accomplissent ces tâches. Il existe actuellement un débat sur l’allongement de la durée de ce congé, celui-ci étant jugé trop court pour être suffisamment efficace. Des études menées dans des pays où les congés paternité sont plus longs montrent que les effets sont plus importants. Le Premier Ministre a commandé un rapport à l’Inspection Générale des Affaires Sociales sur ce sujet. S’appuyant notamment sur les résultats de nos travaux, ce rapport remis en septembre dernier préconise de porter la durée du congé de paternité à 3 semaines et celle du congé de naissance à 5 jours. Le gouvernement devrait se prononcer prochainement. l

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Pratiques parentales des pères et norme sociale En complémentarité des données de cadrage sur les pratiques parentales présentées par Arianne Paillé, je vous propose une réflexion sur les normes sociales qui les façonnent.

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cet égard, l’observation des pratiques de pères dans une catégorie de situation atypique par rapport aux normes de genre dans la famille et au travail, peut constituer une entrée pertinente et la catégorie de population particulière que constituent les hommes en congé parental à temps partiel est intéressante à plusieurs titres. Ils recourent à un dispositif traditionnellement perçu par les femmes puisqu’elles représentent 96 % des bénéficiaires ; ils dérogent aux attentes professionnelles dévolues à leur sexe en adoptant un temps de travail inférieur à celui de la norme en vigueur, le travail à temps plein ; ils perçoivent un salaire en moyenne proche de celui de leur conjointe (Onpe, 2014). Enfin, pendant le temps de congé parental, ils sont censés passer régulièrement du temps en tête à tête avec leur enfant , alors que les pères assurent rarement seuls les tâches parentales (Lesnard 2003, Bustreel, 2005 ; Boyer Nicolas 2006). On peut donc penser qu’ils sont « porteurs » plus que les autres pères y compris les pères en congé parental à temps plein, de modèles et de représentations d’une division égalitaire des rôles parentaux. La réflexion proposée est issue d’une enquête que j’ai réalisée auprès de pères et de leurs conjointes, tous deux en congé parental à temps partiel. Engagés formellement dans un dispositif de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, ils sont susceptibles de

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témoigner de la manière dont ils composent au quotidien avec leur rôle imparti dans la sphère familiale et professionnelle. Quelles sont les expériences vécues et à quel idéal conjugal et parental se réfèrent-elles ? Durant le congé parental, la distribution des tâches ménagères et parentales a-t-elle évolué ? Les représentations qu’ils se font de leurs compétences paternelles ont-elles changé ? Sur quelles conduites les normes de genre continuent elles à agir ? Assiste-t-on à de nouvelles formes de rapport au travail et d’investissement familial ?

Enraciner un mode d’organisation conjugale et parentale égalitaire

Les explications les plus souvent avancées par ces pères pour rendre compte de leur implication dans la sphère familiale, mettent en exergue quelques-unes des normes qui agissent de manière contradictoire sur les conditions concrètes de leur engagement. Nous sommes en effet en présence de pères qui aspirent à passer du temps avec leur(s) enfant(s), à construire des relations affectives avec eux, à partager les charges domestiques avec leur conjointe. En ce sens, leur temps de congé parental leur permet de concrétiser leurs souhaits en enracinant un mode d’organisation conjugale considéré comme égalitaire et déjà rodé avant la naissance de l’enfant. De ces aspirations, il semble se dégager un nouveau modèle de paternité porteur du modèle de la conciliation entre

la vie familiale et professionnelle traditionnellement dévolu aux mères, et quelque peu résumé dans les propos suivants « Je pense que la mixité travail / temps pour les enfants est bien » (enseignant université, conjointe professeur du second degré, 1 enfant).

Danielle BOYER Ethnologue, CNAF D’après son intervention au colloque « La place des pères »

L’objectif n’est pas l’égalité, mais un refus des inégalités trop fortes

Pour autant, la participation équilibrée de ces hommes et des femmes à la vie familiale peine à se mettre en place. La disponibilité temporelle de ces pères n’aboutit pas à une répartition égalitaire des tâches. Pour ces couples, l’objectif n’est pas vraiment celui de l’égalité mais plutôt celle d’un refus des inégalités trop fortes (Kaufman, 1992). La satisfaction des 2 partenaires conjugaux y est de mise, mais ce dessein n’échappe pas à l’intériorisation des attentes normatives attachées à la paternité et à la maternité. Même lorsque leur conjoint est en congé parental à la maison, les conjointes, qui ont sans doute intériorisées des exigences plus élevées en terme de propreté, de rangement et d’idées de soins aux enfants (Chatot, 2014), leur laissent peu de marge de manœuvre. Elles continuent d’anticiper et de prévoir. Ce sont les conjointes qui le plus souvent orchestrent l’organisation de la vie de famille, en préparant les habits des enfants le matin, en faisant la liste des courses, et en gardant l’exclusivité de certaines taches comme donner le bain, etc.

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Partager, à défaut d’être à égalité L’extrait d’entretien suivant est éloquent (cf encadré). Monsieur V est en congé parental à temps partiel ainsi que sa conjointe. Leur temps de présence auprès de leur enfant est identique, répartie en début pour l’un et fin de semaine pour l’autre, ce qui laisse supposer une configuration propice à un partage égalitaire. Nous avons interrogé Monsieur et Madame V en même temps, afin de nous ajuster à leur demande sine qua non de répondre ensemble, puisque nous ont-ils dit « on a de toute façon les mêmes choses à dire ». A la plupart des questions posées, Madame V a répondu en premier, complétée ou pas par son conjoint. Pourtant d’accord sur l’idée qu’ils « partagent tout », leurs propos laissent non seulement

Extrait d’entretien avec Monsieur V., ouvrier spécialisé bâtiment et sa conjointe, ouvrière spécialisée usine de confection, 2 enfants âgés de 14 ans et 16 mois

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transparaitre que ce partage n’est pas effectif mais surtout qu’il se conforme à une vision socialement sexuée des taches. Leur fonctionnement est moins la recherche de l’égalité que celle du partage. Le rapprochement du premier verbatim de Madame, « on a toujours fait, ça, partager », avec le dernier de Monsieur V à propos de sa participation « ramasser la table, c’est tout » dévoile comment le modèle de l’égalité d’ailleurs exprimé que par Madame, ne s’est pas imposé dans la pratique décrite par Monsieur. L’extrait montre aussi que le modèle égalitaire renvoie pour ce couple à l’idée de « faire aussi » ou faire avec. Dans cet arrangement est mise en scène la réussite d’un idéal qui transcende les obstacles d’égalité : le partage. Valeur morale, il permet à chacun de s’impliquer dans la mesure de ses disponi-

bilités, d’en excuser les limites et de s’en satisfaire plus facilement. Nous voyons aussi combien le modèle intériorisé de la relation parentale, caractérisé par l’exclusivité maternelle, apparaît dans le discours de ce père, le conduisant à légitimer avec difficulté sa place. Pour lui comme pour l’ensemble des pères interrogés, faire, c’est partager, c’est faire aussi et c’est faire avec ; et très rarement seul. L’attribution consentie de leur rôle de suppléant à l’indisponibilité des conjointes sont saisissants. Tout se passe comme si les idéaux égalitaires de ces pères s’arrangent plus qu’ils ne s’opposent avec les attributs normatifs féminins et masculins. Nous serions donc en présence de pratiques qui composent plus qu’elles ne s’opposent avec les modèles normatifs. l

Madame : On a toujours fait ça, partager. Monsieur : Pour la grande, même qu’elle soit en nourrice, on a toujours fait ça. Madame : Toujours. L’enquêtrice : Vous avez été toujours un couple très égalitaire ? Madame : Oui oui. Enquêtrice : Donc vous faites les mêmes taches ? Vous partagez tout ? Monsieur : Euh… non je ne partage pas tout. Enquêtrice : Oui… Monsieur : Vis-à-vis de prendre le bain … Au niveau des soins quotidiens de ses narines son nez tout ca, je le fais bien... Mais … Madame (complice à l’enquêtrice) : Moins à l’aise. Monsieur : Je suis moins à l’aise, voilà … Au niveau du bain, je lui ferais pas prendre le bain. Enquêtrice : Ah oui, pourquoi ? Monsieur : Déjà pour l’avoir fait prendre le bain directement dans la baignoire, bon sur un petit siège … Mais c’est vrai que je ne suis pas à l’aise. Madame : Par contre, il aide parce que c’est vrai pour le rincer il faut toujours … Enquêtrice : Et en dehors du bain ? Monsieur : Non . Madame : Non parce que il l’emmène au docteur si moi je peux pas … Non, je ne vois pas après… Parce que quand moi je ne suis pas là, toi tu t’en occupes …. Non après il y a que l’histoire du bain… (...) Enquêtrice : Et les tâches ménagères ? Madame : Oh ben moi il y a du travail ….Des fois, il y a du linge à ramasser et à mettre en machine … Monsieur : Mettre une machine, étendre le linge… Enquêtrice : ah oui, vous faites... ? Monsieur : Je le fais mais … Madame : Mais il le fera pas de lui-même, il faut qu’on lui dise … Si je lui dis … Monsieur : Les tâches ménagères, c’est jamais moi … Ça moi le ménage, pfff… Madame : A part un coup de balai. Monsieur : On peut donner un coup de balai oui, euh le dégrossi, le dégrossi, sinon la vaisselle, je le fais. Madame : Maintenant on a le lave-vaisselle. Monsieur : Ramasser la table, c’est tout.

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Le congé parental à temps plein : des pères à part ? Les pères en congé parental représentent une minorité en France, et plus encore les pères qui prennent ce congé à temps plein. Pourtant, près de la moitié des pères disent être potentiellement intéressés par le dispositif 1.

A

partir de mon travail de recherche sur les pères en congé parental à temps plein, je vais exposer les facteurs, les conditions de possibilité ayant favorisé la prise du congé parental pour ces hommes. Cette enquête a été menée auprès de 38 pères en congé parental à temps plein, bénéficiaire d’une allocation de la Caisse d’Allocations Familiales et/ou du congé parental d’éducation. Les pères rencontrés appartiennent pour la majorité aux classes moyennes et supérieures (soit les catégories socioprofessionnelles cadres et professions intermédiaires).

Conditions subjectives à la prise de congé parental

La première condition subjective pour qu’un père prenne un congé parental est le fait de se sentir disponible pour prendre ce congé par rapport au travail. La plupart des hommes rencontrés expliquent que le travail qu’ils exerçaient avant de prendre leur congé n’était plus satisfaisant pour eux, soit en termes d’intérêt (lassitude, sentiment d’en avoir « fait le tour » ou emploi alimentaire), soit en raison de conflits avec l’employeur. Par exemple, un des pères rencontrés explique qu’après le rachat de son entreprise, les cadences se sont accrues considérablement et que son nouveau supérieur direct le contactait à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour lui assigner des tâches contrevenant parfois au code du travail. Epuisé, il manque d’avoir un accident de voiture.

Cet événement est l’élément déclencheur qui lui fait reconsidérer son investissement professionnel : il décide donc de prendre un congé parental pour reconstituer ses forces et passer plus de temps avec sa fille. Ce rapport distancié au travail des interrogés induit une disponibilité en tant que père. Ces pères se sont en outre avérés plus disponibles que leurs conjointes, actives professionnellement et occupant des emplois stables, souvent mieux rémunérés et/ou jugés incompatibles avec la prise d’un congé parental (poste à responsabilité, en indépendant, en période d’essai…). De même, certains pères expliquent que le travail est important pour leur conjointe et qu’elle n’envisageait pas d’arrêter. Par exemple, un des pères rencontrés explique qu’il suit sa conjointe sous-préfète dans ses affectations professionnelles : le congé parental n’a jamais été envisagé pour elle. A l’inverse, dans un tiers des couples rencontrés, la conjointe avait déjà pris un congé parental à temps plein pour un enfant plus âgé, ou dans la continuité du congé maternité : les pères rencontrés qui étaient dans ce cas de figure ont déclaré qu’ils avaient le sentiment que c’était « leur tour » de prendre un congé parental. Un troisième critère revient quasiment systématiquement : outre s’occuper de leurs enfants, les pères évoquent des projets (se mettre à la cuisine, construire une cabane dans le jardin, projets artistiques, reconversion

professionnelle, etc.) qu’ils espèrent réaliser pendant le congé. S’ils sont rarement présentés comme la raison principale de la prise du congé, le caractère systématique de ces projets » indiquent que les pères ne semblent s’être autorisés à prendre un congé qu’à condition de faire quelque chose de « productif » de leur temps. Néanmoins, ils reconnaissent souvent ne pas avoir eu le temps de les mener à bien, en raison du temps et de l’énergie qu’ils consacrent à leur(s) enfant(s).

Myriam CHATOT Doctorat en sociologue à l’EHESS, rattachée à l’IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux) et au CMH (Centre Maurice Halbwachs). D’après son intervention au colloque « La place des pères »

Sur le plan professionnel : des hommes qui peuvent se le permettre ?

Majoritairement, les pères occupent des emplois stables (CDI ou fonctionnaires) et sont éligibles au congé parental, à la fin duquel ils auront légalement la possibilité de reprendre le même emploi avec la même rémunération. Cette condition ne s’avère cependant pas suffisante. De fait, la majorité des pères rencontrés appartiennent aux classes moyennes et supérieures et ils sont salués par leur entourage (amical et professionnel) comme des « précurseurs ». Par exemple, un des pères rencontrés explique qu’un de ses supérieurs lui a déclaré qu’il « ouvr[ait] de nouvelles perspectives pour les hommes ». Ainsi, l’implication parentale de la part des pères est bien perçue… si elle est de courte durée (les pères cadres interrogés ont généralement pris un congé entre 3 à 6 mois).

1/ Govillot Stéphanie, 2013, « Après une naissance, un homme sur neuf réduit ou cesse son activité contre une femme sur deux », INSEE Première, n°1454.

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Cette image positive explique qu’ils se soient sentis autorisés à entreprendre cette démarche. Ces pères ont anticipé autant que possible les effets de ce congé parental. Leur hiérarchie a été prévenue en amont, ce congé coïncide avec la fin de projets. Toutes les précautions sont prises pour qu’il ne pèse pas sur les intérêts de l’entreprise (ou de leur service dans le cas des fonctionnaires), afin d’en augmenter l’acceptabilité. Cependant, ceux qui n’envisageaient pas de reprendre leur emploi prennent moins en compte ces effets sur l’employeur. À l’inverse, les pères appartenant aux classes populaires rapportent des retours plus mitigés, voire négatifs, de leur milieu professionnel, comme un des pères rencon-

trés (vendeur) qui estime que son employeur a vu son congé « comme un truc de fainéant et de fuite ». Notons d’ailleurs que de fait, tous les pères ne comptaient pas reprendre leur emploi à la fin du congé. Les pères les plus qualifiés déclarent avoir voulu profiter du congé pour faire des recherches d’emploi dans la même branche. Les moins qualifiés ont voulu profiter du congé pour acquérir des compétences qu’ils espèrent valoriser par la suite pour trouver un nouvel emploi ou pour mettre au point un congé professionnel. Par exemple, un des pères rencontrés explique qu’il compte démissionner de son emploi de policier pour devenir coach sportif, et se prépare en faisant

des entrainements tous les jours. En conclusion, je voudrais souligner que ma présentation n’échappe pas à l’écueil de réduire le phénomène à un choix et à des responsabilités individuels, en raison de l’impossibilité de remonter jusqu’aux entreprises. La discussion autour de la réforme de l’allocation du congé parental était teintée de ce présupposé. Or, le rôle des politiques publiques et des entreprises pour promouvoir et rendre ce congé parental acceptable doit être discuté. Il aurait été intéressant d’analyser les facteurs professionnels (culture professionnelle, métiers concernés, bienveillance hiérarchique envers une implication paternelle, etc.) dans l’acceptabilité ou l’inacceptabilité de prendre un congé parental quand on est un homme. Sur le plan subjectif, pour qu’un homme s’autorise à prendre un tel congé, un certain désinvestissement vis-à-vis du monde professionnel (en tous cas sur le plan du discours) semble nécessaire. Il est d’ailleurs possible que ce désengagement affiché par les pères interrogés soit une construction rétrospective ou une tactique inconsciente pour rendre la prise du congé parental par un homme plus « acceptable » aux yeux de l’enquêtrice (ou à leurs propres yeux). De plus, la mise en avant de « projets » par les pères signale la difficulté pour les hommes de dire qu’ils ont pris un congé « juste » pour s’occuper des enfants. l

« Papa, papa, en faisant cette chanson, Papa, papa, je r’deviens petit garçon, Et je t’entends sous l’orage User tout ton humour Pour redonner du courage A nos coeurs lourds. Papa, papa, il n’y eut pas entre nous, Papa, papa, de tendresse ou de mots doux, Pourtant on s’aimait, bien qu’on ne se l’avouât pas, Papa, papa, papa, papa. » « Maman, Papa » – Georges Brassens

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Pour une politique du temps des pères Pour une organisation comme l’UNAF, quel est l’enjeu du temps des pères ? Nous avons vu plus tôt une variété de points de vue, d’ordre éducatif, psychologique... Voici le point de vue économique.

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’enjeu économique du temps des pères se résume ainsi : davantage de pères à la maison et moins souvent au travail permettraient à davantage de mères de faire l’inverse et favoriserait la biactivité dans les couples avec enfant. Or, la biactivité est un levier clef pour réduire la pauvreté des familles. Deux revenus offrent des ressources plus importantes et plus stables pour faire face aux aléas de la vie. En outre, la biactivité permet, en moyenne, sur le long terme, à davantage de familles d’avoir le nombre d’enfant qu’elles souhaitent. La fécondité et la pauvreté des familles : voilà ce qui se joue derrière la question du temps des pères. Pour être à la hauteur de ces enjeux, les deux grandes exigences sont de mieux connaître le temps des pères, et lui donner une politique qui réponde à des objectifs concertés.

Davantage étudier le temps des pères et combler un déficit de recherche

Précisons d’abord que le temps, en général, est peu étudié. On ne mesure les emplois du temps que tous les 11 ou 12 ans. L’appareil statistique s’occupe beaucoup moins du temps que de l’argent. Mais le temps des pères en tant que tels, est encore moins étudié. En un sens, les chercheurs invités à cette tableronde représentent pratiquement l’ensemble des équipes de recherches qui s’y intéressent : nous les remercions. Il y aurait,

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pour l’UNAF, trois angles de recherche à développer : • Etudier le temps des pères dans son ensemble, et pas uniquement le temps parental ou le temps domestique, mais aussi le temps professionnel et physiologique. En effet, nous pensons que les pères sont impactés globalement par les naissances, c’est donc toute l’allocation du temps qu’il faut étudier. Il faudrait aussi connaître le sens que les pères donnent à ce temps, notamment professionnel : quand un père est chez son employeur, il reste père. • Approfondir l’étude des souspopulations : les pères ne sont pas un bloc monolithique. Dans 25 % des couples avec enfant(s), le temps parental du père dépasse celui de la mère : ces couples doivent devenir sujet d’étude à part entière. Idem pour le temps domestique : dans 25 % des couples avec ou sans enfant, l’homme accomplit davantage de travail domestique que la femme. Ce n’est pas une marge, mais une sous-population considérable. Les quelques dizaines de milliers de pères en congé parental ont été attentivement étudiés : nous devons aussi étudier, a fortiori, ces 1,75 millions de pères, nous interroger sur leurs emplois du temps, leurs manières de s’organiser, etc. • Replacer le temps des pères dans l’ensemble du jeu de contraintes qui pèse sur le couple. Il faut étudier l’impact global

sur le couple de cette charge temporelle et financière énorme et objective que sont les enfants. D’un point de vue économique, l’enfant coute très cher. Un enfant nécessité de l’argent, et surtout énormément de temps : disons 6 000 € par an 110 journées de travail ouvrés. Nous voudrions connaître la façon dont le couple dans son ensemble modifie son emploi du temps agrégé, comment les 48 heures dont il dispose chaque jour sont affectées, et si cela affecte ses finances. De manière qualitative, existe-t-il une négociation entre les parents, autour du partage de ce fardeau temporel et financier ? Pour le savoir, il faudrait pouvoir apparier l’enquête « emploi du temps » avec les données de revenus fiscaux et sociaux, par exemple.

Yvon SÉRIEYX Chargé de mission conciliation vie familiale-vie professionnelle à l’UNAF D’après son intervention au colloque « La place des pères »

Pour résumer, nous souhaiterions disposer de davantage de données et que davantage de chercheurs, économistes, sociologues, explorent ces données sur le temps des pères selon des angles nouveaux.

Vers une politique du temps des pères

Globalement, il n’existe aucune politique du temps des pères. Il y a des injonctions, des déplorations, mais pas de politique. Un contre-exemple parfait de politique du temps des pères est la réforme des congés parentaux de 2014. En France, il y a 10 ans, environ 30 % des naissances donnaient lieu, à un moment ou un autre, à la prise d’une indemnité pour congé parental. 96 % des personnes

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qui y avaient recours étaient des femmes, mais cela ne concernait jamais que 30 % des naissances.

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La réforme de la PrePare, indemnité qui était notamment utilisée dans le cadre de congés parentaux, a organisé le partage obligatoire d’un tiers de la durée d’indemnité, pour inciter les pères à y avoir recours. L’échec a été total : environ 3 000 familles, soit moins de 1 % des couples allocataires partagent aujourd’hui la prestation, soit entre 0,1 % à 0,4 % des naissances. Et pire, le petit nombre de pères qui y avaient recours a encore baissé. Mais même en cas de succès total, les deux tiers des pères n’avaient aucune chance d’être séduits par cette réforme, puisque moins d’une naissance sur trois donnait lieu à un congé parental en France. On a voulu s’inspirer de la Suède, qui a créé une période de congé non transférable entre les deux membres du couple, en obligeant au partage d’une indemnité qui ne concernait qu’une minorité de familles, en oubliant qu’en Suède, c’est 100 % des naissances qui donnent lieu à plus d’un an de congé parental.

Les joies du repas

*CSP : Catégorie socio-professionnelle

Et vu le niveau d’indemnisation en France, moins de 400 € par mois, cette réforme s’est adressé en priorité au mauvais public : des couples qui n’avaient que peu de latitude financière, et sans leur proposer aucune alternative. Le temps des pères, un sujet sérieux, a servi de prétexte à ce qui était en fait une opération d’économie budgétaire. Pour résumer, cette réforme cumulait : mauvais objectif, mauvais indicateur, sur le mauvais public, et sans aucune sincérité. Or, pour construire une politique du temps des pères, Il nous faut un bon objectif, un bon indicateur, bien définir nos publics, et être sincère Posons que l’objectif est de permettre aux pères de pouvoir passer davantage de temps avec leurs enfants, et plus généralement, de pouvoir s’investir davantage dans le temps domestique et parental. L’implication immédiate à l’échelon macroéconomique, c’est que le seul temps sur lequel les pères peuvent rogner est le temps de travail rémunéré. Il n’y a pas de réserve secrète de temps chez les pères qui leur permette à la fois de maintenir leur temps de travail rémunéré et d’augmenter leur travail non rémunéré. Le temps de travail total (domestique et rémunéré) des pères et des mères est globalement identique. Olivia Ekert Jaffé résumait la situation d’il y a 20 ans, déjà, en ces termes : « A partir de deux enfants, en même temps que les rôles masculins et féminins se différencient, les budgets temps deviennent très contraints, à part égale, pour les deux parents (il reste environ 12 h par jour de temps libre pour le père comme pour la mère de deux enfants de plus de 3 ans, et moins de 11 h si l’un d’eux a moins de 3 ans (….) Le cliché du mari qui regarde la télévision pendant que sa femme chargée d’enfants prépare le repas n’a plus cours en 1998, pour les

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couples avec deux temps plein. » Et parallèlement, le temps familial est globalement réduit en France. Au sein des pays développés, le temps parental total (hommes plus femmes) est en France l’un des plus bas. Seules la Belgique, l’Afrique du Sud et la Corée ont un total moindre. Il est irréaliste de vouloir encore réduire ce temps, au vu des énormes injonctions qui pèsent sur les parents, il parait difficile de réduire encore le temps que les parents passent avec leurs enfants. Or, depuis des années, les gouvernements successifs affichent l’objectif d’augmenter le taux d’emploi de tout le monde, pères comme mères. Si l’objectif que les hommes passent davantage de temps à s’occuper du foyer et des enfants doit coïncider avec le fait qu’il faille à la fois de préserver le temps que les enfants passent avec les parents ; et à la fois que le taux d’emploi et d’activité des pères s’agrandisse… Il n’y a pas le choix : il faut dégager du temps en réduisant le temps de travail rémunéré des pères.

Quelles implications pour la décision politique ?

Ces constats impliquent d’abord de parler d’argent : le père « type », en France, n’est pas un père en couple de cadres « CSP*++ » payé au forfait et vivant dans un grand centre urbain. Non, quand on pense au père ou à la mère « type » et au partage des tâches entre les deux, on ferait mieux de toujours avoir en tête un couple formé d’un ouvrier du bâtiment et d’une aide-soignante, avec deux enfants et peut être l’envie d’en avoir un troisième. Pour le père, qui gagne environ 10 € net de l’heure, travailler une heure de moins par jour pour son employeur pour pouvoir passer une heure de plus avec les enfants réduit ses revenus de 220 € par mois. C’est énorme. Beaucoup de foyers n’ont ni la

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Temps parental avec les enfants par pays Temps parental avec les enfants par pays - En minutes jour, 2013 ou dernière année disponible En minutes par jour,par 2013 ou dernière année disponible Soins, surveillance (mères)

Devoirs, lecture, jeux (mères)

Soins, surveillance (pères)

Devoirs, lecture, jeux (pères)

300 250 200 150 100 50 0

(Source : OECD 1)

marge de manœuvre financière ni les conditions de travail permettant une telle souplesse. Si les pères passaient moins de temps au travail rémunéré, cela veut dire que mécaniquement, à aide constante, les mères auraient à compenser cette perte de revenu en allongeant leur durée de travail rémunéré. Pour modifier le temps des pères tout au long de la vie de la famille, il faudra donc : • Parler d’argent : pour beaucoup de familles, le temps parental c’est de l’argent, et l’argent c’est du temps. Les allocations familiales sont déjà un dispositif de conciliation vie familiale vie professionnelle, car 130 E d’allocations par mois représentent pour un père la possibilité de travailler une heure de moins par jour la moitié du mois. • Prendre acte du fait qu’il n’y a que 24 heures dans un jour, et que pour la plupart des familles, travailler moins c’est gagner moins. • Changer les pratiques managériales de l’ensemble des métiers, pour permettre d’importantes réductions globales du temps de travail d’un nombre important de pères.

• Bâtir sur l’existant : s’adresser en priorité aux aspirations et mécontentements existants et exprimés par les pères : ils ne sont pas ceux des années 50. Une majorité d’entre eux aimerait, par exemple, pouvoir prendre un congé parental. Il faut les écouter et les prendre au mot. Si l’on admet ces prémisses, commencent à se dessiner de meilleures politiques. Globalement, la proposition de directive de la Commission européenne, présentée l’année dernière, est assez exemplaire car elle tient compte de l’argent des familles et du temps des pères, en demandant notamment une indemnisation élevée du congé parental. La Commission européenne recommande qu’elle soit à la hauteur des indemnités journalières de maladie. Il faut toutefois lever deux grands obstacles : • Le temps domestique et parental, à l’échelon des politiques publiques, n’est pas valorisé : il n’apparait pas dans le PIB. L’importance de ce temps est malheureusement niée. Tous les gouvernements sont d’accord pour développer l’activité professionnelle

des mères, mais réduire celle des pères pour qu’ils puissent augmenter leur temps parental et domestique est un quasi scandale aux yeux d’autres forces de la société civile. Il n’y a pas encore eu de débat en France sur le temps de travail rémunéré des pères, à la différence d’autres pays, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas... • Comment faire évoluer les modes d’organisation productive pour qu’ils permettent à une proportion croissante d’actifs de réduire leur temps de travail marchand pour une période de leur cycle de vie ?

Quelques premières pistes pour le temps des pères

• Un congé parental mieux rémunéré, pour prendre acte du fait qu’il s’agit d’une question d’argent, et d’argent du couple, pas d’argent du père. La période de la petite enfance est capitale. • Une négociation obligatoire sur la conciliation vie familiale-vie professionnelle. • Communiquer, informer officiellement les pères de leurs droits, car il est probable qu’ils les connaissent mal. l

1/ https://read.oecd-ilibrary.org/economics/how-s-life-2015_how_life-2015-en#page173

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Entreprise : vers de nouvelles normes pour plus d’égalité L’Observatoire de la responsabilité sociale de l’entreprise (Orse) étudie les pratiques RSE dans l’entreprise depuis 18 ans. Le but est que la RSE constitue un outil de transformation et de changement à l’intérieur du corps social qu’est l’entreprise.

Hélène VALADE Présidente de l’Orse D’après son intervention au colloque « La place des pères »

*RSE : Responsabilité sociale de l’entreprise

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J

’ai la conviction profonde que l’entreprise n’est pas simplement animée par un objectif de profit dont le seul interlocuteur serait l’actionnaire, mais qu’elle participe aussi à l’intérêt général et s’adresse à l’ensemble des parties prenantes. À ce titre, peut être cité tout ce qui relève des politiques de diversité au sein de l’entreprise. Des fédérations professionnelles et organisations syndicales ainsi que plusieurs associations sont représentés au sein de l’Orse, ce qui a permis d’avancer sur plusieurs guides, notamment sur l’égalité professionnelle hommes/ femmes.

est particulièrement vive dans la catégorie des 18-30 ans. De plus, les réponses des hommes et des femmes s’avèrent plutôt similaires. Les vraies distinctions dans les réponses des femmes se concrétisent dans les questions portant sur ce qu’elles pensent que leurs collègues hommes pensent des dispositifs de conciliation dans l’entreprise et ce qu’elles pensent que leur conjoint en pense. Elles estiment l’avis de leurs collègues plus négatif que ce qu’il est vraiment, alors qu’elles se rapprochent des réponses données de manière globale par les hommes lorsqu’elles évoquent le cas de leur conjoint.

Dernièrement, une enquête a été administrée à nos membres, qui l’ont fait cascader dans les entreprises, issues des secteurs public comme privé et animées par la RSE*. Si l’échantillon n’est pas représentatif stricto sensu, près de 6 000 participants ont répondu et ont permis d’analyser les résultats en fonction de critères sociodémographiques, dont celui du genre. 41 % des répondants sont des hommes, montrant que les hommes ont besoin de parler de l’ensemble de ces questions de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Parmi eux, 48 % des hommes ne se disent pas satisfaits du temps qu’ils consacrent à leur famille. Ils souhaitent notamment que les congés parentaux et les temps partiels au sein de l’entreprise les ciblent davantage. Cette forte attente des hommes

L’égalité passera par l’appropriation par les hommes d’autre organisation du temps

L’enquête a également montré une appétence pour certaines modalités s’exprimant de différente manière. 90 % des 18-30 ans souhaitent prendre un congé paternité. 85 % estiment que sa durée devrait être allongée. 92 % des hommes trouvent que les horaires plus flexibles dans les cas de résidences alternées sont un bon dispositif. Malgré cette insatisfaction, des freins perdurent. Au-delà des stéréotypes, la crainte de l’impact sur la rémunération et sur la carrière est renforcée, par l’expérience négative

EN SAVOIR

d’absences sur de plus longues durées (comme le temps partiel ou le congé parental d’éducation) qu’eux ou leur conjointe ont vécue. Les processus RH au sein de l’entreprise, structurellement liés à une époque où les questions de prise de ces congés par les pères ne se posaient pas encore, doivent être revisités à l’aulne des nouvelles aspirations des hommes. À la lumière de ces enseignements, les entreprises réagissent. Jusqu’à présent, les politiques d’égalité professionnelle hommes/femmes avaient les femmes comme seules interlocutrices. Nous parvenons à la fin de ce cycle, qui aboutit à certains résultats positifs pour les femmes, même si les efforts doivent être poursuivis. Il est désormais temps de tenir un autre discours pour atteindre et embarquer les hommes. L’égalité passera par l’appropriation par les hommes d’autres modalités d’organisation du temps. Des entreprises s’avèrent pionnières. L’Oréal, par exemple, a instauré un standard mondial dans l’ensemble de ses filiales (nombre minimum de jours de congés maternité et paternité, maintien du salaire, reprise du travail à poste équivalent). Cette norme imposée casse les stéréotypes. D’autres entreprises réfléchissent à une plus grande flexibilité (télétravail, systèmes d’organisation). l

+

Les résultats complets de l’Enquête nationale sur la parentalité et les hommes en entreprise sont disponibles sur le site de l’Orse : www.orse.org

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Aux côtés des familles Partout en France, les UDAF et associations familiales agissent pour répondre aux besoins de pères et des familles. Leurs initiatives couvrent de nombreux champs : prévention des ruptures et maintien des liens familiaux, soutien à la parentalité et groupes de paroles, conseil conjugal et familial, accompagnement de pères veufs… Tour d’horizon de la diversité des actions du mouvement familial, pour soutenir les pères et toute la famille.

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Le transport des familles de détenus 02 www.udaf02.fr

Le Centre Pénitentiaire de Laon est une prison réservée aux hommes donc aux pères de famille. Le but du transport des familles de détenus, organisé par l’UDAF de l’Aisne, est de maintenir les liens familiaux pendant l’incarcération du père en facilitant les visites des familles et notamment des enfants grâce à la navette.

E

lle permet de favoriser la réinsertion du détenu grâce au maintien des liens familiaux et participe à la lutte contre son exclusion et de ce fait aide à l’insertion. Nous soutenons également les familles pendant l’incarcération du père grâce à l’intervention, deux fois par mois, d’une psychothérapeute dans la navette, durant le trajet pour se rendre au centre pénitentiaire. Cela leur permet de comprendre plus facilement le comportement de la personne détenue qui souvent répercute son vécu et les difficultés de son incarcération à ses proches. Il est difficile aux familles de détenus de se rendre au centre pénitentiaire de Laon. Celui-ci est excentré et mal desservi. Les horaires des parloirs ne correspondent pas aux transports en commun. Le coût du transport, bus et train, est élevé. Les familles ne peuvent se rendre aux parloirs par manque de moyens financiers et tout le monde en pâti. Un ramassage est fait au niveau des villes de Saint Quentin, La Fère, Tergnier, Chauny à un coût attractif 5 € A/R par personne, 2 € A/R par enfant sans oublier les villes limitrophes du Nord, du Pas de Calais, de l’Oise et de la Somme (exemple des personnes sont prises en charge à Chauny venant de Noyon ou Compiègne).

En 2017, les familles ont utilisé ce transport 769 fois dont 169 fois par des enfants pour rencontrer leur père. A ce jour, pour 2018, nous avons transporté 640 familles dont 208 enfants.

Nous constatons un grand besoin d’écoute, en même temps qu’une grande détresse, en lien avec la précarité de leur situation. Les mamans parlent librement de leurs difficultés. Pour la plupart, elles partagent la même « galère », et se montrent solidaires et respectueuses les unes des autres. Elles ont beaucoup d’énergie dans leur lutte pour porter à bout de bras l’éducation de leurs enfants, eux-mêmes parfois en difficultés scolaires ou d’intégration sociale (absence de formation, chômage, etc.) Elles se libèrent du poids de leurs pressions éducatives. Elles veulent prouver à leurs conjoints qu’elles se débrouillent, tout en se montrant parfois tristes que ceux-ci ne parviennent pas toujours à entendre et comprendre ce qui se passe « dehors ». Les pères ont peur que les enfants les oublient, voudraient qu’ils viennent plus souvent en oubliant parfois les réalités de l’école ou d’autres réalités : le jeune âge des enfants, l’épreuve du parloir...

L’intervention d’une psychothérapeute a pour objectifs : • La valorisation des fonctions éducatives, dans un contexte d’isolement notamment des épouses et compagnes de détenus, assumant, seules, la responsabilité éducative de leurs enfants.

Cette navette est un lieu essentiel pour les familles et pour les enfants. Elle est indispensable et leur offre une opportunité de garder du lien entre conjoints, entre les parents et leurs enfants, et au final, de faire exister la famille, dans un contexte très particulier. l

La navette est mise en place les lundis, mardis, mercredis, vendredis et samedis après-midi et est conduite par un chauffeur-accompagnateur, salarié de l’UDAF de l’Aisne.

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• L’accompagnement des mamans dans leurs réalités éducatives quotidiennes en faisant exister le papa, absent, ayant contrevenu à la loi, donc occupant une place particulière dans la relation parentale. • D’où le travail de repères à initier, à savoir préserver ou restaurer l’autorité paternelle : le père a eu un comportement délictueux pour lequel il purge sa peine, et pour autant il reste père. Le risque est entre autre un déficit d’autorité du père, et une survalorisation de l’autorité maternelle ou au contraire l’absence d’autorité maternelle, ou encore une idéalisation du père « hors-la-loi », cette responsabilité non choisie venant s’ajouter à la nécessité de faire face à toute l’organisation de la vie courante.

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Et les pères ! L’association Et les pères !, apolitique et aconfessionnelle, avec le Centre Social J. Brel de Port-de-Bouc comme partenaire fondateur, membre de l’UDAF 13, a pour vocation de favoriser l’implication éducative des pères, notamment dans les quartiers populaires. Ses membres fondateurs, Abobékrine DIOP et Pascal CREMER, ont apporté leur témoignage lors du colloque sur « la place des pères ». Abobikrine DIOP

L’initiative Et les pères ! a débuté de manière empirique au sein du centre social où une réflexion s’est engagée sur la place des père dans une France qui parait traditionnelle, ancienne. On parle d’un seul père et d’une seule mère. Pourtant, les transformations sociétales bouleversent ce modèle et s’avèrent plus aiguës dans les milieux populaires. Si dans les milieux bourgeois, la parentalité peut être déléguée, elle peut, dans les milieux populaires, souffrir d’une forme d’emprise et de confiscation des travailleurs sociaux sur les normes d’éducation et les besoins des enfants. Les parents ne démissionnent pas mais leur autorité, leur fonction et leur transmission éprouvent des résistances de la part des milieux scolaires et sociaux qui tentent d’orienter et de modifier leurs regards parentaux à travers diverses initiatives dans le cadre des politiques publiques, pour qu’ils changent de cap, d’orientation. Lors de migrations depuis un territoire au-delà de la Méditerranée jusqu’en France, les parents arrivent avec leurs modèles d’éducation. Ils doivent, en peu de temps, se déshabiller d’un costume. Ils sont mal à l’aise. Voilà quelques jours, j’ai accompagné à la maternelle un enfant d’origine cambodgienne, nouvellement arrivé en France, qui s’appelait Ahi. Or, l’enseignante ne le connaît que sous le nom de François car le père s’est senti forcé de franciser le nom. Cet enfant, à deux ans et demi, voit sa filiation perturbée. La fonction paternelle l’est inévitablement aussi, puisqu’il ne porte pas le même nom à la maison et à l’école.

Pascal CREMER

Nous travaillons en effet depuis neuf ans en tandem fructueux pour lancer et entretenir cette action en milieu d’habitat social. Abobikrine DIOP, directeur de centre social, a été un tremplin important pour ce projet. Je viens du milieu HLM et bailleur social, où j’étais responsable d’un service Médiation, développement urbain et amélioration du cadre de vie. En 2008-2009, nous avons tenté d’inverser la réflexion, en affirmant que l’amélioration de la vie d’un quartier passait par un travail au cœur de la cité, au sein de la famille, portant donc sur l’absence du père, absolument criante. Les lieux de socialisation ne s’adressaient qu’à la mère, agissant avec le père comme s’il était absent. Dans ces cités, le père était absent et malheureux de l’être.

www.udaf13.fr Abobikrine DIOP Directeur du centre social Jacques Brel et cofondateur de l’association « Et les pères ! ». Pascal CREMER Cofondateur de l’association « Et les pères ! ».

Texte d’après les témoignages de l’association lors du colloque « La place des pères »

Des groupes de parole ont ainsi pris naissance, encadrés par des pédopsychiatres. Une trentaine de pères se sont réunis pour échanger sur leurs difficultés, répondant à une urgence et à une nécessité d’agir. Ces groupes de paroles ont progressivement été complétés par des actions et des activités concrètes. Des échanges se sont tenus, y compris avec les mères qui se posaient beaucoup de questions. Elles ont été convain-

Ces questions de la migration et leur impact sur le vivre ensemble doivent être prises en compte. Elles ne relèvent pas du folklore, et s’avèrent bien ancrées dans les transformations sociétales. Un groupe de pères, multiculturels et intergénérationnels, a été constitué. Grâce aux expériences des uns et des autres, cette association a pu montrer les compétences sur le terrain des parents, qui sont loin d’être démissionnaires au sein des territoires dans lesquels nous sommes déployés.

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cues, assez facilement, de l’utilité de cette démarche, qui n’allait aucunement à l’encontre de la mère. Il s’agissait surtout de la part des pères d’un témoignage important. Les pères souhaitaient affirmer leur présence pour améliorer les liens dans le quartier et être présents auprès des enfants, pas forcément les leurs. Rapidement, une véritable amélioration a été observée, avec un lien à renouer, à réparer, pas seulement dans le quartier mais chez les hommes, les individus et dans les familles. Les parcours de ces personnes sont marqués par de nombreuses ruptures, par rapport aux origines mais aussi sociologiques et individuelles. Notre travail revêt ainsi l’aspect du développement personnel. l

Apolitique et aconfessionnelle, avec le Centre Social J. Brel de Port-de-Bouc comme partenaire fondateur, l’association Et les pères ! a été créée en juillet 2014. Association Et les pères ! 590 chemin de l’Olivette 13 100 Aix en Provence www.etlesperes.org contact@etlesperes.org Jean-Luc Folliot : 06 44 91 88 36 Mima Debache : 06 63 61 13 16

Son objet est de : • Favoriser l’implication éducative de pères, notamment dans des quartiers populaires. • Valoriser les actions et recherches réalisées sur la fonction éducative des pères. • Fédérer les acteurs de ces démarches. • Mobiliser des partenaires, financiers notamment, autour de cet enjeu de société. Ses actions : • Centre de ressources documentaires sur la fonction paternelle. • Rencontres et moyens de sensibilisation sur la place des pères, en étant référent à ce titre du Réseau Parents 13 et membre de l’UDAF 13. • Coordination d’un projet inter-partenaires (bailleurs, centres sociaux, Etat, collectivités,...), dénommé Papa Boom et visant à développer en 2017-18-19 des initiatives avec des papas dans des Quartiers Prioritaires de la Ville, à Marseille et Vitrolles.

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Espace rencontre et retour d’expérience des pères incarcérés L’UDAF de la Corrèze administre l’espace rencontre « le lien » depuis vingt ans. Parmi les bénéficiaires de ce dispositif, ce sont principalement des pères qui se trouvent être, « parents visiteurs » selon la terminologie spécifique, et quasi uniquement dans un cadre judiciarisé. Cela signifie qu’ils exercent leur droit de visite en lieu neutre et accompagné uniquement.

L

a place de ces pères est alors spécifique au sein de la famille. Ce père est ainsi considéré comme « défaillant » quant à l’exercice de ces fonctions parentales et il se voit privé du droit d’hébergement de l’enfant, et restreint dans ses droits de visites. Comment trouve-t-il alors sa place dans la famille ? Certains psychanalystes tels que Françoise Dolto démontraient que la permanence et la fréquence des échanges avec l’enfant créent et inscrivent la relation de filiation élective entre un parent et son enfant. Elle insiste sur la quantité des échanges qui aura plus d’impact sur cette relation que la qualité. Ainsi, comment ces pères, dont la relation présentielle est organisée par le magistrat peuvent-ils occuper leur place de père avec leur enfant ? Au sein de l’espace rencontre, les accueillants échangent alors avec le « parent hébergeant » pour que les temps entre chaque rencontre, soient tout de même marqués de la présence symbolique de celui-ci. Il faut parler de lui, identifier les prochaines échéances des visites… Les situations accueillies sont empreintes de difficultés particulières, d’un vécu du couple parental souvent compliqué et donc, pour ce parent hébergeant, d’une capacité à faire exister le père tronquée. Réinscrire l’enfant dans son histoire, dans sa famille reste un objectif fort des espaces rencontre, qui questionne alors pleinement la place accordée au père et positionne alors ces dispositifs pleinement dans l’axe du soutien à la parentalité. D’autres expériences réalisées au sein du milieu carcéral, nous amènent à questionner la place du père. Sur le territoire de la Corrèze un centre de détention ainsi qu’une maison d’arrêt proposent environ 600 places pour homme. Qu’en est-il de leur fonction parentale durant ce temps d’incarcération ? Ont-ils des liens

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avec leurs enfants ? Connaissent-ils leurs droits parentaux durant l’incarcération ? Ce sont ces questions qui nous ont amené à proposer deux actions complémentaires : une action d’information collective au sein de la maison d’arrêt, proposant un contenu règlementaire sur l’exercice de l’autorité parentale malgré l’incarcération ; et une deuxième action de groupes de paroles pour pères incarcérés dont la fin de peine est proche. Ces actions permettent dans un premier temps aux pères de faire valoir leur droit à l’exercice de l’autorité parentale dans les domaines notamment de la santé, l’éducation, la formation, l’orientation religieuse ou philosophique pour lesquels le parent non détenu devra solliciter, préalablement, l’accord de l’autre parent. Cela permet à l’enfant et à la famille de laisser une place bien identifiée au père malgré son incarcération, en l’inscrivant dans toutes les prises de décisions importantes pour l’enfant. Durant les groupes de paroles, la place du père est travaillée sous trois axes : celle avant l’incarcération, celle pendant et celle après. Ces réflexions, et échanges de groupe, leur permettent de retrouver une légitimité dans leur place de père, durant ce temps de l’emprisonnement et de pouvoir redéfinir leur place à venir lorsqu’ils seront de retour en famille. Ainsi à travers ces trois espaces, l’UDAF de la Corrèze accompagne la place du père dans différentes situations tout en gardant comme objectif, la construction de l’enfant avec la représentation paternelle suffisante à son développement social et psychique. l

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Conférence départementale : la place des pères « Les pères d’aujourd’hui se différencient de leurs aînés. Ils se montrent plus impliqués que ce soit en termes de temps ou envers des responsabilités nouvelles, beaucoup plus centrées sur la communication et l’affectivité. » www.udaf31.fr

« Cette paternité demande à être mieux reconnue par la société dans son ensemble. C’est pourquoi l’UDAF de la Haute-Garonne a proposé une conférence sur le sujet, qui a réuni de nombreux élus, professionnels et représentants associatifs. ». Régis Léonard, Président de l’UDAF.

Les pères de la Haute-Garonne en quelques chiffres

• 21 % des pères ont des difficultés pour effectuer les actes quotidiens (coucher, repas, toilette, loisirs…), • 13 % des pères ont pris un temps partiel pour s’occuper de leurs enfants, • 50 % des pères regrettent de ne pas avoir assez de temps à partager avec leurs enfants, en raison principalement de contraintes professionnelles, • 31 % des pères agissent totalement différemment de leur propre père (disponibilité, présence au quotidien, communication...).

Un bon père, c’est...

Etre disponible

et présent pour

ses enfants

Faire preuve d’écoute,

d’attention et de compréhension

S’impliquer

au quotidien !

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Les mesures de la CAF en faveur des pères (administrateur CAF)

Plusieurs mesures s’adressent spécifiquement aux pères ou peuvent être leur être destinées, selon le choix de chaque famille : • Droit à 11 jours de congés consécutifs, en plus des 3 jours d’absence autorisés prévus dans le Code du travail, pour la naissance d’un enfant (18 jours pour une naissance multiple) • Perception des prestations familiales si le père a la garde des enfants • Partage des allocations familiales, avec l’autre parent, en cas de garde alternée • Congé parental • Transfert du congé maternité et de sa rémunération en cas de décès de la mère • Majoration retraite, jusqu’alors réservée aux mères, pouvant être attribuée également aux pères

Regard croisé sur les pères (juriste et intervenante psychosociale de la Maison des Droits des Enfants et des Jeunes)

Sur le plan législatif, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes vise à renforcer la place des pères auprès des enfants. Outre le partage du congé parental, cette loi permet au conjoint de se rendre disponible, sur son temps de travail, pour participer à 3 des 7 rendez-vous obligatoires pendant la grossesse. Le conjoint est également protégé pendant les 4 semaines qui suivent la naissance. Une avancée législative qui devrait favoriser les changements de représentations au niveau professionnel, et plus généralement au niveau de la société. Dans les faits, les pères s’investissent plus mais se pose le problème de la place qui leur est donnée. Ainsi, 46 % des pères ne seraient pas intéressés par le congé parental par peur des conséquences sur leur travail (perte d’emploi, rétrogradation…). En cas de séparation, 71 % des enfants ont la résidence principale chez leur mère, 12 % chez leur père et 17 % sont en résidence alternée. D’après les constats auprès des enfants reçus à la Maison des Droits des Enfants et des Jeunes, dans le cadre de séparation, les ruptures pèresenfants tendent à diminuer (24 % en 1994 contre 13 % en 2015). Cependant, plus l’enfant est jeune au moment de la séparation et/ou plus le père est en situation de précarité, moins l’enfant le fréquente. l

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Parce que tout enfant a droit à ses deux parents L’UDAF 67 a choisi de présenter l’action de l’association SOS Papa en Alsace Lorraine, qui a pour objectif d’être à l’écoute des parents exclus après un divorce ou une séparation. L’association collecte une expérience pour restituer des solutions concrètes aux personnes qui vivraient de telles situations difficiles.

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ans la région Alsace-Lorraine, une permanence a lieu tous les 1ers mercredis du mois, à partir de 17h30 à Strasbourg, pour proposer un entretien d’environ 45 minutes pour environ 3 adhérents. Si les cas ne peuvent se résumer, des pères en détresse sont accueillis sans aucun jugement et avec une pleine écoute.

la vie, tant la souffrance est insoutenable. Elle mène les combats, relaye les messages auprès des parlementaires, pour que les lois et les mentalités en général changent à l’égard des pères et pour permettre aux enfants de vivre le plus sereinement possible une rupture de ses parents. l

www.udaf67.fr

Lire aussi « La place des pères... divorcés », page 72

Il peut s’agir d’un père en conflit avec ses beauxparents qui vivent à l’autre bout de la France et qui réclament de s’occuper de l’enfant mineur à plein temps depuis le décès de la mère. Un fléchage vers un organisme de médiation familiale a été conseillé, avant de risquer un durcissement du conflit par voie judiciaire. Que dire des parents qui craignent ou vivent un éloignement géographique avec leurs enfants suite à un déménagement imposé par l’autre parent ? Ceux qui subissent un harcèlement moral par des remarques blessantes et répétées, des accusations fallacieuses, voire des violences physiques dès lors qu’ils vont chercher leurs enfants ? D’une manière générale, les entretiens permettent notamment de : • disposer de contacts professionnels (associations d’aide aux victimes, médiateurs familiaux, avocats, etc.) ; • mieux comprendre les actions à mener et les réseaux à activer en cas de conflit parental ; • avoir une écoute attentive et expérimentée pour tenter d’endiguer au plus vite ces situations psychologiquement lourdes à supporter. Plusieurs entretiens peuvent être envisagés pour un même adhérent, à quelques mois d’intervalle, afin de suivre l’évolution de la situation. Ainsi, l’association se fait le porte-parole des pères qui ressentent une injustice face à une société qui les considère trop souvent au second plan, par rapport aux mères. Elle porte la voix des centaines de pères qui, chaque année, se battent pour leurs enfants, qui montent sur les grues, ou malheureusement, qui, en plein désespoir, passent à l’acte irréversible de s’ôter

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" Tout enfant a droit à ses deux parents ! " Toutes les informations sont disponibles sur le site : www.sospapa.net

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Le groupe monoparentalité et paternité L’UDAF 68 présente le groupe monoparentalité et paternité, un groupe de parole inédit dans le Haut-Rhin, animé par l’Association Syndicale des Familles Monoparentales et Recomposées avec l’association SOS Papa 68.

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ans le Haut-Rhin, à Mulhouse et depuis 2012, un groupe de parole est organisé le premier lundi de chaque mois par une médiatrice familiale de l’ASFMR, en collaboration avec des membres d’SOS PAPA 68. Ce groupe s’adresse principalement aux pères en situation de séparation-divorce qui rencontrent des difficultés à créer ou recréer un lien, ou à obtenir une relation satisfaisante avec leur(s) enfant(s). Ces parents rencontrent également des obstacles dans l’exercice effectif de leur coparentalité. Les nouveaux conjoints, partenaires ou les parents de ces pères en difficultés sont également les bienvenus dans ce groupe ! L’objectif de ces rencontres est de leur apporter une écoute attentive, un soutien, des réponses ou des pistes de solutions sur : • la résidence de leur(s) enfant(s), l’exercice de leur autorité parentale conjointe, le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de leur(s) enfant(s) … • leur procédure judiciaire, par rapport à la compréhension de certains termes juridiques, au déroulement des procédures et aux aspects financiers de leur séparation-divorce. Par exemple, un père non marié ne voit plus ses enfants depuis plusieurs mois, car il est conflit avec la mère. Un autre n’accepte pas que ce soit la mère qui est partie à 500 km qui a néanmoins la résidence principale des enfants. Un partici-

pant raconte sa colère et son incompréhension face à l’arbitrage du juge aux affaires familiales. Un autre ne comprend pas pourquoi le juge lui impose les visites de ses enfants en structure médiatisée, avec la présence d’un tiers. Un père est révolté contre des termes juridiques comme « condamné » à verser une pension alimentaire ou « droit » de visite et d’hébergement. Ce groupe offre aux personnes un espace d’écoute confidentiel et de partage d’expériences entre pères confrontés à des situations de rupture. Les animateurs peuvent éventuellement apporter un éclairage général aux personnes sur leur procédure judiciaire. De par son expérience, la médiatrice peut aussi proposer la médiation familiale comme une piste d’apaisement dans leur relation conflictuelle avec l’autre parent. Quant aux représentants de l’association SOS PAPA 68, ils peuvent accompagner ultérieurement les personnes de manière plus approfondie dans la lecture de leur jugement, la rédaction de documents ou la préparation de leur intervention devant le juge aux affaires familiales. Depuis 2016, certains anciens participants ont émis le souhait de passer « à autre chose » en aidant les pères et en rendant visible leur problématique sur le terrain. Le groupe « projets-actions » est né avec une autre médiatrice de l’ASFMR. Ce groupe a pour objectif de mener des actions concrètes. Il y a eu par exemple des saynètes lors du mois de la parentalité, la rencontre de juges aux affaires familiales... Enfin, le « forum du divorce et de la séparation » qui a eu lieu aux printemps 2017 et 2018 et dont l’objectif est d’apporter des informations pratiques, aux personnes en situation de divorce ou séparation, sur les aspects psychologiques, juridiques, sociaux et la médiation familiale a ainsi rassemblé une dizaine d’associations Mulhousiennes autour de cette thématique.

Parce que la place des pères change ! l

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Rencontre « Etre père aujourd’hui » Le Réseau Parentalité 82 est né il y a 4 ans d’une concertation entre parents, élus, institutions et professionnels, parmi lesquels l’UDAF 82 qui en est membre. Il se structure et oriente ses actions pour permettre l’échange de pratiques, créer l’opportunité de construire des projets communs et être un lieu de ressources et de veille pour tous les professionnels de la parentalité dans le département du Tarn-et-Garonne.

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ans ce cadre, il organise des journées rencontres financées par la CAF 82, à l’instar du 25 septembre dernier, qui a rassemblé une cinquantaine de professionnels autour de la thématique « Être père aujourd’hui ».

La première « mouture » de cette exposition itinérante entre les structures volontaires de Tarn-etGaronne (82) verra le jour au deuxième semestre 2019 et pourra s’étoffer au fil de son voyage avec de nouveaux témoignages et de nouveaux hôtes

Une thématique qui a été choisie par le Réseau Parentalité 82 au regard des constats et des questionnements faits par ses membres sur la place des pères dans les structures accueillantes et lors des événements proposés. Comment mieux s’adresser à eux et mieux les accompagner ? Pour commencer à trouver des éléments de réponse, il était donc important d’interpeler lors de cette journée, les professionnels de terrain sur leur représentation du père. Cette rencontre se voulait dynamique et interactive, c’est pourquoi elle s’est articulée autour de deux temps forts :

A terme, une nouvelle journée d’échanges réunissant cette fois-ci, parents et professionnels, devrait voir le jour ! l

Une matinée de théâtre forum proposée par les comédiens de l’association Ecole Citoyenne (Toulouse). En fin de chaque saynète, l’audience est invitée à exprimer ses réflexions et proposer des changements en rejoignant les comédiens sur scène. Un après-midi de conférence-débat, animée par le Docteur Escafre (médecin psychiatre et formateur), sur la posture des professionnels dans leurs relations avec les pères qu’ils accueillent. Au terme de cette journée, une évaluation à chaud des participants a conforté le Réseau Parentalité 82 sur la pertinence de réunir des professionnels autour de cette thématique et des futurs projets qui seront déclinés. Parmi eux, l’organisation, courant 2019, d’une exposition « Portraits de pères » qui a pour objectif de recueillir des témoignages. Que ce soit par des dessins, des écrits, des enregistrements, un enfant pourra parler de son père, un père pourra parler de la façon dont il envisage son rôle de père ou comment il le vit….

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Il m’a transmis son charme et sa poésie Mais j’ai aussi hérité de sa calvitie C’est mon idole, avec lui rien n’est impossible C’est un peu mon avocat, mon cuistot, mon taxi Ses histoires et ses blagues quand il picole Ses vieux pulls et ses chemises à auréoles Maintenant c’est bon, et bêtement on en rigole Mais j’étais con et j’avais honte devant l’école L’odeur du café le matin, la voiture, les souvenirs Les au revoirs, les câlins, ses blessures, ses soupirs Ça sera toujours mon père et je reste son gamin Et quand j’en aurais un je lui parlerais du mien Celle-là c’est pour nos pères, nos padre Ceux qui disent «je t’aime» sans même parler Pour ceux qu’on regrette, ceux qui sont pas passés Mais si t’es papa, tu sais que t’es pas parfait Celle-là c’est pour nos pères, nos padre Ceux qui disent «je t’aime» sans même parler Pour ceux qu’on regrette, ceux qui sont pas passés Mais si t’es papa, tu sais que t’es pas parfait « Papa » – Big flo et Oli (Paroles : Florian Ordonez / Olivio Ordonez / Fabian Ordonez)

EN SAVOIR

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Pour de plus amples renseignements : reseauparentalite82@gmail.com

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CONSEIL NATIONAL DES ASSOCIATIONS FAMILIALES LAÏQUES

La vertu de l’exemple et de l’éducation contre la force du préjugé Longtemps et encore aujourd’hui, l’éducation, la pression sociale, la transmission ont assigné des rôles bien précis et prégnants en fonction du sexe de l’enfant et parfois dès la naissance.

cnafal@cnafal.net www.cnafal.org

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our le CNAFAL, attaché à une éducation laïque, que ce soit à l’intérieur de la famille ou à l’école, il est un principe de base : chaque homme ou femme, majeur ou mineur, a des droits propres. C’est vrai pour les enfants. La famille, l’Etat à travers l’Eduction nationale et les mouvements d’éducation populaire, ont à « assurer » sa future « liberté de conscience », c’est-àdire son émancipation, sa capacité de jugement. Les parents ont des droits et des devoirs : celui notamment de lui assurer une éducation dégagée de tout préjugé quel qu’il soit ; le CNAFAL a une formulation précise, en indiquant que tout enfant a droit à une éducation laïque, c’est-à-dire dégagée de tout conditionnement. Paul Valery disait que la meilleure éducation, est celle qui

Vas-tu m’dire maman Comment t’as pu savoir Dès le commencement qu’c’était pas un trouillard Qu’il allait pas s’enfuir Et qu’il allait tout faire Pour que je puisse dire Le plus fort c’est mon père Quel effet ça t’a fait quand tu l’a rencontré Est c’que ça t’paraissait qu’il allait tant t’aimer Les hommes bien souvent Paraissent extraordinaires Mais dis-toi bien maman... Qu’le plus fort... c’est mon père » « Le plus fort c’est mon père » – Linda Lemay

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vous permet, en étant parvenu à l’âge adulte, de vous faire votre propre jugement, y compris d’évaluer l’éducation que vous avez reçue ! C’est le préalable à l’égalité des sexes, à la fin des rôles assignés : aux garçons la virilité, le courage, la force, aux femmes : l’entretien du foyer, le « care », la douceur, la cuisine, etc. Le XXème siècle, malgré les progrès de l’instruction féminine, développe des « savoirs faire » fortement sexués. Malgré les efforts de l’Etat républicain, le religieux imprègne l’éducation des filles : elles sont destinées au mariage et à la maternité, donc au foyer du temps que le mari est Monsieur « Gagne-pain »… L’éducation des filles est un vrai enjeu politique : le régime de Vichy appelle à retrouver la « vraie nature » des femmes. Cela ne s’invente pas ! C’est à partir des années 1970 que les lois d’égalités hommes/femmes vont commencer à « desserrer » le poids de la tradition, à l’opposé de l’idéologie familialiste à laquelle le CNAFAL s’est toujours opposé. Il est d’ailleurs symptomatique, que lorsque les ABC de l’Egalité ont été expérimentalement lancés, dans 600 classes primaires, les milieux les plus conservateurs aient crié au loup et ont saboté cette éducation à l’égalité homme/femme, en y décelant en sousmain, « la théorie du genre ». Chacun jugera, à propos de cette affaire, qui a fait le plus preuve de perversité ? L’éducation des enfants conditionne donc l’équilibre des « taches parentales » et la place des pères, que ce soit dans le maternage, la cuisine, l’entretien quotidien du foyer, les courses, etc. •Q uelle conception a-t-on aujourd’hui de de l’enfant, de la maternité, de la paternité ? •Q uelles sont les valeurs de la cellule familiale ? •Q uel modèle familial veut-on promouvoir : égalité totale ? Perpétuation des rôles ? l

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FAMILLES DE FRANCE

Parents solos 15 % des familles en France sont des foyers monoparentaux. Si l’immense majorité d’entre elles est représentée par des mamans solos, on compte aussi 240 000 papas qui assurent seuls l’éducation de leurs enfants. Ils ont beau être minoritaires, ils sont de plus en plus nombreux dans cette situation.

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ortés par l’initiative de la ministre des Familles, qui annonçait dès 2015 son souhait de mettre en place un réseau d’appui de proximité aux parents solos (la plateforme internet voyait le jour en 2016, l’association Parents solos et Compagnie était constituée en 2017), l’UDAF 53 et l’association Familles de France de la Mayenne lançaient un service conjoint : « parents solos ». Il faut dire que sur la ville de Laval, les foyers monoparentaux représentent 25 % des familles, et parmi eux : des papas, qui ont effectivement poussé la porte de Parents solos en Mayenne.

Être papa solo

Si la place du père auprès des enfants a évolué, il n’est pas étonnant que le nombre de pères qui élèvent seuls leur enfant augmente. Ce sont des parcours de vie somme toute similaires à ceux des femmes (séparation, veuvage) qui les a amenés à être parent solo. Ils connaissent aussi exactement les mêmes difficultés : garde d’enfant, conciliation des horaires de travail, isolement et solitude.

veuf). Pourquoi en ont-ils poussé la porte ? Pour avoir des contacts et briser leur solitude, se faire accompagner le temps de faire son deuil, maintenir les liens familiaux à travers la séparation. Pour cela, Parents solos en Mayenne a deux objectifs : 1. organiser des temps de rencontre et d’échange 2. construire un réseau de solidarité et de soutien entre parents

Familles de France de la Mayenne : famillesdefrance53@gmail.com

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Un premier questionnaire sur les attentes des parents a été présenté avant d’engager les actions. Premier souhait émis : bénéficier de sorties en famille et de temps de répit. Deuxième demande : des temps d’échange et ensuite, des réunions d’information collectives. Pas de doute de toute façon : si le service répond aux besoins des familles, il satisfera autant papa que maman.. l

Ces papas là étant plus rares, ils se sentent d’ailleurs souvent encore plus seuls. Si l’image du « papa poule » est largement perçue comme sympathique, les papas solos qui s’occupent de leurs enfants au quotidien ont encore beaucoup de choses à prouver pour paraître crédibles. Dans une société encore masculine ils ne bénéficient pas toujours de la bienveillance de leur employeur sur les horaires aménagées, les vacances, les rendez-vous chez le médecin...

Pour tous les parents solos

Pour Parents solos en Mayenne, être à la tête d’une famille monoparentale n’est pas une histoire de sexe et ces papas-là y ont donc toute leur place. Pas étonnant d’ailleurs puisqu’à la tête du projet est un binôme, un homme et une femme : Odile Gombault, présidente de l’UDAF 53 et Christian Thirault, président de Familles de France Mayenne. Le service compte aujourd’hui 3 pères parmi les 19 familles suivies (deux sont divorcés, un est

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Parents solos en Mayenne propose désormais : •u n RDV d’entraide autour du parrainage de proximité •d es activités parents-enfants (« raconte-moi une histoire ») •u n cycle de rencontres d’information juridique et administrative •d es temps d’échanges sur la fonction éducative parentale

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ENFANCE & FAMILLES D’ADOPTION

Adoption : et les pères ? « Tout le monde sait comment on fait des bébés mais personne ne sait comment on fait des papas », chante Stromae. Mais le père adoptif, lui, sait : un précurseur qui réaffirme que le sang ne fait rien à l’affaire.

www.adoptionefa.org

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e secret », témoigne un père adoptif, « réside dans le temps passé ensemble, ces heures de jeu, ces histoires, ces moments où j’accompagnais mon enfant à l’école ». Car finalement, être père, cela s’apprend… avec le désir impérieux de transmettre : une filiation affirmée, attendue, pleine et revendiquée. Le père, c’est celui qui regarde l’enfant, le relève quand il tombe, c’est celui qui aide, chaque jour, qui montre, apprend, reprend, cajole, celui à qui l’on peut poser toutes les questions et même la plus difficile : « Papa, d’où je viens ? » ou lorsque se profile l’adolescence : « Papa, qui suis-je ? » Enfance & Familles d’Adoption proposait déjà en 2005, dans sa revue Accueil, un dossier sur les pères. En 2017, il a paru nécessaire de revisiter la parentalité adoptive à l’aune du « nouveau père »1 : père avec mère, père célibataire, père « par paire »… Devenu « père pluriel », il ne craint plus de vivre ses émotions. Une enquête de l’URAF Auvergne le montre plus disponible et affectueux, ajoutant qu’il gagnerait à prendre ses congés de paternité ! Il est devenu un père aux « capacités maternelles », nous dit le Dr Anne de Truchis, responsable d’une consultation d’orientation et de conseils en adoption : il sait changer son enfant et l’accompagner à l’école. Il sait aussi parler de son infertilité, sans tabou.

Lire aussi « Du père à la fonction paternelle » page 22.

Alors, ce père adoptif, un père comme les autres ? Les éclairages de spécialistes et les paroles de pères pointent quelques spécificités. Le père adoptif est concerné par sa parentalité bien avant l’arrivée de son enfant – même si la future mère est parfois au départ plus « moteur » –, il

« L’idée de l’adoption s’est imposée à moi alors que nous étions encore en plein parcours PMA. Je vivais assez mal le rôle accessoire dévolu à l’homme dans ces protocoles. Dès les démarches en vue de l’agrément, j’ai retrouvé une forme de symétrie dans le couple : égalité dans les démarches, dans l’attente, dans l’éducation de notre enfant. ». Lucien, père adoptif.

s’y prépare. On évoque son fort investissement au moment crucial de la rencontre, constatant que le père est souvent plus serein que la mère dans les premiers temps. En outre, la place du père adoptif n’est pas « symétrique » de celle de la mère adoptive, qui concentre fortement sur sa personne l’image des origines et celle de la mère biologique. Ainsi, un enfant interrogera peutêtre plus librement son père sur ses origines. À l’adolescence, le père adoptif est investi d’un rôle spécifique, car « qui sont le père et la mère de l’enfant né deux fois ? » demande le psychologue Daniel Coum*, expliquant que sa mission, au-delà de l’affection, est de se montrer un père responsable pour « garantir la sécurité de la filiation, avec toutes les difficultés qui peuvent surgir car s’inscrire comme père, c’est faire avec un enfant parfois troublé par son passé ». Et le père d’origine ? Les enfants y pensent-ils ? Et leurs parents ? Ce père « bio » semble peu présent dans l’esprit de la plupart des personnes adoptées. Si la « femme première » est mère de chair, la « deuxième moitié » de cette équation vitale est bien abstraite. Point de contact physique, d’odeur, de voix qui porte… au-delà des ans. Et point de « rivalité » avec le père. « Dans l’imaginaire [des enfants adoptés] il y aurait deux mères et un seul père », constate une psychologue. Si les pères s’expriment habituellement moins que les mères, s’ils se livrent moins, à l’occasion de ce nouveau dossier d’Accueil, ils ont envoyé de nombreux témoignages émouvants, surprenants, emplis d’humour… signant ainsi leur implication et leur place aux côtés de leurs enfants. l

1/ Accueil n° 183, « Adoption : et les pères ? », juin 2017 – Présentation sur : www.adoptionefa.org

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CLER AMOUR ET FAMILLE

Trois métiers pour soutenir les familles et les pères Trois membres actifs du CLER témoignent du soutien apporté plus particulièrement aux pères. L’Association CLER Amour et Famille développe une pédagogie au service des familles pour les aider et les soutenir, à travers ses trois pôles d’activités et trois métiers : • Education affective, relationnelle et sexuelle (éducateurs), • Conseil conjugal et familial (conseillers), • CYCLAMEN® (moniteurs).

www.cler.net Contact : 01 48 74 87 60

Michèle et Emmanuel, moniteurs en régulation naturelle des naissances :

« Nous pouvons décrire comment, dans les suivis des moniteurs, l’art de vivre la sexualité avec Cyclamen® est une pédagogie pour la relation femme-homme dans le couple, elle prépare ainsi l’homme à devenir père : le regard de respect et d’admiration envers son épouse et la mère de ses enfants, sa responsabilité dans la sexualité et la paternité, son rôle de gardien de sa femme qui peut devenir mère, de sa femme et de l’enfant qu’elle porte puis de la mère et de l’enfant né. Bien sûr, tout cela est à voir sur un chemin de progression (ce n’est pas magique !). »

Françoise, conseillère conjugale et familiale, animatrice du parcours « Etre parent aujourd’hui » :

« J’ai vu des pères venir poussés par leur épouse. Parfois un peu inquiets au début, je les ai vus, au fil des rencontres, découvrir qu’ils ne sont pas seuls à s’interroger sur leur rôle : ils voient d’autres pères en questionnement et partager des situations voisines des leurs. Pour certains, c’est comme une prise de conscience de ce que le sujet des enfants n’est pas réservé à la maman, qu’ils ont leur place, différente, avec ce qu’ils sont, et ont vécu enfant. Une Charte, approuvée par tous au tout début du parcours, pose comme règle la confidentialité, le respect et le non-jugement, facilitant la participation de tous et un climat très bienveillant. Chacun peut se sentir en confiance pour parler de son enfance et de ce qui se vit chez lui. L’animation interactive facilite les échanges et l’entraide. »

Christiane, éducatrice à la vie, animatrice d’ateliers pour parents sur l’éducation affective :

« Particulièrement à l’adolescence où les liens de confiance semblent plus fragiles et l’autorité battue en brèche, la place du père est importante. Lors des ateliers parents d’ados que nous organisons, des pères nous disent : « J’essaye d’instaurer des limites pour son téléphone portable, mais chaque soir c’est la guerre ; cela me rassure lorsque vous prenez le relais pour dire combien les limites sont nécessaires !!! ». Et croire en son enfant, le lui dire et l’accompagner dans les étapes de la vie comme la puberté et l’adolescence sont indispensables : « En fait, je me rends compte que mon fils a besoin de moi pour que je l’encourage et que je lui trouve des qualités ». »

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Les ateliers « Parents d’ados » ainsi que « Vivlavie » où parents et jeunes échangent sur la puberté aident

à répondre à ces questions.

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FAVEC

Pères veufs, une minorité silencieuse, fragilisée et ignorée www.favec.org François VERDIER Administrateur de la FAVEC D’après son intervention au du colloque « La place des pères »

La politique familiale française classe pudiquement le veuvage dans la situation des séparations familiales. Paradoxe étrange : la séparation laisse entendre une décision bilatérale voire unilatérale des parents de se séparer. Dans la force de l’âge, le défunt et le parent restant n’ont pas vraiment choisi de se « séparer » par la mort et encore moins dans la souffrance de la maladie !

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st-ce la raison du tabou du veuvage et de la situation de l’orphelin ? Pourtant, les orphelins et leurs parents existent et éprouvent des difficultés particulières. Les veufs et veuves1 représentent 7 % des familles dites « monoparentales ». 200 000 veuves et 50 000 veufs ont moins de 55 ans, soit une proportion de femmes quatre fois supérieure. 21 000 veuves et 7 000 veufs ont moins de 30 ans, soit une proportion de femmes trois fois supérieure. Quant aux enfants, on relève 1 orphelin par classe au collège, 2 en classe de Terminale. (Source Insee).

Les premières difficultés sont financières

Les difficultés matérielles et psychologiques rencontrées par les papas veufs sont similaires à celles vécues par les veuves. Après le décès, c’est la guerre. Le père entre en résistance, il est en mode « survie ». Les premières difficultés sont financières. Les difficultés à boucler les fins de mois sont exacerbées en raison de revenus divisés par deux, voire réduits à peau de chagrin. Si le père veuf travaille en équipe, notamment de nuit, ou bien dans un poste à responsabilité, il sera amené à changer de travail et d’horaires, induisant une perte de salaire et des responsabilités moindres afin de s’occuper des enfants. Les aides pour pallier la disparition des revenus n’existent pas avant 55 ans si la mère travaillait dans le secteur privé, tandis qu’une faible réversion sans condition d’âge ni de ressources est prévue dans le secteur public. Le parent restant perçoit l’allocation de soutien familial de 115 euros par mois et par enfant, anciennement appelée « allocation Orphelin » : une des premières revendications de la FAVEC mise en place par Simone Veil en 1971, étendue aujourd’hui

aux enfants de parents séparés quand la pension alimentaire n’est pas payée. Malgré le choc, le parent survivant doit prendre rapidement des décisions concernant le logement, les loisirs des enfants, les activités sportives. Les enfants subissent une double peine : après avoir perdu leur mère, ils perdent leur environnement. L’Etat Français est insensible à la paupérisation des parents d’orphelins, des veufs et veuves. Ces derniers ressentent un grand sentiment d’abandon. La précarité de leur situation financière ralentit, voire empêche le travail de deuil qui consiste à continuer à vivre en cheminant « progressivement » du manque obsessionnel de l’être aimé vers l’apaisement de sa mémoire et ainsi intégrer sa mort.

Le parent restant est démuni face à la peine de ses enfants qui s’ajoute à la sienne

En effet, la cellule familiale se retrouve confrontée à des difficultés psychologiques considérables suite au décès. Il y a autant de deuils que d’individus. Suite à une longue maladie, le parent restant démarre son deuil, épuisé. Le deuil dépend des circonstances du décès, notamment de sa brutalité (suicide, accident, AVC, etc.), ou encore de la qualité de la relation entre les parents. Si elle était compliquée, les remords, la colère ou la culpabilité sont alors nocifs pour le travail de deuil, qui dépend aussi de l’expérience personnelle durant l’enfance et des épreuves éventuelles dans le parcours de vie. Le deuil fera écho à des éléments consolidés auparavant, qui reviendront en boomerang et aggraver ce sentiment de dépression.

1/ Le sujet concerne évidemment les pères veufs au sens large, qu’ils aient été mariés ou concubins, PACsés ou bien liés par aucun contrat.

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La difficulté particulière des papas veufs est celui du veuvage précoce car la mort d’un parent jeune se produit à contre sens de l’ordre des générations. La mort de la maman si jeune n’a aucun sens pour le père ni pour les enfants devenus orphelins, qui voient leur mère décéder avant les grands-parents toujours vivants qui souffrent tout autant du décès de leur enfant adulte. Cet illogisme s’avère très difficile à expliquer aux enfants pour le parent restant, complètement démuni face à la peine de ses enfants, qui se rajoute à sa propre peine. Le veuf est seul avec les enfants 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Il n’a pas le droit d’être malade, les enfants non plus ! Il est surinvesti de son rôle de père, ce qui fait partie du déni, la première étape du deuil. Il s’agit d’une réaction de survie. Lors du décès, il est inimaginable de continuer à vivre sans la femme aimée. Le père risque de continuer à faire vivre sa femme à travers ses enfants : ceuxci constituent un « handicap » car ils concourent à faire rappeler constamment la maman, la femme aimée. Ce rappel peut aller à l’encontre du travail de deuil consistant à se séparer de l’être aimé. Le père cherchera aussi à continuer à éduquer les enfants selon les valeurs et le point de vue de leur mère, à l’impliquer dans l’éducation des enfants. Quelles seraient ses décisions aux moments clé de leur enfance ? La maman a aussi son mot à dire car ce sont ses propres enfants. Ironie de la situation, le veuvage précoce permet de s’accorder plus facilement avec le parent décédé sur l’éducation des enfants que lorsque la maman était en vie ! Les disputes traditionnelles sur les enfants sont remplacées par la détresse et la colère de continuer à éduquer seul les enfants. Mais les enfants constituent également une aide car ils « piquent » leur père, le provoquent, s’il a des idées noires. Il continuera à vivre pour ses enfants. La première angoisse des enfants orphelins est que le parent restant ne tienne pas le coup, voire qu’il disparaisse à son tour. Les enfants vivront « mieux » si le mental du parent s’améliore ou tout du moins ne se dégrade pas.

S’ouvrir, communiquer, ne pas rester seul

Pour cela, les pères veufs ont besoin qu’on les aide à s’ouvrir, à communiquer, à ne pas rester seuls, notamment à travers des groupes de parole. Contrairement à la femme, le père veuf éprouvera peut-être plus de difficultés quant à son veuvage car l’homme exprime moins ses émotions. Une des solutions est de rencontrer d’autres parents d’orphelins, plus enclins à se comprendre mutuellement, à entendre la souffrance morale et les difficultés matérielles. Quel soulagement et quelle énergie de se rendre compte qu’il n’est pas seul dans sa nouvelle solitude. La résonnance de la parole échangée permettra d’extérioriser l’intimité de la souffrance,

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Qui sommes-nous ? Créé en 1949, la FAVEC est la seule fédération reconnue d’utilité publique pour accueillir, écouter, informer et accompagner les veuf(ve)s et les parents d’orphelins, défendre leurs droits et considérer le veuvage dans son intégralité (conséquences psychologiques, familiales, sociales, patrimoniales, fiscales,...). Chaque acquis d’aujourd’hui pour le veuvage est le fruit de tout le travail de la FAVEC depuis 70 ans. Une avancée en 2014 pour le veuvage précoce : la FAVEC a réussi à obtenir la suppression de la mise sous contrôle judiciaire de l’administration légale. L’administration légale sous contrôle judiciaire était une forme simplifiée de la tutelle ne s’appliquant qu’au patrimoine du mineur à partir du moment où l’autorité parentale n’est exercée que par un seul parent. Ce régime s’appliquait donc aux parents d’orphelins qui devaient présenter chaque année, au juge des tutelles, les comptes certifiant que le patrimoine des enfants était bien géré ! Ce dispositif humiliant, évidemment mal vécu par les parents d’orphelins, ne permettait pas d’utiliser les biens propres des enfants issus de la succession alors que la famille pouvait être en grande précarité financière. Depuis 2014, les parents d’orphelins sont considérés comme les autres parents. Ils ne sont plus stigmatisés sur leurs facultés à gérer les biens de leurs enfants. La FAVEC lutte actuellement contre l’augmentation de la CSG appliquée aussi aux pensions de réversion qui fragilise encore plus les veuf(ves) alors que le programme du candidat Emmanuel Macron n’annonçait aucun recul envers les veuf(ves). Injuste, violent et antisocial. Où est la solidarité nationale ? d’analyser et d’intégrer les différentes émotions et étapes du deuil. La consultation d’un psychologue formé au deuil permet aussi de surmonter les caps difficiles. De même, les enfants souhaiteront aussi rencontrer d’autres enfants orphelins pour les mêmes raisons. Par pudeur ou pour protéger son dernier parent et ne pas alourdir sa peine, certains confieront difficilement leur souffrance. Des ateliers pour enfants de moins de 12 ans existent pour libérer la parole. Les orphelins sont noyés parmi les enfants de parents toujours en couple ou séparés. Ils souhaitent une meilleure reconnaissance et le respect du statut d’orphelin, notamment à l’école, tout en restant dans l’invisibilité pour éviter toute stigmatisation. Pour pallier à l’absence de la maman, une référente féminine choisie dans le cercle des amis ou de la famille permettra de les accompagner dans l’adolescence. Comment venir en aide à un père veuf dans son entourage malgré le tabou de la mort ? Rester humble en ne donnant surtout aucun conseil ! Mais offrir de la disponibilité, souvent dans l’action, pour recueillir sa détresse par de l’écoute interactive. Accueillir les silences qui parlent eux-mêmes, sont autant de marques d’empathie. Néanmoins, quitte à se répéter, le premier besoin du père veuf est celui vital de « faire bouillir la marmite ». Hélas, certains parents d’orphelins stagnent dans leur deuil à consacrer toute leur énergie à la survie matérielle. l

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SOS PAPA

La place des pères...divorcés Il y a 4 ans, la revue Les Dossiers de l’Obstétrique m’avait ouvert ses colonnes, et j’introduisais mon propos ainsi : « papa d’une fille unique de 15 ans, j’ai le souvenir vivace et heureux, peu après l’accouchement, que l’équipe médicale m’ait convié en même temps que la maman à observer les réflexes archaïques du nouveau-né, et au briefing pour les soins quotidiens...»

Jean LATIZEAU Président de SOS Papa

«

*RA : Résidence Alternée

J

e m’en suis occupé quotidiennement, à équivalence de temps avec la nounou, et la maman qui avait comme moi un métier prenant. Six années plus tard, le divorce : il se produisit avec « l’équipe judiciaire » l’inverse d’avec « l’équipe médicale ». Souhaitant poursuivre mon grand attachement envers ma fille sous forme de résidence alternée (RA*) , et bien que produisant entre autres une lettre de sa mère disant à ma fille « soit gentille avec papa qui s’occupe si bien de toi », il a suffi à la mère de s’opposer à cette demande de RA* pour être suivie dans son véto par la juge aux affaires familiale (JAF)». Voilà à partir de cet exemple personnel le résumé de « la place des pères », pour a priori 50 % (de séparations de couples avec enfants mineurs) d’entre eux. Une statistique officielle1 confirme que lorsque le père demande une résidence alternée et que la mère s’y oppose, cela lui est refusé à près de 80 %. D’aucuns, influencés par certains « psy » penseront « normal, les juges savent que la résidence alternée est nocive pour les enfants ». Or cette statistique montre qu’il y a dans l’échantillon 1439 cas où la RA étant souhaitée par le père, la mère y consentant : alors, sachant qu’ils pourraient refuser2 les JAF l’ont accordée 1439 fois, dont une centaine de cas avec des enfants de 0 à 4 ans. En d’autres termes, seuls 5 % des pères en RA ont pu se passer de l’accord de la mère. Voilà les constats de base à propos des pères, qui sont autant que les mères attachés à leurs enfants : ils sont marginalisés par le régime du « week-end sur deux » en contradiction de bon sens avec la loi3 sur « l’autorité parentale conjointe » qui la décrit comme « un ensemble de droits (a priori égaux ! ) et de devoirs, de chaque parent, ayant comme finalité l’éducation des enfants… » ! C’est d’autant plus choquant que : • L’« exposé des motifs » de la loi de 2002 sur la RA pointait « en cas de désaccord des parents la priorité soit donnée à la RA (…). Cette coparentalité… doit être favorisée par le juge ». • Tous les consensus « psy » (KRUK/ICSP), l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) , associent l’« intérêt supérieur de l’enfant » avec la RA.

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L’ APCE « appelle à des lois visant à assurer aux pères un rôle égalitaire dans l’éducation des enfants, invite les gouvernements à veiller à ce que les pères puissent jouer un rôle égal à celui des mères dans l’éducation de leurs enfants, y compris auprès des enfants en bas âge, recommande des lois assurant l’égalité effective des parents vis-à-vis des enfants, dans l’intérêt de l’enfant ». Les opposants « psy » à la RA sont des « médiatiques », auteurs de propos tels que « un homme qui prodigue des soins à un jeune enfant souffre de problèmes de virilité », « chaque enfant a 3 pères, le géniteur, le fonctionnel, l’affectif, seul l’affectif est important pour l’enfant, et c’est celui que la mère désigne comme tel ; ça peut être le gardien du square » ou encore « j’ai comme patiente une fillette en pleine forme qui me dit j’ai 4 papas »4. Notre société et les politiques marchent sur la tête en : • refusant d’inscrire dans la loi que les JAF devraient respecter l’égalité parentale, et préférant comme en novembre 2017 proposer un texte prônant trompeusement la « double domiciliation », soit simplement deux adresses sur la carte d’identité des enfants, • votant des lois et faisant campagne pour que les pères prennent des congés parentaux, • se lamentant du taux de familles dites monoparentales (des mères à 85 %), • souhaitant que les femmes fassent carrière comme les hommes. Rappelons enfin que : une RA n’est pas forcément strictement égalitaire, ni hebdomadaire ; que 85 % de la population note la discrimination des pères (et donc de tout leur entourage), qu’hors de toute « campagne » 76 % se déclare favorable à la RA. Signalons aussi, que parfois, le « système » s’inverse, et une maman est marginalisée. Certaines ont eu le bon réflexe de venir chez nous. l 1/ Chancellerie-DACS 2013, sur 6042 décisions 2/ Art. 373-2-7 du Code civil 3/ Art. 371-1 du Code civil 4/CF Pierre Laroche, Mediapart

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FÉDÉRATION NATIONALE COUPLES ET FAMILLES

Manque de père, manque de repère ? L’absence de père peut causer des dégâts. Avoir un père mort ou éloigné n’est pas forcément perturbateur. Il peut être présent autrement : photos, souvenirs familiaux… Ce qui est dévastateur, c’est le père défaillant, fuyant, ou dénigré, haï par la mère, la grand-mère, la société. Le père, ou l’homme lui-même, qu’on veut effacer... Quand la femme dévore l’homme.

La grand-mère Berthe a une « carrure » indéniable. Elle travaille dans le social, donc elle a des références, elle « sait » ! Elle n’a pas admis qu’un type sans envergure « fasse » un enfant à sa fille. Alors, elle a démoli le géniteur, peu à peu. . . Il est mort, suicidé avant la naissance. Comme Carole, la maman infirmière, ne saurait pas se débrouiller seule, la grand-mère a mis la main sur Katia, la petite, décidant de tout. Carole s’est d’abord laissée faire, puis elle a réagi, mais bien tard ! Katia est en première... Je rencontre Carole en entretien. Elle est maintenant à couteaux tirés avec sa mère qui entend gérer ses relations avec Katia. « Que faire, quelle attitude avoir ? » J’affirme qu’elle a la première place auprès de sa fille, et qu’elle doit tenir bon. Je demande : « Et le grand-père ? » - « Il est dans son fauteuil, et il ne veut se mêler de rien ! ». Puis je reçois Katia. Elle fond en larmes. Ses résultats ont beaucoup chuté et le bac approche ! Je l’apaise : « Perdre un an, dans sa vie, ce n’est pas grave ! » On va plutôt parler de son mal être. Elle m’apprend qu’elle et sa mère ont croisé deux dames dans la rue. Sa mère s’est retournée, puis lui a dit : « Tiens, c’est la mère de ton père ! Mais il ne faut pas lui parler ! » Sous-entendu : « Ta grand-mère ne veut pas ! ». Je lui dis : « Et toi, tu aimerais bien la connaître ? » Réponse : « Ben oui ! ». Il y aura donc un autre possible. En attendant, Katia a déjà trouvé une solution. Elle s’est réfugiée, non pas chez l’« ogresse » qui lui propose un appartement, mais chez un bon copain dont la mère aime bien Katia. Et Katia trouve là la paix dont elle a besoin.

père l’a fichu dehors ! » (Louis n’est pas présent). « Il a dormi chez Lucas, un copain, - plus que bon-, et le père de Lucas l’a dit au père de Louis, et Louis est fichu dehors ! » Alors nous parlons de l’attirance entre filles et garçons, mais aussi entre gens du même sexe… Ici, il y a un père bienveillant, celui de Lucas. A l’écoute de son enfant, il a dû lui parler. Il a cru trouver, dans le père de Louis, une oreille accessible, mais cette oreille-là était bloquée. En attendant, Louis s’est réfugié chez ses grandsparents, qui l’ont accueilli. Et nous, nous avons confié l’affaire à l’infirmière.

Claudine RÉMY Conseillère conjugale et familiale à la Fédération Nationale Couples et Familles

*CPE : Conseillère Principale d’Education

Un laissez-passer pour être père

L’évolution des modes de vie vulnérabilise des hommes. En cas de divorce, 71 % des enfants vivent chez leur mère et 20 % sont conduits à ne plus revoir leur père. Normal ? Aujourd’hui, l’« être père », sans être pour autant copain de son enfant, est mis à mal par une surcompétence acquise de femmes gérant budget, rendez-vous, chagrins et bobos, devoirs et exigences éducatives. Elles font du Tout en un. Conseillères conjugales et familiales, nous observons un retournement de situation où le père séparateur de l’enfant avec sa mère, devient l’enfant incompétent en paternité, à travers le regard de femmes qui le gomme. Une place pour les pères est à recréer sans machisme ni féminisme exacerbés. Quitter le groupe de ses potes pour devenir père est difficile et possible. l

Un père peu bienveillant

En intervention scolaire sur l’« Education affective et sexuelle », la parole se libère dans les petits groupes, réunis après les explications face à la classe entière. Ce jour-là, j’ai 9 garçons en 2de, assez rigolards dès qu’on parle de sexe. Soudain Thomas prend la parole : « Et bien Louis, son

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« Un réseau, des valeurs, un métier : le conseil conjugal et familial »

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UNION NATIONALE DES ACTEURS DE PARRAINAGE DE PROXIMITÉ

Pères, enfants, parrains marraines… de nouvelles formes « d’alchimie » Ces nouvelles formes d’alchimies s’inventent pour de nouvelles alliances dans le parrainage. Socle de la relation de parrainage, cette alliance bienveillante se construit au sein d’un projet associatif dans lequel chacun peut agir avec sensibilité et intelligence dans la relation interpersonnelle et dans le projet associatif. www.unapp.net

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our les membres de l’UNAPP il s’agit de trouver les conditions les plus favorables à la reconnaissance des différences, des potentialités, des envies sans nier le poids de certains discrédits. Lorsqu’elles accueillent des pères ou des mères solo, les associations font preuve d’imagination et d’humanité pour inventer des façons d’agir les mieux adaptées dans l’infini respect des personnes et des histoires ; trouver le temps de la connaissance mutuelle pour sortir des idées reçues, apprendre petit à petit les uns des autres contribue à construire ces « alchimies ». Trois histoires parmi bien d’autres :

et pour moi, dit son papa. Ça m’aide quand c’est difficile avec Damien. J’ai confiance en sa marraine, on a du respect et elle aussi ». Rassuré, trouvant souvent « refuge » chez sa marraine, Damien bientôt majeur, se construit aussi avec « l’angoisse » que « les petits » ne vivent pas le même traumatisme que lui : « Je n’en veux à personne. Les perches tendues ont été souvent brisées par d’autres. Le côté diable et le côté ange se sont beaucoup affrontés et trop souvent le diable l’a emporté. Le parrainage, c’est un peu comme la médecine : ça soigne, ça apaise, ça aide à faire des choix. Mon espoir est de ne pas faire les mêmes erreurs. »

C’est par une éducatrice que Dessine-moi une Passerelle a fait connaissance il y a deux ans de ce papa de deux enfants de 5 et 8 ans suivis dans le cadre d’une action éducative qui entre alors en relation avec une marraine. C’est un papa aimant, attentif à ses enfants qui pourtant ne sort jamais de chez lui, peu assuré sur sa capacité à entrer en relation avec d’autres, inquiet de ne pas pouvoir gérer ses enfants à l’extérieur. « On l’a encouragé à distance, aidé à gérer ses déplacements ; il est venu avec ses enfants participer aux animations jeux régulièrement proposées par l’association et a commencé à participer à d’autres rencontres. Ce cadre rassurant, non stigmatisant permet de tisser des liens entre tous, de partager en « bonne entente » les questions pratiques du quotidien. Pas de contrainte bien sûr, pas de jugement de valeur, juste des « relations humaines simples et fluides » parce « qu’on tient à chacun » !

Thalie aussi porte ce souci de faire leur place aux pères des enfants accueillis au Centre Maternel/Parental ouvert sur « l’extérieur » notamment grâce aux familles relais et au parrainage. « Construire un climat de confiance », se retrouver dans les « questions du quotidien », retrouver « les envies et les valeurs enfouies », se « refaire une santé dans le bien-être » sont les « maitres mots » qui sous-tendent les « ateliers » ouverts à tous. l

De la même manière, Marie, sa marraine, a fait connaissance par Parenlor, il y a plus de 10 ans de Damien 7 ans, placé en urgence avec ses frères et sœurs alors qu’il vivait avec sa maman jusqu’à son décès brutal et traumatisant. Il a 10 ans et souhaite retrouver son papa, soutenu par sa marraine. Après 3 ans de rencontres, il vit chez lui avec ses nouveaux petits frères et sœurs. La marraine est là quand se posent les questions de logement, d’éducation quotidienne. « C’est bien pour Damien

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Bien souvent je devine Cachées sous ton humour Les blessures en sourdine Et ce trop-plein d’amour Petit père, mon papa Deux syllabes bégayantes Le témoin délicat De la vie qui s’évente Quelles que soient les distances C’est à toi que je pense Mon père ce héros Le moral à Zorro »

« Mon père ce héros » – Aldebert (Paroles : Guillaume Aldebert / Christophe Albert Darlot / Francois Grimm / Thomas Nicol)

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ASSOCIATION DES PARENTS ET FUTURS PARENTS GAYS ET LESBIENS

Homoparentalité au masculin : la place des pères ? L’APGL – l’association des parents et futurs gays et lesbiens – est une association nationale reconnue d’intérêt général à caractère familial qui accueille, depuis plus de 30 ans, des femmes et des hommes, célibataires ou en couples, ainsi que leurs enfants. Association des Parents et Futurs Parents Gays et Lesbiens

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es femmes et hommes qui ont comme point commun d’être homosexuel-les et déjà parents ou en projet parental - on parle alors d’homoparents et d’homoparentalité - participent à rendre visible et possible les familles homoparentales, qui s’épanouissent pleinement en dehors du schéma binaire et genré imposé par le modèle hétéronormé de la famille composée d’un homme et d’une femme. Les hommes qui rejoignent l’APGL, peuvent envisager d’inscrire leur projet dans les différentes formes et composition des familles homoparentales que ce soit : • par l’adoption (en couple ou en célibataire) après agrément, • par la coparentalité, situation où généralement, un homme seul ou un couple d’hommes et une femme seule ou en couple, décident d’avoir un enfant ensemble pour l’élever, • ou bien encore par la gestation ou la maternité pour autrui. Certains de ces hommes - de moins en moins nombreux – peuvent déjà être des pères, dans le cadre d’une précédente union hétérosexuelle qui s’est dissoute, lorsqu’ils ont pris la décision de mettre en accord leur vie amoureuse et leur orientation sexuelle. D’autres, enfin qui ne souhaitent pas être juridiquement des pères et ne veulent pas s’inscrire dans un engagement parental, peuvent néanmoins accepter de contribuer à la réalisation d’un projet parental porté pour une femme ou un couple de femmes, en tant que de donneurs de gamètes identifiés. Le droit actuel n’accorde aucune existence légale au père social de l’enfant (celui qui n’a pas pu se voir reconnaitre par présomption de paternité ou se déclarer père, ni adopter l’enfant) à la naissance de ce dernier, bien que ce deuxième père participe au projet parental, élève et apporte son amour à cet enfant. L’établissement de la filiation est théoriquement possible mais tortueuse et soumise aux aléas juridiques.

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www.apgl.fr Contact : secretariat@apgl.fr

L’un des atouts majeurs de l’APGL est d’offrir à ces hommes des temps d’écoute et de partage, à l’occasion de moments conviviaux ou de groupes de paroles dédiés, soit entre eux, soit en mixité, leur permettant de penser leur projet et d’élaborer les contours et le contenu qu’ils souhaitent donner à leur engagement parental. Pour la plupart d’entre eux, leur projet de devenir parent va mûrir et se renforcer pendant ces temps dédiés, un peu comme un temps préalable de gestation, avec le retour d’expérience d’hommes et de femmes, ancré dans la réalité des parcours de chacun et de chacune. C’est aussi l’occasion pour eux, de réfléchir, de mettre en perspective et d’élaborer, comment ils envisagent leur place et rôle de parent et ou de père, car selon les cas, ces deux notions peuvent être dissociées, au côté de l’autre parent ou des autres parents, leur conjoint le cas échéant, ou la femme ou le couple de femmes avec lesquelles il s’engage dans un projet de famille. Avec l’accueil de l’enfant, ces hommes devenant parents continuent à trouver les ressources et le soutien auprès de l’APGL pour les accompagner dans la réalité et le quotidien de l’homoparentalité. l

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Sélection réalisée par le centre de documentation de l’UNAF. Plus de ressources en ligne sur intradoc.unaf.fr Contact : unaf_doc@unaf.fr.

Sél e cti o n Bibliographique LA PLACE DES PÈRES Les nouveaux pères Michèle BRIAN, Le Débat, n°200, 2018, pp. 173-189 L’organisation traditionnelle de la famille assignant l’autorité à la figure du père est devenu un modèle parmi d’autres. Les changements dans la manière d’exercer la fonction paternelle entrainent un certain nombre de questions. Dans le cadre de son dossier sur la masculinité, Le Débat tente d’apporter des réponses. Réinventer la paternité ? Marie-Claude BLAIS, Le Débat, n°200, 2018, pp. 190-208 Dans le cadre du dossier du Débat sur la masculinité, l’auteure revient sur les étapes ayant mené au « déclin de la paternité », aux causes d’un éventuel « effacement du père » ainsi qu’aux obstacles rencontrés par les pères qui souhaitent s’investir dans l’éducation de leurs enfants. L’heure des papas ? Dossier Frédérique HIRN ; coord. , Le Journal des Professionnels de la Petite Enfance, n°107, 2017, pp. 26-54 Le Journal des Professionnels de l’Enfance s’interroge sur la place des pères. Il n’est pas évident pour un homme d’être père. Autrefois considéré comme “chef de famille’, figure de l’autorité, il lui faut aujourd’hui trouver sa légitimité et construire un lien avec son enfant au sein d’une relation autrefois exclusivement dévolue à la sphère féminine.

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Une année au foyer Nathanaël DUPRE LA TOUR, Editiions Le Félin, 2014. Témoignage d’un père au foyer. Sur un ton léger et avec beaucoup d’humour ce petit livre décrit le quotidien d’un père en charge de l’intendance familiale et son regard sur cette situation singulière de père au foyer. Paternité à l’aube du XXIè siècle Jean LE CAMUS, Le Journal des Professionnels de la Petite Enfance, n°89, 2014, pp. 39-41 Jean Le Camus, psychologue spécialiste des relations familiales et plus particulièrement de la paternité décline dans ce bref article les fonctions et attributs du père. Si la fonction paternelle évolue dans la société contemporaine, cependant les “fonctions traditionnelles” du père demeurent essentielles pour le développement de l’enfant. Père, mère, des fonctions incertaines : les parents changent, les normes restent ? Gérard NEYRAND, Marie-Dominique WILPER, Michel TORT, Diane KOURY ; Erès, 2013. Les évolutions sociétales invitent à revisiter les principes qui servent de cadre aux représentations des fonctions parentales. C’est à cette réflexion que nous invitent les auteurs de cet opuscule. Il s’agit d’interroger la dimension normative des fonctions maternelle et paternelle et de repérer en quoi elle influence les pratiques des professionnels qui interviennent auprès des parents. Trois regards sont ainsi portés : celui de la sociologie, du travail social et de la psychanalyse.

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Bibliographie

La paternité aujourd’hui Danielle BOYER, Agnès MARTIAL ; Informations sociales, n°176, 2013. Quelles sont les représentations de la paternité aujourd’hui ? Ces représentations collectives font encore largement référence à la fragilisation réelle ou supposée du modèle paternel mais aussi à l’empêchement de la fonction. Ces représentations sont-elles le reflet des réalités et des pratiques ? Ce numéro tente de répondre à ces interrogations et d’éclairer les obstacles à l’investissement des pères dans les tâches quotidiennes auprès des enfants. Numéro en ligne sur Cairn : www.cairn.info

Un père pour grandir : essai sur la paternité Jean LE CAMUS, Editions Robert Laffont ; 2011. Psychologue et spécialiste de la question de la paternité, Jean Le Camus plaide de nouveau la cause de la paternité, de l’importance de l’implication précoce des pères dans le développement de l’enfant et de la complémentarité des rôles parentaux.

A la recherche du père : colloque. mai 2011 : actes Ecole des parents et des éducateurs Ile de France, L’Ecole des parents, Numéro spécial, 2011. Les mutations sociales et les évolutions des structures familiales ont-elles tué le père comme on l’affirme souvent ? C’est autour de cette problématique de la disparition ou en tout cas de l’affaiblissement de sa représentation et de sa fonction que s’est construit le colloque organisé par l’Ecole des parents d’Ile de France. Approches pluridisciplinaires et regards croisés ont permis de démêler cette question de la paternité et de s’interroger sur la fonction paternelle dans une cellule familiale de plus en plus égalitaire.

PATERNITÉS À L’ÉPREUVE, PATERNITÉS PARTICULIÈRES

Désirs de pères : Images et fonctions paternelles aujourd’hui Christian ROBINEAU, 1001 BB, n°114, 2010. Les débats autour du genre et de l’identification des rôles masculin et féminin, la question du père est centrale. Les auteurs explorent les métamorphoses des représentations conscientes et inconscientes de la paternité modifient le devenir de l’enfant, la manière d’être parent et chez les professionnels nombre de pratiques institutionnelles.

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Quelle paternité aujourd’hui ? Dossier Irène KOMTOMIKOS, Le Journal des Professionnels de L’Enfance, n°64, 2010. La fonction paternelle s’est affaiblie sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs. Un mouvement de réhabilitation de la place du père s’opère aujourd’hui. Ce dossier fait le point et plaide pour une place retrouvée du père.

Paternité au quotidien et résidence alternée Benoît CEROUX, Politiques sociales et familiales, n°117, 2014, pp. 17-28 Cet article rappelle comment le partage de la vie quotidienne est apparu comme un élément fondamental pour l’exercice de la coparentalité après une séparation conjugale. Il explore ensuite comment envisager une paternité au quotidien sans référence exclusive au partage de la résidence quotidienne avec l’enfant, fûtce à mi-temps comme dans le cas de la résidence alternée.” L’auteur a mené une enquête auprès d’une trentaine de pères séparés et s’appuie sur leurs expériences. Article en ligne sur le site de la CNAF : www.caf.fr Quand la séparation des parents s’accompagne d’une rupture du lien entre le père et Population & Sociétés l’enfant Arnaud REGNIER-LOILIER, POPULATION & SOCIETES, n°500, 2013, 4 p. Lorsque les parents sont séparés, une partie des enfants ne voit plus que rarement leur père, et certains même plus du tout. Combien sont-ils ? Analysant l’enquête de l’Ined et l’Insee « Etude des relations familiales et intergénérationnelles », Arnaud Régnier-Loilier étudie la fréquence de la rupture du lien entre un père et son enfant et les circonstances dans lesquelles elle a lieu. En ligne sur le site de l’INED : www.ined.fr Numéro 500 mai 2013

English Version

Quand la séparation des parents s’accompagne d’une rupture du lien entre le père et l’enfant Arnaud Régnier-Loilier*

Lorsque les parents sont séparés, une partie des enfants ne voit plus que rarement leur père, et certains même plus du tout. Combien sont-ils ? Analysant l’enquête de l’Ined et l’Insee Étude des

relations familiales et intergénérationnelles, Arnaud Régnier-Loilier étudie la fréquence de la rupture du lien entre un père et son enfant et les circonstances dans lesquelles elle a lieu.

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Le risque pour un enfant de connaître la séparation de ses parents s’est accru avec la fragilisation des unions. La loi du 4 mars 2002 pose comme principe l’exercice commun de l’autorité parentale entre père et mère en cas de séparation : elle s’applique dans 98 % des divorces et 93 % des séparations de parents non mariés [1]. L’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé au parent qui n’a pas la garde de l’enfant (sauf motifs graves) mais la loi n’impose pas de principe relatif à la résidence des enfants, qui est majoritairement fixée chez la mère (dans 7 cas sur 10). Bien qu’en augmentation ces dernières années, la résidence alternée reste rare et la résidence du père l’exception. En cas de séparation, l’exercice de la paternité est mis à l’épreuve par l’absence de vie quotidienne avec l’enfant. Le développement de la monoparentalité a conduit à s’intéresser à ses conséquences sur les enfants à l’adolescence ou une fois adultes. Bon nombre d’études se sont attachées à démontrer l’effet positif sur le développement social, cognitif et émotif de l’enfant du maintien de l’engagement du père après la séparation. L’absence de rencontre entre un père séparé et son enfant reste cependant fréquente comme le montre l’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles (encadré).

Près d’un enfant de parents séparés sur cinq ne voit jamais son père

Lorsque les parents ne sont pas séparés (figure 1a), les enfants commencent à quitter le domicile parental à 18 ans, pour suivre des études ou s’installer, mais les

rencontres sont fréquentes, et la proportion d’enfants ne voyant jamais leur père ou leur mère est insignifiante. Quand les parents sont séparés (figure 1b) de nettes différences apparaissent entre père et mère. À quelques rares exceptions, la mère déclare vivre avec ses enfants jusqu’à leur majorité, que ce soit à temps complet ou en résidence alternée. Passé cet âge, les rencontres avec la mère restent fréquentes ; seuls 5 % des enfants de 18-34 ans ne la voient jamais. La résidence de l’enfant chez le père est plus rare, et elle est surestimée dans l’enquête(1). Lorsque le père ne vit pas avec lui, les rencontres sont nombreuses aux jeunes âges, notamment avant 5 ans. Néanmoins, l’absence de rencontre concerne près d’un enfant mineur sur dix, proportion qui atteint 19 % si l’enfant a entre 18 et 21 ans et 32 % s’il a entre 30 et 34 ans. Au total, pour 18 % des enfants (de 0 à 34 ans) de parents séparés, le père dit ne jamais les voir. Un net décrochage apparaît ainsi à 18 ans (figure 1b). Il pourrait tenir au droit de visite et d’hébergement encadré juridiquement jusqu’à la majorité de l’enfant. Le parent chez qui la résidence est fixée est alors contraint de présenter l’enfant à l’autre parent sous peine de sanctions pénales. Au-delà de cet âge, il *Institut national d’études démographiques.

1. Lorsque l’enfant est décrit par le père comme habitant avec lui, il s’agit principalement de situations de résidence alternée ; par ailleurs, les pères ayant rompu récemment leur union sont sous-représentés dans l’enquête [2] ; enfin, les hommes tendent dans les enquêtes à sous-déclarer le nombre de leurs enfants, notamment suite à une séparation quand le lien est rompu, mais aussi à déclarer comme vivant avec eux des enfants qui résident en réalité ailleurs [3].

numéro 500 • mai 2013 • Population & Sociétés • bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques

www.ined.fr

Désunion et paternité Centre d’analyses stratégiques, 16 p. (Note d’analyse n°294, 2012) Les « coûts cachés » des rôles conjugaux et parentaux se révèlent en cas de rupture : à une fragilisation de la trajectoire professionnelle des mères correspond une vulnérabilité de la relation père enfant. Le CAS préconise une série de propositions pour favoriser l’implication précoce des pères, encourager les conventions parentales en cas de rupture et traiter ensemble les conséquences financières et ceux relatifs à la garde. La médiation familiale et le soutien à la parentalité sont ainsi à promouvoir, de même que l’égalité professionnelle homme/femme et l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Numéro en ligne sur le site du CAS : archives.strategie.gouv.fr

Centre d’analyse stratégique

Octobre 2012

no 294

LA NOTE

d’ANALySE

Questions sociales

désunion et paternité

L’autorité parentale consacre l’égalité des droits et devoirs des pères et mères dans l’éducation des enfants. Le travail parental demeure cependant inégalement réparti. Dans l’intérêt de l’enfant et pour l’égalité hommes-femmes, il faut favoriser l’implication précoce des pères. Les “coûts cachés” de la spécialisation conjugale se révèlent en cas de rupture. À une fragilisation de la trajectoire professionnelle des mères correspond une vulnérabilité de la relation père-

PROPOSITIONS

Accueillir les pères en périnatalité Nine GLANGEAUD-FREUDENTHAL, Florence GRESSIER, Cahier Marcé n° 7, Coll. La vie de l’enfant, Erès, 2017. Autrefois absent du temps de la grossesse, de l’accouchement et parfois même des premiers mois de vie, l’homme a vu sa place changer. Il s’ouvre aujourd’hui à davantage de proximité avec son enfant. Cependant, l’intérêt porté aux pères par les professionnels du soin reste encore insuffisant. Travailler en périnatalité nécessite l’écoute du bébé, de la mère mais également du père, tout comme de la famille au sens large. L’homme doit être soutenu dans son accès à la paternalité, pour lui-même, et aussi pour les conséquences que des difficultés psychologiques paternelles peuvent avoir sur le couple et sur le développement de l’enfant à court et long terme. C’est dans cet objectif que ce livre a été conçu. Il rassemble historien, sociologue, chercheurs et nombreux cliniciens, experts dans le champ de la périnatalité. Il présente la clinique et ses pratiques actuelles mais aussi les travaux de recherche les plus actuels, afin de mieux penser la place des pères en période périnatale et ainsi de mieux les accueillir dans les différents lieux concernés par la naissance des bébés.

enfant. À la suite d’un divorce ou d’une séparation, la mise en œuvre de la coparentalité peut susciter des conflits entre les pères et les mères sur la résidence, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant (CEEE), le droit aux prestations familiales, etc. Pour élaborer des compromis favorisant un exercice plus consensuel de l’autorité parentale, il convient de traiter davantage ensemble les aspects relationnels et financiers de la désunion du couple.g

1 Favoriser une paternité active : en incluant mieux les pères dans les dispositifs

d’accueil de la petite enfance, de soutien à la parentalité et de protection de l’enfance ; en promouvant la conciliation entre travail et vie familiale.

2 En cas de divorce ou de séparation, encourager les arrangements souples et

personnalisés dans les conventions parentales et les décisions de justice : en formant les parents et les professionnels des secteurs éducatif, sanitaire et social au respect des droits du parent non gardien ; en diffusant un guide de bonnes pratiques de partage du temps de l’enfant et une typologie des tâches et temps parentaux (dont la communication avec l’autre parent) ; en systématisant l’insertion d’une clause de revoyure sur la résidence pour les parents de jeunes enfants. 3 Traiter ensemble les enjeux financiers de la rupture et ceux relatifs à la garde : en favorisant le recours à une “médiation globale”, un complément de formation des médiateurs familiaux étant requis au préalable ; en développant, via le réseau local des Caisses d’allocations familiales (CAF), la médiation familiale ou l’accompagnement parental préalable au recouvrement des CEEE ; en permettant la désignation de deux allocataires CAF pour un même enfant et en incitant le juge aux affaires familiales à recueillir l'avis des parties en matière de prestations familiales. 4 Au regard des asymétries du travail parental et de l’exercice d’une autorité parentale conjointe ainsi que de la jurisprudence afférente, confier à un groupe de travail le soin d’étudier une “compensation de parentalité” pour les ex-concubins et pacsés qui ont élevé des enfants, en vue d’améliorer la cohérence des droits et des devoirs. Elle correspondrait au volet parentalité qui entre, à côté d’autres critères, dans le calcul de la prestation compensatoire entre ex-époux. www.strategie.gouv.fr

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Paternités contemporaines et nouvelles trajectoires familiales Agnè MARTIAL, Ethnologie française, n°1-2012, 2012, pp. 105116 À partir d’une recherche en cours auprès d’hommes séparés ou divorcés élevant leurs enfants selon différentes modalités résidentielles, cet article interroge les clivages sociaux et sexués traversant la paternité “en solitaire”, tout en l’envisageant à travers différentes temporalités (quotidienne, biographique et générationnelle)’. (résumé de la revue) En ligne sur Cairn : www.cairn.info Paternités en solitaire : ruptures conjugales et logiques d’insertion sociale Renaud ORAIN, Ethnologie française, n°1, 2012, pp. 127-134 A partir d’une étude menée en 2009-2010 en région parisienne, l’auteur analyse l’impact des facteurs économiques et sociaux sur la fonction paternelle dans des situations de monoparentalité. Il examine plus précisément en quoi les situations de précarité influent sur l’image des pères et constituent un facteur de désaffiliation. L’article propose des pistes d’action pour remédier à ce risque de rupture du lien père-enfant. En ligne sur Cairn : www.cairn.info « Les Pères seuls ne se sentent pas légitimés » Patrice HUERRE, Actualités sociales hebdomadaires, n°2649, 2010, pp. 32-33 Dans une interview, le pédo-psychiatre Patrick Huerre analyse la situation de monoparentalité vu du côté des pères. Il souligne la singularité de leur situation et les difficultés spécifiques rencontrées par ces pères célibataires. Ce que disent les pères de multiples : dossier Multipl’infos, n°25, 2014, pp. 4-15 Naissances multiples et les pères dans tout ça ? Dans les cas de naissances multiples on parle souvent des mères, du choc de l’annonce, de leur fatigue, mais moins des pères. Comment vivent-ils l’arrivée de mutliples, comment s’impliquent-ils dans la vie familiale et dans le partage des tâches ? Bref, comment vivent-ils leur paternité ? Une série de témoignages illustrent ce vécu singulier de la paternité. Etre papa de multiples : grand dossier Multipl’Infos, n°17, 2010, pp. 4-17 Les naissances multiples bouleversent la vie familiale... Peu d’études et peu de visibilité sur le vécu quotidien sont données à ces configurations familiales qui pourtant progressent. Le dossier vise à combler ce vide en donnant la parole aux pères qui reviennent sur leur vécu tant au moment de l’annonce de la grossesse que sur l’après naissance. L’aventure des pères Cyril DOUILLET, Ombres et lumière, n°198, 2014, pp. 16-28 La paternité confrontée au handicap d’un enfant est un sujet relativement peu traité. D’où l’intérêt de cet article qui donne la parole à des pères concernés. Les centres parentaux veulent sortir de l’ombre Florence PAGNEUX, Actualités sociales hebdomadaires, n°2906, 2015, pp. 32-35 Les centres parentaux accompagnent les couples en situation de vulnérabilité. Apparus dans le sillage des centres maternels, ils se démarquent par leur volonté de faire une place aux pères. Ce

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court article présente plusieurs de ces structures et donne la parole aux acteurs de terrain et aux spécialistes de l’enfance. Préserver la planète pères : un soutien aux parents sans domicile fixe Stéphanie MAURICE, Actualités sociales hebdomadaires, n°2814, 2013, pp. 24-27 Pas facile de jouer son rôle de père quand on est sans domicile fixe. Une association lilloise mène une expérience de soutien et d’aide à la parentalité pour ces pères en situation difficile. Un week end chez papa : un groupe de soutien à la paternité en CHRS Audrey GUILLER, Actualités sociales hebdomadaires, n°2705, 2011, pp. 38-41 Ce court article relate une expérience d’accompagnement à la fonction paternelle menée par une association au sein d’un CHRS (Centre d’hébergement et de réinsertion sociale). L’accompagnement des usagers dans leur fonction paternelle est un facteur important de réinsertion. L’association a mis en place un groupe de parole et propose un logement pour l’accueil des enfants le weekend. Paternité en contexte de violence conjugale (La) Chantal BOURASSA, Pierre TURCOTTE, Geneviève LASSARD, Revue internationale de l’éducation familiale, n°33, 2013, pp. 149-167 Cet article présente les résultats d’une étude qualitative canadienne réalisée auprès de pères engagés dans une thérapie de groupe pour violence conjugale. Il s’agit pour l’équipe de recherche de comprendre le vécu de la paternité de ces hommes. Paternité entravée... : la place du “père” en procréation assistée Sylvie EPELBOIN, Editions ERES : 2010, pp. 67-80 Cet article extrait de l’ouvrage « Désirs de pères » étudie la place de l’homme dans le parcours de la procréation médicalement assistée. Sylvie Epelboin, gynécologue obstétricienne au centre d’assistance médicale à la procréation s’intéresse aux projets de paternité entravés par l’infertilité masculine, par une maladie, ou bien quand la manifestation du désir de paternité est tardive. Au nom des pères Marc Mangin, Presses de la Cité, 2017 C’est au moment où ils veulent affirmer leur paternité que le constat s’impose : les pères sont une espèce en voie de disparition. Comment la société réagit-elle à cette évolution, en particulier sur les plans politique et juridique, car la vraie question est peut-être : quelle autorité l’Etat conservera-t-il lorsque le père qui la symbolisait aura disparu ?

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Bibliographie

TEMPS PARENTAL / TEMPS DES PÈRES Evaluation du congé de paternité Inspection générale des affaires sociales (IGAS), 2018 Ce rapport d’évaluation du congé de paternité, dans les entreprises privées et dans le secteur public, dresse un état des lieux détaillé du dispositif et formule des propositions d’évolution afin de mieux répondre aux besoins des pères. Le rapport recommande de porter le congé paternité à trois semaines au lieu de onze jours calendaires actuels et à cinq jours ouvrés au lieu de trois le congé naissance obligatoire, à la charge de l’employeur. Le rapport préconise aussi de rendre obligatoire une partie de ce congé afin de déculpabiliser les pères. A télécharger sur le site de l’IGAS : www.igas.gouv.fr Implication des entreprises dans l’articulation emploifamille : les enseignements d’une enquête de terrain Delphine BROCHARD, Marie-Thérèse LETABLIER, Revue française des affaires sociales, n°2, 2017, pp. 103-121 Cet article étudie dans quelle mesure les entreprises répondent à l’incitation publique à investir dans le champ de l’articulation travail/famille de leurs salariés, pour en faire un enjeu de négociation et de stratégie. Les auteurs s’appuient pour cela sur une enquête, menée par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), auprès de 16 entreprises qui représentent un ensemble varié d’activités. septembre 2017 N° 058

analyses

direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques

L’articulation des temps parental et professionnel au sein des couples : quelle place occupée par les pères ? Parmi les parents « biactifs » de jeunes enfants, six sur dix travaillent tous les deux en journée, du lundi au vendredi. Une faible durée d’activité et des horaires asynchrones, qu’ils soient choisis ou subis, permettent aux parents de disposer de davantage de temps auprès de leur(s) enfant(s). Aussi, bien que les horaires décalés soient plus souvent alternants et moins flexibles que des horaires ordinaires, ils favorisent la garde parentale. Du lundi au vendredi, entre 8h et 19h, les parents d’un enfant de moins de 3 ans qui travaillent accordent en moyenne 70 % de leur temps disponible à sa garde et jusqu’à 80 % si la mère travaille tôt en matinée ou de nuit. Les mères passent en moyenne plus de temps avec l’enfant, y consacrant les trois quarts de leur temps disponible contre moins de 60 % pour les pères. Cependant, les pères assurent la majorité du temps de garde parentale dans trois couples « biactifs » sur dix. C’est le cas quand ils ont une faible durée de travail hebdomadaire, travaillent à domicile ou ont des horaires décalés ou alternants. Ils consacrent alors en moyenne 2h40 par jour aux enfants, ce qui reste inférieur d’une heure dix au temps accordé par les mères lorsqu’elles assurent majoritairement la garde.

Plus les femmes ont des enfants jeunes et nombreux, moins souvent elles travaillent à temps complet. S’occuper soi-même de son enfant est le premier motif qu’avancent les mères qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle dans les premières années suivant une naissance [1]. Toutefois, elles restent d’autant plus en emploi ou en reprennent d’autant plus souvent un après une interruption, éventuellement à temps partiel, que leurs horaires de travail leur permettent de concilier leurs vies professionnelle et familiale [2]. Les pères accordent moins de temps aux tâches parentales [3], mais ils apparaissent davantage impliqués lorsque leurs horaires sont désynchronisés de ceux des mères [4] [5], particulièrement quand les mères ont des horaires atypiques. Les pères assureraient ainsi principalement un rôle de relais dans la garde [6] [7]. Dans quelle mesure le temps que les pères consacrent à la garde de leurs enfants vient-il effectivement en compensation de celui des mères ? Comment se répartit le temps de garde des parents en fonction de leur temps disponible ? Certaines modalités d’organisation du temps entre les deux conjoints, choisies ou subies, favorisent-elles la garde paternelle ? L’enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants fournit des indications sur la situation professionnelle des parents, retrace leurs emplois du temps professionnel sur une semaine de référence, et les durées de garde selon les modes utilisés (encadré). Elle offre ainsi la possibilité d’étudier de façon simultanée les temps d’occupation des conjoints lorsqu’ils ont de jeunes enfants. L’enquête ne

permet pas de savoir si les parents ont ajusté leurs horaires pour prendre en charge les enfants, par exemple si un des parents a réduit son temps de travail. Elle donne cependant une photographie de la répartition du temps professionnel et parental au sein des couples. Pour analyser l’articulation des temps professionnels et parentaux des jeunes parents, cette étude dresse une typologie des emplois du temps professionnel sur une semaine habituelle des personnes en couple qui vivent avec un « jeune enfant » (qui désignera par la suite un enfant de moins de 6 ans) – et qui sont en emploi, travaillent effectivement – ne sont pas en congé parental total en particulier – et ont une durée de travail stable d’une semaine sur l’autre. Cela représente 45 % des ménages avec un jeune enfant en 2013 (1). L’étude se centre ensuite sur les parents d’un « très jeune enfant », âgé de moins de 3 ans, afin d’identifier les configurations d’horaires qui favorisent une meilleure répartition des temps parentaux et professionnels entre les deux conjoints lorsque l’enfant n’est pas encore en âge d’être scolarisé.

(1) Les autres ménages sont des familles monoparentales (mère ou père seul avec enfant), des couples avec enfant dont l’un des parents ne travaille pas, est au chômage ou en congé de longue durée ou des couples biactifs dont l’un des conjoints a des horaires variant d’au moins 3 heures d’une semaine sur l’autre (encadré). La typologie réalisée porte sur les horaires conjoints des parents de jeunes enfants, ce qui la distingue des typologies d’emplois du temps professionnel individuels des personnes en emploi réalisées à partir des enquêtes Emploi du temps de l’Insee ([8], [9] par exemple) ou, portant sur les couples « biactifs », à partir de l’enquête Familles et employeurs de l’Ined, mais en se fondant sur les caractéristiques des horaires et non sur les emplois du temps détaillés [4].

Articulation des temps parental et professionnel au sein des couples : quelle place occupée par les pères ? BRIARD, Karine, DARES-Analyses, n°058, 2017, 10 p. Pour analyser l’articulation des temps professionnels et parentaux, cette étude dresse une typologie des emplois du temps professionnel sur une semaine habituelle des couples qui vivent avec un jeune enfant. En ligne sur le site de la Dares : dares.travail-emploi.gouv.fr

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Les pères en congé parental à temps partiel en France : vers un modèle égalitaire ? Danielle BOYER, Revue des politiques sociales et familiales, n°122, 2015, pp. 63-76 A partir d’une enquête menée auprès de pères bénéficiaires du complément de libre choix d’activité (CLCA) à taux réduit, cet article avait l’objectif d’étudier leur rôle dans la sphère familiale et professionnelle. La distribution des tâches parentales et ménagères durant le congé parental avait-elle évolué ? En ligne sur le site de la CNAF : www.caf.fr Exercice de la paternité et congé parental en Europe : [Dossier] Elin KVANDE, Berit BRANDTH, Johanna LAMMI-TASKULA, Karin WALL, Revue des politiques sociales et familiales, n°122, 2015, pp. 3-131 Ce dossier présente plusieurs études menées en France et dans d’autres pays européens, sur les pratiques des pères en congé parental et en congé paternité. Un article retrace notamment l’histoire des congés parentaux en France. En ligne sur le site de la Cnaf : www.caf.fr Après une naissance, un homme sur neuf réduit ou cesse son activité contre une femme sur deux Stéphanie GOVILLOT, INSEE PREMIERE, n°1454, 2013, 4 p. En France, plus d’une mère sur deux d’enfants de moins de huit ans s’est arrêtée de travailler après la naissance de ses enfants ou a réduit temporairement son temps de travail au moins un mois au-delà de son congé de maternité. Seuls 12 % des pères ont modifié leur temps d’activité au-delà de leur congé de paternité.’ Numéro en ligne sur le site de l’INSEE : www.insee.fr Politiques de congés pour les enfants en Europe : la place des pères Peter MOSS, Informations sociales, n°176, 2013, pp. 114-122 Les politiques européennes en matière de congés pour les parents (maternel, parental et paternel) s’adressent de plus en

Réduire les inégalités professionnelles en réformant le congé paternité Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Hélène PERIVIER, Policy Brief, n°11, 2017, 14 p. Afin de réduire les inégalités professionnelles, l’OFCE préconise la modification du temps consacré aux enfants entre femmes et hommes, à travers une réforme du congé paternité. Celui-ci serait obligatoire, et plus long, afin de rééquilibrer entre les deux parents l’impact d’une naissance sur la carrière. Associé à l’expansion des structures d’accueil de la petite enfance, il orienterait les politiques familiales vers l’objectif d’égalité. En ligne sur le site de l’OFCE : www.ofce.sciences-po.fr Variations de la conciliation vie familiale-vie professionnelle dans l’OCDE Institut de recherche économiques et sociales (IRES), Christèle MEILLAND, Chronique internationale de l’IRES, n°152, 2016. Les textes réunis dans ce numéro spécial questionnent l’évolution et la situation de deux instruments de conciliation famille-travail que sont les congés destinés aux parents et les structures de garde d’enfants et ce, dans différents pays de l’OCDE. Numéro en ligne sur le site de l’Ires : www.ires-fr.org

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plus aux pères, avec des effets variables selon les dispositifs. Cette évolution affirme le droit des hommes à s’occuper de leurs enfants. Au-delà, elle doit être un point de départ pour repenser l’articulation entre l’aide aux proches, l’emploi et le genre tout au long de la vie, aujourd’hui dysfonctionnelle au détriment des femmes. Numéro en ligne sur Cairn : www.cairn.info Une enquête sur la paternité masculine en entreprise Pascale PITAVY, Informations sociales, n°176, 2013, pp. 128-131 La directrice associée de l’agence-conseil ‘Equilibres’ fait part des enseignements de son enquête auprès de 37000 personnes issues de grandes entreprises sur les souhaits des salariés en matière d’aide à la parentalité et en particulier à la paternité. Article en ligne sur Cairn : www.cairn.info Parentalité et égalité professionnelle hommes-femmes : Comment impliquer les hommes ? : 10 bonnes pratiques d’entreprises Observatoire de la parentalité en entreprise (OPE), Jérôme BALLARIN, 166 p., 2012 Demandé par Claude Greff, secrétaire d’Etat à la famille, ce rapport propose une série de « bonnes pratiques » issues d’échanges avec plus de 500 entreprises et associations. La seconde partie du rapport présente douze témoignages d’hommes engagés à la fois dans leur vie professionnelle et dans leur vie familiale. En ligne sur le site de la Documentation française : www. ladocumentationfrancaise.fr 1

Poids des normes dites masculines sur la vie professionnelle et personnelle d’hommes du monde de l’entreprise : Deux femmes s’entretiennent avec des hommes, dirigeants et cadres Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) Sylviane GIAMPINO, Brigitte GRESY, ORSE, 2012. Les hommes interrogés font part d’un sentiment de double dépossession : celle d’un univers dont ils étaient les maîtres, le monde du travail, car l’entreprise ne tient pas toujours les promesses escomptées, et car les femmes, partenaires admirées, deviennent aussi des concurrentes enviées ; et celle de l’univers de la famille, dans lequel leur ancien statut de pourvoyeur de revenu et de chef de famille doit évoluer vers une nouvelle place à reconfigurer. De plus, surtout pour les plus jeunes, il devient difficile pour les hommes d’avancer en clivant les deux sphères travail/famille. Rapport en ligne sur le site de l’ORSE : www.orse.org

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SUR LES ÉCRANS Nos batailles Comédie dramatique de Guillaume Senez, octobre 2018. Avec Romain Duris, Laetitia Dosch et Laure Calamy. (2018) Très impliqué dans son travail dans un entrepôt de vente en ligne, Olivier a deux enfants dont s’occupe principalement leur mère, Laura, vendeuse. Lorsqu’elle quitte brusquement le domicile familial, le père de famille se retrouve du jour au lendemain à devoir tout gérer et mener de front ses vies familiales et professionnelles. Le film dépeint sans fard la dureté du monde de l’entreprise, et, à travers ce beau personnage de père débordé, aborde bien des questions liées aux familles contemporaines, la paternité, la répartition traditionnelle des rôles parentaux, mais aussi la solidarité. Parents live, la parole des parents en direct Un site de parents pour les parents, construits par des parents dans lesquels vous pourrez trouver des témoignages, des récits, des partages, des « lieux ressources » pour échanger avec d’autres parents. Au cœur du projet : la vidéo, qui permet autant des parodies du quotidien que des sujets plus profonds sur la parentalité. Lyamine et Magali, deux parents à l’origine de Parents Live ont d’ailleurs participé au colloque de l’UNAF sur la place des pères. On peut retrouver leur reportage sur l’événement, au côté de bien d’autres ressources, sur leur site http://parentslive.fr Pères sur le fil Un film documentaire de Christine Davoudian et Jeanne Lorrain, 38 minutes. En cas de séparation, l’exercice de la paternité est mis à l’épreuve et les rares travaux de recherche rendent compte de la fragilisation des liens père enfants avec le risque de disparition du père ou de rencontres en pointillé qui s’étiolent dans le temps. Les pères aux revenus modestes, avec un emploi précaire ou chômeurs sont les plus exposés. Les causes sont multifactorielles, parmi elles, la persistance des conflits conjugaux qui rend difficile une coparentalité sereine. Le risque de « dépaternalisation » reste réel et vient aussi interroger les Institutions et les professionnels, sans oublier la question des violences conjugales qui peut aussi avoir un effet de brouillage. Enfin après séparation, chacun des parents doit apprendre à être parent sans l’autre... Ce premier film ne prétend pas faire le tour de ces questions complexes mais donne la parole à des pères de tous milieux. Une parole pour exprimer un vécu subjectif mais aussi une réflexion élaborée sur leur nouvelle condition de pères séparés. Avec la participation d’intervenants de terrain et de chercheurs : Pascale Jamoulle et Gérard Neyrand. Disponible en ligne sur : https://bit.ly/2RnpIwY Ou en DVD sur commande auprès de Christine Davoudian : christinedavoudian57@gmail.com

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Numéros disponibles

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Pour tout savoir sur tout ce qui touche à la vie quotidienne des familles : logement, santé, éducation, consommation...

Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S

LA PLACE DE L’ENFANT DANS LA MÉDIATION FAMILIALE

ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

10e

13e

N° 92-93 - 2011

n°92-93 l 2010

La place de l’enfant dans la médiation familiale

10e

n°104-105 l 2014

La place des familles dans la protection de l’enfance

10e

n°114-115 l 2016 Familles connectées

n°124-125 l 2018

n°95-96-97 l 2011 L’accueil de la petite enfance

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n°106-107 l 2014 Être aidant familial aujourd’hui

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n°116-117 l 2016 Loisirs et vacances en famille

10e

n°98-99 l 2012

Le logement, une question familiale

10e

n°108-109 l 2014

L’alimentation au cœur des familles

10e

n°118-119 l 2017 Familles & argent

10e

n°100-101 l 2012 Soutien à la parentalité avec et pour les parents

10e

n°110-111 l 2015 Numéro spécial 70 ans d’engagements pour les familles

10e

n°120-121 l 2017

Familles & santé mentale

10e

n°102-103 l 2013 Familles et Ecole

10e

n°112-113 l 2015 Associations Familiales L’Union fait la force !

10e

n°122-123 l 2018 Familles à l’épreuve de la séparation

10e

Etre père, aujourd’hui !

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“RÉALITÉS FAMILIALES”

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A RENVOYER À : UNAF “RÉALITÉS FAMILIALES”

28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 15 E-mail : realites.familiales@unaf.fr - Site Internet : www.unaf.fr

4_BIBLIO - Dec18.indd 84

12/02/2019 18:00


Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

Être père, aujourd’hui ! 28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr I

@unaf_fr ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

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N° 124-125 - 2018

13/02/2019 11:36


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