Réalités Familiales n°130/131 : Jeunes, vie active & autonomie

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Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

Jeunes, vie active & autonomie 28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr I @unaf_fr ISSN : 0220 9926 - Prix : 10 e

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N° 130-131 - 2020

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Réalités N°130-131 / 2020

Sommaire

Jeunes, vie active & autonomie REVUE DE L’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES Magazine édité par L’Union nationale des associations familiales 28, place Saint-Georges 75009 PARIS www.unaf.fr Direction : Présidente et directrice de la publication : Marie-Andrée Blanc Directrice générale : Guillemette Leneveu Responsable de la communication et des publications : Laure Mondet Rédaction : Rédaction en chef : Elise Séaume Secrétariat de rédaction : Cécile Chappe Soutien éditorial et rédaction : Aurélie Pécaud Agence Rhêtorikê rhetorike.fr

ÉDITORIAL Les solidarités familiales, des piliers pour l’insertion des jeunes par Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’Unaf...........3

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AVANT-PROPOS Notre engagement pour les jeunes et leur famille par Rémy Guilleux, Administrateur de l’Unaf en charge de l’Education....................................................4 INTRODUCTION Notre engagement pour les jeunes et leur famille Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse.............................................5 LES CHIFFRES CLÉS DE L’AUTONOMIE DES 16-29 ANS....................6

Crédits photos : X, Shutterstock Diffusion et abonnements : Abonnement annuel (2 numéros) : France : 22 euros Étranger : 25 euros Commande au numéro : Numéro simple : 6,50 euros Numéro double : 10 euros Numéro triple : 13 euros + 3,15 euros de frais de traitement Contact : Service Communication Tél. : 01 49 95 36 00 courriel : realites.familiales@unaf.fr Dépôt légal : Septembre 2020 - n°ISSN 0220 9926

Reproduction interdite sauf autorisation de l’UNAF

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• Apprentissage : une expérience de l’entreprise, entre promesses et réalités par Patricia Humann, Unaf, et Camille Arnodin, directrice d’étude qualitative..............................32 par Jean-François Giret, et Julien Berthaud, IREDU.......................................................................36

• Les conditions de logement des étudiants révélatrices des inégalités sociales

État des lieux

par Jean-Claude Driant – Lab’Urba..................38

• Entrer dans la vie

par Anne Muxel, sociologue ...................................... 8

• Commencer sa carrière professionnelle en temps de crise économique par Dominique Epiphane, CEREQ

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• Quelques enseignements d’enquêtes récentes sur la jeunesse par Olivier Galland, sociologue

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• Quelles obligations et solidarités des parents pour l’enfant majeur ?

par la rédaction......................................................18

• Combien coûte un jeune adulte à ses parents ?

par Sébastien Grobon, DARES et Ined............20

• Des solidarités familiales à géométrie variable Respectueux de l’environnement, ce document est imprimé sur du papier utilisant la certification forestière PEFC (Programme européen de certification forestière). La certification PEFC donne l’assurance que le papier que nous utilisons est issu de pâtes produites à partir de forêts gérées durablement.

Préparer sa vie active

• Travailler pour financer ses études

Remerciements à : Zoé Bernon, Sarah Berthelot, Cécile Dequeker et Jean-Philippe Vallat. Impression - Mise en page Hawaii Communication 78310 Coignières 01 30 05 31 51

Analyse

par Mickaël Portela, DREES et Emilie Raynaud, Insee.........................................22

• Parcours résidentiels des 18-29 ans

par Erwan Pouliquen, Insee...............................16

• Etudiants et jeunes actifs : de nombreuses aides souvent mal identifiées

par la rédaction......................................................28

• Aider les familles à construire un parcours global d’orientation des jeunes

par Ferroudja Kaci, CIDJ #InfoJeunesse........40

Quelles politiques publiques pour la jeunesse ?

• Politique familiale et aide aux jeunes : restaurer une alliance naturelle par Yvon Sérieyx, chargé de mission économie-emploi – Unaf.....................................43

• Accès à la santé : quels dispositifs pour les jeunes ? Interview de Frédéric Napias, Assurance Maladie.....................................................................46

• Les vulnérabilités des jeunes : un apport des « catégories naturelles »

par Jérémy Alfonsi et Maria-Eugenia Longo...... 48

• La garantie jeunes : quels jeunes et quel bilan après cinq ans

par Marine Guillerm et Solène Hilary – DARES......52

• Impliquons les entreprises dans la réussite professionnelle des jeunes !

par Sam Blajak, Nos quartiers ont des talents.....56

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Jeunes, vie active & autonomie Des enjeux croisés

• Quand les enfants s’en vont … Interview de Béatrice Copper-Roye, psychologue clinicienne.......................................58

• Mobilité des jeunes, des enjeux multiples par Valérie Dreyfuss, Laboratoire de la mobilité inclusive ..................................................................60

• La famille, actrice des choix de métier et de vie

par Agata Ribay et Laurence Carré...................62

• Mineurs non accompagnés : un nouveau public pour l’Udaf de la Charente

par l’Udaf de la Charente....................................70

• La relation à l’argent et les apprentis en Haute-loire

par l’Udaf de Haute-Loire....................................72

• Assurer un toit aux jeunes sortants de l’Aide sociale à l’enfance

par l’Udaf de Loire Atlantique............................73

• L’Udaf de la Nièvre : un acteur de l’insertion des jeunes

par l’Udaf de la Nièvre.........................................74

• Des ateliers sur le budget pour préparer l’entrée dans la vie active par l’Udaf de Saône-et-Loire..............................76

Aux côtés des familles

Initiatives des associations familiales

• La jeunesse écrit ton nom : solidarité !

L’engagement du réseau Unaf-Udaf-Uraf

• Les représentations nationales et locales • Les services des Udaf • Le service civique.............................................. 66

Les initiatives des Udaf

• Prendre son envol avec Smart’Budget par l’Udaf de l’Allier..............................................68

• Quitter le nid familial, ça se prépare ! par l’Udaf des Hautes-Alpes...............................69

par le Cnafal............................................................77

• Compétence jeunes à l’association familiale du verdunois

par Familles de France........................................78

•1 8 ans : l’âge de la majorité pour les jeunes adoptés ?

Enfance et familles d’adoption...........................79

• Se former, s’épanouir : Quel ressenti des jeunes après leur formation ?

par Maisons familiales rurales...........................80

Bibliographie

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Edito Les solidarités familiales, des piliers pour l’insertion des jeunes Marie-Andrée BLANC Présidente de l'Unaf

La quête d’autonomie est à la fois un défi et un accomplissement. Un défi, car quitter le nid familial, trouver un emploi stable et un logement est particulièrement difficile pour la jeune génération. Accomplissement, car elle représente pour les parents depuis toujours le couronnement de leur rôle : tous souhaitent pour leurs enfants qu’ils deviennent des adultes autonomes, qu’ ils « volent de leurs propres ailes ». Accompagner son enfant vers l’autonomie est un long processus qui commence dès le plus jeune âge et se poursuit bien au-delà de la majorité. Apprentissage ou études longues, chômage ou premier emploi, job étudiants, cohabitation ou logement indépendant… Etre jeune se vit dans une multitude de réalités. Aussi variées soient ces réalités, cette période est souvent marquée par l’instabilité, parfois par la précarité. Le soutien familial joue alors un rôle essentiel. D’un strict point de vue financier, ce sont environ sept parents sur dix qui soutiennent chaque mois leur jeune adulte et consacrent une part importante de leurs ressources, pour l’aider du mieux qu’ils peuvent à se lancer dans la vie. Le soutien prodigué par les familles prend bien d’autres formes : soutien affectif et relationnel, matériel, domestique, administratif, aide à la recherche d’emploi, d’un logement, à l’aménagement...

Soutenir les familles pour soutenir les jeunes Ces solidarités familiales, longtemps ignorées, sont depuis peu mieux étudiées et quantifiées : elles sont indéniablement des piliers pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. Elles sont complétées par notre système d’aides publiques, qui représente également un soutien précieux pour les jeunes adultes. C’est particulièrement vrai pour les jeunes qui ne peuvent pas bénéficier des solidarités familiales : rupture familiale, fragilité économique et/ou sociale… Malgré ces efforts, les situations de grande précarité sont encore trop nombreuses, elles doivent trouver des réponses adaptées. Pour l’Unaf, le Revenu universel d’activité (RUA) pourrait être l’occasion d’une extension de la protection sociale aux moins de 25 ans, en ciblant les jeunes les plus fragiles, et un outil de lutte contre la pauvreté et les inégalités. Ces mesures ne doivent toutefois pas être prises au détriment du soutien social et fiscal aux parents de jeunes adultes, à un âge où le coût de l’enfant reste si important. Les familles doivent donc continuer d’être soutenues quand leurs enfants grandissent et l’être davantage, pour leur donner confiance en l'avenir et les aider à devenir des adultes autonomes et responsables. La crise sanitaire que nous traversons a démontré de manière empirique que la famille est la première instance de solidarité, sur laquelle l’action publique doit s’appuyer.

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Avant-propos

Rémy Guilleux Président du département Education-JeunesseNumérique de l’Unaf

Notre engagement pour les jeunes et leur famille La jeunesse est une période cruciale. Elle porte en elle une promesse collective, celle de l’avenir de notre société. Au moment où ils s’élancent vers l’autonomie, les jeunes sont pourtant encore vulnérables à bien des égards, et dépendants du soutien et de la protection que leur offre leur famille. Les crises, sanitaire, mais aussi économique et sociale que nous traversons actuellement, ont et auront des conséquences qui renforcent ces fragilités : il est d’autant plus nécessaire de mieux protéger et soutenir les jeunes dans leur accès à l’autonomie, pour leur permettre de construire leur vie dans de bonnes conditions et de devenir des adultes à leur tour. En tant que représentants des familles, nous voyons à quel point l’entrée dans la vie active des jeunes est une étape-clé, source de préoccupations sensibles pour chaque parent : parcours scolaire, choix et financement des études, coût dans le budget familial, accès à l’emploi et au logement, mobilité géographique … Dans chaque instance nationale et locale où l’Unaf et son réseau représentent les familles, nous agissons pour faire connaître le rôle essentiel que les solidarités familiales jouent dans l’accès des jeunes à l’autonomie et à la vie active, afin qu’elles soient mieux reconnues mais aussi mieux soutenues.

Des perspectives d’insertion connectées au développement local

Les problématiques liées à l’insertion sont en grandes partie sous-tendues par des enjeux locaux : besoins des familles, spécificités économiques, sociales, territoriales… Ainsi, dans chaque territoire, les Udaf développent des solutions et des services pour répondre aux besoins spécifiques des familles et des jeunes, pour les accompagner dans leur accès à l’autonomie : éducation budgétaire, soutien à l’orientation, autonomie par le logement, mobilité… Par le biais du Service civique, dont l’Unaf gère l’agrément collectif pour les Uraf et Udaf depuis 10 ans, notre réseau est également impliqué avec les jeunes pour dynamiser les tissus associatifs locaux tout en agissant pour leur insertion dans la vie active, en leur offrant une première expérience professionnelle et citoyenne valorisante, pleine de sens et au service de l’intérêt général. Ce numéro est aussi l’occasion de saluer le travail des associations familiales qui agissent de façon remarquable pour l’insertion et l’autonomie des jeunes. Par leurs actions, elles permettent à des jeunes de réaliser leurs projets d'avenir. Elles montrent que contrairement aux idées reçues, l’implication des parents dans la réussite des jeunes n’est pas un frein pour à leur accès à l’autonomie, bien au contraire. C’est aussi le sens de la dernière étude qualitative de l’Unaf, dont l’analyse est également à découvrir dans les pages de ce numéro de Réalités Familiales.

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© Philippe Devernay / MENJS

Introduction

Jean-Michel BLANQUER Ministre de l’Education nationale, des Sports et de la Jeunesse

Donner à notre jeunesse confiance en son avenir Après la période inédite que nous avons connue, la priorité de la relance doit aller vers la jeunesse. Nous lui avons demandé beaucoup pour protéger nos aînés : fermeture des écoles, des établissements scolaires et des universités, enseignement à distance, interdiction de sortir, suspension des stages et des apprentissages, mise entre parenthèse de nouvelles embauches. Aujourd'hui, il est de notre devoir de tout faire pour la protéger des impacts économiques et sociaux de la crise. Parce qu'elle est l'avenir de la société, elle doit concentrer toute l'attention de nos politiques publiques. Depuis 2017, des évolutions profondes ont été engagées pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes pour leur donner confiance, pour lutter contre les décrochages, préparer à l'autonomie et construire de véritables parcours de réussite. Parmi celles-ci, la transformation de la voie professionnelle est une avancée majeure qui fait du lycée professionnel un véritable tremplin vers la vie active et les études supérieures de nos élèves.

Pour que nous puissions offrir à tous nos jeunes les solutions les mieux adaptées à leurs besoins, le travail des associations dans les territoires est primordial

En réunissant au sein d'un grand ministère l'Education nationale, les Sports et la Jeunesse, le gouvernement donne une nouvelle ambition à son action pour la jeunesse. Désormais, les temps éducatifs - scolaire, périscolaire et extrascolaire - se pensent comme un tout qui s'envisage dès le plus jeune âge, jusqu'à l'insertion dans la vie active. Le sport, élément indispensable à leur bien-être, doit être un centre d'intérêt majeur pour chacun de nos jeunes : vecteur précieux pour la transmission de valeurs civiques, il est aussi un moteur puissant d'accomplissement et de réussite. Notre ministère a ainsi pour mission de renforcer encore les liens du corps et de l'esprit, au fondement de la pensée humaniste.

Avec le plan de relance pour la jeunesse, annoncé par le gouvernement le 23 juillet 2020, nous nous dotons des moyens nécessaires pour répondre aux défis de l'insertion professionnelle. L'objectif est simple : donner une solution à chacun des 750 000 jeunes arrivés sur le marché du travail en 2020. Ce plan répond à trois priorités : offrir des opportunités professionnelles à tous, orienter et former les élèves vers les métiers d'avenir et faciliter l'accompagnement des jeunes éloignés de l'emploi. La création de 100 000 contrats de service civique supplémentaires d'ici fin 2021 est une des mesures fortes de ce plan. Au-delà d'une réponse aux enjeux économiques et sociaux de la crise, ces nouvelles missions - comme la création du Service National Universel - ont aussi vocation à encourager l'engagement et le sens de l'intérêt général de nos jeunes. Pour que nous puissions offrir à tous nos jeunes les solutions les mieux adaptées à leurs besoins, le travail des associations dans les territoires est primordial. Je remercie ainsi chacun des contributeurs de cette nouvelle parution de l'Unaf, dont les analyses vont nous permettre de renforcer encore notre action. En donnant à notre jeunesse confiance en son avenir, nous creusons le sillon d'une société prospère, tournée vers l'avenir et unie autour de notre pacte républicain.

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Jeunes, vie active & autonomie

Chiffres

Être adulte Pour 59% des jeunes, être adulte aujourd’hui, c’est être mûr et responsable

clés

Vision de la société et de leur avenir

Etre adulte c'est avant tout...

70 60

61 %

50

des jeunes sont optimistes pour leur avenir.

40

83 %

30

des jeunes interrogés pensent que le système éducatif prépare peu ou pas du tout au marché du travail.

20 10 0

et pour 30% c’est être autonome financièrement.

Mûr et responsable

Indépendant Se marier et Ne plus habiter Avoir son premier Avoir terminé financièrement avoir des enfants chez ses parents CDI ses études

Sources : Etude Génération What ?, Yami 2 & Upian, 2016, http://generation-what.francetv.fr/

Situation études/emploi

des jeunes font des études Source : Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ), Insee/DREES (2019)

Logement Entre 18 et 29 ans,

1 jeune sur 2

habite encore chez ses parents. Source : Enquête Logement (Insee)

des jeunes interrogés pensent que l'argent tient une place trop importante dans notre société.

Source : Etude Génération What ?, Yami 2 & Upian, 2016, http://generation-what.francetv.fr/

Activité des 18-24 ans

50 %

93 %

30 %

sont en emploi

20 %

sont au chômage

76

des bacheliers poursuivent des études dans l’enseignement supérieur.

Source : Repères et références statistiques 2019

Ressources des jeunes et solidarités familiales A 18 ans Aide régulière des parents Revenus sociaux Revenus du travail

A 24 ans

53 %

Aide régulière des parents Revenus sociaux Revenus du travail

18 % 29 %

3 700 €/an Près de 8 parents sur 10 aident leur enfant jeune adulte par des dépenses régulières. Pour ces parents le montant moyen des dépenses s’élève en moyenne à 3 700 € par an, soit en moyenne 8 % de leurs revenus Source : Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ), Insee/DREES (2019)

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%

7% 16 % 77 %

6 jeunes /10

78

jeunes décrivent % des leurs relations avec

actuellement en emploi ont été aidés par leur parent pour trouver leur premier emploi.

leurs parents comme « cool » ou « idéales ». Etude Génération What ?, Yami 2 & Upian, 2016, http://generation-what.francetv.fr/

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État des lieux On peut tenter de définir la jeunesse comme une période de la vie qui se situe entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte ; comme une tranche d’âge, qui s’étire entre 16 et 30 ans… Mais c’est surtout une grande diversité de situations, néanmoins marquée par des tendances fortes. Certaines sont stables, d’autres propres à chaque génération. Comment les jeunes adultes traversent-ils cette période ? Quels parcours, quelles ressources, quels soutiens pour affronter les instabilités et parfois la précarité ? Une rubrique pour faire le point.

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État des lieux

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Entrer dans la vie

Anne MUXEL Directrice de recherche au CNRS en sciences politiques au CEVIPOF

À chaque époque, la jeunesse témoigne de l’état d’une société. Elle doit s’insérer au sein d’un système d’obligations réciproques mais aussi d’un ensemble de représentations fixant des horizons d’attentes spécifiques à la relève de chaque génération. La société doit donner aux jeunes des places et des postes, elle doit leur permettre d’accéder à l’autonomie, et par là en faire des citoyens et des sujets responsables. La jeunesse, quant à elle, ouvre la possibilité d’un continuum d’avenir et la réalisation d’un futur à partir duquel assurer les conditions mêmes de la vitalité et de la durabilité de la société.

L Extrait de « Politiquement jeune », Editions de l’Aube (2018)

a relève des générations ne va jamais de soi. Elle se fait souvent dans la concurrence et dans la rivalité - le conflit des générations -, ou bien elle est soumise aux situations de blocage entraînées par les vicissitudes de la conjoncture - la génération sacrifiée. Mais rares sont les relèves pacifiées, et ce d’autant plus que les plus jeunes font la plupart du temps l’objet d’une suspicion généralisée de n’être pas (ou plus) à la hauteur de leurs aînés. L’enquête Generation What (Yami 2 & Upian, 2016), dont une première vague a été menée en 2013 et une seconde en 2016, a donné l’occasion à plus de 320 000 jeunes Français âgés de 18 à 35 ans de s’exprimer en répondant à un ensemble de questions couvrant une grande diversité de domaines relatifs à leur vie quotidienne et à leurs préoccupations. Cette consultation de grande ampleur permet d’examiner les conditions de la relève des générations propres à notre époque. Elle est un miroir reflétant les craintes, les dysfonctionnements et les

Entre l’âge moyen de sortie du système éducatif (20 ans) et l’âge moyen d’obtention d’un emploi stable (27 ans), s’étire toute une période marquée par l’instabilité, le doute et aussi, souvent, la précarité.

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blocages sur lesquels butent la socialisation et l’intégration des jeunes générations dans la France d’aujourd’hui. Elle annonce aussi les recompositions et les ajustements, dans les normes et dans les pratiques sociales, qui sont impulsés par les classes d’âge les plus jeunes. S’y dessine une sorte d’autoportrait rendant visible, malgré les lignes de clivage et les effets propres de l’irréductibilité de certains déterminismes sociaux, une communauté générationnelle, entendue au sens de l’expérience commune d’un temps historique, social et politique. Cette communauté d’expériences induit des façons d’être au monde et des anticipations pouvant signer, sinon une communauté de destins, en tout cas une singularité contrastant avec la socialisation des générations précédentes. Ce portrait révèle les contours d’un âge de la vie, entre identification et expérimentation, entre héritage et invention.

Trouver sa place

Les jeunes générations évoluent aujourd’hui dans un monde complexe, connecté, mondialisé et globalisé, dont les systèmes traditionnels d’appartenances et d’allégeances sont soit affaiblis, soit éclatés, en raison d’une individuation du sens et des engagements, d’une individualisation des normes et des pratiques. Nombre de jeunes se

reconnaissent dans la nécessité de devoir composer avec l’incertitude. […] Les jeunes placent leur parcours d’entrée dans la vie adulte sous le signe de l’acquisition de la maturité plus que de l’autonomie. Être mûr et responsable est en effet la définition première qu’ils donnent de la condition adulte (59 %), bien avant le fait d’être indépendant financièrement (30 %). Leur réponse reflète la relative déconnexion des seuils qui marquent le passage à l’âge adulte dans un temps qui s’est allongé. Entre l’âge moyen de sortie du système éducatif (20 ans) et l’âge moyen d’obtention d’un emploi stable (27 ans), s’étire toute une période marquée par l’instabilité, le doute et aussi, souvent, la précarité. […] Le chômage ou la précarité rendent plus problématique l’envol des jeunes : la cohabitation avec les parents concerne les trois quarts des jeunes au chômage ou inactifs sortis du système éducatif. Des trentenaires restent « cloués » au domicile parental : 12 % des 25-34 ans, et les jeunes hommes en plus forte proportion. Cette situation a tendance à se diffuser, notamment par l’augmentation des situations de retour au domicile parental* plusieurs années après en être parti, qui concernent des jeunes confrontés

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État des lieux

Les représentations que les jeunes se font de l’accès à la condition adulte relèvent certes d’une maturité qu’ils revendiquent, mais aussi de la possibilité de quitter le domicile familial à la perte de leur emploi ou à des séparations conjugales. Ces cas sont en augmentation de 20 % par rapport à la décennie précédente. […] S’ajoute à ces situations l’existence de « solidarités inversées » quand se mettent en place, notamment dans certaines familles monoparentales, une cohabitation durable et une aide financière prodiguée aux parents. […] Quoi qu’il en soit dans les faits, les représentations que les jeunes se font de l’accès à la condition adulte relèvent certes d’une maturité qu’ils revendiquent, mais aussi de la possibilité de quitter le domicile familial. Les deux tiers d’entre eux (69 %) considèrent que devenir adulte suppose de se trouver (partir tôt de chez ses parents et expérimenter le plus longtemps possible, 44 %) et de s’assumer (partir tôt de chez ses parents, faire des études courtes et entrer rapidement sur le marché du travail, 25 %). Les étudiants se montrent un peu plus patients pour prendre leur envol : 33 % mettent en avant la nécessité de d’abord se placer (tout miser sur le diplôme pour entrer sur le marché du travail et quitter ses parents), alors qu’ils ne sont que 23 % de l’ensemble des jeunes et 21 % des actifs à partager cet avis. Enfin, seuls 8 % lient la condition adulte au fait d’être en capacité de s’installer (rester chez ses parents jusqu’à être prêt(e) à vivre en couple et fonder une famille). Pour la majorité, l’envol du nid précoce est bien dans les têtes ! Et beaucoup d’entre eux (71 %), notamment parmi les plus âgés, malgré une entente largement prédominante avec leurs parents, se sentent gênés de dépendre d’eux financièrement. Si plus de la moitié d’entre eux (56 %) décrivent avoir avec

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leurs parents des relations cool et un sur cinq (20 %) des relations idéales, ils mettent aussi en avant leurs scrupules face aux aides prodiguées et à leur situation de dépendance (Yami 2 & Upian, 2016). Dans cette période de transition, les jeunes peuvent compter sur le soutien affectif de leur famille. Pour une très large majorité d’entre eux (87 %), les parents soutiennent leurs choix et même se montrent fiers de leur parcours (85 %). Ce soutien présenté comme inconditionnel reste majoritaire même dans les situations plus problématiques, lorsque les jeunes sont confrontés au chômage ou à l’inactivité (respectivement 69 % et 53 %). La famille nucléaire traditionnelle a connu de profondes mutations et des recompositions significatives de son rôle et de ses fonctions. La proportion des enfants vivant dans une famille

recomposée a doublé en vingt ans, les unions libres se sont généralisées. […] Mais bien que diversifiée dans ses modes de vie et institutionnellement fragilisée, la famille continue de représenter un noyau identitaire et une base de sécurité, tant sur le plan affectif que matériel. Cela est vrai partout en Europe, mais encore plus particulièrement en France où elle est chargée, de façon plus marquée que dans d’autres pays, notamment les pays scandinaves ou d’Europe du Nord, de suppléer au rôle de l’Etat dans le processus de formation et d’autonomisation des jeunes. En effet, la famille française est une instance de solidarité sur laquelle l’action publique peut et doit s’appuyer, ce qui lui confère un rôle qui redouble de sens et de portée dans le vécu même des relations intrafamiliales et intergénérationnelles. La France dote les jeunes générations d’aides publiques significatives, mais les familles restent très largement mises à contribution (Van de Velde, 2008).

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*Lire aussi « Parcours résidentiels des 18-29 ans» page 26

Si les jeunes font de la famille un élément constitutif de leur identité personnelle et sociale, s’ils y trouvent de toute évidence des

Dans cette période de transition, les jeunes peuvent compter sur le soutien affectif de leur famille. Pour une très large majorité d’entre eux (87 %), les parents soutiennent leurs choix et même se montrent fiers de leur parcours (85 %).

La famille française est une instance de solidarité sur laquelle l’action publique peut et doit s’appuyer, ce qui lui confère un rôle qui redouble de sens et de portée dans le vécu même des relations intrafamiliales et intergénérationnelles. La France dote les jeunes générations d’aides publiques significatives, mais les familles restent très largement mises à contribution.

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soi mais aussi sur les autres, telle pourrait être l’équation des conditions matérielles et subjectives qui les porteraient jusqu’à l’âge adulte. […]

Près de sept Français sur dix (69 %) se montrent pessimistes quant à la situation des jeunes dans les trente années à venir

ressources non négligeables, ils se sont aussi affranchis de ses contraintes institutionnelles et de ses impositions normatives. L’inscription de l’individu dans un système d’appartenances contraignantes et d’identifications non choisies s’est quelque peu relâchée. L’éclatement et la diversification des modèles familiaux ont pu y contribuer. Mais la demande d’autonomie de chacun, dont celle aussi de l’enfant, devenue aujourd’hui la base du fonctionnement familial, a profondément redéfini le contrat familial. La famille est désormais d’abord relationnelle, souscrivant à une logique plus affinitaire que statutaire. […] Près des deux tiers des jeunes (64 %, soit + 4 points par rapport à 2013) reconnaissent que leurs parents sont angoissés pour leur avenir. […] Cette angoisse diffuse, quant à l’entrée dans la vie, dans le nouveau contrat affectif qui lie les jeunes à leurs parents redouble dès lors qu’elle bute sur une incompréhension. […] Le décalage entre les espérances anxieuses des parents quant à l’insertion professionnelle de leur progéniture - que leur enfant décroche un CDD, et encore mieux un CDI - et les visions des jeunes qui ne veulent plus nécessairement d’une vie toute tracée - « ils ne comprennent pas que je ne me projette pas à plus de

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Se projeter dans la société

trois mois » - entretient de fréquentes incompréhensions qui alimentent d’autant l’angoisse ambiante. Sécurité du côté parental, instantanéité du côté de la jeunesse, sont les deux termes d’une équation intergénérationnelle nouvelle dont les repères sont peu définis, ne serait-ce que parce que le réel de la société impose aussi sa donne de plus en plus concurrentielle et complexe. La seule boussole est l’amour, indéfectible et garant de protection, au risque même de l’étouffement. […] Dans ce climat de forte anxiété familiale, la notion de solidarité est plus que jamais de mise. Presque tous les jeunes (81 %, soit +4 points par rapport à 2013) reconnaissent que dans la vie on ne peut pas s’en sortir sans solidarité. Mais ils sont aussi une large majorité à penser qu’il faut pouvoir compter sur ses propres forces : 63 % (- 4 points par rapport à 2013) se rallient à la proposition quand on veut on peut. Et c’est sans doute à partir de ce ressort à double détente - la solidarité, et notamment la solidarité intergénérationnelle et familiale d’une part, et l’obligation de la volonté personnelle et de la débrouillardise d’autre part - que se dessine et se construit leur trajectoire d’entrée dans la vie adulte. Compter sur les autres mais aussi sur soi, compter sur

Près de sept Français sur dix (69 %) se montrent pessimistes quant à la situation des jeunes dans les trente années à venir (ELABE, 2018a). Les jeunes Français le sont moins. Mais ils se montrent aussi plutôt inquiets dès lors qu’on leur demande d’envisager l’avenir. La fatalité et la résignation face à la persistance d’une crise économique et d’un chômage devenus endémiques hypothèquent leurs perceptions de l’avenir. En trois ans, leur inquiétude s’est encore aggravée. Alors qu’en 2013 35 % étaient persuadés qu’ils ne connaîtraient jamais autre chose que la crise, en 2016 ils sont 43 % à partager cette impression. Les trois quarts d’entre eux (73 %), et ce quel que soit leur statut ou leur milieu social, sont assurés que la crise économique aura un impact sur leur avenir (Yami 2 & Upian, 2016). Ayant intériorisé leur appartenance à une génération de la crise, et pour beaucoup à une génération sacrifiée - c’est le mot qui est spontanément le plus cité, avec l’adjectif perdue, pour définir leur génération-, ils s’inscrivent dans ce coup d’arrêt de toute perspective de promotion ou d’amélioration des conditions de vie qui entame depuis une trentaine d’années la dynamique générationnelle. Une majorité d’entre eux (53 %) considèrent que leur avenir sera plutôt pire comparé à la vie qu’auront menée leurs parents. Seuls 23 % se projettent dans un avenir plutôt meilleur, quand 24 % considèrent que ce sera pareil. Leur âge avançant, et confrontés aux difficultés concrètes de trouver places et postes dans la société, leur pessimisme apparaît prononcé (59 % des 30-34 ans contre 39 %

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des 18-19 ans). Et les jeunes actifs, tout particulièrement ceux qui occupent un métier d’employé ou d’ouvrier, y souscrivent encore davantage (59 %, et parmi eux 65 % des ouvriers). Néanmoins, la moitié (50 %) des jeunes actifs dotés de diplômes et appartenant à la catégorie des professions cadres ou des professions intellectuelles se rallie au même diagnostic. Leur pessimisme vaut aussi pour les générations qui vont les suivre. […] Malgré ce pessimisme inscrit dans l’intergénérationnel, le sentiment de maîtriser son destin et les choses qui peuvent arriver concerne une majorité (59 %), mais c’est nettement moins qu’en 2013 où ils étaient 68 % à faire la même réponse (ibid., consultation 2013). Mais là encore, selon les situations d’insertion, l’évaluation n’est pas la même. Parmi les jeunes

apparaissent sur ce point plus convaincus que les étudiants (50 % contre 42 %), et cette injonction se trouve encore renforcée dans les territoires déshérités ou connaissant des difficultés économiques plus marquées. […]

favorisés. Les deux tiers (68 %) des jeunes vivant dans des zones urbaines dites sensibles et près de sept non diplômés sur dix (67 %) expriment le sentiment d’une plus grande facilité à faire valoir leurs talents hors de France (Opinionway, 2017).

Par ailleurs, la confiance en soi qu’ils mettent majoritairement en avant les convainc très majoritairement qu’ils ont plus de chances de s’en sortir par rapport aux autres jeunes du même âge (79 %). Si le pessimisme prévaut dans la verticalité et dans l’intergénérationnel, la confiance en soi est de mise dès lors qu’ils sont invités à s’évaluer dans l’horizontalité des échanges et dans l’intragénérationnel. Même les jeunes chômeurs (57 %) conservent en majorité l’espoir de mieux s’en sortir par rapport aux autres jeunes de leur âge.

C’est donc un modèle de socialisation d’adaptation à la crise, fait à la fois de résignation lucide quant à la réalité incontournable de celle-ci et d’ouverture sur des possibles à conquérir sur la base de la volonté, de la confiance personnelle et de la mobilité, qui prévaut. La capacité de mouvement et d’adaptation, en ayant intériorisé la nécessité de la lutte et de la débrouillardise, est sans doute le paradigme à partir duquel beaucoup de jeunes Français abordent leurs projets de vie. […]

Les jeunes ont peu confiance dans la société comme dans les institutions qui la façonnent et qui les entourent. Mais ils n’ont pas perdu confiance dans leur capacité à se projeter dans une trajectoire socio-professionnelle choisie et relativement maîtrisée. chômeurs et les ouvriers, le sentiment de dépossession de cette maîtrise - subir les choses qui arrivent - est plus accusé : 50 % des premiers et 44 % des seconds (24 % seulement des jeunes en classe préparatoire ou préparant une grande école). Les jeunes, majoritairement pessimistes pour l’avenir, se projettent donc néanmoins dans un avenir : leur avenir personnel. Ils sont à son endroit moins pessimistes, ne seraitce que parce qu’ils conservent l’idée d’avoir quelques cartes en main, et d’abord celle de la confiance qu’ils peuvent avoir en eux-mêmes. Ainsi un jeune sur deux (48 %) partage le sentiment que pour réussir dans la vie on ne peut compter que sur soi-même. Les jeunes actifs

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Les conditions objectives de la socialisation des jeunes Français entretiennent un pessimisme ambiant venant entacher leurs espérances dans le cadre d’un avenir collectif, mais celles-ci apparaissent relativisées dès lors que se pose la question d’un destin singulier et d’une synergie personnelle. Les jeunes ont peu confiance dans la société comme dans les institutions qui la façonnent et qui les entourent. Mais ils n’ont pas perdu confiance dans leur capacité à se projeter dans une trajectoire socio-professionnelle choisie et relativement maîtrisée. Pour cela, ils sont nombreux à envisager de quitter la France pour travailler et s’installer à l’étranger. […] La possibilité d’un départ concerne tous les jeunes, y compris les moins

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Lorsqu’ils sont invités à cerner leurs sujets de préoccupation les plus importants, l’accès à l’emploi occupe une place incontournable (45 % des réponses, et les femmes en plus grand nombre encore que les hommes : 48 % contre 41 %), mais l’environnement et le souci de l’écologie prennent la première place (52 %). Comparée à leurs réponses de 2013, leur préoccupation environnementale, sans doute en raison du succès de la COP21 mais aussi parce que de nombreux signaux dans la société et sur les réseaux sociaux alertent l’opinion sur une diversité croissante de sujets touchant aux équilibres écologiques de la planète, a progressé de 19 points. Viennent en troisième position leurs interrogations et leurs inquiétudes concernant le système éducatif (37 %, soit une augmentation de 8 points par rapport à 2013) (ibid.). Ce trio d’enjeux parmi les plus mobilisateurs pour cette génération résume à lui seul la façon dont ils se projettent dans un futur possible : être formé et éduqué dans de bonnes conditions, avoir un travail, et vivre sur une planète Terre dont les humains sauront préserver les ressources et la pérennité. l

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Commencer sa carrière professionnelle en temps de crise économique

Dominique EPIPHANE Sociologue, Ingénieure de recherche au Céreq

Avec la récession économique consécutive à la pandémie de Covid-19, les 700 000 jeunes qui vont se présenter sur le marché du travail en 2020 vont être parmi les premiers touchés par la crise de l’emploi. Ses effets se ressentent déjà dans les statistiques : le taux de chômage de la zone OCDE a connu une hausse sans précédent de 2,9 points de pourcentage (passant ainsi de 5,5 % à 8,4 % en avril 2020 ; chez les jeunes de 15-24 ans, il a bondi de 5,5 points (passant de 12,1 % à 17,6 %), comparé à une hausse de 2,7 points pour les personnes de 25 ans et plus1.

C

atégorie de main d’œuvre singulière de par sa jeunesse, sa faible ancienneté sur le marché du travail, mais aussi par le renouvellement des qualifications dont elle est porteuse, chaque génération de sortant·es du système éducatif se trouve particulièrement exposée au contexte économique du moment comme aux transformations plus structurelles affectant le marché du travail. Observer leur intégration dans le système d’emploi et leurs débuts de carrière constitue un enjeu primordial dans le pilotage des politiques publiques d’emploi et de formation. Les enquêtes Génération ont largement contribué à mettre en évidence les différentes dimensions de cette intégration, mais aussi souligné la question du temps que celleci nécessite – variable selon les individus et les périodes. De ce point de vue, les 7 années d’observation des jeunes sortis de formation initiale en 2010, qui complètent celles des Générations antérieures (1998 et 2004), nous permettent de poin-

ter les évolutions majeures des 20 dernières années… et peutêtre d’entrevoir les tendances pour les années à venir2.

Des parcours plus difficiles dans un contexte de conjoncture dégradée

La Génération de jeunes qui s’étaient présentée sur le marché du travail en 2010, a été confrontée, au cours des premières années de sa vie active à la crise des dettes souveraines de 2012 et a dû faire face à une dégradation conjoncturelle durable, suivie d’une légère reprise qui n’a pas permis un rattrapage des niveaux d’avant la crise financière de 2008 et n’a pas redynamisé l’emploi. Ce contexte a pesé sur les possibilités et le rythme d’accès à l’emploi des jeunes de la Génération 2010, ralentissant leur intégration professionnelle et les exposant davantage au chômage en début de vie active que leurs aîné·es des Générations 2004 et, plus encore, 1998. La trace de la crise de 2012 est ainsi particulièrement nette dans la remontée brutale du

niveau de chômage qu’elle induit à partir du mois de juillet, à un moment où le processus d’insertion de la cohorte dans son ensemble n’a pas encore atteint son terme (cf. graphique 1). Après une année de pause, le mouvement de décrue du chômage reprend et une convergence s’observe entre les Générations au terme des 7 premières années de vie professionnelle. La mauvaise conjoncture en début de carrière aura donc davantage retardé que mis à mal durablement le processus d’accès à l’emploi de la Génération 2010 qui n’apparaît pas subir les effets à moyen terme d’un « stigmate initial » lié à ses difficultés d’accès à l’emploi. Pour autant, au cours des sept premières années de parcours professionnels, certaines conséquences sont à observer. La première concerne la réduction du temps passé en emploi, et donc de l’expérience professionnelle accumulée : celui-ci équivaut à 73 % des sept années d’observation, contre 80 % de celui de la Génération 1998. La

1/ Source, OCDE : https://www.oecd.org/fr/sdd/stats-travail/unemployment-rates-oecd-06-2020-fr.pdf 2/ Pour les résultats détaillés de cette étude voir : Epiphane D., Mazari Z., Olaria M. et Sulzer E. « Des débuts de carrière plus chaotiques pour une génération plus diplômée », Céreq Bref, n°382, Oct. 2019.

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seconde concerne la part des jeunes dont la trajectoire est marquée par un certain éloignement de l’emploi ; 17 % des jeunes de 2010 (contre 11 % de ceux de 1998) ont une trajectoire passée dominée soit par du chômage persistant ou récurrent, soit par des situations d’inactivité durable. Ils sont par ailleurs davantage à avoir repris des études ou une formation longue (cf. tableau 2).

Une hétérogénéité des parcours professionnels des jeunes selon leur niveau de diplôme

Reste que ces comparaisons d’ensemble entre Générations masquent des évolutions très contrastées des parcours professionnels selon le niveau de diplôme atteint en formation initiale. La précédente enquête Génération 2004 montrait déjà que, dans un contexte conjoncturel marqué alors par la crise de 2008, le rôle protecteur du diplôme s’était renforcé. De même, au sein de la Génération 2010, les variations en fonction du diplôme se sont creusées. Ainsi, les chances de connaître une trajectoire de stabilisation en Emploi à durée indéterminée (EDI) étaient 6 fois moins élevées pour un·e sortant·e sans diplôme que pour un·e diplômé·e de l’enseignement supérieur au sein de la Génération 1998 ; c’est désormais 9 fois moins dans celle de 2010.

Graphique 1 : Evolution du taux de chômage sur les 7 premières années de vie active pour trois générations de sortant.es du système éducatif 30

Première interrogation

28 26 24

Génération 2010

22

Deuxième interrogation Troisième interrogation

Crise de 2012

20 18

Génération 2004

16 14

Génération 1998 Crise de 2008

12 10 8

Cohorte 1998 interrogée Cohorte 2004 interrogée Cohorte 2010 interrogée

en 2001 en 2007 en 2013

en 2003 en 2009 en 2015

en 2005 en 2011 en 2017

Sources : Céreq, enquête 2017 auprès de la Génération 2010, enquête 2011 auprès de la Génération 2004, enquête 2005 auprès de la Génération 1998 (champ comparable). Champ : ensemble des jeunes (France métropolitaine).

Tableau 2 : Typologie de trajectoires pendant 7 ans des Générations 1998 et 2010 Non-diplômé·es

Diplômé·es du secondaire

Diplômé·es du supérieur

Ensemble

G98

G10

G98

G10

G98

G10

G98

G10

Stabilisation en EDI

41

21

61

49

81

76

66

55

EDD durable

25

24

21

21

12

14

18

19

Chômage persistant ou recurrent

20

34

7

13

3

4

7

13

Longue(s) période(s) en formation ou reprise d'études

6

10

7

13

2

4

5

9

Inactivité durable

8

11

4

4

2

2

4

4

100

100

100

100

100

100

100

100

Ensemble

Sources : Céreq, enquête 2017 auprès de la Génération 2010, enquête 2005 auprès de la Génération 1998 (champ comparable). Champ : ensemble des jeunes (France métropolitaine).

Dans l’ensemble, ce sont les non-diplômé·es qui ont vu leur situation se dégrader le plus fortement. La part de temps qu’ils et elles ont passé en emploi sur les 7 années chute de 65 % à 46 %. Cette « raréfaction » de l’emploi vient bouleverser les trajectoires-types qui caractérisent leurs parcours professionnels. Ainsi, les trajectoires marquées par un éloignement de l’emploi - du fait d’un chômage récurent ou persistant ou d’une inactivité durable - sont désormais aussi fréquentes que celles dominées par l’emploi, alors qu’elles ne représentaient qu’un peu plus d’un quart des

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trajectoires de leurs aîné·es non diplômé·es (cf. tableau 2). De plus, parmi les parcours dominés par l’emploi, on constate la très forte érosion des trajectoires de stabilisation en EDI, désormais dépassées par celles caractérisées par un enchaînement durable d’Emplois à durée déterminée (EDD). Les jeunes diplômé·es de l’enseignement secondaire sont également affecté·es par un accès à l’emploi, et en particulier à l’EDI, plus difficile pour la Génération 2010. Pour autant, les trajectoires dominantes restent celles marquées par l’emploi et la stabilisation en EDI. Pour ces diplômé·es, se manifeste également une tendance croissante à la reprise d’études, notamment des sortant·es au niveau Bac.

*Niveau M et D : Master et Doctorat

En savoir

En revanche, les trajectoires d’accès à l’emploi des jeunes diplômé·es de l’enseignement supérieur ont été peu affectées par la conjoncture. La stabilisation en EDI demeure la norme et concerne les trois quarts d’entre eux. L’expérience en emploi accumulée lors des 7 premières années reste massive, et comparable à celle accumulée par leurs homologues de la Génération 1998. Cependant, pour ces jeunes, cette expérience est devenue moins rémunératrice sur le

+:

Épiphane D., Mazari Z., Olaria M. et Sulzer E. « Des débuts de carrière plus chaotiques pour une génération plus diplômée », Céreq Bref, n°382, Oct. 2019. Couppié T., Épiphane D., « Et les femmes devinrent plus diplômées que les hommes… », Céreq Bref, n°373, Mars 2019. Couppié T., Dupray A, Épiphane D., Mora V. (coord.), 20 ans d’insertion professionnelle des jeunes : entre permanences et évolutions, Céreq Essentiels n°1, 2018.

marché du travail. L’accroissement du salaire médian entre la première embauche et le dernier emploi occupé, qui oscillait entre 44 % et 54 % selon le type de diplôme entre 1998 et 2005, plafonne au mieux à 31 % entre 2010 et 2017 (pour les bac+5 et plus). Au point que les derniers salaires perçus, après environ 6 ans d’expérience accumulée, sont inférieurs, en euros constants, aux salaires perçus par leurs homologues de 1998. Cette modération de la progression salariale chez les diplômé·es du supérieur se conjugue à une baisse marquée des évolutions de carrière ascendantes entre les deux Générations. Cela se traduit par un accès plus lent et moins fréquent aux postes de cadres pour les jeunes diplômé·es de l’enseignement supérieur après 7 ans sur le marché du travail. Ils et elles ont, dans leur dernier emploi observé « toutes choses égales par ailleurs », 1,8 fois moins de chances d’être classé·es cadre et 1,4 fois plus de chances d’être classé·es en profession intermédiaire que leur·s aîné·es. Ainsi, les opportunités offertes par les entreprises ne sont pas à la mesure de l’augmentation du nombre de diplômé·es de l’enseignement supérieur long (niveaux M et D*), qui passe de 11 % à 16 % entre les deux Générations. Le marché du travail et les entreprises ne font donc pas écho, en termes salariaux, à la hausse du niveau de qualification de leurs jeunes salarié·es ; la montée de l’offre de diplômé·es ayant été plus rapide que la demande d’emplois qualifiés, ou en tout cas, que leur reconnaissance et leur rétribution en tant que tels.

Crise(s) conjoncturelle(s) et transformations structurelles

Contrainte à vivre des débuts de vie active dans une conjoncture difficile, où le diplôme semble de plus en plus nécessaire mais

de moins en moins valorisé, la Génération 2010 a également dû composer avec des transformations plus structurelles du marché du travail. Ainsi, elle a été, plus encore que ses aînées, exposée aux évolutions des pratiques de recrutements, dont les modalités d’embauches privilégient toujours plus les différentes formes de contrats à durée limitée. Or, cette nouvelle « norme » de recrutement n’est pas sans effets sur les possibilités effectives de stabilisation à moyen terme des jeunes dans l’emploi. Elle peut constituer pour certain·es un tremplin vers une carrière, mais pour d’autres une trappe à précarité. Si, à partir du mois de mai 2020, l’activité a fortement repris dans les entreprises, reste que les réductions d’effectifs continuent à être significatives dans certains secteurs et passent majoritairement par le nonrenouvellement des CDD3. Ainsi, même si les perspectives des entreprises s’améliorent légèrement, elles restent marquées par une forte incertitude : la DARES estime que celles qui anticipent un retour à l’activité normale d’ici 3 mois représentent moins de la moitié des emplois salariés, celles qui ne voient pas de retour à la normale avant la fin de l’année en représentent un peu plus d’un tiers et celles qui ne savent pas dater ce retour à la normale, un cinquième. Les plus pessimistes sur leurs perspectives demeurent les secteurs de l’hébergement-restauration et de la fabrication de matériels de transport. Or, le commerce, l’hôtellerie-restauration et le transport étant les trois secteurs qui accueillent traditionnellement près d’un tiers des jeunes se présentant sur le marché du travail4, ce phénomène risque donc de s’amplifier dans les mois à venir. l

3/ Dares, « Activité et conditions d’emploi de la main- d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid-19 », juin 2020 (https://dares.travail-emploi.gouv.fr/ dares-etudes-et-statistiques/tableaux-de-bord/le-marche-du-travail-pendant-le-covid-19) 4/ Céreq (collectif), Quand l’école est finie. Premiers pas dans la vie active de la Génération 2013 : enquête 2016, collection Céreq-Enquêtes, n° 1, 2017, p.27.

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Quelques enseignements d’enquêtes récentes sur la jeunesse Aides sociales, inégalité, pauvreté... Les enquêtes récentes sur la jeunesse, et notamment l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ) éclairent sous un nouveau jour des aspects mal connus de la vie des jeunes. Pour Olivier Galland, elles sont riches en enseignements sur l’efficacité de notre système d’aides, ainsi que sur le rôle de l’Ecole pour réduire les inégalités.

D

es pans de la vie des jeunes, mal connus jusqu’à présent, sont explorés par de nouvelles enquêtes. C’est le cas de la question importante des ressources des jeunes, mieux connue aujourd’hui grâce à l’enquête menée en 2014 par la DREES et l’Insee (Enquête nationale sur les ressources des jeunes, ENJR) auprès d’un échantillon représentatif de 5 800 jeunes de 18 à 24 ans, vivant en ménages ordinaires ou en logements collectifs (internat, Cité-U, FJT…). Cette enquête a déjà donné lieu à quelques publications, dont un quatre pages « Etudes et résultats » de la DREES (2016) et un numéro de la revue Economie et statistique paru début juillet. Essayons, dans ce court papier, de tirer quelques enseignements de ces premiers travaux, sur deux questions : celle, controversée du système d’aides à la jeunesse, volontiers quali-

Olivier GALLAND

fié de « familialiste » pour dire qu’il repose essentiellement sur les aides familiales et celle des inégalités et de la pauvreté à l’intérieur de la jeunesse et des facteurs qui y contribuent.

Entre familialisme et individualisation : un modèle français hybride

La qualification de « familialisme » nous semble quelque peu abusive et les résultats de l’enquête ENRJ apporte des éléments qui permettent de le montrer. Rappelons d’abord le caractère relativement original que prend la transition vers l’âge adulte en France, si on la compare à celle des pays méditerranéens et à celle des pays nordiques, deux modèles très contrastés. Le modèle français paraît être, en réalité, un modèle mixte, pas aussi tardif que le modèle méditerranéen et pas aussi précoce que le modèle scandinave, un modèle qui, en outre, est plus socialisé que le modèle méditerranéen sans l’être autant que le modèle nordique. Les jeunes Français quittent assez vite leurs parents, notamment lorsqu’ils entament des études supérieures (on peut estimer à 60 % le pourcentage des membres des jeunes

générations qui aujourd’hui débutent des études supérieures1). Ils ne sont pas pour autant complétement indépendants sur le plan économique et dépendent encore assez largement de leurs parents, mais ils bénéficient aussi, on va le voir, d’autres sources de revenus. Ils sont très souvent dans une situation qu’on pourrait appeler de semi-cohabitation (ou semidécohabitation) : ils reviennent périodiquement chez leurs parents, souvent le week-end.

Sociologue, directeur de recherche au CNRS.

Ce modèle permet un éloignement en douceur, progressif de la sphère familiale, un apprentissage mesuré de l’autonomie. Ce modèle étudiant concerne donc aujourd’hui une grande partie des jeunes. Mais il est loin de ne reposer que sur l’aide familiale. L’enquête ENRJ montre en effet que près de la moitié (49 %) des jeunes (1824 ans) en cours d’étude percevaient un revenu social au moment de l’enquête pour un montant moyen de 300 euros. Certes, ces jeunes étudiants reçoivent également massivement une aide financière régulière des parents (pour 90 % d’entre eux et pour un montant moyen par bénéficiaire de 330 euros), mais deux types d’aides publiques viennent compléter

1/ 80% des jeunes obtiennent aujourd’hui le baccalauréat, et parmi eux 76% poursuivent des études dans l’enseignement supérieur (Repères et références statistiques, 2019)

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ces aides familiales : les aides au logement (61 % des étudiants semi-cohabitants ou non cohabitants en bénéficient) et les bourses (28 % des étudiants en bénéficient). Les bourses sont essentiellement des bourses de l’enseignement supérieur délivrées sur critères sociaux, mais les aides au logement attribuées aux étudiants s’apparentent à une sorte d’aide sociale quasiuniverselle qui ne dit pas son nom, puisqu’elle est délivrée sans conditions de ressources des parents du jeune bénéficiaire. Ce double canal, public et privé, des aides reçues par les étudiants leur procure un net avantage, comparativement aux aides dont bénéficient les autres jeunes ayant terminé leurs études. Pour les jeunes en emploi, cela se comprend en partie puisque, travaillant, ils ne peuvent évidemment pas prétendre aux bourses ni aux allocations chômage. Néanmoins, ils sont deux fois moins nombreux que les étudiants à toucher des aides au logement (15 % de l’ensemble des jeunes en emploi contre 31 % de l’ensemble des étudiants et respectivement 35 % et 61 % chez les décohabitants). De fait, les 2/3 des jeunes bénéficiaires d’aides au logement sont des étudiants, alors qu’ils ne représentent que

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50 % de l’ensemble des jeunes de 18-24 ans (DREES 2019). De ce fait, les enfants de familles de cadres sont surreprésentés parmi les bénéficiaires, alors que les enfants d’ouvriers et d’employés y sont sous-représentés. Quant aux jeunes chômeurs et inactifs (hors étudiants), ils sont paradoxalement également moins souvent aidés par la puissance publique que les étudiants. 36 % d’entre eux perçoivent un revenu social, contre, rappelons-le 49 % des étudiants. Ces jeunes sont souvent contraints de rester plus longtemps chez leurs parents, ce qui explique qu’ils ne sont que 14 % à bénéficier d’une aide au logement. Cependant, même ceux qui ont quitté leurs parents bénéficient moins souvent de cette aide que les étudiants (56 % contre 61 %). Ils sont par contre nettement plus nombreux à toucher d’autres minima sociaux (CIVIS et garantie jeunes) ou prestations familiales que les autres jeunes (45 % sont dans ce cas lorsqu’ils ont décohabité) pour un montant moyen par bénéficiaire (toutes aides confondues) nettement plus élevé (750 €). Ce système d’aides à la jeunesse est donc loin d’être exclusivement ou même principalement

« familialiste », comme on le dit parfois trop rapidement. Certes, la grande majorité des jeunes (70 % toutes situations confondues) reçoit une aide régulière des parents, mais pour un montant moyen relativement modeste (250 €), cette aide étant complétée par les revenus du travail (42 % des jeunes dans ce cas la semaine précédant l’enquête, pour un montant moyen de 1060 €) et par des aides sociales disparates en fonction des situations et des statuts, mais qui concernent 38 % de l’ensemble des jeunes. Ce système d’aides apparaît complexe, un brin hypocrite et relativement inégalitaire. Il est complexe car constitué de nombreux dispositifs dont il est assez difficile de comprendre la philosophie d’ensemble, comme si les mesures s’étaient empilées au fil des années sans qu’on réfléchisse vraiment à leur logique générale et à leur articulation. Cette absence de lisibilité peut favoriser un sentiment d’injustice chez une partie des jeunes. Il est un brin hypocrite car les aides au logement distribuées aux étudiants sont en réalité un succédané d’aide universelle puisqu’elles sont accordées sans conditions de ressources des parents à un public très large. Enfin, il est relativement inégalitaire car

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les étudiants à nouveau bénéficient d’aides sociales assez généreuses tout en recevant une aide substantielle de leurs parents (c’est le cas de 97 % des étudiants « semi-cohabitants » pour un montant moyen de 510 €) qui est une part invisible mais bien réelle de leurs revenus, alors que leurs parents peuvent continuer à bénéficier de la demi-part fiscale liée au rattachement de leur enfant à leur foyer fiscal (ou bien, alternativement, délcarer la pension qu’ils versent à leurs enfants, y compris s’il n’est pas étudiant). Or cette possibilité d’être rattaché au foyer fiscal de ses parents est ouverte jusqu’à 24 ans inclus pour les étudiants alors qu’elle ne l’est que jusqu’à 20 ans pour les autres jeunes. En revanche, comme l’écrivent Laura Castel et Sébastien Grobon dans un article du numéro d’Economie et statistique déjà cité, « parmi les jeunes majoritairement au chômage ou inactifs, les conditions d’accès aux allocations chômage et au RSA laissent une partie d’entre eux avec de très faibles ressources : les plus modestes vivent avec seulement 260 euros par mois en moyenne ». In fine, le niveau de vie moyen annuel des jeunes en études est logiquement inférieur à celui des jeunes en emploi (de 5000 €), mais nettement supérieur à celui des jeunes chômeurs ou inactifs (14 800 € contre 11 700 €), alors que la relative modestie des ressources des étudiants n’est que provisoire puisque le diplôme qu’ils préparent sera financièrement valorisable lorsqu’ils se présenteront sur le marché du travail.

Inégalités, pauvreté : le rôle-clé de l’accès au travail et du diplôme

Le niveau de vie et le taux de pauvreté des jeunes étaient jusqu’à présent mal mesurés. En effet, l’approche standard qui passe la prise en compte des revenus du ménage est mal adaptée au cas des jeunes dont une partie notable n’a pas

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fondé son propre ménage (en demeurant chez les parents) et qui bénéficient à des degrés divers d’aides intrafamiliales non prises en compte par la statistique publique habituelle. L’enquête ENRJ permet de contourner ces obstacles par une approche individualisée des revenus et en prenant en compte l’ensemble de ces revenus, y compris ceux qui passent par l’aide des parents directe ou indirecte et en individualisant le calcul du niveau de vie (Castel et Grobon, 2020). Le revenu individualisé des jeunes ainsi obtenu est en moyenne plus faible que celui obtenu par l’approche standard du fait que cette dernière attribue au jeune un revenu sur la base de l’ensemble des revenus du ménage, alors que l’approche individualisée retenue par Laura Castel et Sébastien Grobon ne retient que la partie des ressources liées à la cohabitation via les transferts en nature pour le logement et l’alimentation. L’origine sociale est un facteur associé aux inégalités de niveau de vie des jeunes ainsi mesuré, et une fois contrôlé un ensemble d’autres déterminants possibles (l’âge, le sexe, la situation résidentielle, la situation d’activité, la situation familiale) : un jeune adulte dont le père est cadre a, toutes choses égales par ailleurs, un niveau de vie supérieur de 11 % à celui d’un jeune dont le père est salarié des professions intermédiaires, tandis qu’un enfant d’ouvrier a un niveau de vie plus bas de 7 % par rapport à la même référence. Néanmoins, les mêmes facteurs étant contrôlés (dont l’origine sociale) la position à l’égard de l’emploi paraît beaucoup plus déterminante : en prenant pour référence les étudiants, les jeunes majoritairement en emploi ont un niveau de vie supérieur à 34 % alors que les jeunes majoritairement au chômage ou inactif ont un niveau de vie inférieur de 24 % ! C’est bien l’accès au travail qui

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est décisif pour réduire les inégalités et réduire la pauvreté des jeunes. Cet accès au travail est évidemment lui-même dépendant du niveau de diplôme obtenu qui dépend lui-même pour partie de l’origine sociale, mais pour partie seulement. Sur ce plan les comparaisons internationales sont éclairantes et ne tournent pas à l’avantage de la France : dans le nord de l’Europe ou en Allemagne, des pays au niveau économique comparable, les jeunes ont des résultats bien meilleurs aux tests PISA (la grande enquête internationale de l’OCDE sur les acquis des élèves de 15 ans) et sortent moins souvent de l’école sans qualification. L’école n’est donc pas simplement le réceptacle des inégalités sociales initiales, elle peut, sinon les annuler, du moins les réduire et certains pays y parviennent mieux que d’autres. Dans le même numéro de la revue de l’Insee, une étude sur les NEET* (Bonnard, Giret, Kossi, 2020) met en exergue le rôle crucial de l’absence de diplôme sur le risque d’exclusion sociale. L’école est l’enjeu décisif pour améliorer les chances de l’ensemble des jeunes et réduire les inégalités entre eux. l

*NEET : Acronyme de Not in Education, Employment or Training, jeunes qui ne sont ni dans le système éducatif, ni en emploi, ni en stage de formation ou alternance.

Références bibliographiques : Bonnar C., Giret J.-F., Kossi Y., 2020, « Risque d’exclusion sociale et ressources de jeunes NEET », Economie et statistique, n° 514-515-516, « Jeunes et transitions vers l’âge adulte » Castel L., Grobon S., 2020, « Une approche individualisée des inégalités entre jeunes », Economie et statistique, n° 514-515-516, « Jeunes et transitions vers l’âge adulte » Etudes et résultats n° 0965, juin 2016, « Les principales ressources des 18-24 ans. Premiers résultats de l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes » Economie et statistique, n° 514-515-516, « Jeunes et transitions vers l’âge adulte » DREES, 2019, « Les bénéficiaires d’aides au logement : profils et conditions de vie », Les Dossiers de la DREES, n° 42, octobre

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Quelles obligations et solidarités des parents pour l’enfant majeur ? La rédaction

L’article 203 du Code civil dispose que « les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ». Cette obligation tombe sous le sens lorsque l’on considère des enfants en bas âge qui dépendent totalement de leurs parents pour vivre. Est-ce que, pour autant, l’arrivée de la majorité délivre les parents de toutes obligations alimentaires ?

C

ette problématique, qui sert d’amorce pour la comédie populaire Tanguy, est pourtant bien réelle et la source d’une abondante jurisprudence. Elle nous en dit plus sur les modalités de la poursuite de la solidarité générationnelle jusqu’à l’autonomie concrète du jeune adulte.

Qui est concerné ?

L’alinéa 2 de l’article 371-2 du Code civil prévoit que l’obligation pour chaque parent de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ne cesse pas de plein droit quand celui-ci atteint la majorité. Et si la formulation historique de l’article 203 du Code civil mentionne des « époux » obligés par l’entretien de leurs enfants, cette notion couvre bien l’ensemble des possibilités de filiation dûment établies entre un parent et sa descendance. Tout comme les personnes mariées, les concubins et les pacsés sont donc aussi concernés par cette obligation alimentaire, depuis que la loi n°2002-305 du 4 mars 2002 a supprimé la distinction entre enfant naturel et enfant légitime. De la même façon, la dissolution du mariage lors d’un divorce ne supprime en rien le lien de filiation entre les parents

et l’enfant. Aussi, l’obligation alimentaire persiste de la même façon pour les époux divorcés que durant le mariage. Et c’est aussi bien entendu le cas pour les concubins qui se séparent, tout comme les pacsés qui dissolvent leur union. Il n’est cependant pas rare qu’un parent cherche à échapper à cette obligation alimentaire surtout lorsque l’enfant est majeur. Néanmoins, la jurisprudence a pu considérer que les juges pouvaient tirer les conséquences de la carence dans l’établissement de la preuve de l’état de besoin de l’enfant majeur pour considérer que celle-ci justifiait la suppression de la contribution à l’entretien et à l’éducation1. En effet, l’enfant majeur peut aussi se tourner vers ses grandsparents pour qu’ils viennent se substituer en cas de défaillance de ses parents, et prendre en charge tout ou partie de l’aliment. Bien que le Code civil énonce clairement l’obligation d’entretien imposé au père et à la mère, les ascendants directs ne sont pas forcément les seules personnes dont la solidarité peut être recherchée. D’une façon générale, c’est le lien de filiation qui sera déter-

minant pour établir l’obligation alimentaire qui ne dépend donc pas de l’autorité parentale ou du droit de visite et d’hébergement. Et dans le but de protéger les intérêts de l’enfant, ce lien est particulièrement résistant : • La reconnaissance de l’enfant établit le lien de filiation et donc de l’obligation alimentaire, • Même pris en charge par l’assistance sociale à l’enfance, les parents et les ascendants restent tenus par ces obligations, • Même abandonné à la naissance et en l’absence d’adoption plénière, la demande de pension alimentaire de l’enfant majeur est recevable à l’encontre de ses parents.

Quels sont les cas possibles d’exonération ?

Ils sont relativement rares et sont systématiquement évalués par le juge. En effet, l’article 207 du Code civil prévoit une réciprocité de l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants. En cas de manquement à cette réciprocité, le magistrat pourrait relever l’une des deux parties de son obligation. Pour relever ainsi des parents de leur obligation alimentaire, il faudrait par exemple que leur

1/ Civ.2e, 26 sept.2002, n°00-21.234.

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enfant ait manqué à ses obligations d’honneur et de respect à leur égard, du fait de violences répétées qu’il avait eu envers eux. Il peut s’avérer difficile pour le parent de prouver que l’enfant majeur n’avait plus besoin de la contribution à l’entretien et à l’éducation lorsque l’autre parent/ou le majeur ne collaborent pas, refusant de fournir les éléments indiquant la situation de l’enfant (nom de la formation suivie, établissement, attestation de réussite aux examens, inscriptions…).

Dans quels cas l’enfant majeur a le droit de réclamer une aide de ses parents ?

Les évolutions sociétales des dernières décennies retardent toujours davantage l’entrée dans la vie active des jeunes adultes qui peinent parfois à trouver leur voie et une durée moyenne des études de plus en plus longues. L’enfant tout juste majeur est en général loin d’être autonome, plus particulièrement sur le plan financier avec des études supérieures qui coûtent parfois très cher. Le ministère de l’Enseignement supérieur nous informe qu’en 2018, ce ne sont pas moins de 62,5 % des bacheliers généraux qui se sont inscrits dans les seules universités. La poursuite d’études après la majorité est donc un phénomène considérable. Ainsi, la poursuite d’études, par aspiration ou nécessité pour l’accès à l’emploi, motive la plupart des demandes d’assistance des jeunes majeurs vers leurs parents, et le maintien d’un lien fort de dépendance économique avec ses ascendants. Lorsqu’elle leur parvient, les juges font droit à cette demande en précisant que les parents demeurent tenus de donner, à proportion de leurs ressources, les moyens de poursuivre les études correspondant à la pro-

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fession vers laquelle leur enfant se dirige. Toutefois, les parents peuvent être relevés de ces obligations s’ils démontrent qu’ils sont dans l’impossibilité de s’en acquitter. Il en est de même s’ils parviennent à prouver que la poursuite des études ne se fait pas de façon sérieuse. Il est également possible de s’arranger avec l’enfant majeur pour qu’il reste au domicile familial, ce qui vaut comme acquittement d’une partie de l’obligation d’entretien. Mais celui-ci n’est absolument pas obligé d’accepter cette solution, et peut solliciter des ressources pour un logement indépendant. En dehors du cas des études, la jurisprudence s’est régulièrement prononcée sur d’autres situations connexes que peut connaître le jeune adulte : l’aliment est obligatoire également si le jeune a terminé ses études et cherche un emploi. C’est aussi le cas s’il souffre d’un handicap ou d’une maladie qui ne lui permet pas de subvenir par lui-même à ses besoins.

De quelle façon l’enfant majeur peut-il exiger l’obligation alimentaire ?

La variété des cellules familiales, tout comme la complexité des situations propre à chacun, ne permet parfois pas d’obtenir des échanges sereins permettant de parvenir à faire jouer naturellement la solidarité entre les générations. Si la situation se bloque, l’enfant peut saisir le juge aux affaires familiales (le « JAF ») du tribunal de grande instance. Une fois en possession du dossier, le magistrat tranchera au mieux la situation en tentant de concilier les capacités financières des parents et les besoins réels de l’enfant.

Quelle aide doit être alors concrètement fournie ?

L’assistance procurée par les parents à l’enfant réside dans la notion d’obligation alimentaire.

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Appelée parfois « aliment » en droit, elle s’entend comme une contribution à tout ce qui est nécessaire à la vie de l’enfant. Cette aide doit couvrir à la fois les besoins matériels essentiels de l’enfant (nourriture, vêtements, chauffage, logement, les soins médicaux et chirurgicaux) mais aussi les besoins d’ordre moral et intellectuel (frais de scolarité, de formation…). Les parents qui se voient dans l’obligation de subvenir à une charge le font proportionnellement à leurs facultés respectives. L’aliment de l’enfant majeur ne déroge pas à cette règle et c’est en prenant compte des ressources réelles de chacun des parents qu’il contribue à l’entretien de leur descendant. En conformité avec le principe de contribution selon les ressources disponibles des parents énoncé précédemment, ce sont les juges du fond qui fixent souverainement le montant de la contribution sans avoir à rechercher les besoins de l’enfant.

Combien de temps dure l’obligation alimentaire en faveur de l’enfant majeur ?

La loi ne prévoit pas de limite d’âge théorique. C’est donc la prise d’autonomie réelle qui est prise en compte pour éteindre le droit à l’obligation alimentaire. Autrement dit, les parents devi­ ennent débiteurs d’une contribution qui ne peut, dans le principe général, que cesser s’ils parviennent à prouver au magistrat que leur enfant majeur dispose de moyens suffisants d’existence. Le soutien d’un enfant majeur peut donc se prolonger durant les études et s’achever par l’accès à l’emploi. Dans le cas d’un handicap, en revanche, la solidarité est appelée à se prolonger tant que l’état de santé ne s’améliore pas et ne permet pas une reprise de l’autonomie. l

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Combien coûte un jeune adulte à ses parents ? Comment évoluent les dépenses des parents au moment où le « bébé » devient un jeune adulte ? Grâce à une enquête novatrice menée par la DREES et l’Insee, l’enquête ENRJ, les dépenses parentales en faveur des jeunes ont pu être quantifiées, y compris les transferts intrafamiliaux qui sont rarement mesurés. Sébastien GROBON Économiste, DARES et INED

Texte d’après son intervention au colloque « Avoir des enfants, ça change tout ! », organisé par l’Unaf

I

l faut souligner que le fait de disposer d’une mesure des dépenses en faveur des jeunes adultes réalisées par les parents ne va pas de soi. Malgré l’importance des aides parentales pour les jeunes, nous sommes restés assez longtemps avec des données très incomplètes sur ce point, et le questionnaire de cette enquête nationale sur les ressources des jeunes de 2014 a vraiment permis d’apporter quelque chose de nouveau. De plus, les enquêtes sont généralement effectuées auprès de ménages ordinaires, c’est-à-dire les logements identifiés par le recensement. Ici, le champ d’analyse a été étendu pour inclure les cités universitaires.

8 parents sur 10 aident leur enfant jeune adulte

*Taux d’effort : Rapport entre les montants de l’aide au jeune et les revenus des parents

Le coût d’un jeune adulte pour les parents qui l’aident, est en moyenne de 3 700 € par an, soit près de 8 % du revenu des parents. Près de 8 parents sur 10 aident leur jeune adulte par des dépenses régulières. Cela représente donc des montants importants, et sur ces 3 700 €, un tiers relève d’un versement monétaire mensuel, les autres postes principaux étant le finan-

cement du logement du jeune adulte, tous les frais liés aux études et les frais de nourriture, les vêtements, etc. L’intérêt de cette enquête est aussi de pouvoir obtenir un diagnostic sur la situation des jeunes. Une grande partie d’entre eux, à peu près 6 sur 10, habitent chez leurs parents de manière permanente, tandis qu’un quart dispose de son propre logement. L’enquête a aussi permis de mettre en évidence une situation hybride : les « semi-cohabitants ». Elle concerne des jeunes qui ont leur propre logement, mais qui reviennent très régulièrement dans le logement parental. À ces éléments s’ajoute la situation vis-à-vis de l’emploi, puisque près de la moitié des jeunes de 18 à 24 ans poursuit des études, un tiers est en emploi et un cinquième au chômage (lire tableau 1). Selon ces différentes situations, les dépenses des parents ne seront pas les mêmes, en lien aussi avec leur niveau de revenu. Selon la situation des jeunes (actifs ou étudiants, cohabitants ou non) les dépenses et le taux d’effort* des parents sont diffé-

rents. Le taux d’effort est plus important pour les jeunes semicohabitants et en études, autour de 15 %, et moins important pour les jeunes qui sont cohabitants et en emploi. En termes de montant, ce sont des ordres de grandeur très différents. Les dépenses qui peuvent atteindre 8 000 € par an pour les semicohabitants en études (lire tableau 1). On constate aussi la manière intéressante dont ces dépenses varient avec le revenu, avec des montants qui sont globalement proportionnels au revenu (Schéma 1 courbe rouge, et échelle de droite). Le taux d’effort, qui désigne encore une fois le pourcentage du revenu consacré à l’aide à ses enfants jeunes adultes, est assez constant (de l’ordre de 8 %) selon les revenus, sauf pour les plus pauvres.

Des dépenses au statut complexe

Il est important de souligner la complexité du statut et du rôle de cette aide et de ces dépenses pour le jeune adulte qui accède à l’autonomie. Il existe toujours une tension entre ce qu’on peut appeler le coût de l’enfant, ou

Tableau 1 : Montant des dépenses parentales selon la situation du jeune Cohabitant

Semi-cohabitant

Décohabitant

(58 % des jeunes)

(19 %)

En études (49 % des jeunes)

3 010

8 100

6 270

En emploi (30 %)

1 450

3 370

2 280

Au chômage (21 %)

1640

NS

3 450

(23 %)

* Champ : ménages de parents aidant leur enfant jeune adulte ; Source : Drees‑Insee, ENRJ 2014.

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les besoins de l’enfant, et ce qui, dans les dépenses relève d’autres éléments : bien-être de l’enfant, autonomisation, voire investissement éducatif... L’aide des parents prend des formes multiples, elle relève de l’aide matérielle indispensable pour vivre (obligation alimentaire), mais aussi de l’investissement scolaire, avec l’aide à la poursuite d’études, et notamment le choix d’un cursus plus ou moins onéreux. Elle relève aussi d’une aide à la décohabitation, d’un accompagnement vers l’autonomie, vers le logement. Ces aides mettent donc ensemble une charge d’enfants au sens strict, et des stratégies qui visent à permettre au jeune adulte d’avoir une position sociale comparable à celle de ses parents. Cela explique en partie pourquoi elle est proportionnelle au revenu des parents, ce qui ne serait pas le cas si chaque parent donnait à son jeune un même montant correspondant au minimum nécessaire pour subsister (Schéma 2). Pour les pouvoirs publics, cela signifie que cette aide parentale participe aux inégalités de parcours selon l’origine sociale et donc qu’elle est à prendre en compte d’une manière ou d’une autre.

La situation familiale influence le montant de l’aide

Les dépenses varient selon la situation familiale. D’une part, plus le nombre de personnes dans le ménage augmente, plus nous constatons une baisse du taux d’effort par jeune. D’autre part, les difficultés financières que peuvent entraîner les séparations ont des conséquences sur l’aide que les parents octroient à leur enfant. Lorsqu’ils aident un jeune adulte, les ménages de parents séparés n’ont pas un taux d’effort moins élevé ou plus élevé que les parents restés ensemble. En revanche, la proportion de ménages de parents qui aident leurs jeunes adultes est moins importante parmi les parents séparés.

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Schéma 1 : Dépenses parentales et taux d’effort en fonction des revenus en %

en euros 8 000

16

7 000

14 Montant moyen de l’aide

Effort global

6 000

12

5 000

10

4 000

8

3 000

6

2 000

4

1 000

2

0

Inférieur à D1 De D1 à D2

De D2 à D3

De D3 à D4

De D4 à D5

De D5 à D6

De D6 à D7

De D7 à D8

0 De D8 à D9 Supérieur à D9

Schéma 2 : Les multiples formes des aides parentales Charge d’enfant

Aide matérielle indispensable pour vivre • Obligation alimentaire

Investissement scolaire • Capital humain, reproduction sociale

Aide à la décohabitation • Accès à l’autonomie

Transmission d’un patrimoine

Des aides d’ampleur aux effets important sur l’accès à l’autonomie Pour conclure, il faut de nouveau souligner l’intérêt de disposer de données fiables et récentes sur ces aides parentales en faveur des jeunes, qui sont non négligeables en montants. Cette enquête nationale sur les ressources des jeunes apporte des réponses intéressantes : elle doit être poursuivie dans le temps. La crise actuelle a bien montré la vulnérabilité des jeunes adultes, qui sont dans une période où leurs ressources comme leur situation sur le marché du travail sont fragiles et où l’aide parentale peut faire la différence. Cette question continuera donc d’être d’actualité. Le volume des dépenses envers les jeunes adultes n’est pas négligeable : 8 % des revenus parentaux, à peu près propor-

Stratégies sociales

tionnels au revenu, comme pour les dépenses destinées aux enfants. Au-delà de la question abordée sous le prisme de la charge d’enfants, l’analyse montre l’existence d’inégalités entre familles et face aux besoins d’autonomie des jeunes : les aides sont inégalement réparties, or elles ont un effet important sur le parcours scolaire et l’accès à l’autonomie. L’ampleur des aides familiales conduit à s’interroger sur les aides publiques pour les jeunes qui ne peuvent pas avoir des soutiens de leurs parents, par exemple ceux qui ne sont ni en formation ni en emploi, en rupture familiale par rapport à leurs parents et qui ne peuvent donc pas être aidés par ces derniers. Cela revient alors à questionner l’articulation entre la politique familiale — l’aide aux parents — et la politique envers les jeunes*. l

*Lire aussi « Politique familiale et aides aux jeunes : restaurer une alliance naturelle » page 43

EN SAVOIR

+

« Combien coûte un jeune adulte à ses parents ? », in Les revenus et le patrimoine des ménages - Édition 2018, Insee, juin. https://www.insee.fr/fr/statistiques/35 59099?sommaire=3549502

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Des solidarités familiales à géométrie variable Cet article dresse le portrait de solidarités familiales à destination des jeunes adultes à géométrie variable, tant du point de vue de la diversité des types d’aides, que des caractéristiques des bénéficiaires. Les données utilisées sont issues de l’enquête nationale sur les ressources des jeunes réalisée pour la première fois en 2014 par la DREES (Ministère des Solidarités et de la Santé) et l’Insee. Mickaël PORTELA Chef de la mission des relations et études internationales, DREES

Emilie RAYNAUD Cheffe de la division Etudes sociales, Insee

Article paru en intégralité dans la Revue française des affaires sociales (RFAS n°2 – avril-juin 2019) « Un regard renouvelé sur les ressources des jeunes : ressources matérielles, soutien, accès aux capacités (N. Charles, M. Portela et E. Raynaud) *Lire aussi « Combien coûte un jeune adulte à ses parents ? », page 20 *Lire aussi « Politique familiale et aides aux jeunes : restaurer une alliance naturelle » page 43

Les aides parentales, ressources essentielles des jeunes L’injonction parentale à aider ses enfants est forte, d’autant qu’elle est entretenue par un système de protection sociale encore largement familialiste. Les aides financières parentales demeurent une composante majeure des ressources des 18-24 ans. Sept jeunes sur 10 sont aidés financièrement par leurs parents et tout particulièrement les jeunes en cours d’études, qui sont neuf sur dix dans ce cas (Castell al, 2016b). La part moyenne de ces aides dans les ressources monétaires des jeunes en cours d’études est de 41 % pour ceux qui vivent chez leurs parents, et de 55 % pour ceux qui ont un logement autonome. Les jeunes en études restent davantage aidés que les jeunes sortis du système éducatif à niveau de vie et catégorie socioprofessionnelle données des parents (Grobon, 2018)*. Les études sont en effet considérées par les jeunes comme par les parents comme une période cruciale pour l’insertion professionnelle […]. Si le soutien financier des parents est moins fréquent quand les jeunes sont sortis du système éducatif, il représente encore près d’un tiers des ressources des chômeurs ou inac-

tifs cohabitants et 13 % de celles des non-cohabitants. La fréquence de l’aide parentale diminue toutefois avec l’âge, y compris à situation identique des jeunes à l’égard du logement, de l’emploi et de leurs autres revenus (Grobon, 2018). Les limites d’âges administratives1 façonnent les représentations et instaurent dans les esprits des bornes d’âges subjectives devenant les marqueurs de la fin de la jeunesse, avec une forme d’attente au fil du temps de la part des parents qu’un relais soit pris par les jeunes eux-mêmes ou par les pouvoirs publics*. Même si la mobilisation des parents autour des études est forte dans tous les milieux sociaux […], la relative faiblesse des aides publiques à destination des jeunes adultes fait largement reposer sur les parents la charge du soutien financier, les parents aident à hauteur de leurs moyens. Les dépenses des parents pour leurs enfants adultes augmentent avec le niveau de vie du ménage parental (Grobon, 2018)*. Au total, le taux d’effort des parents pour le jeune adulte reste relativement constant selon le revenu, en dessous de 9 %, à l’exception des ménages les plus modestes2, qui mobilisent une part plus importante de leurs revenus pour aider leurs enfants adultes.

Ce sont notamment les montants consacrés aux frais de scolarité et au paiement du loyer qui augmentent avec le revenu des parents, rendant manifestes les inégalités dans la poursuite des études et les possibilités de décohabitation selon le milieu d’origine des jeunes. Dans certains cas […] malgré les efforts parentaux, les jeunes adultes doivent travailler en parallèle de leurs études afin de trouver les moyens de les poursuivre. L’aide financière des parents continue à dépendre du milieu social une fois les jeunes sortis du système éducatif : 65 % des enfants de cadres ou de professions libérales3 sont aidés par leurs parents, contre 48 % des enfants d’ouvriers, et pour des montants moyens inférieurs (Castell et al. 2016b). Au total, les trois quarts des jeunes estiment que leurs parents ne pourraient pas les aider davantage financièrement. De leur côté, sept parents sur dix estiment que l’aide qu’ils apportent est suffisante par rapport aux besoins de leurs enfants. On peut noter qu’alors que les jeunes au chômage ou inactifs ne sont pas plus nombreux que les autres à penser que leurs parents pourraient les aider davantage, les parents de ces jeunes sont 36 % (contre 28 % pour l’ensemble) à juger

1/ Celles définissant le service des prestations, la qualité d’enfant à charge… 2/ Définis dans l’article cité en référence comme les 10 % de ménages aux niveaux de vie les plus faibles. 3/ Catégorie socioprofessionnelle du père.

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leur aide insuffisante ou tout juste suffisante pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Ce résultat semble illustrer une forme de culpabilité de la part des parents, qui résulte souvent de leur difficulté financière. […]

Pluralité des formes d’aides parentales : les aides en nature

Au-delà des dépenses et des versements monétaires effectués pour leurs enfants adultes, l’aide fournie par les parents prend des formes diverses : aides matérielles en nature, soutien moral, accompagnement plus ou moins prononcé des jeunes dans leurs choix et parcours, mobilisation d’un réseau amical ou professionnel. Le domicile parental : Parmi les aides en nature, l’hébergement au domicile parental passe d’une situation d’évidence au moment de la sortie de l’adolescence, à une véritable ressource qui, d’une part permet d’éviter des dépenses de loyer pendant les études ou bien en début de vie active, dans une période d’insertion professionnelle encore instable, et d’autre part, représente le « port d’attache » d’une décohabitation progressive, où les jeunes reviennent le temps des vacances ou la fin d’une année scolaire, ou bien encore un filet de sécurité, parfois mobilisé quand il est impossible de faire autrement. […] Ainsi, la part de jeunes ayant complètement quitté le domicile parental, d’à peine plus de 5 % chez les jeunes de 18 ans, croît au fil des âges pour atteindre, à 24 ans, 40 % pour les hommes et 54 % pour les femmes (Castell et al., 2016c). Le passage du domicile parental à l’accès à un logement autonome, puis à la capacité de financer intégralement ce dernier, marque la transition vers l’âge adulte. Parmi les jeunes sortis du système éducatif, les chômeurs et les inactifs en sont plus fréquemment privés. Les trois-quarts d’entre eux résident exclusivement chez

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Note des auteurs à propos des solidarités familiales dans le contexte de la crise sanitaire leurs parents, tandis que c’est le cas de la moitié seulement des jeunes en cours d’études. C’est dix points de plus que l’ensemble des jeunes qui ne sont plus en études. La décohabitation est aussi liée au territoire de résidence. Quand ils ont quitté tout domicile parental, neuf jeunes adultes sur dix estiment que leurs parents seraient prêts à les héberger en cas de problème de logement. Ils sont encore huit sur dix environ à le penser parmi les jeunes en difficulté financière, même si la part des jeunes certains de pouvoir compter sur l’aide de leurs parents s’infléchit au profit de ceux qui l’estiment seulement probable. […] En 2014, 8 % des jeunes vivaient chez leurs parents après être partis une première fois du domicile parental*. Les jeunes au chômage ou inactifs sont les plus nombreux (14 %) avec les jeunes en emploi temporaire (15 %), à s’être réinstallés chez leurs parents. Ces retours se sont produits dans la majeure partie des cas à la fin d’une année scolaire ou d’un cycle d’études (62 %) et plus rarement à la suite d’une perte d’emploi (11 %) ou d’une séparation amoureuse (13 %). […]

La période récente et notamment le confinement mis en place pour faire face à la crise du Coronavirus COVID-19 a réaffirmé l’importance des solidarités familiales dans notre société. L’entraide familiale a fonctionné à plein régime à destination des jeunes et de toutes les générations. Les aides ont été variées : le retour au domicile des parents le temps du confinement ; les appels et visios pour maintenir les liens, mais aussi soutenir psychologiquement les jeunes les plus fragiles ; ou encore les versements monétaires exceptionnels des parents à la suite de la perte d’un emploi, de la mise en chômage partiel, ou de l’absence de ressources comme ce fut le cas pour de nombreux étudiants. Le rôle des familles pour cette génération COVID qui s’insère actuellement sur un marché du travail à l’arrêt pourrait aussi être crucial. Cette aide n’est toutefois pas toujours possible ou inconditionnelle : des parents ne peuvent pas aider financièrement leurs enfants, et parfois les relations sont trop conflictuelles au sein d’une famille. Ces situations ont mis dans la difficulté de nombreux jeunes durant ces derniers mois. Cet épisode de crise a rappelé le caractère essentiel des transferts privés, généralement intrafamiliaux, dans la composition des ressources des jeunes. Mais aussi que les aides des parents pour accompagner leur enfant dans la vie ne se limitent pas à des versements monétaires.

*Lire aussi « Parcours résidentiels des 18-29 ans » page 26

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Les autres formes des aides en nature : Le logement au domicile parental n’est pas la seule aide en nature que les parents peuvent fournir à leurs enfants adultes. […] Près d’un parent de jeune adulte sur deux déclare que leur enfant de 18 à 24 ans prend l’intégralité de ses repas ou la majorités des repas du soir ou du week-end au domicile familial. Ils sont au total six sur dix à déclarer avoir leurs enfants à table régulièrement (au moins trois à quatre fois dans la semaine). Selon leurs parents, les jeunes cohabitants prennent la majorité de leurs repas avec eux dans plus de trois quarts des cas. Si les jeunes ne vivent plus chez leurs parents, les parents sont encore 23 % à déclarer les voir régulièrement pour les repas et 8 % les ont même à table pour la majorité des repas.

*Lire « La famille, actrice des choix de métier et de vie », page 60

Quand ils ont un logement autonome, 40 % des jeunes bénéficient en outre de services rendus par leurs parents, incluant ces repas pris au domicile parental et la prise en charge de leurs lessives, du ménage de leur logement, de garde de leurs enfants s’ils en ont. Comme pour les aides financières, ce sont les jeunes en études qui bénéficient le plus souvent de ces services : ils sont 67 % dans ce cas. A l’inverse, seulement un jeune sur dix non cohabitant au chômage ou inactif reçoit ces aides en nature. Quand les jeunes bénéficient de ce type de service de la part de leurs parents, il s’agit le plus souvent des lessives faites au domicile parental (71 %) puis des repas chez les parents (58 %). Le ménage, l’aide pour s’occuper d’un animal domestique et la garde d’un enfant concernent moins d’un cinquième des jeunes aidés. La parentalité étant un peu plus fréquente avec l’âge, c’est parmi les jeunes les plus âgés que l’on retrouve la prise en charge des enfants par les grands-parents. La moitié des jeunes non cohabitants au chômage ou inactif,

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dont 40 % (le plus souvent des jeunes femmes) ont des enfants, déclarent que leurs parents gardent les petits-enfants. Ces services rendus par les parents à leurs enfants adultes qui ne vivent plus tout le temps chez eux relèvent de ce que l’on peut appeler les « aides du lien », qui recouvrent tout ce qui perpétue le lien parent-enfant, encore très fort à cet âge de la vie. […]

Les « aides du lien » : contacts, discussions, soutien moral quotidien

Environ 1 % des jeunes adultes […] n’ont plus aucun lien avec leurs deux parents ; 7 % n’ont plus de lien avec leur père seulement et 2 % avec leur mère seulement. Pour 85 % des jeunes, les relations entretenues avec les parents semblent plutôt bonnes. Les plus jeunes entretiennent toutefois des relations plus tendues avec leurs parents. Les non-cohabitants ont au contraire des relations plus apaisées, sauf pour les jeunes inactifs ou au chômage. A priori, s’ils vivent chez leurs parents, les jeunes ont des contacts quotidiens avec eux et peuvent bénéficier d’aides à tout moment, même si parfois ces contacts peuvent être plus difficiles. Après le départ du domicile familial, il faut d’abord maintenir le contact avec ses parents, qu’il soit « physique » (se voir) ou « médiatisé » (téléphone, sms…). En moyenne, les contacts physiques entre les parents et leurs enfants non cohabitants demeurent assez régulier, puisque 18 % des jeunes interrogés dans l’enquête déclarent voir leurs parents tous les jours ou plusieurs fois par semaine et 29 % d’entre eux déclarent des contacts réguliers (tous les week-ends). Au total, 72 % ont un contact au moins occasionnel avec leurs parents. Néanmoins, 17 % des jeunes ne voient leurs parents que rarement et 11 % jamais. C’est plus souvent le cas pour les jeunes les plus âgés […] et s’ils sont au chômage et inactifs. Ces derniers sont

toutefois aussi ceux qui ont le plus souvent en moyenne un contact quotidien avec leurs parents (36 %). Concernant les contacts « médiatisés », huit jeunes adultes non cohabitants sur dix appellent leur mère chaque semaine, leur père un peu moins souvent. […] Les jeunes échangent davantage avec leur mère, notamment sur les sujets les plus intimes, comme la vie sentimentale (60 % des jeunes peuvent en discuter avec leur mère, 33 % avec leur père) ou la vie sexuelle (respectivement 37 % contre 19 %). […] Neuf jeunes sur dix déclarent pouvoir discuter d’études et de travail avec leur mère, et huit sur dix avec leur père, notamment en cours d’études et de travail, ou quand ils sont déjà en emploi. Même si ce sujet est encore largement abordé pour les jeunes au chômage ou inactifs, il semble moins évident : huit jeunes au chômage ou inactifs sur dix discutent d’études ou de travail avec leurs mère et sept sur dix avec leur père. […] Sur l’implication de leurs parents dans le choix de leurs études*, loin d’être un aiguillage forcé vers certaines formations – moins de 2 % des jeunes déclarent que le choix de leur formation a été fait à leur place par leurs parents ou un membre de la famille – l’intervention des parents se fait souvent par la discussion, davantage que la négociation ou que la contrainte. On identifie ici l’idéal éducatif que représente le fait d’amener « l’enfant à être soi » (de Singly, 2009).

Accompagner les jeunes adultes dans leur insertion

Cet accompagnement par les parents de leurs enfants dans la transition vers l’âge adulte est notable lors de la première décohabitation. 52 % des jeunes qui ont déjà eu une expérience de vie autonome ont ainsi été aidés par leurs parents pour trouver le logement et 62 % ont été aidés pour aménager ce

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logement autonome. Pour plus d’un jeune sur deux, les parents ont en outre contribué à son financement. Pour l’accès au premier emploi, l’implication parentale est également forte. Quel que soit le type d’activité, y compris quand il s’agit d’un emploi pendant les études, les parents sont souvent intervenus pour aider les jeunes à trouver un premier emploi. C’est le cas de 45 % des jeunes qui ont déjà eu un emploi. Plus de six jeunes sur dix actuellement en emploi ont été aidés par leurs parents pour trouver leur premier emploi, tandis que les jeunes actuellement au chômage ou inactifs (mais ayant déjà occupé un emploi) sont moins de quatre sur dix dans ce cas. Ces constats font écho aux travaux de Mark Granovetter sur l’effet des « liens » sur la qualité de l’insertion sur le marché du travail, effet d’autant plus important quand il s’agit de « liens forts » - parmi lesquels nous plaçons ici les liens familiaux – ont conduit à la mise en relation avec l’employeur (Granovetter, 1974). Enfin, pour compléter ces constats, au-delà de l’aide parentale, […] 11 % des jeunes reçoivent une aide régulière matérielle ou financière d’au moins un proche en dehors des

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parents ou des conjoints. Deux tiers de ces jeunes reçoivent une aide de leurs grands-parents, plus d’un quart d’un membre de leur famille et 14 % d’une personne en dehors du réseau de parenté (amis, par exemple). La majorité des jeunes qui bénéficient de ces aides les jugent utiles (56 %) et plus de quatre sur dix les estiment importantes, voire indispensables (respectivement 19 % et 18 %). En conclusion, cet article s’est efforcé de fournir un cadre d’analyse simple des ressources des jeunes […]. Mais la jeunesse est davantage un « continuum de situations non uniformes » entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte (Galland, 2001) qu’une situation statique. Pour la saisir, en complément aux distinctions par âge, par situation résidentielles et par situation d’activité produites dans ce cadrage, il serait intéressant de mettre en œuvre une étude poussée de la dynamique de la composition des ressources. Elle ferait apparaître la diversité des sources de revenus mais surtout la multiplicité des situations des jeunes, comme autant de façon de devenir adulte. Si l’on recense principalement trois types de ressources, il existe au moins mille façon de devenir adulte pour les jeunes. l

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Si l’on recense principalement trois types de ressources, il existe au moins mille façons de devenir adulte pour les jeunes.

Références bibliographiques : Castell L ., Portela M. et Rivalin R. (2016b), « Les principales ressources des 18-24 ans – Premiers résultats de l’enquête nationale sur les ressources des jeunes », Etudes et Résultats, DREES, n° 965, juin. Castell L., Rivalin R. et Thouilleux C. (2016c), « L’accès à l’autonomie résidentielle pour les 18-24 ans, un processus socialement différencie », France portrait social, INSEE, collection « Insee Références », p. 11-25. Galland O. (2001), « Adolescence, post-adolescence, jeunesse : retour sur quelques interprétations », Revue française de sociologie, n° 42 vol 4, p. 611-640 Gratonnever M.S. (1973), « The strengh of Weak Ties », American Journal of Sociology, vol. 78, n° 6, p. 1360-1380. Grobon S. (2018), « Combien coûte un jeune adulte à ses parents ? », Les revenus et le patrimoine des ménages, Insee, collection « Insee Références », p. 65-79. de Syngly F. (2009) « Comment aider l’enfant à être lui-même ? », Paris, Armand Colin.

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Parcours résidentiels des 18-29 ans Erwan POULIQUEN Division logement, Insee

Après une diminution amorcée au milieu des années 1990, le taux de cohabitation des jeunes avec les parents a de nouveau augmenté depuis le début des années 2000, poussé par la hausse du chômage et de la population étudiante.

E Extrait de « Insee Première n° 1686 (janvier 2018)

n 2013, d’après l’enquête Logement, un peu moins d’un jeune adulte sur deux (46,1 %) âgé de 18 à 29 ans vit habituellement chez ses parents, c’est-à-dire durant au moins un mois de l’année. Certains habitent ainsi en partie chez leurs parents et en partie ailleurs comme, par exemple, dans un foyer d’étudiants ou dans un logement indépendant. Ils sont toutefois minoritaires, puisque 85,5 % des 18-24 ans et 92,8 % des 25-29 ans qui habitent chez leurs parents y vivent toute l’année ou presque. La part des jeunes adultes vivant chez leurs parents décroît de façon continue avec l’âge, à mesure de leur insertion sur le marché du travail. Si deux jeunes adultes sur trois cohabitent entre 18 et 24 ans, un sur cinq est dans ce cas entre 25 et 29 ans. Dans les DOM (hors Mayotte), le taux de cohabitation est plus élevé qu’en métropole. Dans ces départements, habiter chez ses parents est plus fréquent quel que soit l’âge des enfants (77,3 % des 18 à 24 ans et 39,7 % des 25 à 29 ans), en partie du fait de taux d’emploi plus faibles. Des raisons culturelles et sociales peuvent également l’expliquer. Ainsi, en Guyane, les cohabitations entre parents et enfants sont fréquemment plus durables et dépourvues de ruptures significatives au cours de la vie.

Un départ progressif et une aide des parents, notamment pour les étudiants

L’autonomie résidentielle des jeunes adultes peut s’acqué-

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rir de façon progressive. Ainsi, près de 15 % des 18-24 ans qui habitent chez leurs parents n’y résident pas la totalité de l’année, mais plutôt durant les week-ends ou les vacances. Symétriquement, entre 18-24 ans, 5,2 % des jeunes adultes qui disposent d’un logement indépendant ne l’occupent pas toute l’année. À partir de 25 ans, la multi-résidence est plus rare pour ceux qui ont un logement indépendant ; elle reste relativement fréquente pour ceux qui vivent chez leurs parents, notamment quand ils sont étudiants. L’autonomie résidentielle n’est pas synonyme d’indépendance financière. Le plus souvent, les jeunes adultes qui ont quitté le domicile parental reçoivent une aide financière de leurs parents. Il peut s’agir d’une aide financière directe et régulière, d’une pension alimentaire ou du paiement du loyer. Le soutien financier des parents diminue vite avec l’âge : 68,6 % des 18-19 ans vivant en logement indépendant reçoivent une aide régulière, contre 9,7 % des 24-25 ans et 3,4 % des 28-29 ans. Parmi les plus jeunes, ce sont surtout les étudiants qui bénéficient de cette aide. Chez les 25-29 ans, ce sont surtout les chômeurs.

Depuis 2000, la part des 18-29 ans habitant chez leurs parents augmente à nouveau

Depuis le début des années 2000, la proportion de jeunes adultes de 18 à 29 ans qui habitent chez

leurs parents a augmenté (+ 1,4 point depuis 2001). Cette hausse résulte principalement d’un effet de structure lié à l’accroissement de la part des chômeurs (+ 3,7 points, notamment après la crise de 2008) et des étudiants (+ 3,1 points) chez les jeunes adultes. Les taux de cohabitation demeurent nettement plus élevés pour les jeunes dans ces situations (58,5 % pour les chômeurs et 69,2 % pour les étudiants). Précédemment, entre 1984 et 1996, le taux de cohabitation des jeunes adultes de 18 à 29 ans a progressé, essentiellement du fait de l’augmentation du nombre d’étudiants, à la suite de la seconde explosion scolaire et de l’accès massif de cette génération à l’enseignement supérieur. Au cours de cette période, la hausse de la cohabitation a cependant été freinée, à partir du début des années 1990, par l’extension des aides personnelles au logement qui ont facilité la décohabitation des étudiants. Les plus âgés ont subi les conséquences de la crise de 1992-1993 sur le marché du travail et la proportion de chômeurs parmi les 25-29 ans a augmenté. Entre 1996 et 2001, avec la reprise économique, le chômage a diminué. De ce fait, durant cette période, la proportion de jeunes adultes vivant chez leurs parents a reculé. Ce recul a été renforcé par la fin du service militaire décidée en 1996 : la très grande majorité des militaires du contingent vivaient une partie du temps chez leurs parents.

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Entre 18 et 24 ans, 58 % des cohabitants sont étudiants

Quitter le domicile familial constitue l’une des étapes de passage à l’âge adulte, au même titre que la fin des études, l’obtention d’un premier emploi et le début d’une vie en couple. L’ordre dans lequel interviennent ces épisodes dépend des trajectoires individuelles, mais il présente certaines régularités. En particulier, le départ de chez les parents vers un logement autonome semble être un préalable à une vie en couple. Seuls 1,5 % des 18-24 ans et 5,2 % des 25-29 ans vivent en couple chez les parents de l’un des deux membres. Ces proportions étaient un peu plus élevées il y a 40 ans, mais la part des jeunes adultes vivant en couple était alors plus importante. En 2013, les plus jeunes des cohabitants sont majoritairement étudiants (57,8 % des 18-24 ans), un cinquième d’entre eux a achevé ses études et occupe un emploi. En 1973, les cohabitants de 18-24 ans occupaient majoritairement un emploi (58,1 %) car les étudiants étaient presque trois fois moins nombreux qu’aujourd’hui. En 2013, le taux d’emploi des jeunes ayant décohabité est supérieur (de plus de 20 points) à celui des jeunes qui vivent toujours chez leurs parents. L’indépendance résidentielle intervient ainsi fréquemment au moment de l’accès à l’emploi. Poursuivre des études, notamment dans une autre commune que celle des parents, donne également aux plus jeunes l’occasion d’une première expérience de décohabitation : 41,2 % des 18-24 ans qui vivent dans un logement indépendant sont étudiants. […]

Cohabiter même après 25 ans

Habiter chez ses parents ne concerne pas uniquement les étudiants. En particulier, parmi les 25-29 ans, une personne sur

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deux qui vit chez ses parents occupe un emploi, et dans neuf cas sur dix en tant que salarié. Comparés aux adultes du même âge qui occupent un logement indépendant, ces cohabitants sont plus souvent ouvriers et moins fréquemment cadres ou professions intermédiaires. En outre, ils sont proportionnellement beaucoup moins nombreux (10 points de moins entre 25 et 29 ans) à occuper un emploi stable, en contrat à durée indéterminée ou en tant que fonctionnaire. Cela tient en partie au fait que chez les 25 à 29 ans, ceux qui habitent chez leurs parents sont plus jeunes que ceux qui ont décohabité. Ces cohabitants ont donc moins de chance, dans un processus progressif d’insertion sur le marché du travail, d’occuper un emploi stable. Mais c’est probablement aussi l’une des raisons pour lesquelles ils ne disposent pas d’un logement indépendant. La stabilité de l’emploi constitue souvent un gage précieux pour obtenir un logement. En outre, plus du quart des jeunes adultes de 25 à 29 ans qui vivent chez leurs parents sont au chômage. Ils peuvent ainsi bénéficier d’une aide en nature, en profitant des conditions de logement et du niveau de vie des parents.

85 % des personnes habitant chez leurs parents ne sont jamais parties vivre ailleurs

Au-delà de 30 ans, à peine 2 % de personnes cohabitent encore avec leurs parents. Ils sont alors plus souvent (12 %) les occupants en titre du logement qu’avant 30 ans (moins de 5 %). 85 % des personnes qui logent chez leurs parents ne sont jamais parties vivre ailleurs. D’autres adultes résidant chez leurs parents sont revenus après avoir occupé un logement indépendant (un sur dix). Les cohabitants plus âgés sont proportionnellement plus nombreux dans ce cas (un sur cinq entre 25 et 29 ans, un sur quatre à partir de 30 ans). Les

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cas de retour chez les parents ne constituent pas uniquement des situations transitoires, car pour près de 80 % des plus de 30 ans concernés, ce retour date d’au moins un an. À tous les âges, les raisons invoquées pour expliquer ce retour sont fréquemment associées à des accidents de la vie, comme la perte d’un emploi ou une rupture conjugale. D’autres raisons sont liées à l’âge, comme, par exemple, pour les plus âgés, la nécessité de revenir s’occuper d’un parent ou encore des problèmes de santé.

Le souhait de partir est plus fort pour ceux qui sont revenus habiter chez leurs parents

La cohabitation avec les parents reflète des situations assez variées. Quel que soit leur âge, neuf personnes sur dix qui ont toujours habité chez leurs parents n’envisagent pas de s’installer dans un logement indépendant au cours des 6 mois à venir. La plupart, notamment les plus jeunes, ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour cela, même en bénéficiant de l’aide des parents. En outre, ils n’en ont pas nécessairement la volonté. Même s’ils avaient les moyens financiers pour partir, près des trois cinquièmes resteraient chez leurs parents. La situation de ceux qui sont revenus vivre chez leurs parents pour d’autres raisons que pour y passer les vacances semble davantage subie. Ainsi, lorsqu’ils ont moins de 30 ans, 40 % envisagent de partir à court terme, la moitié n’en ayant cependant pas les moyens financiers. La majorité de ceux qui n’envisagent pas de partir manquent des moyens financiers nécessaires. S’ils disposaient de ces moyens, une large part d’entre eux quitteraient le logement parental (74 % avant 30 ans, 58 % à partir de 30 ans). Les velléités de départ diminuent avec l’âge, à la fois peut-être par réalisme financier, mais aussi à cause de contraintes supplémentaires, telles que leur état de santé ou celui de leurs parents. l

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Etudiants et jeunes actifs : de nombreuses aides souvent mal identifiées De nombreuses aides visent les étudiants ou les jeunes actifs seuls ou en couple, sans enfant, selon leur parcours étudiant, leur situation vis-à-vis de l’emploi, leurs ressources ou encore leur âge. Ce tableau récapitule l’ensemble des dispositifs existants1.

La rédaction

Les étudiants Selon sa situation, un étudiant peut bénéficier de certaines aides. Il peut effectuer les démarches sur le site : www.etudiant.gouv.fr et ouvrir son Dossier social étudiant (DSE).

SITUATION DE L’ÉTUDIANT

TYPE D’AIDES

ÂGE MAXIMUM

MONTANT DE L’AIDE ANNUELLE

CUMUL POSSIBLE

CONDITIONS

Étudiant qui rencontre des difficultés matérielles pour poursuivre ses études

Bourse sur critères sociaux (BCS)

Avoir moins de 28 ans lors de la première demande de bourse, sauf exception (volontariat dans les armées, service civique, étudiant parent d’enfant, étudiant handicapé).

Jusqu’à 6 734 € par an

• Aide au mérite • Allocation pour la diversité dans la fonction publique • Aide à la mobilité internationale • Aide d’urgence ponctuelle

• Conditions de ressources • Avoir le bac français (ou un titre/ diplôme admis en équivalence ou en dispense pour l’inscription en 1re année d’études supérieures) • Être inscrit en formation initiale en France ou dans un autre pays de l’Union européenne. • L’établissement doit être d’enseignement supérieur public ou privé habilité à recevoir des boursiers. • Les études doivent être à plein temps. • Des conditions supplémentaires existent si l’étudiant n’est pas de nationalité française.

Étudiant boursier ayant obtenu la mention Très bien au Bac

Aide au mérite

28 ans, sauf cas d’exception

Entre 900 € et 1 800 € selon la situation

•B ourse sur critères sociaux • Aide à la mobilité internationale • Aide d’urgence

•C onditions de ressources. • Avoir obtenu une mention très bien au bac. • Intégrer un établissement d’étude supérieur à la rentrée suivant l’obtention du bac.

Étudiant préparant un concours de la fonction publique

Allocation pour la diversité dans la fonction publique

Non

2 000 €

•B ourse sur critères sociaux

•C onditions de ressources. • Être titulaire d’un diplôme leur permettant de présenter le concours de la fonction publique souhaité. • Faire preuve d’assiduité à la préparation des concours. • Se présenter aux épreuves et en communiquer les résultats. L’attribution est limitée en nombre par région.

Personnes sans emploi qui souhaitent entrer dans la fonction publique

1/ Les aides spécifiques attribuées aux jeunes parents, aux personnes en situation de handicap ou aux personnes vivant dans les DROM ne sont pas incluses dans ce tableau récapitulatif.

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SITUATION DE L’ÉTUDIANT

TYPE D’AIDES

ÂGE MAXIMUM

MONTANT L’AIDE ANNUELLE

CUMUL POSSIBLE

CONDITIONS

Étudiant souhaitant suivre une formation supérieure à l’étranger ou faire un stage international

Aide à la mobilité internationale

28 ans, sauf cas d’exception

Jusqu’à 3 600 € pour 9 mois

•B ourse sur critères sociaux • Aide au mérite • Aide d’urgence annuelle

•E tudiants bénéficiant de la BCS ou d’une aide spécifique annuelle. • Préparer un diplôme national relevant de la compétence du ministère de l’enseignement supérieur. • Séjour entre 2 et 9 mois consécutifs à l’étranger.

Etudiant Erasmus (sous conditions)

Peut se compléter avec des aides régionales à la mobilité internationale

Étudiant rencontrant des difficultés financières

Allocation spécifique annuelle pour étudiant en difficulté

35 ans (la limite d’âge ne s’applique pas si l’étudiant est reconnu handicapé par la CDAPH).

Jusqu’à 5 612€ par an

S’il s’agit d’une aide ponctuelle : • Aide à la mobilité internationale • Aide au mérite

• Conditions de ressources. • Ne pas bénéficier de la BSC, d’allocations chômage ou du RAS. • être assidu pendant ses études. • être Français (conditions particulières pour les ressortissants de l’EEE ou Suisse). • Fiscalement indépendant.

Étudiant boursier, venant d’obtenir sa licence, qui souhaite s’inscrire en Master 1 dans une autre région

Aide à la mobilité pour l’inscription en Master 1

Non

1 000 €

•A ide au mérite • Allocation pour la diversité dans la fonction publique • Aide à la mobilité internationale • Aide d’urgence ponctuelle

•B énéficier de la BCS ou de l’allocation spécifique annuelle pour étudiant en difficulté. • Avoir obtenu une licence l’année précédente. • S’inscrire pour la première fois en Master 1 dans une université d’une région différente de celle de l’obtention de la licence.

Etudiant ayant des difficultés à payer un loyer

Aide au logement (APL, ALS, ALF)

Non

Selon situation

•B ourse sur critères sociaux • Aide d’urgence • Aide au mérite • Allocation pour la diversité dans la fonction publique

•C onditions de ressources. • Être français ou étranger avec un titre de séjour en cours de validité. • Louer un logement décent. • Pas de lien de parenté avec le propriétaire du logement loué.

Etudiant ne trouvant pas de garant pour la location de leur logement (garantie des risques locatifs)

Garantie Visale

30 ans

Etudiant en alternance

Mobili-jeune

30 ans

Etudiant sans mutuelle complémentaire

La Complémentaire santé solidaire

Non. Avant 25 ans, considéré comme rattaché aux parents sauf étudiant isolé.

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•A voir 18 ans. • Justifier de son inscription dans un établissement post-secondaire. • Les étudiants sont éligibles sans justification de ressources dans la limite d’un loyer forfaitaire de 800 € en Région Île-de-France et de 600 € pour le reste de la France. Jusqu’à 100 € par mois

• APL ou ALS

•Ê tre en formation sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. • Être dans une entreprise cotisant au 1% logement. • Percevoir des revenus inférieurs ou égaux au SMIC.

•B ourses sur critères sociaux • RSA • Aides d’urgence

• Selon ressources.

Autres aides spécifiques pour les étudiants : Aides régionales : mobilité, santé, transports, associatif, vacances, hébergement…

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Aides spécifiques à chaque régions

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Les jeunes actifs Selon sa situation, un jeune actif peut bénéficier de certaines aides. Pour cela, il peut se rendre sur le site internet : www.mesdroitssociaux.gouv.fr/, y consulter ses droits, simuler ses prestations et effectuer les démarches. SITUATION DE L’ÉTUDIANT

TYPE D’AIDES

ÂGE MAXIMUM

MONTANT DE L’AIDE ANNUELLE

Jeune de plus de 18 ans qui exerce une activité professionnelle avec des ressources modestes

Prime d’activité

Non

Selon situation

Un jeune qui connaît une période de chômage après un emploi

Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE)

53 ans (autres conditions après cet âge)

Selon situation

Avec d’autres revenus d’activité

•Ê tre involontairement sans emploi (licenciement, rupture conventionnelle, non renouvellement d’un CDD ou une démission considérée comme légitime. • Justifier d’une durée minimale de travail (6 mois dans les 24 derniers mois). • Être inscrit à Pôle Emploi.

Jeune de 18 à 25 ans nécessitant un complément de ressources pour atteindre le revenu minimum. (hors régime agricole)

RSA jeune actif

Avoir moins de 25 ans

Selon situation familiale (personnes à charge)

Certaines ressources (ARE, indemnités journalières, allocations logement, prestations familiales, revenus de placement, etc.) sont prises en compte dans le calcul du montant du RSA, et d’autres non.

•A voir entre 18 et 25 ans. • être Français et résider en France de manière stable et effective. (conditions particulières pour les étrangers). • Avoir eu une activité professionnelle pendant au moins 2 mois à temps plein au cours des 3 années précédant la demande.

Jeune entre 25 et 30 ans (hors régime agricole)

RSA demandeur de plus de 25 ans

28 ans, sauf cas d’exception

Entre 900 € et 1 800 € selon votre situation

Certaines ressources (ARE, indemnités journalières, allocations logement, prestations familiales, revenus de placement, etc.) sont prises en compte dans le calcul du montant du RSA, et d’autres non.

• Avoir plus de 25 ans, • Etre Français et résider en France de manière stable et effective. (conditions particulières pour les étrangers).

Jeune actif ayant des difficultés à payer un loyer

Aide au logement (APL, ALS, ALF)

Non

Selon situation

•B ourse sur critères sociaux • Aide d’urgence • Aide au mérite • Allocation pour la diversité dans la fonction publique

• Conditions de ressources. • Être français ou étranger avec un titre de séjour en cours de validité. • Louer un logement décent.

Jeune actif ne trouvant pas de garant pour la location de leur logement (garantie des risques locatifs)

Garantie Visale

Jeune actif sans mutuelle complémentaire

La Complémentaire santé solidaire

CUMUL POSSIBLE

CONDITIONS

• Avoir 18 ans. • Vivre en France de manière stable. • Exercer une activité professionnelle ou être indemnisé au titre du chômage partiel ou technique.

30 ans

Pas de lien de parenté avec le propriétaire du logement loué. • Avoir 18 ans. • Justifier de son inscription dans un établissement post-secondaire. Les étudiants sont éligibles sans justification de ressources dans la limite d’un loyer forfaitaire de 800 € en Région Île-de-France et de 600 € pour le reste de la France.

Non Avant 25 ans, considéré comme rattaché aux parents sauf étudiant isolé

•B ourses sur critères sociaux • RSA • Aides d’urgence

• Selon ressources.

Autres aides spécifiques pour les jeunes de 18 à 25 ans : Aide des départements : Le fonds d’aide aux jeunes (FAJ)

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Dispositif départemental de dernier recours destiné aux jeunes adultes en grande difficulté sociale.

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Analyse L’entrée dans la vie active des jeunes est une période sensible pour toutes les familles. Mais l’insertion professionnelle des jeunes, notamment des plus fragilisés, les difficultés d’accès au monde du travail et parfois la précarité dépassent la sphère familiale et sont des enjeux de politiques publiques. Orientation, logement, santé, vie de famille, budget familial, mobilité, accompagnement…. Nos contributeurs livrent leur analyse sur les grands thèmes de l’autonomie des jeunes.

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Analyse

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Apprentissage : une expérience de l’entreprise, entre promesses et réalités Patricia HUMANN

Alors qu’une nouvelle loi sur l’apprentissage a vu le jour en 2018, l’étude qualitative réalisée par l’Unaf fait le point sur ce type de formation initiale des jeunes, en interrogeant en profondeur ce que vivent des apprentis, des parents, des CFA (Centres de formation des apprentis) ainsi que des entreprises. L’apprentissage est perçu très positivement par ces acteurs, comme un « écosystème » vertueux pour ceux qui le vivent, même si des améliorations restent à apporter.

Coordinatrice du pôle Education-jeunesse à l’Unaf,

Méthodologie :

Camille ARNODIN Directrice d’études qualitatives indépendante

*Infra-bac : Etablissement et hébergement pour personnes âgées dépendantes.

La méthode choisie est exclusivement qualitative. Cinq focus groupes de 3 heures, réunissant 6 à 10 participants ont été réalisés à Paris (un groupe d’apprentis post bac, un groupe d’entreprises accueillant des apprentis) et à Dijon (un groupe d’apprentis infra-bac*, et un groupe de CFA).

Un écosystème articulé autour de trois acteurs Les spécificités de l’apprentissage reposent sur un écosystème articulé autour de trois acteurs : le centre de formation (CFA, écoles…), le jeune et l’entreprise. Le centre de formation et l’entreprise, via le tuteur nommé pour encadrer l’apprenti, sont censés accompagner le jeune dans son parcours de formation. Cet écosystème fonctionne plus ou moins bien selon l’articulation qui est faite entre les trois pôles. L’étude dévoile en effet aussi bien des cas de complémentarité équilibrée et ver-

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tueuse entre les trois, que des situations avec des rapports déséquilibrés, souvent au détriment de l’apprenti. Ce champ est par ailleurs au croisement du monde de l’entreprise et des études, et le statut de l’apprenti est donc particulier : ni un vrai salarié, ni un étudiant classique… Il est censé pouvoir monter en compétence au fil du temps au sein de l’entreprise, au fur et à mesure de son apprentissage, et avoir ainsi le droit à l’erreur. Ce n’est pas toujours le cas.

Apprentis, parents, écoles et entreprises ont une image très positive de l’apprentissage

C’est une culture, souvent ancrée dans une histoire familiale, des représentations positives, et de nombreux atouts, qui sont cités par l’ensemble des personnes rencontrées, apprentis comme professionnels, d’un point de vue aussi bien professionnel, que financier ou personnel. Pour les apprentis, c’est d’abord un vrai tremplin pour entrer dans la vie active, mais aussi un moyen d’être plus indépendant financièrement, voire de financer des études supérieures. C’est enfin la possibilité de devenir plus autonome et responsable.

L’apprentissage fonctionne ainsi comme un parcours initiatique, générant souvent des métamorphoses positives chez les jeunes, qu’ils soient en infra-bac ou en post-bac. Il permet notamment à ceux qui étaient perdus, ou dans une logique d’échec, d’avoir une place, un rôle, une utilité, et d’être ainsi plus intégrés dans la société. Au vu des modifications individuelles qui s’opèrent chez les jeunes, mais aussi plus largement pour la collectivité (entreprises, professionnels en centres de formation…), l’apprentissage peut être envisagé comme un véritable outil de transformation sociale. On remarque cependant un contraste entre l’image positive de l’apprentissage pour tous les acteurs rencontrés et l’image dévalorisée de ce type de formation à l’extérieur, dans la société, au niveau de certaines institutions.

Une image perçue comme trop souvent négative dans la société

Du point de vue des acteurs rencontrés, l’image de l’apprentissage dans la société reste trop souvent négative, particulièrement l’apprentissage infra-bac, choisi à l’issue de la classe de 3ème. Il est, selon eux,

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encore trop souvent considéré en France comme « une voie de garage », qu’on oppose à la voie « normale », classique. La filière pâtit de la mauvaise image de la voie professionnelle, elle est vue comme un renoncement à la voie jugée « noble » (générale, voire technologique). Elle est associée à une forme d’interruption de l’école puisque le jeune va être en partie formé dans l’entreprise. Tous regrettent également la trop fréquente dévalorisation de l’apprentissage au sein du milieu scolaire, où tout est fait pour que les élèves avec de bons résultats évitent cette voie, associée par conséquent à une forme d’échec.

l’alternance dans le supérieur a une image nettement plus positive, selon les acteurs rencontrés, voire même pour certains est une tendance « en vogue ».

Beaucoup d’apprentis en souffrent, et utilisent dans l’étude une terminologie qui témoigne du sentiment de mépris social dont ils se sentent victimes : « déchet », « cas sociaux ». Ils sont donc très fortement animés par la volonté de s’affirmer, de revaloriser leur statut.

Le fait de travailler en entreprise est en effet souvent vécu comme valorisant (même si le travail lui-même ne l’est pas toujours) : l’impression d’avoir plus de responsabilités, d’être plus proche du monde des adultes, de se sentir utile, et du coup d’être reconnu. Est appréciée aussi la rémunération, et bien sûr le fait d’acquérir de l’expérience et de pouvoir, à terme, entrer plus facilement dans la vie active. Mais c’est également la variété des expériences, des profils rencontrés qui est source de satisfaction, et répond au besoin de changement, de découverte éprouvé par de nombreux jeunes.

Cette situation déplorée par la majorité des acteurs de l’apprentissage rencontrés, constitue une des priorités selon eux à traiter pour l’avenir de l’apprentissage en France. L’image de l’apprentissage postbac est cependant beaucoup plus positive. On constate en effet que

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L’alternance bien vécue par les apprentis

Pour les infra-bac et post-bac, le vécu de la vie en apprentissage et de l’alternance école-entreprise est souvent positif. La combinaison de ces deux temps que sont le travail en entreprise et le temps de l’école est apprécié. Ce sentiment est encore plus accentué quand la voie a été choisie et quand « les entreprises jouent le jeu », ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

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Le temps passé en formation est lui aussi souvent apprécié, notamment au regard du contraste ressenti par rapport à l’école secondaire (collège, lycée). Selon les apprentis, les intervenants en CFA et en écoles ou en universités sont pour beaucoup des professionnels « passionnés », qui aiment leur métier, le partage d’expériences et de connaissances. Une relation professeur- élève que beaucoup apprécient, souvent plus apaisée selon les parents et les apprentis, car nettement plus axée sur la transmission et la valorisation que sur la sanction et la compétition.

Une découverte parfois abrupte du monde du travail

Si elle est globalement bien vécue, dans les faits, cette arrivée dans le monde du travail n’est pas un long fleuve tranquille pour les apprentis. Ils relèvent de nombreuses difficultés. Une vie quotidienne particulièrement difficile, surtout pour les apprentis post-bac rencontrés à Paris. Ces jeunes apparaissent souvent courageux et très motivés pour s’en sortir. Certains sont contraints à beaucoup d’efforts pour pouvoir se loger, se déplacer, notamment lorsque leur école est loin de leur entreprise, avec des charges financières parfois être lourdes.

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Le parcours du combattant de la recherche d’entreprises et de contrats d’apprentissage (surtout pour les post-bac et certaines filières). La recherche d’un contrat d’apprentissage et donc d’une entreprise est le problème central remonté par les apprentis post-bac en région parisienne, confirmé par les parents et centres de formation, qui parfois contraint les apprentis à changer de projet professionnel. Une entrée dans la vie active parfois trop brutale : les responsabilités qui pèsent sur les apprentis en entreprise peuvent être perçues comme trop importantes pour eux, notamment pour des mineurs ou très jeunes adultes. La réglementation spécifique pour les mineurs, concerne principalement le cadre réglementaire (les horaires, la signature du contrat de travail…) mais pas la prise en charge et l’accompagnement d’un mineur au sein de l’entreprise. Pour les plus jeunes (infra-bac), cette entrée dans la vie d’adulte / de salarié est par conséquent parfois trop brutale, avec un manque de transition et de temps d’adaptation. Pour les profils plus âgés, en post-bac, on note à la fois l’envie d’être considéré comme les autres salariés mais aussi comme des étudiants, avec le droit à l’erreur, d’être formé… La pression excessive mise sur les jeunes est une des raisons évoquées par les apprentis pour les ruptures de contrat, avec l’obligation de retrouver une entreprise pour pouvoir continuer son apprentissage. L’obligation récente pour le CFA de garder le jeune 6 mois après la rupture de contrat est appréciée.

Des expériences inégales de l’entreprise

L’écosystème évoqué plus haut n’est pas toujours équilibré concernant les relations instaurées entre l’entreprise et l’apprenti. Beaucoup d’apprentis, de parents ou de CFA estiment

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que c’est encore trop souvent inégal, et parlent de « loterie » au niveau des entreprises.

bienveillant, les professionnels de la formation l’appellent alors « le tuteur fantôme ».

L’expérience en entreprise est parfois très positive et bien vécue. L’étude dévoile trois grands cas de figure où l’apprentissage se déroule souvent bien : •A u sein du réseau familial, souvent dans une petite entreprise familiale. C’est un cas fréquent au sein de l’apprentissage infra-bac et des métiers manuels. •L e second cas, qui concerne lui aussi plutôt l’apprentissage infra-bac, est celui de l’entreprise dont le métier est intimement lié à la culture « noble » de l’apprentissage (culture des compagnons du devoir) : cuisine, charpente… •E nfin le dernier cas, qui concerne des alternants postbac, est celui de la grande entreprise ou grand groupe (par exemple : banque, immobilier, groupement hospitalier…) où la législation est généralement bien connue, respectée.

Une réglementation parfois malmenée : de nombreux cas de non-respect de la réglementation, et du droit du travail (nombre d’heures de travail, heures supplémentaires) et du cadre législatif de l’apprentissage, allant parfois jusqu’à la maltraitance, sont évoqués par les personnes interrogées dans le cadre de l’étude (des mineurs, dans certains secteurs comme l’hôtellerie/restauration, certaines entreprises artisanales…). Des jeunes filles apprenties témoignent aussi des abus de langage et de comportement dont elles sont parfois victimes. Les apprentis, notamment mineurs, ne sont par ailleurs pas souvent au courant ni de la législation, ni des possibilités de recours. Face à ces abus, peu de recours semblent d’ailleurs exister pour les apprentis comme pour les centres de formation. Le seul recours officiel selon les professionnels rencontrés, est la Direccte, mais qui est un service dédié aux salariés en général. Mais ce dispositif reste complexe, méconnu et trop engageant pour les apprentis et leurs familles. Les centres de formation n’ont pas toujours la possibilité de « black-lister » les entreprises du fait de leur pénurie sur le territoire.

Des cas d’abus sont cités, plus fréquents dans certains secteurs. Poussant à l’extrême la brutalité de la confrontation au monde du travail évoquée cidessus, certains apprentis ne sont pas considérés comme des jeunes en apprentissage mais comme des salariés, soit comme une main d’œuvre bon marché, utilisée à la place de postes salariés, soit lorsqu’on attend de l’apprenti les mêmes objectifs qu’un salarié (à qui on demande de faire du chiffre…), sans droit à l’erreur. Le tuteur en entreprise : il peut être bien présent, attentionné et disponible. Son rôle est essentiel pour accueillir, suivre et accompagner l’apprenti tout au long de sa formation. Il sera plus ou moins protecteur selon sa propre expérience, l’âge de l’apprenti, et le type de filière professionnelle. Mais le tuteur en entreprise n’est pas toujours à la hauteur. Pas toujours présent, ni toujours

Un accompagnement à géométrie variable par les centres de formations

L’étude souligne que l’accompagnement des apprentis au sein des centres de formation peut prendre des formes très différentes selon les établissements. On constate que sur un cadre plus large, à savoir l’orientation, la pédagogie proposée aux jeunes et aux familles…, les CFA et autres écoles accueillants des apprentis sont plus ou moins soutenants. Pour les centres de formation les plus structurés en terme d’accompagnement des apprentis, l’aide commence dès le départ, avant même l’entrée en appren-

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tissage (recherche de projet, de parcours, d’entreprise…). Elle consiste aussi en un suivi de près des apprentis, via un formulaire, le carnet d’apprentissage à remplir par l’apprenti et le tuteur en entreprise, et un suivi des entreprises que les centres de formation appellent et/ou visitent, pour prendre contact et faire les points sur les apprentissages à faire. D’autre part, des points réguliers sont faits avec l’apprenti pour voir où il en est dans ses apprentissages en entreprise. Un soutien est également fort dans certains centres de formation en cas de rupture de contrat, avec parfois un service dédié, pour aider les apprentis à retrouver une entreprise. Ce suivi qui n’est pourtant pas toujours optimum dans certains CFA qui semblent moins investis, ou inégaux en terme d’enseignements, d’organisation... peut-être du fait d’un manque de ressources financières. Les différences concernent aussi les relations des CFA face aux entreprises abusives. Le soutien des apprentis s’avère lui aussi très inégal selon les écoles / centres de formation, certains centres ne souhaitant pas mettre en péril des partenariats établis avec les entreprises. On note également des pratiques différentes, en matière de contacts et relations entretenues avec les parents des apprentis. Hormis dans les MFR*, la plupart des CFA et organismes de formation déclarent avoir peu de contacts avec les parents, sauf dans les situations graves. Ils disent que les parents sont peu présents, même lorsqu’ils sont sollicités par les établissements.

Des pistes d’amélioration pour l’apprentissage

En dépit des modifications législatives récentes, de nombreuses attentes d’améliorations ont été exprimées. Un cadre plus protecteur pour les apprentis : l’une des attentes majeures exprimées par l’en-

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*Le cas des Maisons Familiales Rurales (MFR) Ce dispositif unique d’éducation populaire, né en 1937, et financé en grande partie par le Ministère de l’Agriculture, implique non seulement les jeunes (de 14 ans à bac + 3) mais aussi leurs familles (puisque chaque maison familiale repose au départ sur une association familiale). Une particularité des MFR est de s’intéresser de près aux projets des jeunes et à leurs aspirations personnelles : de leur permettre, et ce, dès la 4ème, de réfléchir à leur projet d’orientation, d’expérimenter diverses options, de réaliser plusieurs stages de découverte (même hors secteur agricole), et d’être accompagné dans leurs recherches. Elles peuvent donc répondre aux besoins de jeunes ne sachant pas trop quoi faire et peu épanouis au sein du cadre scolaire. Autre spécificité intéressante au regard de l’apprentissage, le travail très important qui est réalisé pour développer un partenariat et un réseau d’entreprises au niveau régional, avec les familles, les différentes MFR. Reposant majoritairement sur l’alternance sous statut scolaire, les MFR proposent aussi une « formule » moins couteuse pour l’entreprise et moins contraignante pour le jeune*.

semble de l’échantillon est le fait de garantir un cadre plus protecteur pour les apprentis, notamment les mineurs : des contrôles, des mesures de recours en cas d’abus… Avec le rétablissement d’un organe de contrôle des entreprises, afin de s’assurer du respect du cadre législatif. L’autre attente clé, notamment pour les apprentis et leurs parents, concerne la revalorisation de l’apprentissage et de son image, dans la société, les institutions… via par exemple une promotion plus importante et plus positive du secteur, de façon à faire mieux connaître cette formation et tous ses avantages. On attend de développer la connaissance et la culture de l’apprentissage non seulement au sein de la société mais aussi au sein des entreprises, notamment les PME qui ne connaissent pas forcément ni l’apprentissage, ni les aides / avantages. Et au sein des institutions, afin de fluidifier les relations entre CFA et institutions locales et promouvoir le

refinancement de l’apprentissage dans le secteur public. Améliorer l’orientation scolaire dans son ensemble et la place donnée à l’apprentissage : très nombreux sont ceux qui estiment également qu’il y a un important travail à réaliser au niveau du parcours scolaire afin de sensibiliser les jeunes aux métiers et à leurs réalités (pour éviter les contrastes entre l’idée qu’on se fait d’un métier et sa réalité), les accompagner plus tôt au collège, avec des conseillers plus compétents, et travailler avec eux sur leurs envies.

*Lire « Se former, s’épanouir : Quel ressenti des jeunes après leur formation ? », page 80

Plus de soutien aux apprentis et à leurs familles en cas de difficultés : parmi les aides attendues et citées, il y a d’abord en priorité l’aide à la recherche de contrats d’apprentissage et d’entreprises qu’il faut faciliter pour les apprentis, car encore trop d’inégalités existent entre ceux qui ont un réseau familial ou via l’école et ceux qui n’en ont pas. Les aides devraient aussi faciliter la vie matérielle et la mobilité des jeunes apprentis. l

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Travailler pour financer ses études

Julien BERTHAUD Chargé d’études CEREQ à l’IREDU (Institut de recherche sur l’éducation)

Jean-François GIRET Professeur en sciences de l’éducation, Université de Bourgogne - Directeur de l’IREDU

Travailler pendant ses études est aujourd’hui une pratique courante qui concerne environ un étudiant sur deux. Si avoir une activité salariée est essentiellement motivé par des raisons financières, cette activité n’est pas sans risques pour les études, surtout quand elle est intense. C’est seulement lorsque les conditions sont réunies pour qu’elle s’intègre harmonieusement au parcours étudiant, que cette expérience professionnelle a un effet bénéfique sur l’insertion des jeunes. L’activité rémunérée en cours d’études est un phénomène aujourd’hui bien ancré dans l’enseignement supérieur français et concerne environ un étudiant sur deux. Ces activités sont extrêmement diverses, en termes de durée, de régularité et de lien avec les études. Les enquêtes en France de l’Observatoire national de la Vie Etudiante, montrent qu’un peu plus d’un tiers de ces étudiants se trouve dans ce que l’on peut considérer comme un petit boulot étudiant, exercé moins d’un mi-temps durant l’année universitaire. Cependant, 20 % des étudiants occupent des emplois concurrents aux études qui dépassant le mi-temps, alors que 30 % se trouvent dans des stages et des formations en alternance et 14 % ont un emploi en lien avec leur domaine d’études. La figure de l’étudiant qui travaille durant ses études s’inscrit dans une diversité de profils en lien avec les filières d’études, l’origine sociale ou la situation personnelle. La raison première de ces activités est essentiellement financière, même si d’autres motivations existent. Travailler pendant ses études permet aux étudiants de cofinancer voire de financer leurs études, en complément ou substitution aux

aides parentales. Dans le cadre d’une enquête, nous avons suivi une cohorte d’environ 2000 étudiants inscrits en licence dans une université française durant quatre ans1. Cela nous a permis d’analyser les raisons qui ont incité les étudiants à la prise d’une activité mais également les conséquences sur leur trajectoire d’études. Les étudiants salariés sont largement majoritaires parmi ceux qui ont les difficultés financières les plus importantes. Même si au début des études supérieures, la prise d’une activité salariée ne répond pas à un besoin financier indispensable, elle devient progressivement la source de revenus la plus importante en se substituant notamment aux aides des parents.

L’emploi salarié, un risque pour le parcours étudiant

Les recherches montrent qu’une activité salariée n’est pas sans risque sur la scolarité, surtout lorsque cette activité dépasse une douzaine d’heures hebdomadaires et devient concurrente aux études. Les étudiants sont alors pris entre la nécessité de financer ou cofinancer leurs études et les contraintes de temps, de fatigue et de stress que génèrent ces activités. L’enquête longitudi-

nale que nous avons menée, montre que l’emploi salarié contribue à l’allongement du parcours d’études et augmente le risque d’un arrêt des études. Les étudiants salariés diminuent le temps qu’ils peuvent consacrer aux études, leur temps de repos et de loisir mais augmentent en revanche leur temps de transport. Moins intégrés à la vie étudiante, ils passent aussi moins de temps avec les autres étudiants de leur formation, accèdent plus rarement aux bibliothèques et aux autres lieux d’échange au sein de leur université. La récurrence du travail tout au long de la trajectoire et l’augmentation progressive des heures travaillées conduisent parfois l’étudiant salarié à devenir un salarié étudiant, beaucoup plus dépendant de son activité professionnelle que de ses études. Cela peut s’expliquer par un besoin d’autonomie qui augmente avec l’âge et le niveau d’études. La décohabitation conduit notamment l’étudiant à prendre en charge une partie de ses frais de logement. Cependant un processus cumulatif se produit également pour certains : l’intérêt pour les études diminue, souvent renforcé par le manque de temps disponible, les difficultés universitaires s’accumulent et l’emploi sala-

1/ Les principaux résultats de cette enquête menée à l’IREDU avec le soutien de l’Observatoire National de la Vie Etudiante (OVE) sont présentés dans l’ouvrage « Salariat étudiant, parcours universitaires et conditions de vie », publié en 2019 à La Documentation française.

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rié apparaît pour les étudiants les plus en difficultés comme la seule opportunité de réussite sociale que le diplôme ne permet plus. Dans certains cas, ils doivent « choisir » entre donner la priorité au travail rémunéré ou au travail universitaire, entre une vie d’étudiant avec peu de ressources financières ou un quotidien permettant de consommer davantage, ou encore entre une activité ancrée dans le réel économique et social au détriment d’études universitaires vécues comme artificielles. L’impact du travail étudiant sur les abandons est pourtant moins direct, plus diffus que ne le laissent penser les travaux ne prenant pas en compte la dimension longitudinale des parcours étudiants. L’abandon s’inscrit dans un faisceau de causalités où le travail salarié occupe une place importante, mais non exclusive. D’autres aspects transparaissent dans nos travaux, indiquant par exemple comment ce cumul conduit à une redéfinition du projet initial ou à l’émergence de nouveaux souhaits, de nouvelles aspirations professionnelles. Dans les premières années d’études supérieures, la causalité n’est pas si simple à démontrer. Le fait d’occuper un travail durant les études peut aussi être la conséquence d’un

choix de formation par défaut ou d’un manque d’intérêt pour le projet initial. L’absence d’intérêt pour la formation suivie après le bac incite l’étudiant à prendre une activité professionnelle. Dans certains cas, cela peut le conduire à changer de formation et à se recentrer vers une formation plus professionnelle. Dans d’autres cas, cela peut se traduire par une situation de décrochage qui est très pénalisante au niveau de l’insertion professionnelle.

Une expérience qui peut parfois faciliter l’insertion professionnelle

Mais travailler peut aussi avoir un intérêt si cela permet de valoriser l’expérience professionnelle acquise, comme l’ont montré également certains de nos travaux sur les enquêtes Génération du Céreq2. L’insertion professionnelle des étudiants salariés est alors facilitée et l’expérience, sous certaines conditions, peut se voir reconnue par les employeurs. La valeur ajoutée d’un emploi durant les études n’est cependant avérée que si l’étudiant n’est pas pénalisé dans ses études. Dans le cas contraire, une expérience professionnelle compense rarement l’échec à un examen ou la non obtention d’un diplôme. Il est par ailleurs évident que tous les emplois étudiants ne sont pas

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identiques. Un emploi en lien avec les études et qualifié est un atout sur le curriculum vitae d’un jeune diplômé. Inversement, un job étudiant, exercé ponctuellement sur un emploi peu qualifié, n’a pas ou peu d’effets sur l’insertion. La valorisation professionnelle de ces activités semble mieux perçue par les étudiants sensibilisés au discours sur la professionnalisation. Cela peut les aider à supporter les contraintes de ces activités qui empiètent sur les études, surtout s’ils pensent qu’elles leur apportent d’autres formes de savoirs par rapport aux savoirs universitaires. Ces ambivalences du travail étudiant - dans son rapport aux études et à la vie professionnelle - doivent donc être étudiées à la lumière de l’intensité du travail (régularité, nombre d’heures) et du rapport à la formation de ces activités, deux facteurs particulièrement clivants. Toutes les mesures susceptibles de réduire les effets négatifs du travail salarié sur les études ne sont pas à négliger : limiter le nombre d’heures de travail hebdomadaire, faciliter l’accès à des congés avant les sessions d’examen, proposer l’hybridation de certains cours par le biais d’enseignement à distance, favoriser les jobs étudiants dans les campus compatibles avec les emplois du temps… Mais le travail salarié des étudiants invite aussi à questionner la démocratisation des études supérieures, qui a conduit à l’université des étudiants d’origine modeste qui doivent travailler pour –a minima– cofinancer leurs études. Les conditions pour que ces activités s’insèrent harmonieusement dans les parcours étudiants sont sévères et constituent de nouvelles sources d’inégalités. L’accès sélectif aux « bons emplois étudiants » (emplois intégrés, alternance, emplois sur les campus…) pourrait renforcer ce que les sociologues appellent la « démocratisation ségrégative » de l’enseignement supérieur. l

2/ Voir notamment les travaux de Catherine Béduwé et Jean-François Giret publiés dans 20 ans d’enquêtes Génération, Marseille: Céreq Essentiels, https:// www.cereq.fr/20-ans-dinsertion-professionnelle-des-jeunes-entre-permanences-et-evolutions

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Les conditions de logement des étudiants révélatrices des inégalités sociales Jean-Claude DRIANT Lab’Urba – École d’urbanisme de Paris, Université Paris Est

L’enquête sur les conditions de vie étudiantes de 2016 menée par l’observatoire de la vie étudiante (OVE)1 confirme la poursuite de la tendance d’autonomisation résidentielle des étudiants. En 2016, 69 % d’entre eux avaient décohabité. En dix ans, leur nombre a augmenté de 36 %. Cette croissance se produit toutefois dans un contexte de poursuite du durcissement des conditions d’accès au logement dans les grandes villes. Il en résulte quelques inflexions significatives qui révèlent, plus encore que par le passé, les inégalités sociales qui traversent cette population.

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rès des deux tiers des étudiants ayant décohabité sont locataires ou colocataires d’un logement, très majoritairement dans le parc privé. Il y avait toutefois en 2016 moins de locataires vivant seul, en couple et en colocation qu’en 2010, alors que la contribution des résidences universitaires croît depuis 2013. 44 % des logements des étudiants sont des studios. Ce modèle n’apparait majoritaire que dans le cas des résidences spécialisées et des locations meublées. La colocation permet en effet d’échapper partiellement à ces petits logements en permettant de disposer, en plus de sa chambre, d’une ou plusieurs pièces partagées. La majorité des colocataires vit à deux, le plus souvent dans un logement de trois ou quatre pièces. Il y avait, en 2016, 260 800 étudiants vivant dans une collectivité ou une résidence spécifique (foyer ou résidence étudiante

Les inégalités sociales en matière de capacité de décohabitation sont donc très nettement renforcées par le niveau de tension du marché du logement.

Crous ou privée). Ce chiffre est en net progrès par rapport aux enquêtes précédentes. Dans cet ensemble, la part des résidents dans des logements à caractère social (Crous ou autres) a cru de façon importante, passant de 141 000 places en 2010 à 173 000 en 2016. Sans doute faut-il voir là les effets de la réalisation d’une partie du plan « 40 000 logements » engagé sous le quinquennat de François Hollande.

Les loyers n’augmentent plus qu’en région parisienne

En 2016, les étudiants locataires ou colocataires payaient en moyenne 479 euros par mois pour le loyer et les charges associées au logement. C’est 2,4 % de plus qu’en 2013, soit une hausse faible, à peu près comparable à l’inflation entre les deux dates. Ce taux moyen national masque même une légère baisse dans les villes moyennes et les métropoles régionales. Ces villes avaient connu de très fortes hausses au cours des années 2000 et au début des années 2010. Elles semblent se stabiliser. En revanche, les prix s’envolent dans toute l’Ile-deFrance et l’écart de loyer moyen

entre Paris et les métropoles régionales de plus de 300 000 habitants a quasiment doublé, passant de 25 % en 2006 à 30 % en 2013, puis à 48 % en 2016. Ces écarts constituent un mauvais indice pour l’attractivité des établissements universitaires franciliens. La colocation apparait comme un moyen de limiter la dépense. À l’échelle nationale, les étudiants colocataires ont une dépense moyenne inférieure de 14 % à celle des locataires vivant seuls. Cet avantage tend toutefois à s’atténuer. A Paris et en petite couronne, il était de 21 % en 2013 ; il n’est plus que de 12 % en 2016.

Les aides au logement ne corrigent pas les inégalités sociales

Les étudiants venant de milieux populaires décohabitent moins que ceux venant des classes moyennes. Ceux originaires des catégories supérieures décohabitent également un peu moins que les seconds. Sans doute peuvent-ils profiter de conditions de logement plus confortables au domicile parental. L’écart de décohabitation entre les milieux populaires et classes moyennes est supérieur à 10

1/ L’OVE mène tous les trois ans une vaste enquête sur les conditions de vie des étudiants. Celle de 2019 a porté sur un échantillon représentatif de 46 340 étudiant(e)s. L’exploitation de cette enquête a donné lieu à la publication d’un ouvrage collectif (Giret J.-F., Belghith F. et Tenret E. (dir.), 2019). Cet article est un résumé de celui publié dans ce même ouvrage (Driant J.-C., 2019).

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points pour la population étudiante totale, mais il atteint 17 points pour ceux qui étudient à Paris et en petite couronne, alors qu’il n’est que de 7 points dans les autres grandes villes. Les inégalités sociales en matière de capacité de décohabitation sont donc très nettement renforcées par le niveau de tension du marché du logement. Les étudiants issus des milieux populaires sont plus souvent présents en résidences universitaires et moins souvent colocataires ou en location meublée. Le poids des résidences Crous dans l’offre spécialisée, qui donnent priorité aux étudiants boursiers, contribue à expliquer ces différences. Près de la moitié de leurs résidents (46 %) sont issus de milieux populaires, alors que 41 % de ceux qui vivent dans des résidences privées, beaucoup plus chères, viennent des catégories supérieures. Quant au recours à la colocation, il croit avec la catégorie sociale d’origine. A ces inégalités sociales s’ajoute l’incapacité des allocations de logement, dans leur format actuel, à les corriger. En effet, seuls 62 % des étudiants locataires issus d’une famille populaire bénéficient des aides au logement, contre 60 % pour ceux issus de catégories supérieures. Ce résultat est d’autant plus préoccupant que les montants moyens des aides perçues par les étudiants d’origine populaire sont inférieurs à ceux perçus par les étudiants d’origine aisée. Le calcul de l’aide ne tenant pas compte du revenu des parents, il solvabilise mieux les étudiants aisés qui n’ont pas besoin de travailler pour financer leurs études et peuvent se payer des logements plus chers.

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Les chiffres du logement des étudiants en 2016 2006 % d’étudiants ayant quitté le domicile parental

% % % % % % %

2010 63,5

2016 66,1

Les principales modalités de logement (étudiants ayant décohabité) 2006 2010 En location seul 31,8 33,9 En location en couple 17,5 17,5 En colocation 10,1 16,3 Occupation gratuite 7,4 6,9 Résidence étudiante 20,7 15,7 Autres 12,5 15,7 Total 100,0 100,0 % de logements d’une seule pièce % de deux pièces % de trois pièces et plus % Total

Le coût du logement (€) Loyers moyens (charges comprises) (€) Agglomérations moyennes en région (100 à 200 K habitants) Métropoles régionales (+ de 300 K habitants) Première couronne francilienne Paris Ensemble des étudiants

2013

69,1 2016 33,3 15,1 15,6 6,8 17,7 11,5 100,0 43,6 24,0 32,4 100,0

427,00 492,00 557,00 638,00 468,00

2016 413,00 473,00 630,00 702,00 479,00

Les inégalités sociales en 2016 Origine sociale des étudiants* Populaire Moyenne % d’étudiants ayant quitté le domicile parental 62,8 73,2 -Paris et petite couronne 47,5 64,0 -Métropoles en région 74,9 81,5 % de logements en résidences universitaires 23,6 17,5 % de colocataires 11,9 14,8 % de bénéficiaires d’aide au logement 61,6 60,9 Montant moyen des aides au logement (€) 160,60 164,60

Supérieure 70,3 60,9 79,5 15,1 17,7 59,6 167,40

Les étudiants étrangers ** en 2016 Étudiants étrangers** % de logements en résidences étudiantes 38,7 % de chambres chez l’habitant, sous location, foyers... 9,2 % de locataires et colocataires d’un logement (vide ou meublé) 44,5

Autres étudiants 17,2 5,4 65,9

* Typologie de l’observatoire de la vie étudiante fonction des catégories socioprofessionnelles des parents. ** Étudiants étrangers ne résidant pas habituellement en France et dont ni le père ni la mère ne vivent en France Source : OVE Enquêtes conditions de vie, 2016, 2010, 2013 et 2016 – Traitement de l’auteur

aphie : Trop souvent considérés comme Bibliogr privilégiés, toujours exclus des Giret J.-F., Belghith F. et Tenret approches statistiques de la pau- E. (dir.), 2019, vreté2, les étudiants n’en sont Regards croisés sur les expépas pour autant épargnés par riences étudiantes, la dureté des marchés du loge- OVE Etudes et recherches, ment. À l’image des constats La Documentation française récurrents formulés en termes de crises du logement pour Driant J.-C., 2019, l’ensemble des ménages, les « Les conditions de logement Les étudiants étrangers conditions d’habitat des étu- des étudiants dans la diversité confrontés au marché diants révèlent l’accroissement des territoires. Le poids des Beaucoup plus souvent logés de profondes inégalités sociales inégalités sociales » in Giret en résidences spécialisées que et territoriales que les aides J.-F., Belghith F. et Tenret E. publiques, coûteuses, mais mal (dir.), 2019, Regards croisés les Français, et pouvant bénéficier dans certains cas de places calibrées, ne parviennent pas à sur les expériences étudiantes, en Crous, les étudiants étranatténuer. l OVE Etudes et recherches, La Documentation française 2/ Pour des raisons évidentes, les mesures des niveaux de vie et du seuil de pauvreté menées par l’Insee ne concernent que « les ménages dont la gers n’en restent pas moins majoritairement confrontés au marché. N’ayant pas de parents chez qui cohabiter, ils ont toutefois beaucoup plus de mal que les autres à accéder au marché locatif ordinaire : Ils sont beaucoup moins nombreux à être locataires ou colocataires d’un logement ordinaire que les Français, mais près d’un sur deux vit dans des formules plus spécifiquement étudiantes (résidences universitaires, chambres chez l’habitant, sous-location, foyers), contre un quart des Français.

personne de référence n’est pas étudiante »

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Analyse

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Aider les familles à construire un parcours global d’orientation des jeunes Ferroudja KACI Responsable du développement des services au public, CIDJ (Centre d’information et de documentation jeunesse)

Les familles contactent le CIDJ pour des questions autour de l’orientation, souvent dans l’angoisse du parent d’un enfant qui ne sait pas quoi faire. Elles viennent souvent en urgence aux moments forts de Parcoursup ou d’Affelnet ou pour un dossier que leur enfant ne sait pas remplir. Les conseiller.e.s repèrent des problèmes périphériques à l’orientation qu’il s’agisse d’un handicap, d’une addiction, de conflits. Fort de 50 ans d’expérience, le CIDJ informe et rassure par une boîte à outils de solutions à toutes les questions. La solution à une question d’orientation n’est pas forcément l’orientation ! Le CIDJ est un lieu où le public est pris en compte dans sa globalité, écouté sans jugement, avec une parole libre. Nous discernons deux types de famille, celles qui ont un projet, d’autres qui viennent exprimer des problèmes qui se greffent sur la question de l’orientation, qui n’est plus que le prétexte de l’entretien. Les familles rencontrent des freins dans les établissements : « Votre enfant ne pourra pas faire cette filière… ». Le point fort du CIDJ et des structures du réseau Information Jeunesse est l’accueil anonyme, confidentiel, en confiance, où la parole peut se libérer sans lien avec l’institution. Au CIDJ contrairement aux lieux de la vie quotidienne, les familles ne risquent pas de tomber sur une connaissance, et peuvent aborder sans réserve des problèmes graves comme les drogues ou des conflits. Le CIDJ est vu par le jeune comme un espace non institutionnel, sans relation avec son établissement ou le conseil de classe ! Le CIDJ ne connait pas la logique financière ou d’affectation. Lieu neutre, il n’a pas vocation à

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accompagner ni remplir des dispositifs. Les jeunes sentent que nous sommes de leur côté. L’espace leur appartient sans jugement et leur parole est sans incidence. Notre logique d’accompagnement global se vérifie au quotidien. Derrière une question d’orientation d’un jeune, la solution n’est pas forcément l’orientation et nous avons les ressources pour l’informer, par exemple, sur des questions de mobilité à l’international, de droit, etc.

Il est nécessaire d’ouvrir le champ du possible

L’accompagnement et les activités sont adaptés à l’âge des jeunes et à la relation parent-enfant. L’entretien à trois - conseiller -enfant-parent - produit des dynamiques subtiles. Parfois le parent relance son enfant – peu loquace car venu à l’initiative du parent – parfois il le freine. L’entretien inclut donc un travail de médiation. Nous replaçons le jeune au centre sans prendre parti et en argumentant pour les deux, afin de trouver plusieurs voies et un terrain d’entente. Un blocage est parfois à l’origine de la visite d’une famille. Les parents cherchent un sujet pour se reparler.

Souvent l’enfant est rassuré de la présence du parent. Le premier « orientateur », c’est la famille. Elle parle de ce qu’elle connait et transmet ses préjugés. L’enfant adhère ou rejette souvent des modèles de métiers exercés ou valorisés par ses parents, en fonction de la relation familiale. Notre rôle est d’ouvrir le champ du possible. Nous nous adressons aux parents car nous savons qu’en aidant les parents à ouvrir leur horizon, ils transmettront à leur enfant.

Traiter stress et angoisse des jeunes... et des parents

Le CIDJ a mis en place un Café des parents, qui est à la fois un espace dédié dans le hall et une programmation annuelle d’ateliers et de conférences. Quand on sent un rapport conflictuel, on invite le parent à prendre un Café entre parents, des moments de partage appréciés, pour mener l’entretien en solo avec le jeune. Un collégien vient rarement seul. L’autonomie est progressive à partir du lycée. Le CIDJ a donc créé des ateliers couplés collégiens-famille post troisième, animés dans deux espaces séparés. Des ateliers sont proposés à tous les lycéens pour s’informer

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/ PRÉPARER SA VIE ACTIVE /

au plus tôt sur l’enseignement supérieur et les nombreuses possibilités. Les conférences du Café des parents approfondissent des questions de parentalité dans l’objectif de faciliter l’orientation et la construction d’un projet. Elles sont créées à partir des problématiques que nous relayent les parents : comprendre comment son enfant apprend pour l’accompagner dans sa scolarité ; angoisse de l’échec et de l’erreur d’orientation… L’envie d’un jeune pour une filière non reconnue avec des débouchés incertains, l’orientation subie et le coût de certaines écoles sont des angoisses courantes des parents. Ils nous interrogent souvent sur le meilleur parcours, la meilleure école et favorisent les filières classiques. Ils sont informés et rassurés lors des entretiens individuels sur le projet personnel et des ateliers collectifs thématiques. Les conseiller.e.s présentent les multiples passerelles et possibilités de rebondir dans un parcours de formation et la vie professionnelle. On apprend aussi aux parents à faire confiance à leurs enfants et à envisager le parcours d’insertion dans la durée : l’échec permet de mieux rebondir. L’affluence se situe aux moments forts de Parcoursup* ou d’Affelnet* et au moment des vacances scolaires. Déconnectées de la contrainte de l’école, elles sont des moments propices. Mais dans l’urgence, facteur de stress, on ne peut pas faire de choix éclairé. Nous préconisons aux jeunes des ateliers mis en place toute l’année sur l’angoisse, la timidité, la confiance en soi, le stress, en lien avec des professionnels de la psychologie et de l’éducation avec inscription sur www.cidj.com. En avril, des ateliers sont proposés pour envisager la fin d’année. Le nouvel oral du bac fait l’objet de nombreuses questions et provoque du stress, des ateliers sont en création.

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Analyse

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L’importance des contacts virtuels Les visites des familles sont concentrées le mercredi et le samedi, mais globalement elles se déplacent de moins en moins. Elles tentent de vérifier que cela vaut la peine. La première réponse à distance est donc essentielle. Elle commence par un questionnement pour débriefer une demande souvent floue, qui s’apparente à une bouteille à la mer. Nous rassurons le jeune ou la famille pour qu’il ou elle ait envie de venir et d’aller plus loin. L’accompagnement par téléphone et par tchat s’est développé avec parfois des biais et des freins. Pour un certain public déjà avancé dans sa recherche, le conseil à distance sera suffisant. Nous constatons pour d’autres que plusieurs étapes sont nécessaires et nous les amenons à se rendre au CIDJ. Les jeunes sont des utilisateurs courants de réseaux numériques récréatifs mais ils ne sont pas à l’aise dans un usage professionnel. Parfois nous recevons un message restreint à un bonjour ou un gif sans question. Certains jeunes ont peur de laisser leur mail. Le dialogue à distance avec les adultes qui sont aussi un public du CIDJ et les parents est au contraire aisé, et une manière de découvrir que les ressources du CIDJ sont utiles à tout âge. Le site www.cidj.com est construit pour offrir un panel large d’information sur l’orientation mais aussi la mobilité, l’actualité des jeunes avec des liens pour élargir. C’est un outil d’information complémentaire et national.

Ouvrir le dialogue pour accompagner les jeunes globalement

Le CIDJ préconise une alternance entre exploration et entretiens. Nous passons d’autant plus de temps à vulgariser et à expliquer que le public est jeune. Les jeunes brûlent les étapes : il faut rendre un dossier pour le lendemain. Sans la phase explora-

toire, il n’y a pas de choix éclairé possible. En ce sens, notre expérience a prouvé l’intérêt de nos ateliers d’information sur l’orientation dès les classes de troisième et de première. Lors de l’entretien, le/la conseiller.e décrypte la demande et vérifie ce qui a été compris. Les jeunes que nous accompagnons alternent souvent un temps d’exploration de sources avec un entretien avec un conseiller puis un retour par une phase exploratoire, un stage ou une rencontre avec un professionnel. La durée varie en fonction de la construction de chaque jeune. Des programmes s’adressent à des publics spécifiques, Mobil’Jeunes pour les Ultramarins, Handijeunes pour les jeunes en situation de handicap. Notre nouveau programme « Non aux addictions, Oui à ma santé ! » à retrouver sur www.santeaddictions.fr explique les addictions et donne des solutions.

Saisir les opportunités, valoriser ses capacités, entreprendre, ça s’apprend

*Parcoursup : Plateforme nationale de préinscription en première année d’enseignement supérieur *Affelnet : Procédure d’affectation informatisé en lycée (AFFectation des Elèves par le Net)

Développer la construction de la personnalité, la confiance en soi, l’envie d’entreprendre apprend à être acteur de ses projets d’orientation. le CIDJ a mis en place le premier Incub’jeunes pour accompagner les entrepreneurs en herbe de 10 à 18 ans. L’hackathon valorise le jeune autrement que par la réussite

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

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scolaire. Des jeunes de tous niveaux se retrouvent 12 heures le temps d’un projet citoyen, culturel, solidaire, de quartier, d’orientation ou de mobilité… Des collégiens (de quatrième et troisième) et des lycéens mais aussi des jeunes déscolarisés ou en recherche d’emploi vont ainsi matérialiser une idée en un projet concret. Objectif numéro un : transmettre les bases de la méthodologie de projet en menant une action de A à Z. Objectif numéro deux : valoriser la création, l’engagement, la coopération, susciter et créer

des vocations en dehors du système scolaire. Objectif numéro trois : apprendre à provoquer, détecter et saisir des opportunités / favoriser la rencontre des jeunes de différents horizons. Par ailleurs, le CIDJ met une galerie à la disposition des jeunes artistes pour une première exposition.

Accompagner dans la proximité

Les 1 300 structures Information Jeunesse sont le premier réseau de proximité pour les jeunes et les familles en France.

Les Points Information Jeunesse sont abrités dans une autre structure, municipale ou de loisirs. Les jeunes découvrent, venus pour une question, qu’ils peuvent avancer dans toutes leurs démarches. La relation de confiance avec le conseiller fidélise les jeunes. Il n’y a pas de rendez-vous. En Ile-de-France, 57 % des structures Information Jeunesse sont situées dans des quartiers politiques de la ville. Dans ces quartiers, ce sont les seules structures présentes en dehors des commerces. Les Points information jeunesse aident par exemple un jeune à trouver une solution alternative quand une école coûte cher. Tous les jeunes n’ont pas l’aide de leur famille : non épaulés, ils ont besoin de plus de réponses. l

Lancé le 30 janvier dernier par le CIDJ, IJ box est un outil professionnel novateur de réponse immédiate à distance aux questions des jeunes et demandeurs d’emploi sur l’orientation, l’emploi, l’apprentissage. Boîte à outils numérique, IJ box concentre tous les contenus nécessaires à l’orientation, l’insertion et l’autonomisation des jeunes (citoyenneté, logement, santé…) avec une exigence de mise à jour en temps réel. Grâce à son ergonomie et à un moteur de recherche performant, la navigation est simplifiée et permet de trouver les réponses aux besoins des utilisateurs parmi les 350 dossiers, 40 000 adresses, 300 vidéos, quiz, outils pédagogiques... Des informations qui peuvent d’ailleurs être glissées dans un panier au gré de l’échange et/ou des recherches et envoyées par mail d’un simple clic. Soutenu par le Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse, IJ box est l’outil de référence du réseau Information Jeunesse, accessible sur abonnement à tous les acteurs de l’orientation et de l’insertion, écoles, universités, Missions locales, et accessible depuis les ENT, contribuant à la continuité d’information des jeunes. Pour découvrir IJ box : https://www.ijbox.fr/decouvrir-les-contenus-d-ij-box

EN SAVOIR

+

Le CIDJ offre depuis 50 ans la qualité de l’information nécessaire aux jeunes par un espace unique de services gratuits, des ressources objectives et actualisées. www.cidj.com : Horaires du CIDJ, informations, tchat, inscription aux ateliers et au Café des parents.

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/ QUELLES POLITIQUES PUBLIQUES POUR LA JEUNESSE ? /

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Politique familiale et aides aux jeunes : restaurer une alliance naturelle Politiques familiale et politique de la jeunesse ont tout pour s’entendre : la première aide les parents à subvenir aux besoins d’un enfant, la seconde aide cet enfant dans sa transition vers l’autonomie.

L

es promoteurs de la politique familiale, dont l’Unaf, soutiennent d’ailleurs nombre des propositions de dispositifs qui permettraient d’améliorer le niveau de vie des jeunes ou leur accès à la formation, et surtout à l’emploi. L’Unaf a ainsi, par exemple, pris part à l’élaboration du livre vert « reconnaître la valeur de la jeunesse » en 20091, ou plus récemment, au collège « Jeune » dans le cadre des concertations sur le Revenu universel d’activité (RUA), ou encore émis des propositions sur des publics spécifiques – notamment les sortants d’Aide sociale à l’enfance. Mais en France, périodiquement, apparaissent des frictions entre les promoteurs de la politique familiale et ceux de politique d’aide aux jeunes, non sur les dispositifs à mettre en œuvre, mais sur leur financement. Divers rapports ou prises de positions présentent comme une évidence qu’il faudrait financer la politique de la jeunesse par des coupes dans la politique familiale. A tel point que les promoteurs de la politique familiale, en particulier l’Unaf, se retrouvent parfois qualifiés de freins au développement de l’aide aux jeunes. Ce tropisme est surprenant : les leviers naturels de la politique de la jeunesse sont en effet les

politiques de l’éducation, de la formation, de l’insertion et de l’emploi, ou même du logement, toutes assises sur des logiques de financement budgétaires bien distinctes de la politique familiale. Par ailleurs, des pays souvent présentés comme modèles d’aide aux jeunes offrent des politiques familiales plus généreuses qu’en France. La Suède y consacre 3,5 % de son PIB, le Danemark 3,4 %, contre 2,9 % pour la France (OCDE-périmètre SOCX, 2015). Pour illustrer et dépasser cette opposition, il faut probablement revenir aux sources des deux types de propositions de réforme d’aide aux jeunes qui émergent régulièrement en France : l’aspiration à un revenu universel destiné aux jeunes de moins de 25 ans, d’une part, et la lutte contre la pauvreté et les inégalités des jeunes.

Dépasser l’horizon danois

Les propositions pour un revenu universel en direction des jeunes se réfèrent souvent à l’exemple danois. Le Danemark, par son système d’aide aux étudiants (Statens Uddannelsesstøtte ou SU) , en place depuis un demi-siècle mais dont les racines remontent au 16e siècle, garantit dans les faits un revenu mensuel de plus de 800 € à tout étudiant pendant plusieurs années. Son pendant social (kontanthjælp) garantit

un minimum différentiel d’au moins 700 € à tous les jeunes hors étude. Le « SU » a beaucoup évolué depuis sa création, mais a toujours affiché le même objectif prioritaire : faciliter la formation des jeunes, au besoin en rendant possible des parcours non linéaires, pour qu’ils obtiennent plus rapidement de meilleurs emplois. Une logique d’investissement social, donc, orientée vers l’entrée dans la vie active. Les pouvoirs publics danois ont encore renforcé cet accent mis sur l’emploi par des réformes de 2014, qui notamment resserrent les conditions d’accès, renforçant les contreparties en termes de recherche d’emploi ou de formation2.

Yvon SÉRIEYX Chargé de mission économie/ emploi, Unaf

Ce n’est pourtant pas ce fil directeur d’autonomie par l’emploi que mettent en avant les promoteurs français d’un système « à la danoise », mais bien l’idée qu’un tel dispositif émanciperait, voire « libèrerait » les jeunes d’une tutelle de leurs parents. Ils soulignent en particulier la décohabitation plus précoce des jeunes Danois par rapport aux jeunes Français. Or, en France, une partie des aides aux familles avec enfants est dispensée au titre de la charge d’enfants majeurs : jusqu’à 21 ans pour certaines prestations sociales, et jusqu’à

1/ https://www.unaf.fr/spip.php?article9303 2/www.ires.fr/index.php/publications/chronique-internationale-de-l-ires/item/5868-danemark-vers-une-erosion-du-systeme-d-aide-sociale.

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

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Tableau : répartition des dépenses publiques pour la jeunesse Aides bénéficiant Aides directement aux transitant par jeunes les parents

(Milliards d’Euros)

Education Insertion socioprofessionnelle Assurance chômage Prestations sociales et fiscales versées directement aux jeunes (minimum) Total prestations bénéficiant directement aux jeunes % du total d’aide publique

Total aide publique

28,4 14 3,4

-

28,4 14 3,4

9

9

18

55

9

64

85 %

15 %

100 %

* Source : HCFEA – «LES JEUNES DE 18 À 24 ANS», tome 4, 2016, page 11.

25 pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Les tenants d’un système « à la danoise » jugent que ces aides issues de la charge d’enfant majeur, qui « transitent » par les parents, auraient vocation à être perçues directement par les jeunes. La politique familiale, dans cette perspective, est présentée comme une « familialisation » abusive de l’aide aux jeunes, gênant leur accès à l’autonomie.

*Lire « Combien coûte un jeune à ses parents ? », page 20 *Lire « Quelles obligations et solidarités des parents pour l’enfant majeur ? », page 18

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Cette revendication semble plus symbolique qu’économique. Le volume de ces dépenses pour les jeunes « transitant » par les parents reste, au regard de la population concernée, assez modeste. Selon le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, les dépenses publiques en faveur des jeunes « transitant » par les parents étaient de l’ordre de 9 milliards d’euros par an en 2015. Si l’on imaginait leur redéploiement « mécanique », cela représenterait une moyenne de 138 € mensuels pour chacun 5,4 millions de personnes ayant de 18 et 24 ans. Les simulations réalisées sur divers scénarios de redéploiement par le HCFEA aboutissaient à des sommes « disponibles » bien moindres. On est de toutes manières très loin des 800 € mensuels du SU danois. Et ceci en faisant abstraction des nombreuses situations de régression sociale qu’impliquerait une telle redistribution (notamment les pertes importantes pour les familles modestes, nombreuses ou monoparentales). Le volume relatif de ces

dépenses est aussi limité. A peine 15 % des 64 milliards de dépenses publiques au titre des jeunes « transitent » par leurs parents, alors que 85 % leur bénéficient directement. Le gros des dépenses est constitué non d’aides sociales, mais du financement de l’enseignement supérieur public, dont le Conseil constitutionnel a récemment consacré la quasi gratuité, et plus généralement de toutes les politiques de formation initiale et d’insertion (Voir tableau). Ces 9 milliards apparaissent peu conséquents face au montant, colossal, des transferts directs (monétaires ou en nature) entre parents et enfants, dont l’ordre de grandeur serait de 16 milliards d’euros, si l’on considère que 80 % des 5,4 millions de jeunes de 18 à 24 ans reçoivent de leurs parents, en moyenne, la valeur de 3 670 € par an d’aide*. Faire « transiter » une partie de l’aide par les parents, prend alors tout son sens, dès lors que l’on réalise que c’est largement sur le soutien des parents que repose l’entretien des jeunes, et que la loi considère cette aide comme un dû*. Les parents sont donc en droit d’attendre une aide pour se conformer à leurs devoirs. Comme le résumait en 2016 le HCFEA, « Le système français d’aides sociales et fiscales (hors dépenses éducatives) repose sur deux principes intimement liés : il appartient aux familles de soutenir financièrement leurs enfants majeurs pour qu’ils poursuivent leurs études

et s’insèrent sur le marché du travail ; des aides publiques viennent aider ces familles à assumer cette charge. » Enfin rappelons qu’autant ce « transit » des aides par les parents que le soutien économique de ces derniers sont compatibles avec l’aspiration à l’autonomie. Si l’on reprend la question de la décohabitation, les auteurs de l’article « des solidarités familiales à géométrie variable »* figurant dans ce numéro nous rappellent que « 52 % des jeunes qui ont déjà eu une expérience de vie autonomie ont ainsi été aidés par leurs parents pour trouver le logement, et 62 % ont été aidés pour aménager ce logement autonome ». Cette aide ne semble pas non plus peser dans leurs choix éducatifs : « moins de 2 % des jeunes déclarent que le choix de leur formation a été fait à leur place par leurs parents ou un membre de la famille. » Tout indique que les parents sont, tout autant que leurs enfants, soucieux de les aider à devenir autonomes. Elaborer une politique de la jeunesse ne peut se limiter à l’importation parcellaire d’éléments importés du modèle danois, sans tenir compte de sa cohérence d’ensemble. En l’état, faire en sorte que plus aucune aide ne « transite » par les parents des jeunes à charge représenterait de nombreux effets indésirables et anti-redistributifs, tout en ayant fort peu, voire aucun effet sur l’autonomie des jeunes.

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/ QUELLES POLITIQUES PUBLIQUES POUR LA JEUNESSE ? /

Les ambiguités de la lutte contre la pauvreté des jeunes La seconde orientation récurrente de réforme de l’aide aux jeunes est la lutte contre la pauvreté des jeunes et contre les inégalités tant de leurs conditions que de leurs parcours. Cette pauvreté se traduit par de nombreuses situations d’urgence pour certains jeunes en grande difficulté, notamment en rupture familiale. Au nombre des propositions récurrentes de lutte contre la pauvreté des jeunes, une des plus fréquentes est l’extension du bénéfice du RSA (hier du RMI, demain peut-être du RUA), représente souvent un « lot de consolation » pour les tenants d’un revenu pour tous les jeunes. Et là aussi, de manière plus ou moins explicite, bien que les montants en jeu soient souvent moins considérables, une des sources de financement souvent exprimée serait la réduction des aides aux familles, notamment ces mêmes aides « transitant » par les familles. L’effort financier d’une simple extension du champ du RSA aurait pourtant vocation à être étalé sur l’ensemble des 38 millions de foyers fiscaux, et non uniquement les quelques millions de foyers avec jeune adulte à charge. Quant à « raboter » les aides des « plus aisés », cela représente des transferts trop infimes pour contrecarrer les véritables sources d’inégalités, et comporte des risques réels d’effets de seuil nuisant aux classes moyennes. A ainsi parfois été évoquée l’idée d’alimenter une prestation destinée aux jeunes en augmentant les impôts des parents d’enfants majeurs, en supprimant la possibilité de les rattacher fiscalement à leur foyer, notamment lorsque le jeune perçoit des allocations logement (qui sont, elles, calculées sur ses revenus propres). L’idée de cette suppression est ancienne. Si elle n’a pas encore été mise en

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application, c’est surtout parce qu’elle rapporterait très peu : les parents auraient alors la possibilité de déduire une partie de l’aide qu’ils versent à leur enfant sous la forme d’une pension, solution qui déjà aujourd’hui peut s’avérer plus avantageuse. Ce rattachement fiscal, ou la déductibilité des pensions sont pourtant, là encore, juridiquement légitimés par l’obligation légale faite aux parents d’aider les enfants majeurs jeunes. De telles propositions de financement ne visent pas à mettre en solidartié l’ensemble du pays pour lutter contre la pauvreté ou les inégalités de destin des jeunes – mais à effectuer une redistribution entre familles : depuis les parents de jeunes « favorisés » vers les jeunes « défavorisés ». On peut risquer une interprétation osée : face à un système d’aide aux jeunes reposant aussi largement sur le soutien direct des parents vers leurs enfants, certains acteurs sociaux ou politiques voudraient, plus ou moins consciemment, freiner directement ces transferts ou les taxer à la source pour empêcher les inégalités de s’accroitre. Si c’est le cas, c’est peine perdue : il est probable que ce qui conduit les parents à dépenser pour « leur » jeune est aujourd’hui bien moins une stratégie de reproduction sociale, que le simple souci de les aider à accéder aux « bonnes » filières, et surtout aux « bons emplois », qui se raréfient, et plus encore aujourd’hui dans un contexte de crainte globale pour l’intégration des jeunes. Une politique reposant sur un ciblage toujours plus strict des aides se heurte vite à des effets pervers. Au premier rang desquels les effets de seuil : désavantager les jeunes situés juste au-dessus du seuil de ressources d’une aide, c’est surtout, à l’heure de ParcourSup et de la polarisation de l’emploi, avantager les jeunes dont les parents se situent bien audessus. C’est aussi réduire la

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Le déterminant premier de l’autonomie et de la lutte contre pauvreté est avant tout l’accès au travail

légitimité tant des politiques d’aides aux jeunes que des politiques familiales, car personne n’aime financer une politique dont il ne bénéficiera jamais. Opposer politique familiale et politique d’aides aux jeunes a donc peu de sens. Deux réflexes peuvent les réconcilier. • D’abord se rappeler que « la jeunesse » n’est pas une population, c’est un ensemble de trajectoires d’autonomisation progressive, toutes différentes – un des articles de ce numéro parle ainsi de « mille façons de devenir adulte »*. Aucune de ces trajectoires depuis l’enfance dépendante jusqu’à l’autonomie de l’adulte n’offre de césure claire et universelle entre ces deux états. Dès lors, toute politique de la jeunesse n’est-elle pas par nature vouée à être hybride, entre ciblage sur le jeune et prise en compte de son environnement familial ?

*Lire « Des solidarités familiales à géométrie variable », page 22

• Ensuite se rappeler que le déterminant premier de l’autonomie et de la lutte contre pauvreté est avant tout l’accès au travail. Si l’on garde ce point en ligne de mire, alors les vrais enjeux de la politique de la jeunesse apparaissent : offrir suffisamment de places de formation dans les filières d’avenir, repenser la politique éducative, de formation ou d’insertion pour qu’elle corrige davantage les inégalités, réduire les coûts du premier logement, rendre le marché du travail plus hospitalier… Autant de chantiers sur lesquels les défenseurs des intérêts des familles et des jeunes peuvent s’entendre et agir. l

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

INTERVIEW

Accès à la santé : quels dispositifs pour les jeunes ? Avec la fin du régime de sécurité sociale étudiante, le public jeune de l’Assurance maladie a beaucoup évolué, en absorbant 3 millions d’étudiants désormais affiliés au régime général. Quel parcours d’accès aux soins pour les jeunes ? Frédéric Napias, en charge des publics jeunes, détaille comment l’Assurance maladie agit pour aider les jeunes à piloter la gestion de leur santé en toute autonomie. Frédéric NAPIAS Directeur de mission accompagnement des publics jeunes

Pour l’Assurance Maladie, les jeunes sont-ils des assurés sociaux comme les autres ? Frédéric Napias : Nous avons un public « jeunes » bien identifié : les 16-25 ans. Ce public a doublé depuis un an, quand les étudiants, qui étaient alors couverts par les mutuelles étudiantes, ont intégré le régime général. Aujourd’hui, il est composé 6 millions d’assurés sociaux, dont environ 3 millions d’étudiants. L’accompagnement proposé par l’Assurance Maladie comprend un socle de base, mais aussi des réponses spécifiques adaptées à certaines situations, certains statuts ou certains sujets. Cet ensemble constitue une offre globale destinée aux jeunes, répartie sur trois sujets principaux : l’éducation au système de santé, accès aux droits, et promotion de la santé.

Pourquoi une telle éducation est-elle nécessaire ?

Frédéric Napias : Il y a un an, quand l’Assurance Maladie a intégré l’ensemble des étudiants, qui représentent quand même 50 % du public « jeunes », on a bien vu qu’il existait une distance par rapport aux démarches de santé : beaucoup d’étudiants ne déclaraient pas de médecin traitant, ne donnaient pas de domiciliation bancaire… Ils étaient en retrait par rapport à l’utilisation des outils et s’en trouvaient pénalisés, sans carte Vitale, sans accès aisé aux professionnels de santé. Un effort particulier est donc nécessaire pour accompagner le jeune public vers l’autonomie en matière de gestion de la santé.

Comment aidez-vous les jeunes à prendre en main la gestion de leur santé ?

Frédéric Napias : Dès 18 ans, l’Assurance maladie propose une démarche d’autonomisation. Avant 18 ans, un jeune est ayant-droit de ses parents ; dès 18 ans, il devient un assuré social à part entière. On lui demande alors d’être auto-

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nome sur son identification sociale, mais aussi dans ses relations avec l’Assurance maladie. A l’âge de la majorité, un premier lien avec les jeunes se noue ainsi autour de leur autonomisation administrative : il participe à ce que nous construisons autour de l’éducation au système de santé. Pour nous, il est important que la nouvelle génération apprenne à utiliser les outils mis à leur disposition et comprennent les bénéfices qu’ils peuvent en tirer. Ces démarches administratives doivent avoir du sens pour lui. Ce sens, nous y travaillons avec des partenaires (enseignement supérieur, rectorat, missions locales…) afin de donner, au quotidien, des éléments d’apprentissage et d’éducation citoyenne autour du système de santé. L’apprentissage des bons réflexe et de l’utilisation des outils que nous mettons à disposition des assurés sociaux doit permettre aux jeunes d’être autonomes dans la gestion de leur santé : l’ouverture du compte Ameli, l’utilisation des services et applications proposées, qui permettent d’être actif dans ses démarches, d’avoir un suivi, des échanges avec l’Assurance maladie, mais aussi la mise à jour de la carte Vitale, la déclaration du médecin traitant, la mise à disposition du relevé d’identité bancaire, la compréhension du l’articulation entre régime obligatoire et complémentaire… L’Assurance Maladie déploie des efforts particuliers pour entourer ces démarches administratives de pédagogie, leur donner du sens. Cela relève d’une véritable démarche d’acculturation autour de ces bons réflexes.

Cet apprentissage ne devrait-il pas être aussi relayé au sein des familles ?

Frédéric Napias : Souvent, à 18 ans, les jeunes délèguent l’administration et le suivi de leur santé à leurs parents. De leur côté, les parents trouvent parfois plus simple de continuer à faire eux-mêmes à la place de leur enfant plutôt que de l’associer aux démarches. C’était justifié avant puisque les jeunes pouvant rester ayantdroit de leurs parents, il y avait forcément une

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responsabilité des parents sur le suivi administratif des démarches de santé de leurs enfants. Cela crée chez les jeunes une distance par rapport à ces sujets, considérés comme purement administratifs, et freine leur prise d’autonomie en matière de santé. Aujourd’hui, à son niveau, l’Assurance maladie cherche à changer ces pratiques, en construisant un cadre pour que les jeunes puissent acquérir tous ces éléments de compréhension, ces « bons réflexes » qui leur permettront d’activer l’Assurance Maladie quelle que soit la situation, pour trouver des réponses et d’être acteurs de leur santé. Les démarches administratives sont souvent vécues comme complexes et lourdes. Nous avons cherché à les simplifier au maximum. Nous faisons tout pour faciliter l’utilisation des outils par les assurés, et notamment par les jeunes et les étudiants. L’intégration des étudiants dans le régime général a été fait dans un souci de simplification, tout en ciblant nos campagnes et nos messages vers les publics spécifiques en fonction de leurs problématiques particulières. Nous capitalisons beaucoup sur les jeunes générations.

Quelles sont les problématiques de santé spécifiques au public jeune ?

Frédéric Napias : Le plan de prévention jeunes comprend 4 thématiques : les conduites addictives (alcool, tabac, cannabis…), la vie affective et sexuelle, la santé mentale au sens large (anxiété, dépression, trouble du sommeil, violence…) et enfin l’alimentation, l’activité physique et la santé bucco-dentaire. Dans ces domaines, nous proposons des campagnes de sensibilisation et de prévention, ces sujets sont également portés et déployés nationalement et localement par de nombreux partenaires : les Crous, les mutuelles étudiantes, les missions locales, etc. Un autre axe majeur de notre travail d’information et de prévention concerne l’accès aux droits et aux soins. Les jeunes doivent pouvoir connaître leurs droits en tant qu’assurés sociaux pour en bénéficier, et nous travaillons sur ces sujets afin d’éviter les phénomènes de nonrecours ou le renoncement aux soins.

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Comment repérez-vous et aidez-vous les jeunes les plus fragiles, ceux qui ne sont pas autonomes ni aidés dans la gestion de leur santé ? Frédéric Napias : Nous travaillons avec tout un écosystème d’acteurs qui opèrent dans le domaine de l’accompagnement des vulnérabilités. Ils sont à même de repérer des freins dans l’accès à la santé. Dès que nous décelons, avec un partenaire, une situation de vulnérabilité de fragilité, de décalage avec le droit en matière d’accès au soin, nous activons, en accord avec le jeune, un dispositif d’accompagnement complet : le parcours santé jeune. En 2019, 80 000 jeunes ont pu bénéficier de cet accompagnement, en lien avec les Missions locales, les Crous, les centres de santé universitaires… L’accompagnement s’articule autour de 3 axes : • La régularisation des droits : les équipes administratives vérifient que le jeune dispose bien de tous ses droits, et corrigent la situation si c’est nécessaire. • Les équipes médicales de nos centres d’examens proposent des bilans de santé. C’est l’occasion de faire le point sur la situation sanitaire, mais aussi de délivrer des messages de prévention. • Si une grande fragilité entraînant un « retrait des soins » est observée, c’est aussi l’occasion de proposer un accompagnement social par les travailleurs sociaux de l’Assurance Maladie. Les jeunes peuvent également bénéficier comme tous les assurés sociaux, d’autres dispositifs, comme la complémentaire santé solidaire, ou encore un accompagnement personnalisé par la mission accompagnement santé dès lors qu’une difficulté d’accès au soin, quelle que soit sa nature (difficulté financière, d’accès à un professionnel de santé, fragilité numérique, etc.) est détectée. l

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Les vulnérabilités des jeunes : un apport des « catégories naturelles » Jérémy ALFONSI (LEST-CNRS)

María-Eugenia LONGO (INRS - CRJ)

Précarité, chômage mais aussi problèmes de logement, de transport… Les parcours des jeunes vers la vie adulte ne sont pas toujours de tout repos. Les difficultés rencontrées par les nouvelles générations suscitent un intérêt constant des familles comme des professionnels de la jeunesse. Mais comment les jeunes eux-mêmes reconnaissent-ils de telles situations dans leur trajectoire ? Comment éprouvent-ils ces moments de vulnérabilité dans leur existence ? Et, à partir de leurs discours, quels facteurs décisifs pouvons-nous alors identifier pour mieux saisir les processus de fragilisation et les issues possibles à ces épisodes ? C’est en s’appuyant sur les résultats d’une enquête sociologique récemment menée auprès de jeunes Français et Québécois traversant des situations de vulnérabilité que nous proposons ici des éléments de réponse. Nous allons voir que la notion de vulnérabilité suscite chez les jeunes des représentations hétéroclites, mais qui peuvent se recouper par l’expression d’un sentiment d’impuissance. Ce ressenti général sera notamment considéré comme l’effet de multiples sources de vulnérabilités, ellesmêmes intriquées dans le cours des trajectoires des jeunes.

L’enquête Les résultats et les réflexions proposés dans cet article sont le fruit d’une enquête de terrain menée en 2019 intitulée « Les rapports au travail des jeunes en situation de vulnérabilité : dynamiques sociales, action publique et expérience individuelle en France et au Québec ». Cette recherche a bénéficié d’un financement de l’INJEP et paraitra en septembre dans ses collections. Dans ces pages, nous abordons les rapports des jeunes aux situations de vulnérabilité. Mais au-delà, l’enquête se propose de mieux comprendre les dynamiques et les contextes dans lesquels les jeunes vulnérables se forgent leurs représentations du travail, ainsi que les regards que portent sur ces thématiques les opérateurs des politiques publiques qui les accompagnent. En optant pour un prisme comparatif entre la France et le Québec, cette enquête participe aussi à mettre en évidence les transversalités et spécificités de ces phénomènes dans deux espaces économiques et sociopolitiques différents. Notre équipe1 s’est attelée à rencontrer et à interviewer différents groupes de jeunes se trouvant dans des situations identifiées - ou susceptibles de l’être - comme des situations de vulnérabilités au sein de l’action publique. En décrochage scolaire, résidents des milieux ruraux, immigrants récents et personnes surqualifiées ont ainsi été rencontrés dans diverses structures d’aide à l’insertion sociale et professionnelle. Côté français, nous avons d’autre part interrogé des jeunes issus de l’immigration (seconde génération), tandis qu’au Québec nous avons aussi rencontré des jeunes autochtones. Enfin, nous avons également interviewé des intervenants dans les différentes structures visitées. Au total, c’est plus d’une centaine d’entretiens individuels semi-directifs qui ont été réalisés de part et d’autre de l’Atlantique auprès des jeunes et des opérateurs, nous permettant ainsi d’appréhender les difficultés d’entrée dans la vie adulte à partir de la réflexivité des jeunes. 1/ En plus des auteurs, également composée de Thierry Berthet (LEST) Claire Bidart (LEST) et Marjolaine Noël (INRS – CRJ)

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Penser la vulnérabilité La jeunesse peut être abordée depuis la perspective des parcours de vie. Dans cette optique, c’est le passage à l’âge adulte qui est alors observé comme composé de diverses transitions. Ces phases d’évolution - de l’école vers le monde du travail, de la famille d’origine vers la famille de procréation - semblent désormais moins linéaires, plus étendues et se parcourent de manière inégale selon la diversité de ressources personnelles et opportunités sociales disponibles. Ces transformations ont lieu en raison notamment de la prolongation des études, mais aussi des difficultés d’insertion professionnelle, parmi d’autres comme le montrent Longo2 et Loriol3. Les jeunes évoluent en effet dans un contexte contraint, caractérisé tant par une plus grande incertitude et instabilité sur leurs carrières que par une responsabilisation marquée de leur trajectoire. Non seulement doivent-ils éprouver le chômage et les formes d’emploi flexibles, mais en plus sont-ils incités par l’école, les familles et les autorités publiques à assumer chacun leur propre itinéraire. Ces conditions d’insertion participent alors à une certaine vulnérabilisation des parcours, dépassant la seule sphère professionnelle, dans des séquences de vie qui pourraient être vécues négativement par les jeunes. En mobilisant de la sorte le concept de vulnérabilité, il s’agit de reconnaitre une condition structurelle de notre temps4, sans réduire les expériences des jeunes par exemple seulement à l’exclusion ou à la pauvreté. Le concept de vulnérabilité, défini comme une zone intermédiaire entre intégration et désaffiliation5, inscrivant l’individu dans un processus de fragilisation6, autorise alors un élargissement des manières d’observer les difficultés parfois rencontrées à

l’entrée dans la vie adulte. Dans une optique résolument processuelle, nous pouvons ainsi mieux saisir les expériences individuelles au regard des opportunités comme des limites personnelles, relationnelles et structurelles avec lesquelles les jeunes doivent composer.

Des définitions hétéroclites

Les situations que vivent les jeunes sont ressenties et interprétées par chacun d’entre eux de manière différente. Ainsi un évènement biographique similaire n’a pas le même impact selon la personne affectée, en fonction de son histoire, de ses capacités à réagir, ou encore du soutien qu’il a à sa disposition. Même si des statistiques officielles considèrent qu’un jeune est objectivement « vulnérable » parce qu’il manque de certaines ressources et d’opportunités, lui pourrait dans les faits vivre sa situation tout à fait différemment. Au moment de s’entretenir avec eux sur ces questions, les jeunes font ainsi émerger une grande diversité d’éléments pour rendre compte de leur situation. Pour certains, la vulnérabilité est d’abord un sentiment, voire un état d’esprit qui est vécu intérieurement. « Tu te sens perdu. C’est le pire sentiment qu’il y a sur la planète être vulnérable. Je déteste être vulnérable. Quand je suis comme ça, je pète les plombs à tout bout de champ. » (Béatrice, 21 ans, en décrochage, Québec) Pour d’autres - parfois les mêmes, mais dans d’autres moments de leur vie - il s’agit plutôt de situations matérielles et de conjonctures particulières qui leur font éprouver une telle condition. « Je suis dans une coloc de chômeurs là. Donc c’est un peu ça le marché du travail en ce moment. […] T’as pas beaucoup d’offres à Marseille, y’a un déficit d’offres,

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surtout dans mon monde de projets européens. » (Pierre, 24 ans, diplômé déclassé, France) Dans les discours, nous constatons en fait la présence de différents niveaux d’analyse mobilisés pour rendre compte de la vulnérabilité, en partant de la fragilité la plus intime, jusqu’à la dénonciation d’injustices sociétales, en passant par des manques relationnels. Ces différentes échelles d’analyse se retrouvent également au travers des multiples niveaux d’objectivation invoqués. En effet la vulnérabilité n’est pas toujours tenue à la même distance de soi. Parfois ressentie, elle prend alors la forme d’un bouleversement émotionnel et subjectif. D’autre fois elle est actée, c’est-à-dire que des gestes et des choix (ou leur absence) viennent la matérialiser, comme le manque de ressources financières. Enfin la vulnérabilité peut aussi être attribuée : ce sont les autres (les proches, les institutions…) qui, par leurs mots et leurs gestes, assignent l’individu à sa condition de vulnérable. Ressentie, actée, attribuée ou tout à la fois, les jeunes déploient ainsi, dans leurs définitions de la vulnérabilité, toute une gamme de nuances qui d’un côté engage leur responsabilité et qui de l’autre dénonce le caractère parfois imposé des difficultés rencontrées. Dans les histoires qu’ils nous racontent, cette diversité d’éléments se mêlent pour laisser apparaitre des configurations complexes. Là, la vulnérabilité apparait alors moins comme un état permanent et davantage comme un processus au sein duquel l’individu évolue au milieu d’un ensemble d’éléments connectés. Autrement dit, la multitude de définitions proposées par les jeunes eux-mêmes nous renseignent sur le fait qu’ils per-

2/ LONGO, Maria-Eugenia, « Les parcours de vie des jeunes comme des processus », Les Cahiers Dynamiques, vol. 67, n°1, 2016, pp. 48-57. 3/ LORIOL, Marc, Le(s) rapport(s) des jeunes au travail. Revue de littérature (2006-2016), INJEP/Rapport d’étude, 2017 4/ SOULET, Marc-Henry, « La vulnérabilité comme catégorie de l’action publique », Pensée plurielle, vol. 10, n°2, 2005, p. 49-59. 5/ CASTEL, Robert, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995. 6/ CHATEL, Viviane, ROY, Shirley (dir.), Penser la vulnérabilité. Visages de la fragilisation du social, Presses de l’Université du Québec, Sainte-Foy, 2008

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[Me sentir vulnérable ?] C’est quand je ne suis pas libre, que je ne peux pas faire ce que je veux, que je n’ai pas le choix, que je ne peux pas donner mon avis. (Jeanne, 17 ans, milieu rural, France)

çoivent la vulnérabilité comme une séquence de leur parcours de vie, tantôt circonscrite dans le temps, tantôt plus diffuse, les menant soit à l’exclusion soit à l’intégration sociale. Ainsi il n’y a pas de jeunes vulnérables, mais plutôt des situations de vulnérabilités, aux issues incertaines.

Le sentiment d’impuissance

Mais alors, de quels éléments sont composés ces séquences plus ou moins longues éprouvées comme des moments de vulnérabilité ? De manière générale, en considérant la variété de situations de vie évoquées, c’est le sentiment d’impuissance qui recoupe le mieux les différentes impressions dont témoignent les enquêtés. Le sentiment d’impuissance est un ressenti qui se fait l’écho d’un manque de ressources personnelles autant que de possibilités sociales. Cette impression de manquer d’emprise sur sa trajectoire est négativement vécue par les jeunes enquêtés. Elle s’impose dans nos données comme le trait principal derrière les définitions hétéroclites des jeunes. « [Me sentir vulnérable ?] C’est quand je ne suis pas libre, que je ne peux pas faire ce que je veux,

que je n’ai pas le choix, que je ne peux pas donner mon avis. » (Jeanne, 17 ans, milieu rural, France) Plus que tout, les jeunes se sentent vulnérables lorsqu’ils redoutent ou peinent à accepter d’être dépendants, de ne pas se sentir en capacité de faire leurs propres choix et de percevoir leurs marges de manœuvre comme trop strictement réduites. Nous voyons là toute la tension que ce sentiment peut générer chez eux, dès lors qu’il est mis en perspective avec les attentes d’autonomie et de responsabilité qu’ils intériorisent par ailleurs, au contact diffus d’un modèle socioculturel contemporain imprégné d’un individualisme normatif7. Bien sûr, le sentiment d’impuissance ne se manifeste pas de la même façon chez tous les enquêtés. Des nuances apparaissent notamment lorsque l’on se penche sur les conditions intérieures et extérieures de son émergence. D’un côté, certains jeunes ont intériorisé l’impuissance comme un problème personnel. Ils évoquent alors des traits de caractère propres ou bien leurs mauvaises décisions pour rendre compte de leur situation délicate.

« Être vulnérable c’est plus quand tu peux craquer plus facilement. Moi, c’est comme ça que je le vois. S’il y a un petit quelque chose qui se passait, je mettais ça super gros pis je ne voulais rien faire. » (Raphaël, 24 ans, rural, Québec) Les récits sur l’impuissance faits dans ces termes sont apparus particulièrement redondants chez les jeunes Québécois de l’enquête. Les jeunes Français, eux, se sont démarqués plutôt par une tendance à définir leurs incapacités au regard de conditions extérieures. Lorsque l’immobilité semble provoquée par des phénomènes structurels, la confusion n’en est alors pas moins prégnante. Les conditions actuelles du marché du travail sont en particulier critiquées comme n’offrant pas une place satisfaisante aux jeunes. En France, la dénonciation des inégalités sociales se cristallise notamment dans le rapport au territoire. « En fait on est dans une société où on est classés comme ça. Moi je suis du 3e arrondissement [de Marseille], je devrais être impolie, parler mal, ne pas savoir m’exprimer. » (Amal, 22 ans, issue de l’immigration, France)

7/ Voir MOLENAT, Xavier (dir.), L’individu contemporain. Regards sociologiques, 2ème édition, Paris, Editions Sciences Humaines, 2014.

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Le sentiment d’injustice vient alors redoubler celui de l’impuissance. Mais que le manque de moyens soit identifié comme interne ou externe, c’est bien cette incapacité d’agir que les jeunes dénoncent comme éprouvante dans leur cheminement. Alors, pour mieux comprendre comment émerge ce sentiment d’impuissance, nous pouvons encore une fois compter sur les discours des jeunes enquêtés, puisque ceux-ci nous éclairent aussi sur les sources désignées de cette vulnérabilité.

Des sources multiples et interdépendantes

Les jeunes pointent du doigt des facteurs de vulnérabilité aussi variés que les définitions qu’ils en donnent. A l’origine de leurs difficultés, ils citent par exemple l’insuffisance de leurs ressources financières, les obstacles autour de l’emploi, comme des problèmes de santé ou de logement. Au milieu de cette diversité, nous pouvons néanmoins reconnaitre trois sources récurrentes et importantes. D’abord, ce sont les séquelles des expériences familiales qui apparaissent comme la source de plusieurs déséquilibres. Lorsque les parents sont absents ou défaillants, les risques de relégation à des situations de vulnérabilité sont bien plus nombreux. Ensuite, au-delà du cercle familial, le manque de liens sociaux s’avère souvent décisif dans le cours des séquences. L’isolement comme la solitude confinent à un manque de ressources relationnelles dont les individus peuvent rarement se passer. Enfin, l’inactivité scolaire et professionnelle semble constituer un déclencheur des moments de vulnérabilité, tant elle peut déboucher sur des situations de dépendance reléguant au sentiment d’impuissance si redouté. Mais si ces facteurs nous semblent si importants, c’est

surtout parce que les déséquilibres qu’ils provoquent peuvent rapidement se propager aux autres dimensions de la vie sociale. Au-delà de leur multiplicité, nous remarquons ainsi que les différentes sources de vulnérabilité se combinent parfois dans la vie des jeunes. Elles apparaissent alors interdépendantes et, dans une approche processuelle, elles enfermeraient les individus dans des situations qui leur semblent inextricables et irréversibles. Prenons le temps d’en juger avec l’histoire d’Abdel. Au domicile familial, c’est désormais lui qui assume les charges. Son salaire d’employé de fast-food ne lui permet plus d’assumer l’ensemble des coûts. Il se dispute souvent avec sa mère au sujet des dépenses qu’elle engage. Il a bien trouvé une opportunité d’emploi mieux rémunéré, mais le permis de conduire lui est nécessaire. Or, entre les besoins de sa famille et ses horaires au fast-food, Abdel s’est vu contraint de mettre en pause ses cours de conduite… « [Le petit frère] est à l’école, il y a des fournitures, il doit s’habiller, manger. On doit payer le loyer, l’électricité. […] Le problème c’est que la famille veut des sous, je travaille et je prends tous mes sous pour les donner… et du coup j’ai pas de sous. Le problème il est là. Et moi je veux avancer sur mon projet de permis. […] À McDo : ils aiment bien me mettre dans les rushs, du midi ou de 19h. et moi, ça ne me plait pas, je passe ma journée là-bas. Donc là, je suis pris entre les deux et je ne peux pas passer ma conduite ! » (Abdel, 21 ans, décrocheur, France)

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Un apport Dans cet article, nous avons souhaité mettre en avant l’intérêt heuristique et la richesse qu’il y a à prendre au sérieux les mots des jeunes. Au-delà des classifications officielles, c’est en considérant les « catégories naturelles » à partir desquelles ces individus appréhendent la vulnérabilité que nous avons pu identifier le sentiment d’impuissance comme un trait commun, signifiant souvent l’existence de sources de vulnérabilité multiples et intriquées, favorisant une impression de perte de contrôle sur sa trajectoire. En mettant à jour de telles « logiques pratiques » à partir des représentations des jeunes, nous soulevons alors les limites des interventions qui ne s’attaqueraient seulement qu’à un aspect de la vie des jeunes, par exemple l’emploi. Les professionnels de la jeunesse interrogés souligneront souvent ce manque de transversalité dans l’accompagnement qu’ils proposent. Ils rappelleront aussi la nécessité de développer chez les bénéficiaires les capacités à faire leurs propres choix, aussi modestes ou ambitieux soientils. Ce sont là des processus d’activation que les jeunes évoquent eux-mêmes et qui semblent réalisables seulement s’ils sont adaptés à la diversité des besoins et sous certaines conditions - comme nous l’explorons dans d’autres parties de cette enquête. l

Dans les récits de nombreux jeunes, problèmes financiers, familiaux, d’emploi et de mobilité se conjuguent ainsi et contribuent à ancrer la situation de vulnérabilité… alors éprouvée sur le registre du sentiment d’impuissance.

8/ DEMAZIERE, Didier, DUBAR, Claude, Analyser les entretiens biographiques. L’exemple des récits d’insertion, Nathan, Paris, 1997 9/ Ibid.

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La Garantie jeune : quels jeunes et quel bilan après cinq ans ? La Garantie jeune s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans ni en emploi, ni en étude, ni en formation, en situation de précarité financière. Ce dispositif innovant, mis en place par les missions locales combine accompagnement collectif renforcé, mise en situation de travail et versement d’une allocation. 5 ans après sa création, quels parcours d’accompagnement des bénéficiaires et quel impact sur leur devenir ?

Marine GUILLERM Solène HILARY DARES

Extrait de DARES Analyses n°18 (avril 2019)

avril 2019 N° 018

analyses

direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques

La Garantie jeunes : quels jeunes et quel bilan après cinq ans ? Entre octobre 2013 et juillet 2018, 229 000 jeunes ont intégré la Garantie jeunes. Conformément à la cible du dispositif, ces jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation au moment de l’entrée en Garantie jeunes connaissaient une situation économique et sociale précaire et présentaient des freins importants à l’emploi. Ils étaient peu diplômés (la moitié d’entre eux n’a pas validé une formation de niveau CAP-BEP) et la plupart d’entre eux étaient déjà suivis par la mission locale au moment de leur entrée en Garantie jeunes. L’accompagnement en Garantie jeunes est intensif, en particulier au cours des deux premiers mois. Les jeunes assistent à de nombreux ateliers et, selon la logique du « work first », réalisent de nombreuses immersions en entreprises. Ils touchent en moyenne 3 900 euros d’allocation au cours de l’accompagnement, qui dure en moyenne 11 mois en Garantie jeunes. L’emploi progresse parmi les jeunes bénéficiaires après l’entrée en Garantie jeunes, en particulier l’emploi durable. 29 % des bénéficiaires sont en emploi 8 mois après l’entrée en dispositif, 41 % au bout de 19 mois. L’évaluation de l’impact de la Garantie jeunes sur les trajectoires d’emploi des bénéficiaires montre qu’elle aurait augmenté le taux d’emploi des bénéficiaires de 10 points 11 mois après l’entrée en dispositif. Cet effet perdure dans les mois qui suivent la sortie de l’accompagnement et correspond essentiellement à une augmentation du taux d’accès à l’emploi durable. Créée en 2013, la Garantie jeunes s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans ni en emploi, ni en études, ni en formation (« Neet ») qui sont en situation de précarité financière. Mise en place par les missions locales, elle combine un accompagnement collectif renforcé, des mises en situation de travail et une allocation pendant une durée initiale d’un an. Les jeunes doivent être prêts à s’investir dans l’accompagnement et signent un contrat d’engagements réciproques (CER) avec la mission locale. L’évaluation de ce dispositif innovant a été prévue dès sa mise en place [1]. Elle s’est articulée autour de trois questions. Le dispositif a-t-il touché son public cible ? Quels ont été les parcours d’accompagnement et d’insertion professionnelle des jeunes bénéficiaires ? Quel a été l’impact de la Garantie jeunes sur le devenir des bénéficiaires ? Cette étude apporte des éléments de réponse à ces trois questions.

La Garantie jeunes a été étendue à tous les jeunes éligibles au 1er janvier 2017 La Garantie jeunes a été mise en place en octobre 2013, sous forme expérimentale, sur 10 territoires correspondant à 41 missions locales sur les 442 que compte le réseau (carte 1, en données complémentaires sur internet). L’expérimentation a été ensuite élargie à d’autres

territoires à partir de janvier 2015 par vagues successives. Fin 2016, toutes les missions locales volontaires y étaient entrées. Elles représentaient 80 % du réseau. Le dispositif a été généralisé à l’ensemble du territoire national au 1er janvier 2017 suite à la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. La Garantie jeunes est alors devenue un droit pour tous les jeunes remplissant les critères d’éligibilité. Entre le début de l’expérimentation et fin juillet 2018, 229 000 jeunes sont entrés dans le dispositif (graphique 1). Afin de connaître précisément les caractéristiques de ces jeunes, leur accompagnement, leur insertion professionnelle et leurs conditions de vie, la Dares a réalisé une enquête auprès des bénéficiaires (encadré 1). Ces données viennent compléter le suivi individuel et exhaustif des bénéficiaires de la Garantie jeunes via le système d’information des missions locales.

Les bénéficiaires de la Garantie jeunes ont un faible niveau scolaire La Garantie jeunes bénéficie un peu plus souvent aux hommes qu’aux femmes. Ces dernières représentent 45 % des jeunes entrés dans le dispositif avant fin 2017 (tableau 1). Au début de leur accompagnement, les béné-

*Lire aussi « Mobilité des jeunes : des enjeux multiples » page 60

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a Garantie jeunes a été mise en place en octobre 2013, sous forme expérimentale, sur 10 territoires correspondant à 41 missions locales sur les 442 que compte le réseau. L’expérimentation a été ensuite élargie à d’autres territoires à partir de janvier 2015 par vagues successives. Fin 2016, toutes les missions locales volontaires y étaient entrées. Elles représentaient 80 % du réseau. Le dispositif a été généralisé à l’ensemble du territoire national au 1er janvier 2017 suite à la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. La Garantie jeunes est alors devenue un droit pour tous les jeunes remplissant les critères d’éligibilité. Entre le début de l’expérimentation et fin juillet 2018, 229 000 jeunes sont entrés dans le dispositif. […]

Des bénéficiaires au faible niveau scolaire

La Garantie jeunes bénéficie un peu plus souvent aux hommes qu’aux femmes. Ces dernières représentent 45 % des jeunes entrés dans le dispositif avant fin 2017. Au début de leur accompagnement, les bénéficiaires ont 21 ans en moyenne. Bien que le dispositif

ne les cible pas explicitement, les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou d’une zone urbaine sensible (ZUS) représentent 24 % des bénéficiaires, contre 12 % des jeunes sortis d’études de cette classe d’âge. 7 % des bénéficiaires sont de nationalité étrangère, ce qui est très légèrement supérieur à la proportion pour l’ensemble des jeunes (6 %). Les bénéficiaires de la Garantie jeunes rencontrent de nombreux freins à l’emploi. Par rapport aux autres jeunes, ils ont un faible niveau scolaire. Près de la moitié d’entre eux n’a pas validé une formation au moins équivalente au CAP-BEP, contre 18 % des jeunes de 16 à 25 ans sortis de formation initiale. Un bénéficiaire sur cinq déclare avoir arrêté ses études à 16 ans ou avant, et deux tiers à 18 ans ou avant. Ces jeunes rencontrent également des problèmes de mobilité*. Seuls 30 % d’entre eux ont le permis de conduire à leur entrée en Garantie jeunes, contre 70 % des jeunes de cette classe d’âge. 89 % déclarent cependant avoir accès à des transports en commun à proximité. Quand les jeunes bénéficiaires sont interrogés sur leur principale difficulté pour trouver un emploi, les problèmes de mobilité sont le plus souvent cités (22 %).

Viennent ensuite les difficultés à se « vendre » ou à se mettre en valeur (20 %), l’expérience professionnelle (16 %), le diplôme ou la formation (11 %).

Des jeunes en situation économique et sociale précaire

Les bénéficiaires de la Garantie jeunes sont nombreux à décrire des situations d’isolement. Un quart d’entre eux a déjà connu dans sa vie de grosses difficultés de logement et 6 % étaient dans une situation de logement instable ou sans abri dans les mois précédant l’entrée en Garantie jeunes. Ils sont nombreux à être en rupture avec leur famille, avec leur père notamment. Quand il n’est pas décédé ou inconnu (14 % des cas), 21 % n’ont pas eu de contact avec lui dans l’année (contre, dans les deux cas, 7 % dans l’ensemble de la population des jeunes de 18 à 24 ans1). 14 % des bénéficiaires disent n’avoir personne sur qui compter pour prendre des décisions difficiles et 31 % ne connaissent personne qui pourrait les « dépanner en cas de problèmes d’argent ». Un quart d’entre eux déclarent que la situation financière de leurs parents était difficile ou très difficile lorsqu’ils étaient au collège et un autre quart que « c’était juste financièrement et

1/ Source : Drees - enquête nationale sur les ressources des jeunes 2014.

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qu’il fallait faire attention ». La précarité économique entraîne pour certains des difficultés à assumer les besoins primaires de la vie courante (alimentation, logement). 28 % de ces jeunes déclarent avoir passé une journée sans prendre un repas complet par manque d’argent au cours des trois mois précédant l’enquête et 20 % avoir dû renoncer à des soins médicaux par manque d’argent au cours des 12 derniers mois.

La majorité de ces jeunes étaient déjà connus de la mission locale

Au moment de leur entrée en Garantie jeunes, deux tiers des bénéficiaires sont connus de la mission locale depuis plus de 6 mois et un tiers depuis plus de deux ans, et deux tiers des jeunes ont déjà bénéficié d’un autre dispositif national d’accompagnement par la mission locale2. Pour la majorité d’entre eux, ils ont entendu parler de la Garantie jeunes pour la première fois à la mission locale (17 % par leurs amis). Conformément à la cible définie, les bénéficiaires de la Garantie jeunes présentent donc bien des difficultés sociales particulières souvent héritées et des freins importants à l’emploi. […]

Un accompagnement très intensif au cours des 2 premiers mois

Les bénéficiaires de la Garantie jeunes sont suivis pendant douze mois par la mission locale. L’accompagnement débute par une phase collective au sein de la mission locale, durant les quatre à six premières semaines. Les jeunes assistent à temps plein à des ateliers axés notamment sur les techniques de recherche d’emploi et sur le savoir être. Les deux premiers mois d’accompagnement sont caractérisés par de nombreux ateliers suivis de manière collective par chaque promotion. Ces dernières sont constituées de 13 jeunes en moyenne. Le collectif est un aspect innovant

du dispositif. Il doit créer une dynamique et une coopération entre les jeunes (partage d’informations, de réseaux, entraide, etc.). L’accompagnement devient ensuite principalement individuel. Les jeunes sont reçus régulièrement par un conseiller de la mission locale, en particulier en début de dispositif. […] Les jeunes bénéficient en moyenne d’un entretien individuel par mois sur les douze mois qui suivent l’entrée en Garantie jeunes, une fréquence plus de deux fois plus élevée que dans le cadre d’un contrat d’insertion dans la vie sociale (Civis) par exemple3. En complément de ces entretiens individuels ou collectifs, les jeunes se rendent souvent à la mission locale, qu’ils disent parfois considérer comme leur « deuxième maison », et ont des discussions informelles avec leurs conseillers. […]

Deux tiers de ces jeunes ont bénéficié au moins d’une immersion en entreprise

Selon la logique du « work first » (le travail d’abord), les jeunes doivent multiplier les mises en situation professionnelle, sous forme de stages, d’immersions et de périodes d’emploi, qu’elles soient trouvées par eux-mêmes ou proposées par les conseillers. Deux tiers des bénéficiaires ont réalisé au moins une immersion. Ces jeunes passent en

moyenne 54 jours en immersion dans le cadre de leur accompagnement Garantie jeunes.

1 bénéficiaire sur 5 sort du dispositif de manière anticipée

L’accompagnement a une durée initiale d’un an, avec un renouvellement possible de 6 mois maximum. Les jeunes entrés en Garantie jeunes jusqu’à fin 2016 ont passé en moyenne 11 mois en dispositif. 22 % des jeunes le quittent de manière anticipée, en moyenne au bout de 7,5 mois, tandis que 2 % sont renouvelés à la suite des 12 mois d’accompagnement, pour 5 mois en moyenne. D’après les motifs de sortie renseignés par les missions locales, un tiers des bénéficiaires sortent du dispositif avec un « accès à l’autonomie avec situation active », c’est-à-dire qu’ils sont soit en emploi, soit en formation qualifiante ou certifiante. 41 % « accèdent à l’autonomie sans situation active » : ils ne sont ni en emploi ni en formation mais ont passé au moins 80 jours en emploi ou en immersion au cours de l’accompagnement. Les motifs de sortie renseignés diffèrent fortement selon que le jeune est resté dans le dispositif jusqu’à la fin des 12 mois d’accompagnement ou qu’il est sorti de manière anticipée. Les jeunes restés 12 mois en dispositif sortent dans neuf cas sur dix avec pour motif « accès à l’autonomie » (avec ou sans situation

2/ Il s’agit des dispositifs : Civis, ANI, RCA, parrainage (version nationale), contrat d’autonomie, Trace, PACEA, PADE. Les PPAE en sont exclus. 3/ Source : I-Milo, calcul Dares

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active). La moitié des jeunes sortis du dispositif avant la fin prévue le quittent pour nonrespect des engagements. 22 % abandonnent d’eux-mêmes le dispositif.

Les jeunes reçoivent en moyenne 3 900 € au cours de leur accompagnement

Les bénéficiaires touchent une allocation mensuelle garantie pendant un an. Elle doit permettre aux jeunes de s’investir durablement dans leur projet professionnel et de formation, de les sortir d’une logique de court terme qui les enfermerait dans des emplois de subsistance. Elle peut être suspendue ou supprimée si le jeune ne respecte pas les engagements inscrits dans le CER. Le montant maximum de l’allocation, de 484,82 euros par mois au 1er avril 2018, correspond à celui du RSA pour une personne seule, après la déduction du forfait logement. Ce montant est versé lorsque les revenus d’activité mensuels nets du bénéficiaire ne dépassent pas 300 euros. Au-delà de ce seuil, l’allocation est dégressive linéairement. Elle n’est plus versée lorsque les revenus d’activité nets atteignent 80 % du Smic brut

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mensuel (1 198,80 euros mensuels au 1er avril 2018). Au début de leur accompagnement, les bénéficiaires touchent très souvent le maximum de l’allocation, puis au fil de l’accompagnement le montant moyen diminue, avec l’augmentation des autres revenus, ainsi que – a priori dans une moindre mesure – des sanctions et des sorties anticipées du dispositif. L’allocation passe de 430 euros en moyenne le mois qui suit l’entrée à 237 euros le 11e mois. Sur l’ensemble de la période d’accompagnement, les jeunes reçoivent en moyenne 3 900 €.

L’allocation complète les ressources de ces jeunes et améliore leur situation financière

Huit mois après l’entrée en Garantie jeunes, les bénéficiaires déclarent disposer d’un revenu de 647 euros en moyenne (toutes sources de revenus confondus). L’allocation Garantie jeunes est perçue ce mois-là par les trois quarts des jeunes bénéficiaires interrogés. Ces jeunes touchent en moyenne 411 euros de Garantie jeunes, ce qui représente près des deux tiers de leurs ressources. Un tiers des bénéfi-

ciaires déclare au moins un euro de salaire. Ces jeunes touchent en moyenne 730 euros. Environ un jeune sur dix déclare avoir perçu des versements de ses proches le mois de référence, principalement de ses parents. La majorité des jeunes en Garantie jeunes continue à être dans une situation financière difficile. Alors qu’ils sont en cours d’accompagnement Garantie jeunes, 38 % déclarent qu’ils « doivent faire attention », 27 % qu’ils « y arrivent difficilement ou qu’ils ne peuvent pas y arriver sans faire de dettes ». La moitié des bénéficiaires déclarent cependant que leur niveau de vie s’est amélioré par rapport à leur situation dans les mois qui précèdent leur entrée dans le dispositif.

Plus de jeunes en emploi ou formation, pendant et après l’accompagnement

Chacun des deux premiers mois du dispositif, les bénéficiaires de la Garantie jeunes passent environ 7 jours en emploi, rémunéré ou non. Les immersions sous forme de périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) sont alors un outil privilégié. Elles permettent aux jeunes de se confronter à des situations réelles pour découvrir

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un métier ou un secteur d’activité, confirmer un projet professionnel ou commencer une démarche de recrutement. Les deux premiers mois, les bénéficiaires passent en moyenne 17 jours en immersion d’après les situations renseignées par les conseillers. La part des immersions diminue ensuite au profit des emplois. 12 mois après l’entrée en Garantie jeunes, les jeunes passent en moyenne 13 jours en emploi. Le calendrier d’emploi renseigné par les jeunes au cours de l’enquête de suivi indique également une croissance de l’emploi. Après les deux mois qui suivent l’entrée en Garantie jeunes, c’est-à-dire quand ils ont terminé l’accompagnement collectif à temps complet à la mission locale, près de la moitié des jeunes déclarent avoir travaillé au moins une heure dans le mois (y compris stages, intérim et immersions). Cette part reste ensuite stable jusqu’à la fin de l’accompagnement mais l’intensité du travail progresse. La part des jeunes qui déclarent avoir travaillé tout le mois passe de 12 % deux mois après l’entrée en Garantie jeunes à 31 % à la fin de la période d’accompagnement. Durant les quelques mois qui suivent la sortie du dispositif, la part des jeunes ayant travaillé au moins une heure dans le mois reste stable, tandis que la part des jeunes ayant travaillé tout le mois continue de progresser. Les jeunes déclarent également leur situation principale vis-à-vis de l’emploi et de la formation au moment de chacune des trois interrogations de l’enquête de suivi. La part des jeunes déclarant être principalement en emploi augmente au cours des interrogations : 29 % à la première interrogation (en moyenne 9 mois après l’entrée en Garantie jeunes), 37 % à la deuxième (en moyenne 14 mois après l’entrée) et 41 % à la troisième interrogation (en moyenne 19 mois après l’entrée). Cette hausse est

portée principalement par l’emploi durable. La proportion de jeunes bénéficiaires en emploi durable passe de 8 % en première interrogation à 13 % en deuxième interrogation et 16 % en troisième interrogation. Environ neuf jeunes en emploi sur dix déclarent être satisfaits de leur emploi. Deux tiers des jeunes en emploi sont à temps complet. Environ un jeune sur cinq à temps partiel souhaiterait effectuer un nombre d’heures rémunérées plus important. Les jeunes en emploi au moment de la première interrogation de l’enquête de suivi ont su que leur employeur recrutait par la mission locale (36 %), par la lecture d’une offre ou par une candidature spontanée (30 %) ou par le réseau personnel (famille, amis) (23 %). […] Pour apprécier l’impact de la Garantie jeunes, il ne suffit pas d’observer les taux de retour à l’emploi des jeunes concernés : il faut également chercher à apprécier ce qu’aurait été le devenir de ces jeunes sans la Garantie jeunes. L’évaluation d’impact réalisé par la Dares montre ainsi que la Garantie jeunes a augmenté d’environ 10 points le taux d’emploi des bénéficiaires 11 mois après leur entrée en Garantie jeunes.

A la sortie, une situation financière hétérogène liée à leur situation d’emploi

À la sortie du dispositif, en moyenne 18 mois après l’entrée en dispositif, le revenu total moyen des bénéficiaires est du même ordre de grandeur que 12 mois plus tôt : 645 euros. Cependant, les sources de revenus ont évolué. La principale source de revenu pendant l’accompagnement est l’allocation Garantie jeunes (309 euros). À la sortie, il s’agit du salaire (400 euros en moyenne). Les bénéficiaires qui déclarent au moins un euro de salaire sont plus nombreux (46 % contre 31 %) et leur revenu moyen augmente également, passant de 730 euros à

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877 euros. Les prestations de la CAF (RSA, allocations familiales, allocations logement) constituent la deuxième source de revenu, avec en moyenne 98 euros. Le niveau de revenu des bénéficiaires reste donc constant en moyenne après la sortie du dispositif, mais les situations sont plus hétérogènes. Les jeunes sont un peu plus nombreux à déclarer y « arriver difficilement financièrement » : 32 % contre 27 % pendant l’accompagnement. Le pourcentage de jeunes déclarant moins de 250 euros de ressources augmente, passant de 11 % 8 mois après l’entrée à 30 % 18 mois après. La proportion de jeunes déclarant plus de 1 000 euros de revenu augmente également, passant de 18 % à 28 %. L’évolution de la situation financière à la sortie du dispositif est, bien sûr, très liée au fait d’être ou non en emploi. Les jeunes sans emploi ne disposent plus du filet de sécurité que constitue l’allocation Garantie jeunes.

Les bénéficiaires gagnent en autonomie, en termes de logement et de mobilité

Les jeunes bénéficiaires gagnent en autonomie. La part de jeunes titulaires du permis de conduire passe de 38 % au moment de la première interrogation à 48 % à la troisième (et un quart est en train de le passer). Elle reste cependant encore très inférieure à celle de l’ensemble des jeunes de cette classe d’âge, de l’ordre de 70 %4. La part de jeunes locataires, colocataires ou propriétaires de leur logement augmente également. Elle passe de 19 % quelques mois avant l’entrée en Garantie jeunes à 37 % 19 mois après l’entrée. l

4/ Drees - enquête nationale sur les ressources des jeunes 2014.

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Impliquons les entreprises dans la réussite professionnelle des jeunes ! Le 4 juin 2020, dans un tweet, Muriel Pénicaud écrivait : « Les jeunes ne seront pas la variable d’ajustement de la crise. J’ai annoncé une aide à l’embauche exceptionnelle pour les entreprises qui embauchent des apprentis du CAP au bac+3. Le coût d’un apprenti sera quasi nul la première année pour les entreprises ». Sam BLAKAJ Directeur du Développement et de la Communication Nos quartiers ont des talents (NQT)

*QPV : Quartier prioritaire de la ville *ZRR : Zone de revitalisation rurale

D

ans le contexte économique que nous vivons, l’insertion professionnelle des jeunes cristallise des problématiques socio-politiques que le gouvernement se devait de traiter sans tarder. Sans vouloir tomber dans la mode d’analyse de tweets, il faut souligner que l’aide à l’embauche annoncée ici a pour objet de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes dont les diplômes sont les moins élevés, afin de les orienter vers l’obtention d’un diplôme via l’apprentissage. Façonner une solution dont l’emploi et la formation soient indissociables ne peut qu’être soutenue. De plus, l’implication des entreprises dans ces problématiques est essentielle. En analysant l’exemple de Nos Quartiers ont du Talent (NQT), nous voulons montrer ici comment il est possible d’impliquer les entreprises plus largement dans la résolution de certains problèmes que vivent les jeunes. Et deuxièmement, nous voudrions souligner qu’il est crucial de ne pas oublier dans cette volonté politique les jeunes les plus diplômés, et plus encore quand ces jeunes sont issus des milieux les plus modestes .

Le rôle des marraines et parrains de NQT

L’insertion professionnelle des jeunes pose différents pro-

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blèmes dont il n’est pas sûr qu’ils relèvent d’une catégorie homogène. Il en va de même du groupe lui-même. Peut-être est-il vrai qu’il y a autant de jeunesses qu’il y a de jeunes. Nous le constatons quotidiennement chez NQT. Notre organisation illustre la volonté politique d’impliquer plus fortement les entreprises. Pour expliciter notre raisonnement, il nous faut passer par une description de NQT. Notre organisation propose aux jeunes diplômés (BAC +3 a minima, et ayant moins de 30 ans) résidant dans les territoires prioritaires (QPV, ZRR*) ou issus de milieux modestes (bénéficiaires des minima sociaux comme le RSA, etc.) un accompagnement individualisé par des marraines/ parrains, cadres ou dirigeant.e.s en activité de nos entreprises partenaires. Depuis sa création, NQT a mobilisé plus de 12 000 marraines/parrains travaillant dans les 1 000 entreprises et collectivités partenaires, qui ont fait bénéficier de leur expertise plus de 50 000 jeunes diplômés. NQT est aujourd’hui le plus important réseau d’entreprises engagées en faveur de l’égalité des chances. Le dispositif est déployé sur tout le territoire national depuis 2018, y compris dans les 4 DOM. 70 % des jeunes que nous accompagnons intègrent un emploi à hauteur

de leurs compétences en 6 mois en moyenne. Le succès de notre dispositif est bien évidemment à mettre au crédit de la communauté de nos marraines/parrains en poste dans nos entreprises partenaires. Leur travail auprès des bénéficiaires s’articule autour de trois axes, et de ce fait peut permettre de lever plusieurs obstacles à l’entrée dans le marché du travail : 1. Un travail de remobilisation : les jeunes diplômés qui intègrent notre dispositif vivent une certaine désillusion. Un soutien moral est nécessaire, ainsi qu’un travail de remise en confiance. 2. Un travail technique autour des questions RH : lettre de motivation, CV, entretien d’embauche, cohérence du projet professionnel, etc. 3. Le réseau, clé de voûte de ce travail auprès des jeunes : à la fois constitution et activation du réseau professionnel, mais aussi selon le candidat, mise à disposition du réseau de la marraine/du parrain. De plus, les marraines et les parrains apportent aux bénéficiaires la connaissance des besoins de l’économie et des entreprises, et peuvent ainsi apporter un éclairage sur l’orientation des bénéficiaires. Dans l’autre sens, il est important de souligner que les jeunes

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diplômés inscrits chez NQT déposent une contribution plus qu’importante, non seulement pour les marraines et les parrains, mais pour la société dans son ensemble, en contribuant à façonner un nouveau regard sur la jeunesse, ou à faire évoluer les pratiques de recrutement, pour ne donner que ces exemples (voir encadré).

L’importance de l’insertion des jeunes diplômés

Dans le cadre des négociations en cours sur le budget européen (MFF) 2021-2027, Nicolas Schmit, le commissaire à l’Emploi, souligne que « nous devons apporter tout le soutien que nous pouvons aux millions de jeunes diplômés et à tous ceux faisant leurs premiers pas sur le marché du travail ». Depuis la montée du chômage des jeunes dans les années 1970, les politiques publiques avec des ressources non négligeables ont émergé comme candidates aux problèmes d’insertion des jeunes. En raison de la situation actuelle, personne ne niera l’importance de l’angle économique de l’insertion des jeunes les moins diplômés. Mais il demeure la question de l’insertion professionnelle des plus diplômés dont il est crucial de tenir compte politiquement pour au moins deux raisons. D’abord, parmi la population la plus fragilisée (résidant les territoires prioritaires ou issus de milieux modestes), les jeunes les plus diplômés jouent un rôle

d’exemples au sens de modèle incarné. La promesse républicaine de l’égalité confrontée au fait que ces modèles peinent à s’insérer de façon pérenne dans le marché de l’emploi est un signe fort de la panne de l’ascenseur social dont la clé serait un haut niveau d’éducation. La plupart des jeunes diplômés qui intègrent le dispositif NQT sont les plus diplômés de leur réseau familial. Or pour ces familles, les études représentent l’espoir de l’ascension sociale. La sensibilité à l’orientation est minime tant les études en général, et non telle ou telle filière, leur apparaissent cruciales. Même si c’est l’esquisse d’une société idéale qui est contenue dans la devise républicaine, et non une utopie égalitaire, l’affirmation de la négation de certaines disparités ou écarts jugés injustes paraîtra peu crédible quand on considère la situation professionnelle des plus diplômés issus de milieux modestes ou des territoires prioritaires. La question de la dépense publique centrée sur la lutte contre les inégalités, que ce soit en tentant de corriger les défauts du marché ou par l’optimisation de la redistribution de richesses, subit un effet de loupe dans la population plus fragilisée ayant obtenu un niveau d’études Master ou plus. Deuxièmement, il importe de prendre garde à ce que nous appellerons ici l’effet d’embouteillage social de l’insertion

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économique. Sans revenir sur les débats quant à la définition de l’insertion, de prime abord, le processus d’insertion a pour aboutissement une relative stabilisation dans le marché de l’emploi. L’un des critères de cette stabilisation n’est pas seulement le CDI, mais plutôt le fait d’avoir une activité à hauteur de la qualification ou de la formation. Or les jeunes les plus diplômés, et plus encore dans le contexte actuel, se retrouvent dans des jobs alimentaires, en raison de l’urgence. Même s’il s’agit d’un emploi non encore définitif pour les plus diplômés, c’est l’insertion économique des moins diplômés qui est retardée, voire empêchée par le fait que des emplois peu qualifiés sont occupés par ces jeunes à haut niveau d’éducation. C’est ce phénomène que nous appelons ici l’embouteillage social de l’insertion économique. À cause de cette urgence d’insertion économique, ni la participation ni la critique politique ne se retrouvent chez ces jeunes à haut niveau d’éducation. L’urgence de ces premiers pas dans le marché du travail est tant et si forte que la crainte est grande et légitime de divisions sociales, d’accroissement des inégalités, voire de violence dans nos sociétés. La complexité du problème requiert un traitement plus large, et paradoxalement avec une attention individuelle. l

A SAVOIR Menée en 2018, une étude de l’impact social de NQT montrait que 70 % des marraines et parrains développent de nouvelles compétences (écoute active, pédagogie...), 66 % ont un nouveau regard sur les jeunes et leurs difficultés, 40 % élargissent leur réseau grâce au parrainage, et 30 % des marraines et parrains déclarent que NQT contribue à faire évoluer les pratiques de recrutement.

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INTERVIEW

Quand les enfants s’en vont... Le départ du domicile familial est devenu une étape initiatique pour les jeunes adultes. Qu’ils s’en aillent pour gagner leur vie ou pour partir étudier, la fin du quotidien sous le même toit laisse parfois les parents démunis. Le point sur « le syndrome du nid vide » avec Béatrice CopperRoyer, psychologue clinicienne, auteur de « Le jour où les enfants s’en vont ». Béatrice COPPER ROYER Psychologue clinicienne Propos recueillis par Aurélie Pécaud, Rhêtorikê

Pouvez-vous nous expliquer ce que signifie le « syndrome du nid vide » ? Béatrice Copper-Royer : Il s’agit d’un sentiment de tristesse et de vacuité, plus ou moins intense selon les personnes, qui apparaît après le départ des enfants de la maison parentale. L’autonomie des enfants se ressent comme une grande fierté par les parents, mais les interroge sur le lien et leur place, une fois qu’ils sont déchargés de la responsabilité. Ils se sentent dépossédés et étonnamment libres. Aucun parent ne reste indifférent. Le domicile devient plus silencieux. On n’a plus de tâches quotidiennes aussi structurantes, comme la préparation des repas pour plusieurs. On a moins à se soucier de l’organisation familiale. Cependant, la force de la tristesse va dépendre de l’histoire de chacun et de sa situation. Si le départ du dernier enfant coïncide avec le début de la retraite, la perplexité devant le temps libéré à occuper peut vite se trouver envahissante. En effet, c’est une nouvelle étape dans la vie des enfants qui « prennent leur envol », mais c’est aussi le cas pour les parents ! C’est le début d’un nouveau chapitre de leur vie, un pas aussi de plus vers la vieillesse. Chez certains, ce sentiment de vide les interroge sur ce qu’ils ont accompli dans leur vie, les pousse à la nostalgie et au regret. D’autres au contraire vont très bien se projeter, après un temps d’adaptation. Certaines personnes se révèlent plus vulnérables, car elles ont investi beaucoup affectivement et se sont dédiées à leurs enfants. Elles ont parfois laissé peu de place à autre chose qu’à leur rôle de parent, sans que ce soit un choix d’ailleurs. Les mères qui élèvent seules leurs enfants ont très souvent organisé leur vie entre eux et leur travail, sans s’autoriser d’autres espaces. Pour d’autres, ce départ va renvoyer à des ruptures ou d’autres deuils déjà vécus.

Pourtant n’est-ce pas le déroulement normal de la vie ? Les parents ne devraient-ils pas être fiers et heureux que leurs enfants s’autonomisent ? Béatrice Copper-Royer : Ils le sont bien entendu. Notamment les pères. Mais notre société a changé. Auparavant, les générations se mélan-

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geaient plus rapidement, les jeunes adultes devenant parents plus tôt. Les derniers des fratries se trouvaient élevés avec les premiers petitsenfants. Sans oublier que les parents exercent toujours plus de contrôle sur leurs enfants tout au long de leur enfance et de leur adolescence. Il s’opère une concentration et des attentes fortes autour de ces enfants. Depuis quelques décennies, les parents choisissent de concevoir des enfants, leur nombre et à quel moment. L’organisation de la vie des adultes tourne autour des enfants. Tout cela rend d’autant plus difficiles le lâcher-prise et l’autonomisation. Le besoin de contrôle et de pouvoir dilue la valorisation de l’autonomie. D’autant plus lorsque les enfants quittent le domicile à un âge plus avancé, entre 25 et 30 ans.

Les études longues, la précarité du travail et des amours… cela ne crée-til pas de « faux départs » du domicile parental ?

Béatrice Copper-Royer : Certains départs sont vécus comme temporaires, car ils ne rompent pas la dépendance financière des enfants : les études dans une autre ville, par exemple. Dans les milieux favorisés, le départ à l’étranger est extrêmement valorisé. Il justifie le départ nécessaire de la maison, tout en masquant l’idée d’une perte définitive, puisque le jeune est censé revenir et que très souvent il continue de dépendre du budget familial. Ces départs en pointillé éloignent toujours un peu plus le « vrai départ ». Le poids de la dépendance financière est très lourd, car si les parents pourvoient aux besoins, ils veulent que leurs enfants leur rendent des comptes. Cela leur fournit beaucoup de pouvoir, même à distance. Si notre enfant adulte a besoin d’argent, l’aider financièrement à hauteur de nos possibilités se justifie, mais il faut se résoudre à ne pas s’ingérer dans sa vie. Très peu de jeunes souhaitent rester indéfiniment chez leurs parents. Les « Tanguy » ne sont pas légion. Mais on voit désormais des adultes revenir vivre chez leurs parents, après 30 ans, après une première vie indépendante, à cause d’un aléa de la vie : chômage, rupture sentimentale. À ce moment-

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/ DES ENJEUX CROISÉS /

là, c’est la solidarité familiale qui joue. Mais ces situations sont souvent mal vécues, même temporairement, car elles ne suivent pas l’ordre des choses.

Ce « syndrome du nid vide » ne crée-til pas un sentiment de culpabilité chez les enfants, leur rendant difficile la prise d’autonomie ?

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gement et de leurs aspirations, se préparer mentalement au départ des enfants, avoir des projets communs, des « quand les enfants seront partis, on fera ceci ou cela », imaginer comment vieillir ensemble.. l

Béatrice Copper-Royer : En effet, c’est très culpabilisant de penser que l’on abandonne sa mère ou son père. Le plus beau cadeau à faire à son enfant, c’est de lui montrer que l’on a confiance en lui et dans ses choix d’adulte. Le sentiment d’abandonner réveille aussi la peur d’abandon de l’enfant. C’est très handicapant lorsque l’on veut quitter la maison. C’est aussi très perturbant de se croire indispensable pour son parent. Cela justifie des comportements régressifs, ou des sabotages. Certains jeunes se mettent en échec pour ne pas avoir à quitter le giron familial : rater des examens, des entretiens d’embauches, des relations amoureuses…

Le « syndrome du nid vide » ne cachet-il pas aussi une certaine peur de se retrouver en couple ?

Béatrice Copper-Royer : Les enfants servent de magnifiques écrans au couple. Parfois, ils cimentent le couple. Quand ils partent, comment reprendre une communication qui n’existe plus ? Que faire quand on n’a plus rien à se dire ? Cela peut se vivre comme l’occasion de faire un point sur soi et sur son couple, sur ce que l’on souhaite pour la suite de notre vie. Certains couples trouvent des projets pour redynamiser leur coexistence, d’autres au contraire comprennent que leur histoire commune touche à sa fin. C’est une période propice aux divorces et aux séparations.

Comment se préparer au départ des enfants de la maison, inéluctable et souhaitable ?

Béatrice Copper-Royer : Gardons en tête que le rôle du parent éducateur correspond à une période de sa propre vie. Qu’il y a eu un avant, et qu’il y aura un après. Il faut aussi se dire que l’on reste le parent de notre enfant, mais que cette relation va évoluer. Les enfants ne sont pas des possessions inamovibles. Aux parents de leur donner de l’espace et d’accepter qu’ils soient des adultes indépendants ! Pour cela, aidons-les à acquérir la capacité de vivre, même à « être » sans leurs parents. Il suffit de les envoyer en colonie de vacances, en week-end chez les grands-parents, chez des copains… Qu’ils vivent des expériences répétées sans papa ni maman. Pour les couples, tout au long du rôle parental partagé, il est indispensable de ne pas rompre le dialogue et de conserver une relation amoureuse et amicale qui continuera de s’épanouir. Ainsi, les parents peuvent très tôt parler du chan-

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à lire... Le jour où les enfants s’en vont De Béatrice Copper-Royer Publié chez Albin Michel Du premier vrai départ de la maison à celui qui va les voir s’installer en couple, voire vivre très loin, le jour où les enfants s’en vont est comme une nouvelle naissance. Avec ce que cela comporte de joie, de bonheur, de fierté, mais aussi de tristesse, de déchirement et de sentiment de perte : autrement dit, une sorte de « baby-blues ». Pas toujours facile à vivre, cette transition peut être l’occasion d’une véritable crise pour les parents et pour les couples. Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne, psychothérapeute, explique ce qui se joue dans cette étape de la vie où l’on devient parent d’enfants désormais adultes. Elle offre ainsi des repères précieux pour se situer dans cette nouvelle configuration, éviter les pièges et profiter des atouts — nombreux — qu’elle procure

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Mobilité des jeunes : des enjeux multiples

Valérie DREYFUSS Déléguée générale du Laboratoire de la mobilité inclusive (LMI)

La question de la mobilité demeure un vrai sujet sociétal : près d’un tiers des jeunes de 18 à 24 ans renonce régulièrement à des services du quotidien faute d’avoir un moyen de transport pour se déplacer. L’apprentissage de la mobilité et son intégration dans un cadre éducatif, recommandation phare portée par le Laboratoire de la mobilité inclusive, est une priorité encore exacerbée par l’instabilité de ce monde en prise avec la crise du Covid 19 et par les incertitudes environnementales.

L

es premiers empêchés de la mobilité sont les jeunes. C’est en substance ce qui ressort des différentes études menées par le LMI. L’enquête réalisée par l’Institut Elabe pour les 5e Rencontres de la Mobilité inclusive en mai 2018 sur « la mobilité et l’accès aux services de la vie quotidienne »1 indique clairement un empêchement à la mobilité pour les plus jeunes : près d’un jeune sur deux de 18 à 24 ans a le sentiment d’être contraint dans ses déplacements ou ses modes de transports. Plus largement pourtant, 3 à 4 Français sur 10 déclarent avoir déjà renoncé, par défaut de mobilité, à accéder à des loisirs ou à faire une sortie culturelle (41 %), à faire des démarches administratives (36 %), à se rendre à un rendez-vous médical (30 %), à pratiquer une activité physique ou sportive (29 %), ou à faire ses courses alimentaires (26 %). L’étude montre que les proportions sont quasi systématiquement supérieures en ce qui concerne l’échantillon des 18-24 ans, avec par exemple 58 % des jeunes de 18 à 24 ans qui affirment avoir déjà renoncé à rendre visite à leur famille faute d’accès à un moyen de transport pour s’y rendre. Un chiffre quasiment aussi important lorsqu’il s’agit de passer de temps avec

leurs amis (59 %). Les freins à la mobilité, parce qu’ils entravent le lien social, sont également générateurs de bouleversements dans les modes de vie des personnes concernées. Afin de pallier les difficultés de déplacement, 39 % des jeunes actifs et 38 % des 25-34 ans ont ainsi déjà envisagé de changer de mode de vie (télétravail, temps partiel, arrêter de travailler) et de changer de travail. Toujours selon cette étude, 37 % des 18-24 ans et 30 % des 25-34 ans ont même déjà envisagé de déménager pour se rapprocher de leurs centres d’activité.

Une entrave à l’emploi

Dans une étude précédente, réalisée en décembre 2016 et baptisée « Enquête Mobilité et accès à l’emploi »2, le LMI a mis à jour ce lien direct entre mobilité et insertion montrant combien les difficultés de mobilité sont un frein à l’insertion sur le marché de l’emploi. Il ressort de cette étude que « les populations les plus jeunes et socialement les plus fragiles (faible niveau de diplôme et faibles revenus) sont les plus touchées par ces problèmes de mobilité et d’accès à l’emploi : respectivement 43 % et 46 % des 18-24 ans déclarent avoir renoncé à un entretien (embauche ou recherche

d’emploi) et avoir refusé un travail ou une formation, faute de pouvoir s’y rendre ». Cette étude confirmait également la fragilité des plus jeunes : « les 25-34 ans sont davantage concernés que la moyenne (respectivement 24 % et 32 %). Le phénomène touche avant tout les populations les moins diplômées (24 % et 27 % pour les individus ayant un niveau bac). Ils sont également plus nombreux parmi les nontitulaires du permis B (37 % et 44 %) ».

Former les jeunes à la mobilité !

Face à ce constat, le LMI estime que le véritable enjeu réside dans l’apprentissage de la mobilité car maitriser sa mobilité, c’est devenir autonome. Lire une carte, se repérer dans la ville, comprendre un réseau de transport, ou utiliser une application smartphone n’a rien d’inné mais nécessite un ensemble de compétences et de savoir-faire. L’apprentissage de la mobilité est donc un levier indispensable d’émancipation individuelle et d’inclusion sociale et professionnelle. C’est précisément la vision que nous portons auprès des pouvoirs publics depuis et dans notre plaidoyer pour une mobilité inclusive3. A l’occasion des Assises nationales de la mobilité qui ont alimenté le projet de loi d’orientation des

1/ https://elabe.fr/se-deplacer-facilement-un-indispensable-pour-la-qualite-de-vie-au-quotidien/ 2/ https://www.mobiliteinclusive.com/enquete-mobilite-emploi/ 3/ www.mobiliteinclusive.com/plaidoyer/

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mobilités (2017), le LMI a porté et défendu des mesures innovantes pour « développer un véritable apprentissage de la mobilité en France pour tous, à tous âges et tout au long de la vie »4. Le LMI a par ailleurs créé avec l’Ecole d’Urbanisme de Paris le Diplôme Inter-universitaire de « Conseiller Mobilité Insertion » pour développer une filière professionnelle de conseillers en mobilité, véritables ambassadeurs de la mobilité.

Inscrire la mobilité au cœur des politiques de jeunesse

Le rapport Mobilités des jeunes du COJ publié en février 2019 pose en préambule que « dans un contexte d’injonction à la mobilité se cache souvent une absence de solution locale ». Ce constat permet de rappeler la vulnérabilité des jeunes face à la mobilité et le besoin de construire des solutions plus inclusives pour la jeunesse. Le Laboratoire a ainsi intégré le groupe de travail de la commission insertion du COJ sur la thématique « mobilité des jeunes », instance initiée à la demande du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse. Les thèmes des Mobilité sociale, résidentielle, internationale y ont été abordés par des acteurs venant d’horizon divers, parmi lesquels le LMI et l’un de ses membres, Pôle Emploi. Nos contributions ont essentiellement porté sur la mobilité quotidienne, et intégrées au rapport final. Sur la thématique de l’apprentissage, ces préconisations visent à « inscrire les problématiques d’une mobilité à visée citoyenne dans un continuum éducatif coordonnant les actions d’apprentissage, de sensibilisation, de formation et d’information ». Il s’agit d’encourager une vision de l’apprentissage de la mobilité qui donne les clés et les éléments de compétence aux jeunes, pour leur permettre

Mobilités dans les territoires ruraux

l’usage des modes de déplacements de notre monde contemporain. Gérard Hernja, docteur en Sciences de l’éducation et responsable de recherche pédagogique à l’Ecole de Conduite Française, a accompagné le LMI dans ces travaux pour apporter son expertise sur les questions d’apprentissage et d’Education. De cette coopération résulte par exemple, la recommandation d’inscrire l’éducation à la sécurité routière dans le champ plus large de l’éducation à la mobilité. L’ambition est de voir l’éducation à la mobilité devenir le socle de mesures plus larges pour la mobilité des jeunes, en connectant les acteurs des territoires (plateformes, associations, acteurs privés…) avec l’Education nationale. Ce rapport reflète aussi le besoin de développer une mobilité qui se construit pour et avec les jeunes : développement des plateformes de mobilité sur les territoires pour assurer aux jeunes un meilleur accès aux solutions de mobilité, programme d’ambassadeurs de la mobilité pour sensibiliser les acteurs territoriaux à la mobilité inclusive. Pour mieux comprendre les besoins et attentes des jeunes, le LMI prône également le développement d’un programme de recherche et de dispositifs expérimentaux.

Le LMI a piloté une recherche sur la mobilité des jeunes en territoire rural. Construite autour d’une approche croisant sociologie et sciences de l’éducation, cette recherche a été menée en immersion pendant 6 mois dans un village Vosgien de 120 habitants, Thuillières, auprès de jeunes de 10 à 24 ans5. Elle a permis de mieux comprendre la dynamique de territoires qui se vident progressivement de leurs habitants, particulièrement ceux en âge de travailler et les enfants. Ces territoires ont perdu une bonne part des services publics, des commerces de proximité et des infrastructures de transport, leurs habitants sont prisonniers des déplacements automobiles. Il ressort un fort sentiment d’abandon, l’idée d’un mépris des habitants des villes pour ceux de des campagnes. Les ruraux sont sensibles à toutes les décisions semblant les stigmatiser : hausses des carburants, nouvelles limitations de vitesse… Pour autant, les jeunes ne sentent pas assignés à résidence. Ils se déplacement beaucoup à l’intérieur et à l’extérieur du village, à pied, à vélo, à cyclomoteur, dans la voiture de leurs parents. Ils sont confrontés à l’obligation de se déplacer dès la maternelle jusqu’à la ville voisine : école, sport, culture. Ils sont peu nombreux à rêver d’une vie en dehors de la ruralité et voient l’obligation d’en sortir davantage comme une contrainte que comme une chance. Pour les auteurs, la mobilité ne peut pas s’envisager sans une prise en compte du territoire et des modes de vies de ceux qui y habitent. Sa concrétisation dépend alors moins des offres existantes que d’un travail avec les habitants pour construire des solutions adaptées aux besoins réels des territoires. Cette recherche renforce la volonté du LMI de s’engager dans l’action au service d’une mobilité solidaire et inclusive, prenant en compte l’ensemble des citoyens. Construire une transition écologique juste signifie d’arrêter l’opposition entre les politiques climatiques, la lutte contre le chômage et la pauvreté et les politiques économiques pour construire des convergences entre elles. La transition écologique qui s’amorce sera portée par les générations futures, par ceux qui bâtissent et bâtiront notre monde de demain. l

4/ http://ns337492.ip-188-165-247.eu/zonetest/lmi/au_coeur_des_assises/ 5/ Hernja Gérard, Mergier Alain, 2020, La mobilité des jeunes dans un territoire rural, Laboratoire de la Mobilité Inclusive, www.mobiliteinclusive. com/wp-content/uploads/2020/03/Synth%C3%A8se-du-rapport-FINAL.pdf

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La famille, actrice des choix de métier et de vie L’histoire familiale et les parcours des ancêtres, les figures parentales et la fratrie sont au cœur de la construction identitaire de chaque individu et par conséquent, sont au cœur de la construction du chemin de vie et des choix professionnels. La conscience de ce fait permet de mettre en évidence l’ampleur de ces impacts et d’identifier des options pour que chaque individu reconnaisse ses propres ressources, valeurs, besoins, qualités et construise sa vie en lien avec sa personne.

Agata RIBAY Praticienne en relation d’aide autour des relations humaines, évolution et orientation professionnelle, formatrice et intervenante en entreprise

« Bonjour, je m’appelle Madeleine, j’ai 25 ans et je souhaiterais faire un bilan de compétences. »

© Rondo

Moi, praticienne, surprise par l’association (25 ans-bilan de compétences) : « Bonjour Madeleine, un bilan de compétences ou d’orientation ? »

Laurence CARRE Formatrice-Conseillère en évolution professionnelle, bilan de compétence, orientation adolescents/ jeunes adultes

Madeleine : « Je parle bien d’un bilan de compétences. Vous savez, j’ai l’impression que jusqu’à présent j’ai suivi la voie tracée par mon entourage, mais je me rends compte que finalement cela ne me plait pas vraiment et j’aimerais envisager autre chose ». C’est ainsi que Madeleine est devenue ma plus jeune cliente en bilan de compétences. Nous avons pris rendez-vous et commencé à travailler sur le premier sujet que j’aborde en début de bilan et que Madeleine avait elle-même évoqué au téléphone : l’histoire professionnelle familiale.

Au commencement, la famille

Partageant les convictions sur l’importance de l’exploration personnelle dans l’élaboration d’un projet professionnel, nous (Agata et Laurence) proposons à la personne, dans la première phase de chaque accom-

pagnement, de dessiner son génosociogramme, c’est à dire selon la définition d’Anne Ancelin-Schützenberger1, un arbre généalogique qui reprend pour chacun : prénom, âge, date de naissance, études, profession, qualités. C’est un outil particulièrement puissant qui permet de mettre en évidence l’histoire socio-professionnelle familiale et repérer les éventuelles répétitions, permissions, interdits, loyautés, mimétismes liés au parcours de vie, profession... etc. C’est ce que nous enseignons aujourd’hui aux professionnels qui rejoignent notre formation à l’accompagnement des transitions professionnelles et à l’orientation des jeunes. En effet, chaque famille ou chaque parent porte, consciemment ou inconsciemment, un projet concernant le parcours professionnel de son enfant, qui va bien entendu influencer les choix d’orientation de celui-ci. Vincent de Gaulejac2 appelle cela « le projet parental » et le définit de la façon suivante : « l’ensemble des représentations que les parents se font de l’avenir de leurs enfants ». Ce projet parental peut être construit dans la continuité de l’histoire familiale et de ses valeurs :

• Le jeune décide de faire le même métier que ses parents. C’est ainsi que l’on retrouve des lignées de boulangers ou de médecins, avec parfois quelques divergences : un fils de boulanger deviendra cuisinier. • Le jeune poursuit l’élévation sociale de la famille : avoir le bac dans une famille où personne ne l’a jamais eu. Cela peut également être une forme de réparation vis à vis des générations précédentes, si par exemple, un parent a dû arrêter tôt ses études pour raisons familiales, alors qu’il avait les capacités et l’envie de poursuivre. Ou bien en rupture : • Le jeune Alexis, 16 ans, dont les hommes étaient de père en fils à la tête de l’entreprise familiale dans la quincaillerie depuis 4 générations, a souhaité faire des études de paysagisme et travailler dans la fonction publique ! Claire, 31 ans, avocate a entamé un bilan de compétences car elle ne trouvait pas de sens dans son travail, elle était déçue par son choix de métier, elle a changé de cabinet trois fois durant sa courte carrière. Elle voulait comprendre ce qui a fait qu’elle a choisi le métier d’avocate, et soit y retrouver un sens pour

1/ “Aïe, mes aïeux”, Anne Ancelin-Schützenberger page 198, ed.Desclée de Brouwer, 1993 2/ “La névrose de classe”, Vincent de Gaulejac, ed. Payot,, 1999

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elle, soit retrouver une piste professionnelle épanouissante. L’étude du génogramme, des études, des métiers et des parcours de vie dans sa famille ont permis de révéler, entre autres, que les personnes les plus inspirantes dans l’histoire de ses ancêtres étaient celles qui ont eu l’inclination pour les arts et pour les voyages. Claire, élevée petite par ses grands-parents paternels était très proche de son grand père, ancien militaire - il est resté dans ce métier après la deuxième guerre mondiale. Dans l’histoire racontée dans la famille il était trop tard pour lui pour reprendre ses études de droit. Elle adorait jouer avec lui et écouter ses histoires. En questionnant ses parents Claire a appris (ou appris à nouveau) que son grand-père a commencé des études de droit car il rêvait d’être avocat. Cette information a donné sens à son choix. Claire a compris qu’elle réalisait le rêve de son grand père. Suite à l’étude de ses valeurs, besoins, intérêts et préférences professionnelles, motivations, qualités, talents et compétences, elle a choisi de devenir décoratrice de vitrines pour magasins de décoration et de mode. Après une formation, elle poursuit sa vie sur son propre chemin. Cependant, comme l’évoque souvent Isabelle Méténier dans ses ouvrages, nous pouvons faire le même métier que nos ancêtre mais pas pour les mêmes raisons et faire un métier différents mais pour les mêmes raisons que nos ancêtres3.

Au cœur de l’identité du jeune

La question du choix des métiers tout au long de la vie touche de manière intime la sphère identitaire de la jeune personne. Elle rassemble deux côtés du miroir : l’environnement et notamment l’univers familial avec ses ambiances, avec tout ce qu’il valorise et rejette, permet et interdit et

l’univers de l’individu qui se forme de manière singulière, à partir des vécus et interprétations individuels de soi, des autres et du monde. Ces différents espaces identitaires nourrissent le processus de choix du métier et l’influent. « Mathis, que fais-tu de ton temps libre ? Je ne fais rien Madame. Et que fais-tu quand tu ne fais rien ? Je dessine des mangas et je joue aux jeux de stratégie. Pour ma mère je perds le temps quand je fais ça. Selon elle je devrais faire autre chose. »

Émergence des intérêts

Selon les travaux de D. Clavier et A. di Domizio, les intérêts professionnels de l’individu commencent à être identifiables au moment de la préadolescence, à partir de 8 et 12 ans , se cristallisent à l’adolescence, vers 15 ans, pour devenir plus clairs au début de l’âge adulte vers 17-18 ans. Même si ces repères varient selon les études et sont nuancés selon les individus, ils nous permettent de voir que les intérêts émergent dans un processus qui commence dans l’enfance. L’enfant, à 3-6 ans, a besoin de s’identifier pour trouver des réponses à la question « Qui suisje ? ». A ce stade, il peut s’identifier à ses héros préférés, ses modèles. Il peut vouloir devenir super-héros, pilote d’avion, mannequin, hôtesse de l’air ou viser encore un autre métier qui est, la plupart du temps, « un métier de rêve » qui contribue à sa construction identitaire, à l’affirmation de son indépendance. C’est en concordance avec cette construction identitaire que les intérêts professionnels vont émerger comme une forme d’expression de soi et se construire au fur et à mesure du développement.

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Quel que soit son âge, l’enfant a besoin d’être soutenu par son environnement dans cette émergence et construction. Ses intérêts, quels qu’ils soient, ont besoin d’être reconnus et valorisés quand ils apparaissent et tels qu’ils apparaissent. L’enfant a besoin d’être accepté comme il est. Cela implique une posture bienveillante des adultes référents dans l’accueil de son évolution. L’enfant a également besoin que sa compétence à identifier et exprimer ses intérêts soit reconnue. La famille peut également stimuler leur émergence, notamment au travers de l’acceptation inconditionnelle de l’enfant tel qu’il est, acceptation que celuici passe par les différentes étapes, explore les différents intérêts, même quand ceux-ci sont différents de ceux qui sont valorisés dans la famille. Dans l’exemple de Mathis, les intérêts pour le dessin, pour l’écriture, pour la création des personnages des jeux et des mangas n’ont pas été valorisés dans sa famille. Ses ouvrages n’étaient pas lus par ses parents alors que déjà petit il faisait des BD. Le projet parental pour lui était de nature scientifique. Quand il faisait ce qu’il aimait, quand il donnait vie à ses intérêts, sa famille lui reprochait de ne rien faire (d’utile), de perdre son temps. Il a fini par y croire. Ayant le sentiment d’être aimé quand il avait de bons résultats à l’école en sciences exactes, il a fait en sorte d’avoir de bonnes notes dans ces matières. Petit à petit, Mathis a forgé une croyance que pour être quelqu’un de bien, respectable, reconnu, il faut faire des études d’ingénieur. Se conformant à ce modèle, il a commencé une classe préparatoire scientifique. Il est venu en consultation, suite à la suggestion de ses parents, quand il a commencé à décrocher, à

3/ “Histoire personnelle, destinée professionnelle”, Isabelle Méténier, Ed. Demos 2006, “Crise au travail et souffrance personnelle”,Isabelle Méténier, Ed. Alain Michel 2010 4/ Dominique Clavier, Annie di Domizio “Accompagner sur le chemin de travail” Ed. Septembre 2013, p178

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ressentir des blocages, à ne pas voir de sens dans ses études, éloignées de ses intérêts. De manière pratique, le soutien de la famille peut s’exprimer pour les petits, au travers des jeux et activités stimulant la curiosité, l’exploration, l’expérience ; pour les préados et ados, par l’accueil et la valorisation de leurs intérêts, les permissions d’en avoir plusieurs, de ne pas être obligé de choisir tout de suite, d’avoir la possibilité d’explorer, penser et ressentir par eux-mêmes, avant que ces intérêts se cristallisent. Au Québec, grâce à ce qu’on appelle l’Approche Orientante, ce travail sur l’histoire professionnelle familiale et sur les intérêts peut démarrer à l’école primaire. Les enfants travaillent sur des fascicules de type « cahier de vacances », en lien avec leur enseignant et leur famille. Ce processus est ensuite suivi tout le long de la scolarité.5

Les valeurs : ce qui donne le sens La famille se construit à partir de la rencontre de deux partenaires qui arrivent chacun avec leur système de valeurs, avec les valeurs cultivées et réprimées dans leurs familles, forgées au travers des expériences et vécus de plusieurs générations. Les partenaires posent aussi une forme de « mythe créateur » en fondant leur famille, appuyé sur les valeurs communes. L’enfant qui naît dans une famille, baigne dans ce système complexe de références et développe des loyautés à ce système et à ses membres, avant de s’individualiser et définir ses propres valeurs. Celles-ci sont issues de ses racines, de son environnement, et surtout de son histoire et de ses propres vécus. L’adolescent ou jeune adulte peut se diriger vers un métier ou des études qu’il n’a pas choisis et finir par avoir une vision négative de son ou ses parent(s), vécu(s) comme écrasant(s) ou bien de son métier exercé mais pas choisi. Au cours de nos différents accompagnements, nous rencontrons régulièrement des personnes qui finissent par ne plus trouver de sens à leur métier, voire même se sentent « en dehors » de leur réalité professionnelle. Ces conflits de valeurs peuvent se traduire par des somatisations, menant parfois jusqu’au burn out ou une maladie grave, et la déstabilisation de la vie personnelle.

EN SAVOIR

+

Agata RIBAY (www.om-perspectives.com, Montpellier) et Laurence CARRE (www.laurence-carre.fr, Paris) co-dirigent la Formation à l’Accompagnement des Transitions et Orientations Professionnelles : www.atop-formation.fr.

Bérénice, 39 ans, directrice de projet informatique dans un groupe d’assurance, elle revient d’un arrêt maladie de 3 mois pour burn out et ne comprend pas pourquoi elle ne se sent pas mieux. Elle décide de faire un bilan de compétences pour réfléchir à la suite de sa carrière : le travail sur les intérêts montre alors qu’elle n’a aucune appétence pour l’informatique ! Il était donc tout à fait logique que Bérénice se sente perdue… Elle a beaucoup pleuré en racontant qu’elle avait choisi l’informatique par raison car elle venait d’un milieu très modeste et avait besoin de choisir une filière avec laquelle elle était certaine de trouver du travail : la valeur travail était présente dans sa famille, mais pas liée à la valeur plaisir qui elle, était réprimée. Elle a également été soulagée de voir qu’il y avait une raison à son malaise. Elle a finalement décidé de changer radicalement de voie et a entrepris des études d’ergothérapie, qui lui ont permis de se connecter à son plaisir, valeur importante pour elle et réprimée depuis son enfance. Les transmissions familiales concernant la trajectoire sociale de la personne, son choix de métier(s) et de chemin de vie professionnelle peuvent également être positives et soutenantes. Notamment, quand dans la famille sont transmis les métiers valorisants tels que décrits par Véronique Tison-Le Guernigou6: métiers qui font appel au talent, à la créativité, à l’intelligence, qui découlent d’une vocation. Cet héritage familial positif peut aussi contenir « l’amour du métier », la soif d’entreprendre et d’évoluer. l

5/ Fascicules “Ma famille au travail” (2003), “Le rituel secret” (2003), ed. Septembre 6/ Véronique Tison-Le Guernigou “Secrets de famille et psychogénéalogie” Ed.Généalogie 2009

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Aux côtés des familles Parce que les réponses sont souvent trouvées dans la proximité, militants familiaux et professionnels des Udaf et des associations familiales se mobilisent partout en France pour aider les jeunes et leur famille. Cette rubrique présente leurs initiatives et rend hommage à leur engagement.

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Aux côtés des familles

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L’engagement du réseau Unaf Udaf Uraf pour les jeunes L’entrée dans la vie active et l’accès à l’autonomie des jeunes sont des préoccupations majeures pour toutes les familles. Expertes de leurs réalités de vie, l’Unaf, les Uraf et les Udaf font connaître leurs besoins et difficultés pour une meilleure prise en compte des familles dans les politiques publiques. Elles agissent aussi sur le terrain afin de construire des réponses adaptées aux besoins locaux.

LES REPRÉSENTATIONS NATIONALES ET LOCALES L’Unaf et son réseau d’Udaf représentent les intérêts des familles sur toutes les questions qui les concernent auprès des pouvoirs publics et dans différentes instances. Au niveau national, les représentants familiaux portent particulièrement leurs attentes en faveur des jeunes dans les instances suivantes : • Commission armée jeunesse • Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) • Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) • Conseil national de l’enseignement agricole • Conseil supérieur de l’éducation • Conseil national d’information sur les enseignements et les professions – ONISEP L’Unaf siège également dans des organismes dont les actions concernent les jeunes adultes (versement des allocations familiales jusqu’à 21 ans, aides au logement, couverture santé…) : • Caisse centrale des mutualités sociales agricoles (CCMSA) • Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) • Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) L’Unaf est par ailleurs associée à la concertation autour du RUA (Revenu universel d’activité) et a siégé dans le collège « associations » et dans le sous-collège « jeunes ». Au niveau local, les représentants familiaux sont présents dans différents organismes qui agissent pour la jeunesse : • Conseil départemental de l’éducation nationale • Conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative • Caisses d’allocations familiales (CAF) • Mutualités sociales agricoles (MSA) • Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM)

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LES SERVICES DES UDAF Outre leurs missions de représentations, les Udaf accompagnent les familles et les jeunes dans leur quête de l’autonomie, en adaptant leurs réponses aux besoins repérés localement. Ainsi, les jeunes sont un public à part entière des Udaf dans les domaines suivant : • Conseils et éducation budgétaire. • Soutien à l’orientation. • Aides financières ponctuelles. • Accès à l’autonomie par le logement. • Accès à la mobilité, sécurité routière...

LE SERVICE CIVIQUE Le réseau est acteur de l’insertion des jeunes par le biais du Service civique. Il s’agit d’un dispositif proposant à des jeunes âgés de 16 à 25 ans, et jusqu’à 30 ans pour les jeunes en situation de handicap, de s’engager dans une mission d’intérêt général auprès d’associations ou d’institutions publiques. Accessible sans condition de diplôme, le service civique est indemnisé et peut être effectué en France ou à l’étranger. Depuis 2010, l’Unaf gère un agrément collectif pour les Uraf et les Udaf. Ainsi, en 2019, 31 Udaf ont accueilli 131 jeunes volontaires au sein de leur équipe de professionnels et de bénévoles, autour de 6 missions pour aider les familles et les personnes en situation de vulnérabilité. 1) Favoriser l’autonomie et lutter contre l’isolement des personnes vulnérables. 2) Aider les publics fragilisés dans l’apprentissage des savoirs de base, utiles à la vie quotidienne. 3) Contribuer à renforcer le lien social grâce au parrainage de proximité. 4) Favoriser la lecture et le lien intergénérationnel à travers le programme Lire et faire lire. 5) Contribuer à la sensibilisation et à l’éducation au numérique des publics en difficulté. 6) Créer du lien social en favorisant la participation des personnes accompagnées par les Udaf aux activités socio-culturelles.

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/ ENGAGEMENT DU RÉSEAU /

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EN 2019, 131 JEUNES VOLONTAIRES ACCUEILLIS PAR 31 UDAF AUX COTÉS D’UN RÉSEAU DE BÉNÉVOLES ET DE PROFESSIONNELS RÉPARTITION DES JEUNES VOLONTAIRES PAR MISSION 34

34

29,89 %

76,11 %

18 13

12 2

NIVEAU DE FORMATION DES JEUNES Favoriser l’autonomie et lutter contre l’isolement

Lire et faire lire Sensibilisation au numérique

Apprentissage des savoirs de base Parrainage de proximité

Participation des personnes aux activités socio-culturelles

DONT 23 VOLONTAIRES MIS À DISPOSITION D’ASSOCIATIONS ADHÉRENTES

Ce sont eux qui en parlent le mieux ! « La présence de jeunes volontaires a eu un effet dynamisant sur le personnel salarié qui a parfaitement intégré les nouveaux venus. »

« J’ai fait face à des défis et des situations qui m’ont permis de devenir une meilleure personne.»

Inférieur au Bac

3,54 %

Supérieur au Bac

47,78 %

Sortie de terminale avec le Bac, ou abandon des études supérieures sans diplôme

48,68 %

« Accueillir des jeunes en mission de service civique est une réelle volonté pour notre Udaf et participe à la continuité de notre engagement pour et avec la jeunesse en défendant toutes les valeurs du volontariat. »

Yaëlle

« J’ai profité de ce volontariat pour me confronter à des difficultés et me surpasser pour acquérir des compétences nouvelles. »

« C’est avant tout une rencontre humaine et un parcours que le tuteur et le jeune vont accomplir ensemble.»

Yaning

« Le contact avec le public est l’aspect qui m’a le plus plu, car il m’a permis de faire du lien avec mon projet professionnel. »

Anne

« Le service civique est avant tout une rencontre entre un jeune et une structure. Nous nous apportons mutuellement. Les jeunes apportent de nouvelles idées, de nouvelles pratiques et de la fraîcheur. Nous leur proposons une ouverture sur d’autres univers et la possibilité de les explorer. La mission n’est jamais figée, elle évolue avec les compétences, la motivation et les envies des jeunes. Et nous avons parfois de très belles surprises ! C’est toujours une grande satisfaction pour nous de les voir gagner en assurance au fil des mois et de contribuer à préciser leur projet d’avenir »

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Prendre son envol avec Smart’Budget www.udaf03.org

Quitter le foyer familial pour faire ses études ou pour un premier emploi, nécessite une autonomie et de savoir gérer son budget. L’Udaf de l’Allier a conçu un outil spécifique à cette problématique qui aborde de nombreux postes de dépenses du quotidien : logement, transports, santé, etc. Destiné principalement aux 15-25 ans, cet outil devait être adapté à cette tranche d’âge. C’est pourquoi il a pris la forme d’une application gratuite. Son nom : Smart’Budget. Prévention et information

En 2018, l’Udaf de l’Allier a souhaité travailler autour de la question du budget en ciblant les 15-25 ans. Nombre de jeunes qui quittent le domicile familial pour partir faire leurs études, commencer un apprentissage ou démarrer dans la vie active se retrouvent à devoir gérer leurs ressources mais aussi leurs dépenses personnelles pour la première fois. Le constat de l’Udaf est qu’une partie de ces jeunes se retrouvent désarmés devant la gestion budgétaire. L’Udaf a souhaité développer un outil avec comme objectif la prévention budgétaire de ce public et la sensibilisation, dès le lycée, à cette question.

+

En savoir : Estelle Penay epenay@udaf03.fr

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Pour répondre au mieux aux besoins des jeunes, l’Udaf a souhaité proposer un outil qui soit adapté à leurs usages. 99,7 % des moins de 30 ans possèdent un téléphone portable (donnée Insee) et leur premier réflexe pour trouver une information est de consulter Internet. L’idée de proposer une application (gratuite) pour smartphone et tablette s’est rapidement imposée. L’Udaf s’est associée à un groupe de 27 jeunes de divers établissements scolaires de l’Allier afin qu’ils valident le concept mais aussi qu’ils indiquent leurs attentes par rapport au contenu de cet outil. Une journée de travail a été organisée : Smart’Budget était née.

Information, astuces et points de vigilance

Smart’Budget n’a pas vocation à remplacer une application bancaire comme il en existe beaucoup. Si elle permet cette fonctionnalité de gérer son argent et d’anticiper les fins de mois, elle a avant tout vocation à informer les utilisateurs.

Smart’Budget est organisée en 6 rubriques : Budget

Transport

Santé Logement Loisirs Communication

Chacune propose des informations générales mais aussi des astuces et des points de vigilance. De la recherche d’un logement, en passant par les remboursements médicaux et les différentes possibilités pour acquérir un smartphone, Smart’Budget est une boussole pour guider les jeunes dans leur apprentissage de l’autonomie.

Un développement national

Plus de 600 personnes ont téléchargé Smart’Budget depuis son lancement en novembre 2018. Mais au-delà des statistiques, le souhait de l’Udaf est avant tout pérenniser cet outil par des mises à jour et des évolutions régulières. La médiatisation de l’application au sein du réseau des Udaf a généré l’envie pour certaines de s’associer à cet outil, notamment en l’utilisant dans le cadre du développement des Points Conseil Budget sur le territoire national, Smart’Budget pouvant aussi s’adresser aux familles qui ont du mal à gérer leur budget. Des conventions de partenariat ont été signées et les évolutions de l’outil s’effectueront désormais en réseau. l

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/ INITIATIVES DES UDAF /

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Quitter le nid familial, ça se prépare !

« Ciao gamin ! », un forum sur le 1er départ de la maison

Ce départ du domicile parental a été repéré par le conseil d’administration de l’Udaf comme un moment clé et un temps de rupture qui permet d’accéder à l’autonomie. C’est lors de ce premier départ que les parents vont pouvoir mesurer et parfois ajuster leur accompagnement et ce qu’ils ont transmis. Les familles ont alors plus que jamais besoin d’être accompagnées et bien informées. A cette nécessité, s’ajoute une absence de centralisation des informations qui obligent à de multiples démarches et déplacements, y compris dans d’autres départements, pour obtenir tous les renseignements. Forte de ces constats, l’Udaf a été à l’initiative à partir de 2014 de l’organisation d’un forum sur le premier départ intitulé « CIAO GAMIN ! » permettant aux familles d’avoir accès à un maximum d’informations pratiques, concrètes, regroupées en un lieu unique sur le logement, la santé, la mobilité, l’engagement et la citoyenneté, l’orientation et la formation. Un travail partenarial important a été recherché et consolidé pour conduire ce projet. Le forum « Ciao gamin ! » s’est tenu en mars 2014, 2015 et 2016. Il a été suspendu en 2017, faute de financements suffisants et l’Udaf s’est alors rapprochée de l’association Infosup 05, organisatrice d’un forum de l’orientation, également suspendu en 2017 pour des raisons financières. Une association familiale adhérente à l’Udaf, Euroscope porteuse d’un forum sur la mobilité internationale, nous a également rejoints dans le projet.

De nouveaux partenariats pour un forum en constante évolution.

Un nouveau concept de forum, intitulé « Avenir jeunes 05 », réunissant les dimensions orientation, formation, alternance, mobilité internationale et préparation à l’autonomie, a vu le jour en 2018 rassemblant près de 3000 personnes, jeunes et parents. Il a été reconduit en 2019. Une association du même nom que le forum a

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www.udaf05.fr

2014, 2015, 2016

été créée et l’Udaf en assure la vice-présidence. Elle s’investit dans la co-organisation de l’événement, notamment sur la coordination du volet « autonomie des jeunes » représentant un panel d’une trentaine d’acteurs locaux, et sur la communication. Cette action innovante a permis de renforcer une coopération avec la Direction Académique des Services de l’Éducation Nationale et cette mutualisation de moyens a aussi présenté l’intérêt pour l’Udaf d’augmenter sa notoriété, de confirmer sa capacité à mobiliser un réseau et à intervenir en soutien des familles. Nouvelle évolution, en 2019, le groupe de presse l’Etudiant s’est rapproché de l’association pour envisager un partenariat sur notre territoire. Une collaboration en bonne intelligence s’est construite et un événement « Salon de l’Etudiant/ forum Avenir jeunes 05 » s’est tenu en février 2020. Avenir jeunes 05 a apporté son réseau d’une centaine d’exposants d’établissements publics, du service public de l’orientation, de la mobilité internationale et de l’autonomie et l’Etudiant son expertise, sa logistique, et ses moyens de communication. Malgré la pertinence réelle de ce partenariat et un bilan positif en termes de fréquentation, l’Etudiant ne renouvellera pas son implantation dans les Hautes Alpes en 2021 faute d’équilibre financier. Pour l’association Avenir jeunes 05, la reconduction et la pérennité du forum restent incertains du fait de moyens humains limités et de soutiens insuffisants du côté des partenaires institutionnels. L’Udaf maintient son implication dans l’association et son objectif est de poursuivre avec les partenaires du Département sa réflexion sur l’autonomie et de présenter d’autres actions annuelles, notamment autour de la gestion budgétaire, pour accompagner les familles dans ce moment de vie de leurs enfants qui les conduira à devenir des adultes confiants et autonomes. l

2018, 2019

2020 AVEC LE SOUTIEN DE

FORUM de l’orientation, de l’autonomie et de la mobilité SALON de l’Etudiant 7 ET 8 FÉVRIER GAP – LE QUATTRO Invitation gratuite sur letudiant.fr et sur avenirjeunes0

5.weebly.com

© GETTY IMAGES

Le département des Hautes-Alpes est un territoire rural de montagne avec peu de possibilités de poursuite d’étude, de formation, et d’emplois qualifiés pour les jeunes. Dans ce contexte, le choix d’une orientation va souvent de pair avec le départ du département et de la maison familiale de façon assez précoce, à 18 ans voire plus jeune.

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En savoir : Rachel Bertrand Chargée de mission rbertrand@udaf05.unaf.fr

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Aux côtés des familles

RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

Mineurs non accompagnés : un nouveau public pour l’Udaf de la Charente www.udaf16.org

La montée en puissance des effectifs de Mineurs non accompagnés (MNA) à accueillir et les besoins singuliers de ces adolescents, ont conduit le Département de la Charente à mettre en place une nouvelle formule d’accueil qui fait appel à l’engagement citoyen de familles bénévoles pour un hébergement solidaire et durable avec une contrepartie pour couvrir les frais courants des jeunes.

P

our mettre en œuvre et accompagner cette prise en charge complémentaire des systèmes actuels de Protection de l’Enfance, le Département a mobilisé les compétences de l’Udaf de la Charente. Le partenariat a été matérialisé par une convention, le 3 juin 2019. Les jeunes bénéficient du dispositif jusqu’à l’obtention d’un titre de séjour après leur majorité de 18 ans, au terme d’un Contrat Jeune Majeur de quelques mois. Le service accompagne aujourd’hui 27 familles : 17 familles à temps complet et 9 familles temporaires disponibles en cas de besoin.

Qui sont ces jeunes ?

Les Mineurs Non Accompagnés du service sont en grande majorité des garçons âgés de 16 à 18 ans qui viennent le plus souvent de pays pauvres ou à la politique intérieure tendue. Certains ont dû fuir un pays en guerre ou une situation de persécution. Au regard du droit international, tout mineur est protégé par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant de 1990, dont la France est signataire. En raison de sa minorité et de son isolement sur le territoire, il peut donc bénéficier d’une protection de la part des autorités publiques. De ce fait, il est pris en charge au titre de l’enfance en danger !1

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En savoir : Christine GRANET Chef du service action familiale christine.granet@udaf16.org

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Ces jeunes arrivant en France sans représentant légal ni soutien familial révèlent fréquemment une souffrance psychique ou des fêlures liées aux vicissitudes de leur migration. Cette dernière a défait les liens de solidarité laissant parfois place à la précarité. Sans support ni protection familiale, ils ont souvent subi un parcours erratique fait d’instabilité et d’incertitude. Les conséquences de l’histoire migratoire pour des adolescents en construction identitaire et en

quête d’avenir et l’expérience de la migration, qu’elle soit contrainte ou choisie, bouscule inévitablement leurs places, leurs statuts et leurs rôles.

D’un accompagnement à la vie quotidienne...

Le développement de l’accueil au sein d’une famille bénévole vise à proposer au jeune un environnement relationnel serein et sécurisant. L’objectif : lui permettre d’accéder à un mode de fonctionnement familial non institutionnel. Les familles assurent la gestion du quotidien : hébergement, restauration, vêture… Elles apportent aussi un soutien individuel, une aide pratique autour de la question des règles et du rythme de vie, de l’apprentissage de nouveaux codes sociaux, facilités par la relation qui va se tisser. Il s’agit d’étayer l’appartenance identitaire pour développer une identité transculturelle harmonieuse. Pour apporter un peu de souplesse, des relais ponctuels lors d’indisponibilités ou vacances, des familles temporaires sont aussi mobilisées.

…à un accompagnement social global

L’action du service MNA est centrée sur les besoins des jeunes, en lien avec un projet d’autonomie singulier pour chacun d’entre eux, coconstruit avec le service du Département. L’accompagnement est décliné selon certaines thématiques principales en individuel ou collectif : • L’accès à la santé physique et mentale. • Le suivi dans la scolarité et dans la formation, l’apprentissage de la langue. • L’accès à une insertion professionnelle. • L’accompagnement dans les démarches administratives liées au séjour.

1/ Telle que définie aux articles 375 du Code civil et L.221 du Code de l’Action Sociale et des Familles.

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• L’accès aux loisirs. • L’accès à la citoyenneté. • L’éducation budgétaire et à la vie pratique. Ces jeunes sont engagés dans un mouvement et une trajectoire migratoire modifiant leur rapport au temps et à l’espace et leurs attentes en termes d’accompagnement éducatif. Cela requiert des professionnels d’adapter leurs postures, d’acquérir de nouvelles compétences notamment dans le suivi des démarches administratives, la compréhension des différences et décalages culturels, la gestion d’un trauma potentiel lié au parcours migratoire, au travers de formations notamment.

Et pendant le confinement ?

Dans cette période inédite, la continuité du service s’est opéré à distance : organisation du suivi des cours en ligne, poursuite des procédures administratives encore possibles... Des tensions sont apparues au sein de certaines familles dans ce huis clos avec les jeunes, qui pour certains ont manifesté des signes de malêtre (tristesse, anxiété, repli sur soi...) ou des éléments d’ordre somatiques. Si les entretiens téléphoniques quasi quotidiens avec les jeunes et les familles ont souvent permis un apaisement, deux familles ont cependant souhaité mettre un terme à leur contrat d’accueil à l’issue du confinement.

Pour une insertion sociale et professionnelle

Dans le processus d’autonomie, indispensable pour préparer l’avenir de ces jeunes, l’orientation vers la formation et l’emploi est un élément clé pour garantir à la fois leur indépendance à leur majorité et leur intégration en France. Du fait de leur âge à leur arrivée, le temps dont ils disposent avant leur majorité est très court. Les jeunes sont orientés en fonction de leur âge et de leur niveau scolaire. Les plus jeunes intègrent le collège, dans une classe spécialisée ou non. Les plus vieux, ayant un niveau d’étude plus avancé, peuvent intégrer un lycée, souvent en voie professionnelle en priorisant quand c’est possible la voie de l’apprentissage. L’insertion professionnelle par l’apprentissage dispensé sur une courte durée (2 ans) peut permettre aux jeunes d’acquérir des compétences professionnelles, mais aussi des codes socioculturels de l’entreprise, une certaine confiance en soi, de la maturité, une plus grande autonomie autant morale que financière… Et éventuellement un emploi à la fin de la formation. L’accompagnatrice sociale de l’Udaf assure un suivi grâce à des rendez-vous réguliers avec l’apprenti afin de faire le point sur l’avancement de son projet, son intégration en milieu professionnel, d’identifier et de remédier à ses difficultés. Elle est en relation avec l’employeur

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Aux côtés des familles

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et l’équipe pédagogique du centre de formation. Il peut y avoir des incompréhensions : horaires, paiement du salaire, disponibilité du jeune, absences, … C’est dans de telles situations que la présence du service en tant que médiateur est indispensable pour permettre d’entretenir et de pérenniser le partenariat entre tous les acteurs intervenant dans le processus d’intégration. En majorité, les jeunes mènent à terme leur contrat et obtiennent leur diplôme, malgré quelques difficulté : barrière de la langue, mobilité, adaptations. Le service s’appuie aussi sur une association locale, Solid’Hearts qui dispense des ateliers hebdomadaires de français et d’accès à la culture. Globalement et à l’unanimité, ces jeunes font preuve d’une grande motivation et manifestent du respect pour l’adulte. Ils ont une forte envie de travailler, n’expriment que peu d’opposition et s’intègrent rapidement aux équipes de leur entreprise.

Une complexité des démarches

Ces adolescents sont également confrontés à une situation administrative complexe. En effet, l’incertitude liée à leur régularisation de séjour crée une situation anxiogène jusqu’à leur majorité. Ils n’ont pas la certitude de pouvoir s’installer et paradoxalement, ils se doivent de mettre en place l’ensemble des démarches permettant leur intégration. Le service est en permanence confrontée à ce paradoxe qui génère parfois chez les jeunes des tensions et de la déception, engendrant des périodes de flottement, d’incertitude et de mal-être. L’obtention d’un titre de séjour à leur majorité nécessite la constitution d’un dossier avec des documents officiels. L’Udaf les accompagne dans leurs démarches auprès des pouvoirs publics et consulaires dans les différentes ambassades.

A la reconquête de la confiance

Avec chaque jeune, il va falloir construire un cadre propice à la rencontre et à l’établissement d’une relation de confiance, socle indispensable à la mise en place d’un accompagnement éducatif Une relation de confiance avec le service mais aussi l’autre plus globalement, qui doit se rétablir ou s’établir, et qui va prendre du temps. Un temps qu’il leur faut toutefois gérer avec parcimonie, car ces jeunes doivent s’inscrire très vite dans un parcours d’insertion permettant la possibilité de s’installer en France. C’est certes une contrainte, mais elle est aussi source de construction de l’adulte en devenir. Elle les oblige à composer et à se mobiliser. Ils gagnent ainsi souvent en maturité. Beaucoup regardent l’avenir avec espoir et une énergie tournée vers leur acculturation et leur intégration dans la société française. Ils espèrent que demain sera meilleur qu’aujourd’hui, ce qui constitue une promesse d’émancipation et d’insertion. l

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La relation à l’argent et les apprentis en Haute-Loire Suite au repérage de difficultés budgétaires spécifiques parmi les apprentis, l’Udaf de Haute-Loire a organisé avec leur centre de formation des permanences d’information autour du service Point conseils budget. 151 jeunes ont ainsi pu être sensibilisés à la gestion de leur budget, et certains sont aujourd’hui accompagnés à l’Udaf.

L

’Udaf de Haute-Loire a obtenu la labellisation Point conseils budget (PCB) en juillet 2019. Ce nouveau service s’adresse à tous les habitants des 72 communes de la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay. L’Institut de Formation Professionnelle de la HauteLoire (IFP43) se situe sur ce territoire. Il accueille chaque année environ 750 jeunes en contrat d’apprentissage et de professionnalisation. Lors des échanges avec les apprentis, la responsable animation de l’IFP 43 constatait des difficultés récurrentes de gestion budgétaire (dettes de cantine, paiement de factures en retard, rappel fournisseur électricité…). Suite à la prise de contact par l’Udaf, l’idée d’une action collective est née : mettre en place des permanences d’informations autour du service PCB, ceci afin d’apporter gratuitement des conseils adaptés et personnalisés pour tous, et de proposer un accompagnement en cas de besoin plus spécifique.

Application , Pilote Budget®

Le travailleur social, en charge du service PCB est intervenu à l’IFP 43 durant trois semaines consécutives afin d’échanger avec les apprentis. Les permanences se sont déroulées de 12h à 14h, durant la pause déjeuner dans le foyer. Ce lieu de convivialité est utilisé par les professeurs et apprentis. Ils prennent leurs pauses autour d’un café pour certains, d’une partie de babyfoot pour d’autres, ou discutent installés dans des canapés ou sur des mange-debout. Ce cadre a permis d’établir des discussions autour de la relation à l’argent dans un cadre informel et détendu. www.lesc lesd

elab anq ue.c

Lors des échanges, les jeunes pouvaient répondre à un questionnaire anonyme. Cet outil a permis d’établir une photographie de la relation à l’argent de 151 apprentis interrogés qui se base donc sur le ressenti... A ce jour, quatre jeunes apprentis sont accompagnés par le service Point Conseil Budget en Haute-Loire. L’accompagnement budgétaire nous semble indispensable afin d’équiper les jeunes apprentis avec des notions budgétaires qui les permettront de mieux vivre à court et à plus long terme. l

JEUNES

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Lors des permanences, l’objectif était d’aller à la rencontre des apprentis en utilisant plusieurs supports adaptés afin de les interpeller sur la gestion du budget : l’application Pilote Budget®, les guides papiers du site www.lesclesdelabanque.fr pour adopter le réflexe de la gestion quotidienne (remerciements à la Fédération Bancaire Française), une exposition avec des comparatifs de coûts : le coût d’un repas chez le traiteur et celui d’un repas au self par exemple ; le coût d’un burger fait maison et celui acheté chez McDonald’s.

ers Les Guides papi

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N°2

En savoir : Lucy KENDRICK lkendrick@udaf43.org

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/ INITIATIVES DES UDAF /

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Assurer un toit aux jeunes sortants de l’Aide sociale à l’enfance L’Udaf de Loire-Atlantique est engagée en faveur de la stratégie de prévention et de la lutte contre la pauvreté et à ce titre, participe à plusieurs groupes de travail au niveau régional. Dans ce cadre, l’Udaf a également déposé un projet pour soutenir l’autonomie des jeunes sortants de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et a obtenu un financement pour réaliser la démarche d’ingénierie de projet.

L

ors d’une rencontre organisée à Nantes le 14 février dernier, sur l’implication des associations dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, Anne Postic, Haut-Commissaire pour la région Pays de la Loire, a sollicité l’Udaf de Loire-Atlantique pour présenter son projet. Afin de prévenir les situations de rupture pour les jeunes sortant de l’ASE, l’Udaf propose d’apporter une réponse complémentaire à ce qui existe déjà, en lien avec les besoins exprimés par les jeunes majeurs. Aujourd’hui, la plupart des jeunes connaissent des phases d’insertion plus ou moins longues avant d’accéder à l’autonomie. Pour les jeunes sortants de l’ASE, l’atteinte de la majorité est un facteur qui peut se révéler déstabilisant. Les jeunes majeurs sont confrontés à l’isolement après un accompagnement très encadrant et éprouvent des difficultés à se débrouiller seuls. Ce constat s’appuie sur différents rapports et études (Conseil Economique, social et environnemental - CESE, Union régionale interfédérale des œuvres privées sanitaires et sociales - URIOPSS) et sur l’expression des jeunes eux-mêmes. Une des difficultés à laquelle se heurtent les jeunes concerne le logement et l’accès aux droits. Les jeunes majeurs ont souvent peu de solution de logements autonomes en sortant de la protection de l’enfance ; ils sont hébergés par un tiers, en Centre d’hébergement et de réinsertion sociale, en hôtel social et parfois, à la rue. Aussi, l’instabilité du parcours résidentiel ne permet pas de construire un projet de vie stable et durable.

Le projet s’appuie sur l’expérience de l’Udaf en habitat inclusif

Le projet présenté s’adresse aux jeunes sortants ASE qui souhaitent accéder à un logement avec un soutien visant à l’insertion sociale et professionnelle. Il s’appuie sur l’expérience de l’Udaf en matière d’habitat inclusif avec le Programme Famille Gouvernante qui propose un logement en colocation avec un accompagnement spécifique, à des personnes en situation de vulnérabilité psychique. Le principe de la colocation est une manière d’habiter qui permet de ne plus vivre seul, de se soutenir, de partager des moments de vie et un loyer. Dans ce cadre, un soutien vers l’autonomie sera proposé sur plusieurs aspects : la gestion du quotidien, le budget, l’accès aux droits, la formation et l’insertion professionnelle, la santé, la mobilité, le sport, la culture ... Le soutien proposé visera à renforcer la prise d’initiatives, le jeune restant acteur de son projet. L’Udaf travaille actuellement en concertation avec les services du Conseil Départemental, les bailleurs sociaux (mise à disposition de logement constitue une étape décisive du projet) et d’autres acteurs seront sollicités (CAF, MSA, Crous, Mission Locale, MDA,…) pour construire une réponse globale. Cette proposition d’insertion par le logement permet d’appréhender la situation du jeune dans sa globalité pour le soutenir dans son insertion sociale et professionnelle. Avec cette priorité, mettre le jeune en sécurité, « sous un toit ». La volonté de l’Udaf de Loire-Atlantique est de créer les conditions pour que le jeune soit acteur de son parcours. C’est un investissement social pour prévenir les ruptures à la sortie de l’ASE et pour donner une chance aux jeunes d’intégrer la société et de s’y épanouir. l

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www.udaf44.asso.fr

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En savoir : Nicolas BODAIRE n.bodaire@udaf44.asso.fr

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

L’Udaf de la Nièvre : un acteur de l’insertion des jeunes www.udaf58.fr

La création du service d’Information et de Soutien au Budget Familial (ISBF) a rapidement mis en évidence les besoins de jeunes entrant dans la vie active en matière de gestion budgétaire. Nous nous sommes alors orientés vers les apprentis car c’est dès la perception des premières ressources qu’il est nécessaire d’apprendre à bien gérer son budget. En parallèle, l’Udaf œuvre également en vue de l’insertion professionnelle de ces jeunes en jouant pleinement son rôle d’employeur sur le territoire. Accompagnement budgétaire

Dès l’inauguration de notre service en 2015, nous nous sommes rapprochés du Centre de Formation des Apprentis Polyvalent de notre département car il nous semblait pertinent que les actions en éducation budgétaire que nous menions s’inscrivent en compléments des formations classiques enseignées. En effet, les apprentis, malgré leurs faibles ressources, doivent assumer des charges importantes liées au logement, au transport, à la santé, voire même celles de parents*. Leurs budgets sont très contraints et le moindre accident de la vie peut les faire basculer dans de grosses difficultés financières et les forcer à interrompre leur formation. C’est alors tout leur avenir professionnel qui est mis en péril.

*Lire aussi « Apprentissage : une expérience de l’entreprise, entre promesses et réalisme » page 20

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En parallèle à cette permanence, nous avons également mené des actions d’information collective budgétaire en partenariat avec la Banque de France. Des salariés de cette institution ont présenté des faux billets aux jeunes qui ont parfois accès à la caisse dans leurs entreprises pour rendre la monnaie (CAP vente, coiffure, fleuriste…). Cet atelier « ludique » a eu beaucoup de succès et a permis d’introduire les informations et astuces budgétaires que nous souhaitions leur transmettre.

Le fonds de secours des apprentis

Malgré nos interventions en termes d’ouvertures de droit et d’accompagnement, ces jeunes peuvent néanmoins se retrouver en grande difficulté par manque d’aide pécuniaire et ce parfois pour quelques centaines d’euros.

Avec le responsable éducatif du CFA Polyvalent, nous avons décidé de mettre en place une permanence d’une demi-journée hebdomadaire, exercée par une Conseillère en Économie Sociale et Familiale de l’Udaf. Les problématiques rencontrées par ces jeunes sont souvent les mêmes : ils souhaitent être informés sur les aides auxquelles ils peuvent prétendre pour les aider à régler leurs principales charges. Il n’est pas évident pour eux de connaître tous les dispositifs existants. Si la plupart connaissent l’Allocation Logement, beaucoup ignorent qu’ils peuvent prétendre à l’aide MOBILI-JEUNE octroyée par Action Logement (une aide pouvant aller jusqu’à 100 € pour les jeunes en formation qui perçoivent moins d’un SMIC par mois).

En complément de notre intervention, nous avons donc eu l’idée de créer un fonds de secours en partenariat avec le CFA, afin d’accorder une aide à ces jeunes en difficulté financière. Cette attribution d’aide est bien sûr soumise à de strictes conditions d’éligibilité et procédures d’attribution. Nous avons sollicité des partenaires financiers (banques, associations familiales…) afin d’abonder ce fonds.

Ils veulent également savoir s’il existe des aides liées au transport, pour leur permettre notamment de financer leur permis de conduire. D’autres souhaitent être conseillés beaucoup plus globalement dans la gestion de leur budget, ou bénéficier d’un prêt microcrédit pour financer des projets utiles (notamment l’acquisition d’un véhicule ou de mobiliers).

L’éducation budgétaire à destination des jeunes

L’objectif d’aider ou subventionner en vue d’améliorer l’insertion professionnelle des jeunes du territoire a reçu un écho très favorable de la part de nos potentiels partenaires et s’ancre parfaitement dans l’esprit des missions des Points Conseil Budget.

Suite à la création de notre service ISBF, nous avons également décidé de mettre l’accent sur l’éducation budgétaire, souvent absente des programmes scolaires. Il nous a paru pertinent de réaliser des interventions collectives et interactives auprès de jeunes en seconde année de BTS,

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d’établissements scolaires nous ayant sollicités ou via la Mission Locale dans le cadre du dispositif « garantie jeune »*. Aussi, en 2015, nous avions participé à un groupe de travail en partenariat avec l’Unaf sur l’éducation budgétaire à destination des jeunes. Cela avait abouti à la réalisation d’affiches dont le graphisme a été réalisé par le lycée nivernais « Alain Colas ». Ce besoin en éducation budgétaire a été notamment confirmé par les jeunes eux-mêmes lors du Grand Débat organisé par notre structure en février 2019 où nous leur avions donné la parole sur des thématiques telles que l’éducation, la formation ou le logement.

L’Udaf de la Nièvre : un employeur tourné vers l’insertion des jeunes

En tant qu’employeur, nous nous sommes engagés dans l’insertion professionnelle des jeunes du département. Cette démarche volontariste s’est traduite par la mise en œuvre de différents dispositifs à l’égard de jeunes Nivernais éloignés de l’emploi ou en questionnement sur leur orientation. Notre objectif était de proposer une mission, un accompagnement, un premier emploi, une formation à des jeunes de notre département. Pour ce faire, nous accueillons depuis plus de 6 ans des jeunes en service civique, sans condition de diplôme, afin d’assurer des missions de solidarité et de soutien aux familles en difficulté. Une occasion pour eux de découvrir un environnement professionnel, un secteur d’activité et des métiers au plus proche de l’humain. Au total, une vingtaine de services civiques ont été accueillis et quatre se sont vus proposer, à l’issue de leur mission, un contrat de travail au sein de notre association. Notre Udaf s’est également saisie de dispositifs nationaux afin de donner une chance aux jeunes non qualifiés d’intégrer notre structure et de se

ernais Affiches réalisés par le lycée niv « Alain Colas ».

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En parallèle, et afin de favoriser leur insertion, un réel travail de partenariat a été engagé avec la Mission Locale afin de les conseiller et les accompagner au mieux dans leur démarche : valorisation des compétences, élaboration du CV, simulation d’entretien de recrutement… Au-delà de ces dispositifs, le Conseil d’Administration et la Direction Générale ont à cœur de favoriser la mobilité interne et l’évolution professionnelle des salariés au sein même de la structure. À ce jour, ce ne sont pas moins de 30 % des salariés qui ont bénéficié au cours de leur parcours à l’Udaf, d’un recrutement interne et d’une évolution de leur mission, soit plus de 20 salariés. Un engagement de tous les jours qui s’inscrit dans les grandes orientations stratégiques et la politique RH de notre Udaf : humaine et à l’écoute des besoins de chacun. Dans la droite ligne des axes fixés, nous nous sommes tout récemment engagés dans la contractualisation de plusieurs contrats d’apprentissage afin d’aller plus loin dans notre volonté d’insertion et de professionnalisation des jeunes du département. Un positionnement qui nous permet à la fois de donner une chance aux jeunes peu ou pas qualifiés mais aussi de conserver les compétences sur notre territoire rural. Toutes ces actions traduisent et portent les valeurs de notre association : solidarité, respect, compétences, engagement, transparence et universalité. Des principes fondamentaux qui se traduisent par des actions concrètes dans le quotidien de notre union d’associations, soucieuse d’exercer sa responsabilité sociétale sur le territoire. l

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En savoir : Kévin SAINRAT ksainrat@udaf58.org

4/8 Colas de Nevers, partenaire de l’UDAF 58 - Edition 2016/2017 – affiche

3/8 Edition 2016/2017 – affiche

Colas de Nevers, partenaire de l’UDAF 58 - Edition 2016/2017 – affiche

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Opération d’éducation budgétaire de l’UNAF, commandée au Lycée Alain

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C’ÉTAIT LA FIN

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MON CONSEILLER BANCAIRE

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de l’UNAF, commandée au

À LA MAISON

DANS LE MONDE

Opération d’éducation budgétaire

N°3

2/8

QUAND J’ÉTAIS PETIT LE PLUS DUR,

Opération d’éducation budgétaire

Humaniste, XVI siècle

*Lire aussi « La garantie jeune : quels jeunes et quel bilan après 5 ans ? » page 52

N°2

de l’UNAF, commandée au

NE HENRI ESTIEN e

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N°4

N°1

SI JEUNESSE SAVAIT, SI VIEILLESSE POUVAIT,

former. À cette occasion, sept contrats avenir et un contrat de génération ont été conclus dans les domaines de l’informatique, des ressources humaines, de la comptabilité, du secrétariat… et cinq ont débouché sur un CDI suite à l’obtention de la qualification visée.

Aux côtés des familles

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Des ateliers sur le budget pour préparer l’entrée dans la vie active L’Udaf de Saône-et-Loire travaille depuis 2017 en partenariat avec la Mission locale de Louhans, pour proposer des « Ateliers budget » aux jeunes suivis dans le cadre de la Garantie Jeunes. www.udaf71.fr

*Lire aussi « Garantie jeunes : quels jeunes et quel bilan 5 ans après » page 52

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En savoir : Margaux Robolin Référente sociale service Point conseil budget, Udaf 71, margaux.robolin@udaf71.fr.

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L’Udaf de Saône-et-Loire s’est engagée en 2016 dans la mise en place d’un Point conseil budget (démarches de labellisation en 2020). Le service accompagne des personnes en difficulté budgétaire, notamment pour de l’Aide éducative budgétaire, du soutien dans la constitution de dossiers de surendettement ou encore des démarches liées au microcrédit. Dans ce cadre, un partenariat s’est noué en 2017 entre la Mission locale de Louhans et le service Point conseil budget (PCB) de l’Udaf 71. Ce partenariat est destiné à proposer des « Ateliers budget » à destination des jeunes suivis dans le cadre de la Garantie jeunes. L’intervenante sociale du PCB effectue en moyenne 7 ateliers par an dans les locaux de la Mission locale. La Garantie jeunes* est un droit ouvert destiné à aider les jeunes âgés de 16 à 25 ans en situation de précarité dans leur accès à l’autonomie et à l’insertion professionnelle. L’accompagnement Garantie jeunes permet au jeune de devenir autonome dans les actes de la vie quotidienne, de se familiariser avec la vie en entreprise et de maitriser les compétences sociales et professionnelles fondamentales. Des travaux collectifs permettent de s’approprier les règles et les codes qui régissent le monde du travail et ses à-côtés. Les ateliers budgets, obligatoires dans le parcours, s’inscrivent dans ce cadre. Ils visent principalement un objectif de prévention. Justine Roux, conseillère garantie Jeunes à Louhans, explique à ce sujet que « l’atelier budget permet aux jeunes d’avoir une première approche de comment on gère un budget ; l’idée est de leur faire comprendre qu’un budget ça se gère, qu’on ne se contente pas juste de percevoir de l’argent que l’on dépense comme on veut immédiatement ». La première mission est de présenter et faire découvrir le budget de manière théorique, préventive et éducative. A travers les échanges au sein du groupe, nous cherchons à sensibiliser les jeunes à leurs responsabilités budgétaires,

financières et administratives. En nous adaptant au profil des participants, nous leur apportons des informations et conseils nécessaires à leur nouvelle vie d’adulte. L’atelier s’appuie sur le jeu Budgetissimo, développé par l’association Familles Rurales. En jouant, chacun des participants se met à la place d’une personne ou d’une famille fictives. Le joueur détient une fiche ‘situation’ reprenant les ressources et les dépenses du ménage. Il gère son budget tout en étant confronté aux aléas du quotidien. Il doit alors prioriser les dépenses et prendre les bonnes décisions pour que son budget ne soit pas déficitaire à la fin de la partie. Afin d’adapter le jeu au public, la conseillère en économie sociale et familiale du Point conseil budget a créé des fiches intégrant l’allocation forfaitaire perçue en Garantie jeunes (497,01 €). Ce support favorise le dialogue et l’échange de savoirs entre les participants à travers la mise en scène de situations. Les avis et priorités varient en fonction des joueurs, ce qui entraine souvent un grand nombre d’interrogations. Aux yeux de Justine Roux, « l’intervention permet de leur donner les bases, nous pouvons aller plus loin avec eux par la suite. En général les jeunes ont un bon retour sur les séances, ils sont intéressés et contents d’avoir participé. L’atelier est très adapté. » Des éléments qui ne peuvent qu’encourager à poursuivre le partenariat. l

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CONSEIL NATIONAL DES ASSOCIATIONS FAMILIALES LAÏQUES

La jeunesse écrit ton nom : solidarité ! Le confinement nous est tombé dessus un beau jour de mars. Les anciens qui formaient l’ossature et la chair des associations de solidarité sont restés chez eux, par la force des choses et la pandémie. Comme la politique a horreur du vide, une nouvelle génération a saisi le flambeau de la solidarité.

C

ela ne s’est pas fait spontanément, mais à la suite d’une rencontre et d’une convergence de vues entre nos associations et ces jeunes aspirant à être utiles ! A Vaux le Pénil, le Droit au logement (DAL), créé par les Familles laïques, a décidé de prendre la relève et de mettre en place une distribution alimentaire aux plus démunis. Sonia A., jeune maman, va pendant deux mois, assurer la distribution alimentaire. L’association familiale laïque apporte son soutien et ses contacts avec la Croix Rouge, les Restos du cœur et le Secours populaire qui voient leurs militants s’impliquer. Masqués, gantés, les jeunes vont confectionner les colis et arpenter les rues, pour la joie des familles en difficulté. Une véritable dynamique sociale s’enclenche dans cette petite ville de 11 000 habitants... Sonia va vouloir aller plus loin, assurer trois distributions par semaine, organiser une collecte et jeter les bases d’une action pérenne. La collecte devant la grande surface connaît un grand succès... Que va-t-on faire de tous ces produits ? La réponse est quasi immédiate : « installons le local du DAL en épicerie ». Les jeunes hommes vont peindre le mur du fond, récupérer et installer les étagères et les militantes du Secours Populaire vont tout mettre sur les rayonnages. Voici maintenant la préfiguration d’une épicerie sociale....

Notre expérience est connue, nos associations, le DAL et les Familles laïques connaissent un rayonnement réel... ce qui conduit des familles, hors l’agglomération de Melun à faire appel à nous. Monsieur Assaoui, algérien, père de 4 enfants, hébergé dans sa famille à Melun, s’est retrouvé à la rue, l’association « Familles laïques » a contacté le 115 qui a pris en charge toute la famille.... Destination : Chelles ! C’est loin mais au moins les six personnes sont en sécurité. Le samedi 6 mai, va survenir un événement qui va marquer cette famille, le Parisien comme d’autres médias va raconter l’histoire survenue dans un bois de Chelles : « Alors qu’il se baladait avec deux de ses quatre enfants, le quadragénaire, qui est hébergé par le 115 dans un hôtel de la ville, avait mis en fuite l’agresseur présumé d’une jeune femme. Il avait ensuite prévenu la police et aidé la victime jusqu’à l’arrivée des secours. » Informés, nous avons prévenu la presse et interpellé le Préfet pour proposer que ce héros soit régularisé.... Nous nous attendions à quelques démarches. Tout a été vite, Monsieur Assaoui a reçu le fameux sésame et est devenu la coqueluche méritante de tous les médias.... Avec les jeunes bénévoles, nous l’avons reçu, lui et sa famille, à la sortie de la Préfecture pour fêter son 49ème anniversaire, survenu le jour où le Préfet de Seine et Marne lui faisait remettre une autorisation familiale de séjour. Nous avons aujourd’hui de nouvelles ambitions, continuer à nous implanter sur l’agglomération de Melun Val de Seine et nous appuyer sur le volontarisme et l’élan de ces jeunes... Nous devons absolument interroger notre mode de fonctionnement, dynamiser nos assemblées générales, trouver des champs d’engagement qui s’inscrivent dans nos valeurs et qui s’appuient sur les besoins et les envies de ces jeunes. l

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cnafal@cnafal.net www.cnafal.org

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En savoir : Jean-François Chalot

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

FAMILLES DE FRANCE

Compétence jeune à l’association des familles du verdunois L’association des familles du verdunois est partenaire de la mission locale de Verdun. Ensemble, elles étudient les possibilités offertes aux jeunes de 16 à 29 ans d’obtenir une expérience pour entrer dans la vie active et de bâtir un projet professionnel. Deux actions partenariales sont menées : www.familles-de-france.org

• Accessibilité au permis de conduire contre 70 h de bénévolat. • Accompagnement pour un engagement en service civique. Chaque année, l’association accueille six jeunes : deux jeunes passent leur permis, quatre autres dont deux en mission de volontariat de service civique et deux en formation professionnelle. Tous ont ainsi l’opportunité d’utiliser leurs com-

pétences et leur savoir-être pour accomplir avec les bénévoles les projets de l’association. Pour Stéphanie Pion, présidente de l’association et formatrice en formation professionnelle, « c’est une opération gagnant-gagnant car ces jeunes nous apportent leur dynamisme et leurs compétences autant que nous pouvons leur donner le cadre nécessaire à l’accompagnement, à l’enrichissement et à la réalisation de leur projet professionnel ».

Témoignage de L., volontaire en service civique. Quel est votre âge et votre parcours ?

J’ai 25 ans et j’ai obtenu un BTS spécialité 3S (services et prestations du secteur sanitaire et social).

Comment avez-vous trouvé cette mission ?

EN SAVOIR

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Association des Familles du Verdunois Familles de France VERDUN 6, place de la Libération 55100 VERDUN Té. : 03.29.86.56.88 e-mail : afv.ff-conso@wanadoo.fr Services de l’association : Permanences de défense des consommateurs et de défense des locataires, d’information juridique, de médiation, d’écrivain public et atelier de généalogie. Projets de l’association 2019-2020 : Espace de Vie Sociale, expo-conférence autour des super aliments

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Je cherchais un premier emploi en tant que jeune diplômée. C’est le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux qui m’ont permis de trouver cette mission.

En quoi a consisté votre rôle au sein de l’association ?

Au sein de l’association, j’étais chargée de mettre en place de nouveaux projets. J’ai également eu comme missions la prise de rendez-vous avec les bénévoles et la tenue de l’accueil.

Qu’est-ce que vous y avez appris ?

Beaucoup d’information en lien avec le Code de la consommation ainsi que des astuces pour éviter des arnaques et grâce aux missions qui m’étaient confiées la mise en place d’un projet dans le milieu associatif.

Comment s’est passé le contact avec les bénévoles ? Les bénévoles étaient présents le mardi, mercredi, et vendredi matin pour assurer les rendezvous avec les adhérents, résoudre des problèmes

en tout genre. Les bénévoles étaient très ouverts et disponibles, le contact était donc très facile ; j’ai eu l’occasion de leur poser des questions et de leur faire part de mon avis sur beaucoup de sujets en lien avec l’association.

Qu’avez-vous particulièrement apprécié humainement ?

Les usagers qui venaient à l’association étaient souvent dans des situations financière ou familiale difficiles (souvent en lien avec des dettes ou des divorces). Puisque j’étais chargée de la prise de rendez-vous j’ai beaucoup apprécié de discuter avec eux lors du premier contact afin de comprendre leur problème et de pouvoir leur donner un rendez-vous avec un bénévole ayant des connaissances liées à leurs problèmes.

Comment vivez-vous cette expérience ?

Très positive pour moi, elle me permet de mettre en application la théorie vue au cours de mon diplôme.

Que pensez-vous faire ensuite ?

Cette découverte du milieu associatif m’a donné envie de trouver un emploi dans ce domaine. l

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ENFANCE & FAMILLES D’ADOPTION

18 ans, l’âge de la maturité pour les jeunes adoptés ? La majorité ne coïncide pas toujours avec le seuil d’entrée dans la vie adulte, elle entraîne pourtant un réel changement de statut. Quelles peuvent être les conséquences pour des jeunes adoptés qui présentent une certaine immaturité ?

A

lors qu’ils arrivent dans leur famille à 2, 3, 4 ans, voire 8 ou 10 ans, les enfants adoptés deviennent majeurs comme les autres à 18 ans. Ce temps paraît bien court ! D’une part, parce que les parents ont manqué plusieurs années de découverte mutuelle et d’apprentissage de leur rôle parental. D’autre part, ces premières années d’amour, de soins, de sollicitude parentale ont surtout manqué à ces enfants qui les ont vécues le plus souvent dans l’impersonnalité d’une collectivité, l’incertitude du lendemain, l’ignorance de leur devenir et l’angoisse de l’abandon. Pendant plusieurs mois ou plusieurs années, ils ont vécu dans des conditions qui, sans être forcément dramatiques, n’étaient pas idéales. Tous accusent donc un certain retard : retard psychomoteur, de développement, de croissance, retard de langage, difficulté relationnelle, auxquels s’ajoutent parfois des séquelles de carences nutritionnelles. Mais ils gardent de cette période de « jachère » la capacité de revenir en arrière pour franchir à nouveau les étapes les moins abouties de leur développement. Cette phase de régression leur permet de revisiter ce parcours, accompagnés, cette fois, des encouragements, du soutien et de la sollicitude de leurs nouveaux parents. Ils comblent ainsi, en partie, les manques dont a été émaillée leur petite enfance. Ils ont conservé, pour la plupart, leur capacité d’évolution, qu’ils développeront avec retard mais jusqu’au bout. Cette explication, les parents par adoption la connaissent bien pour l’avoir maintes fois répé-

tée durant l’enfance et l’adolescence : ils sont souvent pris pour des « doux dingues » ou des parents hyper protecteurs mais, à la longue, finissent par faire admettre ce besoin de temps – ce temps de grandir qui a fait l’objet d’un dossier dans la revue Accueil d’Enfance & Familles d’Adoption1. Cette relative immaturité permet aux jeunes adoptés de progresser autant que nécessaire, et même au-delà du timing habituel mais, arrivés à 18 ans, le couperet de la majorité leur tombe dessus. Tous les professionnels s’accordent à dire que la maturité adulte est loin d’être installée à cet âge pour de nombreux jeunes, adoptés ou non. Mais arrivés à cette étape, un bon nombre d’enfants adoptés sont encore plus démunis. Ils ont parfois accumulé une ou plusieurs années de retard dans leur scolarité, sont encore dans un monde idéal de consommation où tout est à leur disposition. Pourtant, comme leurs copains, ils sont en rébellion contre leurs parents et en recherche de leur identité. Ils deviennent d’autant plus vulnérables qu’ils ne sont plus protégés en tant « qu’incapables » aux yeux de la loi. Ils peuvent devenir des proies faciles et les parents auront beaucoup de peine à démontrer leur fragilité.

www.adoptionefa.org

1 Accueil n° 173, « Le temps de grandir », déc. 2014 – Présentation sur : www.adoption.efa.org

Bien sûr, nombreux sont les jeunes adultes qui ont du mal à prendre leur envol dès la majorité acquise et ont tendance à jouer les « Tanguy ». Mais les jeunes adoptés oscillent souvent entre une volonté de vivre qui les a poussés jusquelà à avancer et leur immaturité qui les conduit parfois à ne pas prendre la juste mesure des choses. Ce décalage si particulier est bien connu des parents adoptifs mais difficile à comprendre pour le reste du monde. l

Tous les professionnels s’accordent à dire que la maturité adulte est loin d’être installée à 18 ans. Mais arrivés à cette étape un bon nombre d’enfants adoptés sont encore plus démunis.

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RÉALITÉS FAMILIALES #JEUNESVIEACTIVE&AUTONOMIE #2020

MAISONS FAMILIALES RURALES

Se former, s’épanouir : Quel ressenti des jeunes après leur formation ?

www.mfr.asso.fr

Enquête réalisée en février 2019

Les résultats d’une enquête OpinionWay pour les Maisons familiales rurales permettent de mesurer l’impact et la spécificité de l’approche éducative des MFR sur la réussite et l’épanouissement des jeunes diplômés de Bac professionnel. Stéphane Lefebvre-Mazurel, directeur de pôle chez OpinionWay, a présenté ces résultats lors du congrès national des MFR à Toulouse, les 3 et 4 avril 2019.

P

our l’ensemble des jeunes issus de Bac pro, de MFR ou de lycée professionnel, 87 % des jeunes déclarent garder un bon souvenir de leurs années de formation, ce qui est un très bon score. Le « oui, tout à fait » atteint le taux de 39 %. Mais chez les jeunes diplômés des MFR, on obtient un total de « oui » qui monte à 97 %, et surtout un « oui, tout à fait » de 91 %. Un taux qu’il est rare d’observer dans les enquêtes d’opinion.

Les clés de leurs bons souvenirs

Pour les jeunes diplômés d’un bac professionnel en France, un pilier ressort, c’est l’ambiance, les relations, pour 47 % d’entre eux. Pour les jeunes de MFR, trois piliers ressortent : le premier est l’encadrement, les professeurs. A travers une question ouverte, les jeunes ont évoqué concrètement le fait que « les formateurs n’ont pas la même approche que les professeurs du général », « les formateurs vous tirent vers le haut ». Le deuxième point est l’ambiance, les relations : 26 %. On retrouve ce côté « belles rencontres », « familial » des MFR. Le troisième point, qui par ailleurs a fait la spécificité du modèle MFR, c’est l’alternance et les stages. Les élèves soulignent un bon compromis entre l’école et la vie active.

Les motivations des jeunes

La moitié des jeunes interrogés soulignent que le système scolaire n’était pas adapté pour eux : « avant de commencer cette formation, j’avais eu une expérience négative de mon parcours scolaire ». L’autre moitié affirme que « leur parcours scolaire se passait plutôt bien. Ils sont venus chercher en MFR l’alternance, les stages ». « Les MFR donnent aux jeunes les clés de la réussite professionnelle, mais pas que. Elles vont audelà de la formation professionnelle », souligne Stéphane Lefebvre-Mazurel.

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Les atouts des MFR

Si on analyse les réponses des jeunes diplômés des bacs professionnels, ils recommandent leur établissement pour « la formation » et « l’enrichissement personnel ». Pour les élèves diplômés de MFR, les premiers éléments qui ressortent sont : « la différence avec le circuit traditionnel », « l’encadrement » et « le suivi », « l’alternance, les stages ». Les jeunes sont confiants dans les apports de leur formation et disent : « avoir les armes pour attaquer la vie active ».

Les valeurs importantes

Quand on demande aux jeunes de MFR ce qui est le plus important dans la vie, on retrouve les valeurs qui transpirent à travers les Maisons familiales rurales : la vie de famille, le travail, les amis… C’est-à-dire tout ce qui tourne autour de la sphère sociale. Quand on regarde du côté de ceux qui ont une formation bac professionnel sans être en MFR, on vit dans un monde où l’argent est quand même important : l’argent arrive en deuxième position à 52 %. Côté MFR, il n’apparaît pas du tout. Les élèves de MFR gardent donc un très bon souvenir de leurs années de formation, ils sont épanouis dans leur vie à 98 % et Ils ont trouvé leur place dans la société à 89 %. Les trois raisons du succès sont la qualité des équipes éducatives, la vie au sein des Maisons familiales rurales et l’alternance. l

MÉTHODOLOGIE

L’enquête réalisée en février 2019 se base sur les réponses de 353 « jeunes diplômés MRF » (diplômés d’un bac pro des MFR, promotion 2014-2015) et de 383 « jeunes diplômés français » (diplômés d’un bac pro âgés de 18 à 30 ans) Les résultats complets de l’enquête peuvent être consultés sur : www.opinion-way.com/fr/component/edocman/ ?task=document.viewdoc&id=2073&Itemid=0

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Bibliographie

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Bibliographie

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Sélection réalisée par le centre de documentation de l’Unaf. Plus de ressources en ligne sur intradoc.unaf.fr Contact : unaf_doc@unaf.fr.

Sél e cti o n Bibliographique AUTONOMIE ET ACCÈS AU LOGEMENT Etudes, travail, logement : comment les enfants de parents séparés entrent dans l’âge adulte ? DIRECTION DE LA RECHERCHE, DES ETUDES, DE L’EVALUATION ET DES STATISTIQUES, Jacques BELLIDENTY Etudes et résultats, n° 1071, 2018. 6 p. Fin 2014, 1,4 million d’adultes de 18 à 24 ans ont leurs parents séparés. Dans près de neuf cas sur dix, ces jeunes ont vécu principalement chez un seul de leurs parents à la suite de la séparation (majoritairement leur mère). Résider chez un seul de ses parents distend les relations avec l’autre parent ; un jeune sur quatre déclare ainsi ne plus avoir de relation avec son père. La séparation des parents, et notamment la conflictualité qu’elle peut impliquer, a des conséquences sur le devenir des jeunes. Ils sont moins souvent en études et leur niveau de diplôme est souvent moins élevé que celui des jeunes dont les parents forment un couple. Toutefois, lorsque les relations entre les parents sont bonnes les écarts de niveau de diplôme sont moindres. Les jeunes dont les parents se sont séparés ont plus fréquemment quitté le domicile parental que les autres, en particulier si le parent avec qui ils ont vécu après la séparation a eu un enfant ou belenfant d’une nouvelle union. Ils déclarent plus souvent avoir pris un logement autonome pour devenir indépendant et moins souvent pour leurs études ou leur emploi. Toutefois, quand ils ont quitté le domicile parental, ils habitent moins loin d’au moins un de leurs parents. En ligne sur le site de la DREES : http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/ etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/

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Accès au logement autonome pour les jeunes, un chemin semé d’embûches Emmanuelle MAUNAYE Informations sociales, n° 195, 2017, pp. 39-47 L’accès à un logement autonome est l’un des passages obligés vers l’individuation et l’insertion sociales des jeunes. Cette transition est un parcours d’obstacles qui prend la forme d’une décohabitation non linéaire et réversible, expérimentant des modes d’habitat très divers. Dissociant autonomie et indépendance, les jeunes peuvent quitter le domicile de leurs parents en étant toujours soutenus par eux, tandis que certains viennent re-cohabiter avec leur famille, par un effet dit « boomerang ». En ligne sur le site Cairn : www.cairn.info/revue-informations-sociales2016-4-page-39.htm

Jeunesse(s) : les voies de l’autonomie Informations sociales, n° 195, 2017, 160 p. Ce numéro présente les différentes voies d’accès à l’autonomie des jeunes en France ainsi que les évolutions récentes dans les parcours des jeunes et les manières dont ces derniers perçoivent leur avenir et leur passage vers l’âge adulte. Il présente ensuite les logiques sur lesquelles reposent les politiques publiques en direction de la jeunesse, d’en saisir les évolutions et de s’intéresser à certains dispositifs récents qui visent à faciliter les modalités d’accès à l’autonomie. Enfin, il aborde les interventions professionnelles, bénévoles, militantes ou issues du monde de l’entreprise destinées à accompagner les jeunes dans leur accès à l’autonomie et leur évolution. En ligne sur le site Cairn : https://www.cairn.info/revue-informationssociales-2016-4.htm

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Bibliographie

Accès à l’autonomie résidentielle pour les 18-24 ans : un processus socialement différencié CASTELL, Laura ; RIVALIN, Raphaelle ; THOUILLEUX, Christelle, 2016 , 17 p. Fin 2014, en France, la situation résidentielle la plus commune pour les jeunes adultes entre 18 et 24 ans reste la cohabitation avec les parents, qui concerne 57 % d’entre eux, soit près de six jeunes sur dix. Le premier départ du logement parental s’effectue principalement pour poursuivre des études. Les étudiants bénéficient alors davantage d’un soutien financier parental. Quant aux jeunes sortis du système éducatif, deux tiers d’entre eux vivent chez leurs parents : le chômage et l’inactivité apparaissent comme un frein majeur à la décohabitation et cet effet s’est accentué avec la crise économique. Ils sont ainsi exposés à des difficultés financières, même lorsqu’ils résident au domicile parental. En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/statistiques/

Améliorer l’accès au logement des jeunes : Des initiatives locales aux propositions DIRECTION INTERMINISTERIELLE A L’HEBERGEMENT ET A L’ACCES AU LOGEMENT, 2016 , 244 p. Amélioration de la connaissance des besoins ; organiser la gouvernance locale pouvant favoriser l’élaboration d’une stratégie commune ; consolider des pratiques d’accompagnement des jeunes dans leurs parcours ; développer une offre diversifiée répondant aux besoins et aux attentes des jeunes : tels ont été les axes de recherche des membres du groupe de travail qui publie ici son étude. En ligne sur le site de la Dihal : www.gouvernement.fr/sites/default/files/ contenu/piece-jointe/2016/09/ameliorer-acces-logement-web-1209.pdf

La jeunesse populaire en territoires désindustrialisés : famille, emploi et sociabilité en contexte rural Thomas Venet, 2016 Cette thèse de doctorat en Sociologie et démographie propose d’étudier les modes de sociabilité et d’accès à l’autonomie de jeunes hommes et femmes rencontrés sur deux zones désindustrialisées situées en région Picardie. En ligne sur le site : www.theses.fr/2016AMIE0023

L’accès au logement, déterminant pour l’autonomie des jeunes OBSERVATOIRE DE LA JEUNESSE SOLIDAIRE ; ASSOCIATION DE LA FONDATION ETUDIANTE POUR LA VILLE, 2015, 20 p. L’enquête téléphonique de cette année concerne les choix de logement des jeunes entre autonomie, mobilité, budget, etc... Ainsi, sept jeunes de 18-30 ans sur dix ont déjà été confrontés à des difficultés d’accès au logement. Parmi les presque trois quarts de jeunes concernés par ces difficultés, 29 % n’ont pu que rester chez leurs parents, 26 % ne peuvent louer faute de moyens, et plus d’un sur dix s’est retrouvé sans logement ou en situation précaire. Ce sondage est suivi de réactions d’experts, de personnalités et de jeunes engagés dans des associations. En ligne sur le site Jeunesse Solidaire : www.jeunessesolidaire.fr

La face cachée des Tanguy : ces jeunes en hébergement contraint chez leurs parents FONDATION ABBE PIERRE POUR LE LOGEMENT DES DEFAVORISES, 2015 , 8 p. 4,5 millions de majeurs vivent chez leurs parents ou grands-parents. Parmi eux, 1,3 million ont plus de 25 ans. 1,5 million ont un emploi rémunéré, dont la moitié en CDI

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à temps complet. Près d’1 million ont déjà vécu dans un logement indépendant avant de revenir au domicile parental, souvent faute de solution alternative. Le nombre de jeunes hébergés cumulant plusieurs critères de contrainte (personnes de plus de 25 ans revenues après une décohabitation au domicile parental faute de logement autonome) a augmenté de 20 % entre 2002 et 2013, passant de 282 000 à 338 000. Ces chiffres massifs posent la question de marchés immobiliers devenus inaccessibles pour une large part de la population, en particulier les jeunes qui figurent au premier rang des victimes de la crise du logement. En ligne sur le site de la Fondation Abbé Pierre : www.fondation-abbepierre.fr/documents/pdf/la_face_cachee_des_tanguy.pdf

La décohabitation, privilège des jeunes qui réussissent ? INSEE, Julie SOLARD ; Rosalinda COPPOLETTA. Economie et statistique, n° 469-470, 2014. 24 p. A même niveau de diplôme, le niveau de vie des jeunes décohabitants est en moyenne plus faible, mais également moins dispersé, que celui des jeunes qui continuent de vivre chez leurs parents. Pourtant, les décohabitants ont des revenus d’activité personnelle beaucoup plus élevés, grâce à une situation beaucoup plus favorable sur le marché du travail, et ils ne se déclarent pas plus souvent en difficultés financières. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces caractéristiques des décohabitants et des corésidents. La solidarité familiale joue un grand rôle dans les deux cas. SOCIÉTÉ

La décohabitation, privilège des jeunes qui réussissent ? Julie Solard * et Rosalinda Coppoletta **

À même niveau de diplôme, le niveau de vie des jeunes décohabitants est en moyenne plus faible, mais également moins dispersé, que celui des jeunes qui continuent de vivre chez leurs parents. Pourtant, les décohabitants ont des revenus d’activité personnelle beaucoup plus élevés, grâce à une situation beaucoup plus favorable sur le marché du travail, et ils ne se déclarent pas plus souvent en difficultés financières.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces caractéristiques des décohabitants et des coré‑ sidents. Rester au domicile des parents permet de profiter de leur revenu et d’économies d’échelle. Ce choix s’impose le plus souvent aux moins diplômés, dont la situation face à l’emploi est la plus difficile : il ne les empêche pas d’avoir des taux de pauvreté élevés et d’être dans des ménages qui ressentent souvent leur situation financière comme dif‑ ficile. À l’inverse, les jeunes de milieux plus favorisés ou mieux insérés dans l’emploi sont davantage en mesure d’assumer la chute de niveau de vie associée à l’autonomie. Elle est vécue d’autant plus facilement qu’ils continuent à bénéficier des transferts intra‑ familiaux mal pris en compte par les indicateurs de niveau de vie. C’est particulièrement le cas des jeunes décohabitants en formation initiale dont plus de la moitié sont aidés par leurs proches.

Rappel :

Les jugements et opinions exprimés par les auteurs n’engagent qu’eux mêmes, et non les institutions auxquelles ils appartiennent, ni a fortiori l’Insee.

La décohabitation apparaît ainsi très sélective et cette sélectivité doit être prise en compte pour étudier le niveau de vie des jeunes adultes et ses déterminants. On recourt pour ce faire à une modélisation jointe du niveau de vie en cas de décohabitation et du choix de décohabiter. Elle confirme l’effet de sélection : le manque de diplômes et les difficultés sur le marché du travail freinent la décohabitation. D’autre part, une fois pris en compte l’effet de sélection, les jeunes qui résident encore chez leurs parents auraient, à carac‑ téristiques personnelles et d’emploi identiques, un niveau de vie de décohabitant plus faible que les autres.

* Drees, Insee. ** Drees, Crest.

Les auteures remercient Carine Burricand, Magda Tomasini, Stefan Lollivier et les deux rapporteurs anonymes, pour leurs commentaires et suggestions. Elles restent seules responsables des erreurs ou omissions éventuelles.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 469-470, 2014

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En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr

Quitter le foyer familial : les jeunes adultes confrontés à la crise économique Mickaël PORTELA ; Florent DEZENAIRE. Etudes et résultats, n° 887, 2014. 6 p. Plus de la moitié des jeunes adultes sortis du système éducatif en 2007 n’habitent plus chez leurs parents en 2010. Les jeunes hommes sont moins nombreux à quitter le foyer parental que les jeunes femmes : c’est le cas de 45 % d’entre eux, contre 64 % des jeunes femmes. Par rapport aux jeunes adultes sortis du système éducatif en 2004 et interrogés en 2007, le taux de départ du domicile parental a baissé de 4 points en 2010. Entre ces deux cohortes, la situation s’est davantage détériorée pour les jeunes confrontés à des difficultés d’insertion professionnelle. Dans un contexte de crise économique, le départ du domicile parental est davantage conditionné par l’accès à l’emploi : le taux de jeunes chômeurs ayant décohabité trois années après la sortie du système éducatif a diminué de 7 points entre les deux cohortes. Les inactifs, les jeunes qui ont repris une formation et les jeunes qui occupent des emplois précaires ont moins de chances en 2010 qu’en 2007 d’avoir quitté le foyer familial, par comparaison avec les jeunes adultes occupant un emploi stable. En ligne sur le site de la Drees : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/ etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/quitter-lefoyer-familial-les-jeunes-adultes-confrontes-a-la-crise-economique

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Bibliographie

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RESSOURCES DES JEUNES ET SOLIDARITÉ FAMILIALE Devenir adulte : comment évoluent les ressources ? Montant et composition des ressources des 18-24 ans à partir de l’enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ) Mickaël PORTELA, Émilie RAYNAUD DREES, janvier 2020, 42 p. Coll. Les Dossiers de la DREES , n° 48 Ce dossier propose une analyse descriptive de la composition des ressources des jeunes de 18 à 24 ans, à partir de l’enquête nationale sur les ressources des jeunes 2014, autour des trois types de ressources : les revenus issus de la sphère domestique, les revenus du travail et ceux provenant des transferts sociaux. Ainsi, fin 2014, les jeunes de 18 à 24 ans reçoivent en propre 770 euros en moyenne par mois, issus du travail, des transferts et aides des familles, et de l’aide sociale publique. Sept jeunes sur dix sont aidés financièrement par leurs parents et particulièrement lorsqu’ils sont en cours d’études. En ligne sur le site de la DREES : https://drees.solidarites-sante. gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/les-dossiers-de-la-drees/

D’une politique de défamilialisation à des pratiques de refamilialisation : les ressources des jeunes saisies par la Garantie jeunes Julie COURONNE, Marie LOISON-LERUSTE et François SARFATI Revue française des affaires sociales, 2019/2, pp. 79-96 L’article met en évidence une tension entre défamilialisation et refamilialisation qui caractérise l’usage que font les jeunes de l’allocation. Alors que ce dispositif est construit sur le principe de la défamilialisation de l’aide sociale, son appropriation par les jeunes révèle au contraire un usage familial très fort, dévoilant ainsi des « transferts familiaux inversés ». Néanmoins, l’allocation qu’ils et elles perçoivent à titre individuel, les conforte aussi comme individus. Individus en capacité de contribuer au collectif familial. En ligne sur Cairn : www.cairn.info/revue-francaise-des-affairessociales-2019-2-page-79.htm

Endettement problématique des jeunes et solidarité familiale Caroline HENCHOZ et Tristan COSTE Recherches familiales 2017/1, n° 14, pp. 37 à 48 Quand, comment et pourquoi les jeunes adultes endettés recourent-ils à l’aide parentale ? A partir de d’entretiens avec une vingtaine de jeunes de moins de 30 ans, les auteurs retracent la temporalité du surendettement et montrent que la transition du secret à son dévoilement, puis à l’activation de la solidarité familiale, survient à une phase particulière du parcours d’endettement. En ligne sur le portail documentaire de l’UNAF : http://intradoc.unaf.fr

Jeunes de 18 à 24 ans HAUT CONSEIL DE LA FAMILLE, 2016 , 13 p. Le Haut Conseil de la famille dresse un bilan exhaustif des transferts publics et privés à destination des jeunes adultes. Il s’agit donc d’une part de dresser un état des lieux des aides publiques versées aux jeunes majeurs et à leurs familles quel que soit leur origine : allocations, prestations, bourses ou dispositifs fiscaux et d’autre part de repérer l’aide intrafamiliale monétaire ou en nature apportée notamment par les parents ou les grands parents selon le statut des jeunes majeurs. Le rapport se décompose en 4 tomes : - Cadrage démographique et social - Les jeunes adultes en formation initiale

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- Les jeunes adultes ni lycéens ni étudiants - Les termes des débats sur les aides publiques aux jeunes majeurs. En ligne sur le site du HCF : www.hcfea.fr

Jeunes et transitions vers l’âge adulte : Numéro spécial INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ETUDES ECONOMIQUES, - Economie et statistique (n° 514-515-516), 2020. 208 p. Le présent numéro poursuit la tradition des études sur la jeunesse, en l’enrichissant considérablement de nouveaux apports et en abordant de nouvelles questions qui étaient relativement laissées de côté dans les numéros précédents : la question du rôle respectif des aides familiales et des transferts publics directs ou indirects dans l’accès des jeunes à l’indépendance ; la question complexe de la mesure du niveau de vie des jeunes en tenant compte de l’ensemble des ressources dont ils disposent, qu’elles soient monétaires ou en nature (via la cohabitation avec les parents par exemple)...Il ouvre également la focale sur l’influence de facteurs subjectifs liés à la qualité des relations familiales - tant sur les itinéraires eux-mêmes et les choix effectués par les jeunes que sur les modalités de l’aide financière reçue des parents. En ligne sur le site de l’Insee : https://insee.fr/fr/statistiques

Quand les jeunes n’habitent pas chez leurs parents : revenus et niveau de vie Bertrand LHOMMEAU - Etudes et Résultats (n° 867), 2014. 8 p. Environ quatre jeunes adultes sur dix, âgés de 18 à 25 ans, ne vivent pas habituellement chez leurs parents. 84 % de ces jeunes dits « non cohabitants » ont perçu des revenus du travail au cours de l’année précédant l’enquête (2005-2010). Les jeunes non cohabitants apparaissent deux fois plus souvent pauvres monétairement que l’ensemble des adultes d’âge actif, mais ils n’expriment pas plus souvent que les 18-64 ans des difficultés à boucler leurs fins de mois. Par rapport au reste de la population, les difficultés rencontrées par ces jeunes se manifestent principalement dans les retards de paiement et les conditions de logement. Les non-cohabitants sans diplôme ou faiblement diplômés cumulent le plus de difficultés. 65 % des jeunes adultes qui ne vivent pas avec leurs parents ont un conjoint et dans plus de neuf cas sur dix, ils forment un couple partageant le même logement. En ligne sur le site de la DREES : https://drees.solidarites-sante.gouv. fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/quandles-jeunes-n-habitent-pas-chez-leurs-parents-revenus-et-niveau-de-vie

Ressources et parcours vers l’indépendance des jeunes adultes en France : associer soutien familial, aides publiques et revenus du travail Mickael PORTELA, Thibaut DE SAINT POL, Elodie ALBEROLA Dossiers solidarité et santé, n° 51, 2014. 51 p. Comment les jeunes subviennent-ils à leurs besoins ? Une enquête passe au crible les ressources des 18-25 ans. Elle met en évidence le rôle majeur des soutiens familiaux pour bon nombre d’entre eux. Les revenus sociaux allocations logement ou bourses d’enseignement sont une autre source de revenus non négligeable. Le travail constitue d’abord une marge d’autonomie avant de devenir une source d’indépendance. En ligne sur le site de la DREES : https://drees.solidarites-sante.gouv. fr/etudes-et-statistiques/publications/les-dossiers-de-la-drees/dossierssolidarite-et-sante/article/ressources-et-parcours-vers-l-independancedes-jeunes-adultes-en-france

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lités entre générations et les catégories sociales. Les auteurs dressent un état de la question et des pratiques. Ils formulent plusieurs scénarios pour poursuivre la réflexion amorcée en ce qui concerne la France et la mise en œuvre d’un dispositif de dotation en capital.

INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES

Transferts familiaux vers les jeunes adultes en temps de crise : le charme discret de l’injustice distributive Adrien PAPUCHON - Revue française des affaires sociales, n° 1-2, 2014, pp.121-143 Sous l’effet de la crise économique qui frappe les pays européens et de la baisse des transferts publics qui en découle, les solidarités familiales et les transferts privés connaissent un regain d’intérêt. Cet article analyse la place des solidarités familiales, leurs mécanismes mais aussi leurs limites. L’article examine successivement ce retour en grâce de la famille, puis l’évolution de la cohabitation entre parents et jeunes adultes en Europe et enfin les transferts financiers entre générations. En conclusion, l’auteur s’interroge sur les mécanismes qui régissent les transferts intergénérationnels : sont-ils liés aux besoins des bénéficiaires ou sont-ils plutôt liés aux ressources des parents. Cet article est une contribution au dossier « solidarité publique, solidarités privées » En ligne sur Cairn : www.cairn.info/revue-francaise-des-affairessociales-2014-1-page-120.htm

Donner leur chance aux jeunes les plus fragiles Marion LEOTOING - TSA hebdo Travail social actualités, - n° 4, 2009. pp. 15-22 La crise économique a mis l’accent sur la situation des jeunes adultes déjà largement touchés par le chômage et la pauvreté. Les 18-25 ans apparaissent comme les parents pauvres des politiques publiques françaises. Leur situation est apparue comme une urgence publique comme le montre la mise en place d’un haut-commissariat à la jeunesse et les travaux menés tant par cette instance que par la mission sénatoriale sur la politique de la jeunesse. Le dossier fait le point de la situation et présente plusieurs initiatives locales mises en place pour soutenir l’insertion des jeunes les plus en difficulté : point d’accueil spécialisé, accompagnement social, autant d’actions visant l’accompagnement à l’autonomie. Les dotations en capital pour les jeunes Pierre-Yves CUSSET, Julien DAMON - Droit social (n° 12), 2009. pp. 1159-1168 L’idée d’une « dotation en capital » pour les jeunes est un concept d’origine anglo-saxonne. Il a été au cœur du débat français sur les politiques publiques en direction des jeunes lors des travaux de la commission jeunesse (2009). Il s’agit de doter les jeunes adultes d’un capital pour « démarrer » leur vie d’adulte et financer un projet d’étude ou professionnel. Il s’agit aussi de « gommer » les inéga-

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Vie longue, travail court : quelle place pour les jeunes sur le marché du travail ? Jean VIARD, 30/04/2019 Jean Viard dresse un tableau de l’évolution de la place du travail dans nos sociétés, et propose des pistes pour que, cinquante ans après 1968, une politique d’autonomie de la jeunesse devienne un enjeu de société, et de démocratisation, essentiel. En ligne sur : https://jean-jaures.org/nos-productions/vie-longue-travailcourt-quelle-place-pour-les-jeunes-sur-le-marche-du-travail

Insertion des jeunes : va-t-on enfin faire mieux ? Michelle FOIN, Antoine DULIN, Kamel CHIBLI La Gazette Santé - Social , n° 151, 2018, pp. 15-22 De plus en plus de jeunes parmi les moins qualifiés restent exclus du marché du travail. Pour y remédier, le gouvernement prévoit un investissement massif sur la formation. La réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle qui devrait être adoptée d’ici à l’été en fait partie, de même que la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes.’ Ce dossier fait le point, et donne notamment la parole à Antoine Dulin, vice-président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et à Kamel Chibli, conseiller régional et secrétaire national au sein du Parti socialiste chargé de la lutte contre l’exclusion. Il présente également les exemples de dispositifs d’insertion originaux à Bordeaux et Toulouse. Quand on n’a « que » le diplôme... Les jeunes diplômés et l’insertion professionnelle Romain DELES - Presses universitaires de France, 244 p., 2018, Coll. « Education et société » Malgré des niveaux d’études élevés, les jeunes éprouvent des difficultés grandissantes à trouver leur place sur le marché du travail. Fruit d’une enquête sociologique auprès des diplômés de l’enseignement supérieur à la recherche de leur premier emploi, ce livre explore l’expérience de l’insertion professionnelle. Une fois le diplôme obtenu, les étudiants, souvent protégés des questionnements sur leur avenir professionnel pendant leurs études, sont plongés dans l’univers de la recherche d’emploi. Pour certains, la transition études/emploi est évidente (insertion prévisible) ; pour d’autres, un véritable travail de conformation aux attendus de l’emploi s’engage (insertion entravée) ; pour d’autres encore, l’insertion professionnelle est un impératif trop pressant qu’il s’agit, un temps au moins, de mettre à distance (insertion refusée). Par-delà la diversité des parcours, ce livre conclut à l’existence d’un modèle de relation formation-emploi français très particulier, qui fait de l’insertion professionnelle l’objectif ultime, l’horizon indépassable de la jeunesse française.’ En ligne sur Archives ouvertes : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel01661593

Les difficultés de transport : un frein à l’emploi pour un quart des jeunes Institut national de la Jeunesse et de l’Education populaire, 2017 , 4 p. En 2016, un quart des jeunes a renoncé à un emploi et 21 % à une formation en raison de difficultés de transport ; et plus de

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la moitié a dû restreindre sa vie sociale et ses activités de loisirs faute de moyens de transport adaptés. Ces renoncements s’expliquent d’abord par le coût des transports, trop important pour de nombreux jeunes. Ils sont aussi à relier au caractère anxiogène des déplacements évoqué par près de trois jeunes sur dix. Ces difficultés sont plus fréquentes chez les jeunes les plus précaires, venant ajouter des obstacles supplémentaires à leur intégration.» En ligne sur le site de l’Injep : https://injep.fr/publication/les-difficultes-de-transport-un-frein-a-lemploi-pour-un-quart-des-jeunes/

L’insertion professionnelle des jeunes Rapport préparé en concertation avec le groupe de travail composé des représentants de huit organisations patronales et syndicales ainsi que de quatre organisations de jeunesse France Stratégie, 2017 , 98 p. Ce rapport pose un diagnostic partagé sur les difficultés que rencontrent les jeunes dans l’accès à l’emploi. Leur situation est hétérogène : celle des 15-19 ans est très différente de celle des 20-24 ans du fait de leur forte scolarisation, tandis que les 25-29 ans sont davantage actifs mais comptent plus de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation (NEET). Les jeunes les moins diplômés connaissent un taux de chômage trois fois supérieur à celui des diplômés de l’enseignement supérieur. La spécialité du diplôme, voire sa filière d‘accès (voie scolaire versus apprentissage), joue également un rôle croissant dans la qualité de l’insertion dans l’emploi. Les jeunes pâtissent fortement des dysfonctionnements du marché du travail, et sont aussi confrontés à des problèmes qui n’y sont pas directement liés (mobilité, santé, logement...). Les auteurs dressent également un bilan en demi-teinte des dispositifs en faveur de l’insertion des jeunes. En ligne sur le site de France Stratégie : www.strategie.gouv.fr/ publications/linsertion-professionnelle-jeunes

Insertion des jeunes sur le marché du travail : l’emploi est majoritaire chez les plus diplômés, l’inactivité domine chez les non-diplômés Christel ALIAGA, Jérôme LE, 2016 , 17 p. L’insertion des jeunes sur le marché du travail est progressive et inégale selon le niveau de diplôme. Ainsi, 82 % des jeunes sortants diplômés du supérieur sont en emploi, contre seulement 31 % des non-diplômés. Ces derniers sont plus nombreux à être inactifs (37 %). Les jeunes femmes sont plus souvent inactives que les hommes, en particulier parmi les moins diplômés.» En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr/fr/statistiques

Oui, les jeunes filles s’épanouissent dans les « métiers d’homme » Valérie AURIBAULT - Liaisons Sociales Magazine, n° 168, 2016, pp. 38-39 Menuiserie, maçonnerie, mécanique... Les filles se font toujours désirer dans certaines filières. Alors même qu’elles y réussissent très bien. Quelques professions tentent, timidement, de les attirer. Avec les témoignages d’employeurs et de jeunes femmes qui doivent affronter machisme et préjugés. Les débuts de carrière des jeunes issus de l’immigration : une double pénalité ? Yaël BRINBAUM, Sabina ISSEHANE, CEREQ - Bref du CEREQ, n° 341, 2015, 4 p. Les jeunes issus de l’immigration maghrébine ont plus de difficultés pour accéder à l’emploi que les Français d’origine. Une fois qu’ils y parviennent, ils occupent des emplois de moins bonne qualité et semblent pâtir d’une pénalité liée à leurs origines qui, aggravée par la crise économique, ne s’atténue pas avec le temps. En ligne sur le site du CEREQ : www.cereq.fr/les-debuts-de-carrieredes-jeunes-issus-de-limmigration-en-france

Diplômés des quartiers : des talents à revendre Anne FAIRISE, Anne-Cécile GEOFFROY - Liaisons Sociales Magazine, n° 167, 2015, pp. 20-27 Timidité des politiques publiques, prudence des sociétés, permanence des stéréotypes... Les portes des entreprises ont toujours du mal à s’ouvrir aux jeunes diplômés des banlieues populaires. Malgré nombre d’initiatives. Le gâchis est énorme, il y a urgence. L’agence France entrepreneur et des associations comme « Nos quartiers ont du talent » ou « Yump Académie » s’efforcent de favoriser l’insertion professionnelle de ces jeunes, notamment par le parrainage. Etudiants, collégiens, décrocheurs... Ce qu’ils disent du travail Manuel JARDINAUD - Liaisons Sociales Magazine, n° 161, 2015, pp. 20-27 Les 15-25 ans ne sont pas si différents de leurs aînés et veulent tout autant s’investir et s’épanouir dans leur travail. Cependant leur insertion professionnelle reste difficile. Peu confiants dans l’entreprise et le statut de salarié, ils sont nombreux à plébisciter l’entrepreunariat. L’insertion professionnelle des jeunes entre précarité, incertitude et expérimentation François SARFATI - Cahiers de l’action, n° 45, 2015/2, pp. 9 -16 Quelles sont les attentes des jeunes vis-à-vis du travail et de l’emploi ? Les quarante années de chômage de masse et de développement de la précarité ont-elles changé quelque chose à la manière dont les jeunes générations pensent leur insertion professionnelle ? Comment les institutions font-elles pour aider ceux le plus en difficulté à s’insérer professionnellement ? En quoi les inégalités scolaires et plus largement sociales continuent-elles de structurer les rapports au travail et à l’emploi. L’auteur cherche dans un dernier temps à articuler ces questionnements avec l’action des missions locales, et, en particulier, leur rôle dans la mise en œuvre des emplois d’avenir. En ligne sur Cairn : www.cairn.info/revue-cahiers-de-l-action-2015-2page-9.htm

L’emploi, une affaire de famille Stéphane BECHAUX - Liaisons Sociales Magazine, n° 148, 2014, pp. 20-27 Les liens entre famille et travail sont complexes. Tout d’abord, la culture familiale façonne les aspirations et l’orientation profession-

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nelle des jeunes, comme le souligne Rémi Guilleux, vice-président de l’UNAF, chargé des questions d’éducation ; ensuite les stages en entreprises mobilisent le réseau familial. La situation familiale et la situation dans l’emploi sont associées : si la famille peut protéger du chômage, le chômage accentue les ruptures conjugales. Quant à l’embauche de plusieurs membres d’une même famille, elle peut constituer un avantage comme un handicap. Peut-on parler de « générations sacrifiées » ? : Entrer sur le marché du travail dans une période de mauvaise conjoncture économique Mathilde GAINI, Aude LEDUC, Augustin VICARD - Economie et statistiques, n° 462-463, 2014, 20 p. À court-terme, la pénalisation des cohortes malchanceuses se manifeste surtout en termes de taux d’emploi, davantage que de salaire perçu par ceux qui trouvent un emploi. Après 4 ans, l’ensemble de ces différences s’estompent et les trajectoires convergent. Les contrastes entre générations entrées sur le marché du travail dans des conjonctures plus ou moins favorables apparaissent ainsi moins marqués en France que dans la plupart des autres pays. Une explication possible est la forte part de jeunes embauchés au salaire minimum. En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr

Les effets du lieu de résidence sur l’accès à l’emploi : un test de discrimination auprès de jeunes qualifiés Yannick L’HORTY, Emmanuel DUGUET, Loïc DU PARQUET, Pascale PETIT - Economie et statistique, n° 447, 2011, 26 p. La discrimination à l’embauche à l’encontre des jeunes est étudiée en Île-de-France à travers trois effets : réputation du lieu de résidence, sexe et origine (française ou maghrébine). 3 684 candidatures ont été envoyées en réponse à 307 offres d’emploi pour une profession qualifiée et en tension, les informaticiens de niveau BAC+5, pour laquelle les discriminations devraient, a priori, être très réduites. Les chercheurs constatent une discrimination territoriale qui affecte exclusivement les femmes. En ligne sur le site de l’Insee : www.insee.fr

L’INSERTION DES APPRENTIS A l’aube de la réforme de la formation professionnelle, retour sur 20 ans d’insertion des apprentis Benoît CART, Alexandre LENE, MarieHélène TOUTIN - Bref du CEREQ , n° 370, 2018. 4 p. L Depuis le début des années 1990, le nombre d’apprentis a doublé et la population s’est diversifiée, notamment sous l’effet de la percée du supérieur. Les enquêtes Génération permettent d’analyser 20 ans d’insertion des apprentis en tenant compte des variations de la conjoncture économique sur la période. Elles confirment sur la durée les atouts de l’apprentissage : l’accès à l’emploi est plus rapide, lié à l’effet « contact avec l’entreprise », et l’avantage se poursuit au-delà. Mais il varie selon les niveaux de formation et reste sensible à la conjoncture. Favoriser l’usage de l’apprentissage pendant les périodes creuses du cycle économique pourrait être une des clés de la poursuite de son développement.

CÉREQ BREF

N° 370 2018

Bulletin de Recherches Formation-Emploi

À l’aube de la réforme de la formation professionnelle, retour sur 20 ans d’insertion des apprentis

Depuis le début des années 1990, le nombre d’apprentis a doublé et la population s’est diversifiée, notamment sous l’effet de la percée du supérieur. Les enquêtes

Génération permettent d’analyser 20 ans d’insertion des apprentis en tenant compte des variations de la conjoncture économique sur la période. Elles confirment sur

la durée les atouts de l’apprentissage : l’accès à l’emploi est plus rapide, lié à l’effet « contact avec l’entreprise », et l’avantage se poursuit au-delà. Mais il varie selon les niveaux de formation et reste sensible à la conjoncture. Favoriser l’usage de

l’apprentissage pendant les périodes creuses du cycle économique pourrait être une

Benoît CART

(Clersé université de Lille)

Alexandre LÉNÉ

(Clersé université de Lille, IMT Lille Douai)

Marie-Hélène TOUTIN

(Céreq, Clersé université de Lille)

des clés de la poursuite de son développement. es multiples réformes de l’apprentissage, qui se sont enchaînées à un rythme soutenu ces 20 dernières années, avaient une visée commune : favoriser le développement de cette voie de formation initiale en alternance. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, adoptée le 5 septembre 2018, vise à renforcer cette ambition. Cet objectif fait consensus, partant d’un double constat : cette voie de formation développe des compétences certifiées qui répondent aux besoins des entreprises et elle favorise une insertion rapide et pérenne sur le marché du travail.

Les enquêtes Génération, réalisées depuis le début des années 1990 (cf. encadré page suivante), fournissent un outil particulièrement adapté pour examiner les effets supposés bénéfiques de l’apprentissage en matière d’insertion, dans des contextes en évolution permanente. Les générations de sortants enquêtées ont quitté le système de formation à des périodes différentes, ce qui permet d’apprécier l’impact de la conjoncture économique sur leur insertion. Elles reflètent également le développement de l’apprentissage et son ouverture aux formations de l’enseignement supérieur. Elles permettent ainsi de préciser les bénéfices de l’apprentissage sur l’insertion dans le temps, dans leurs aspects conjoncturels et structurels : un accès à l’emploi plus rapide, lié à l’effet « contact avec l’entreprise », mais sensible à la conjoncture et différencié selon les niveaux de formation.

Un apprentissage recomposé : croissance des effectifs et diversification des profils

Depuis le début des années 1990, le nombre d’apprentis a doublé, passant de 220 000 en 1991-1992 à 412 000 en 2016-2017, avec un maximum atteint en 2012-2013 (avec 438 000 apprentis) [1]. Au cours de cette période, le cadre législatif a été profondément modifié : les différentes lois de décentralisation ont confié aux régions l’entière compétence de l’organisation et du développement de la politique d’apprentissage, et la réforme Séguin de 1987 a ouvert l’apprentissage à tous les niveaux d’enseignement. Cette croissance des effectifs a de fait surtout concerné les formations de l’enseignement supérieur : les effectifs d’apprentis y ont été multipliés par 34 entre 1992 et 2010, faisant passer la part des apprentis du supérieur de 1 % à plus de 30 % du total (cf. graphique 1). Pour autant, à l’exception du CAP, la part d’apprentis à chaque niveau de formation reste largement minoritaire, avec un rapport de un à cinq, à l’avantage des lycées professionnels pour la préparation du bac pro. Différents travaux mobilisant les données des enquêtes Génération soulignent que l’expansion de l’apprentissage s’est accompagnée d’une diversification des profils socioculturels des apprentis. Issus de parcours de formation de plus en plus hétérogènes, ces jeunes mobilisent l’apprentissage selon des logiques d’usage diverses, qui font écho •••

APPRENTISSAGE ENQUÊTES GENERATION INSERTION SALAIRES

ÉVOLUTION

CONJONCTURE

Cette publication est issue de l’ouvrage :

20 ans d’insertion professionnelle des jeunes : entre permanences et évolution, T. Couppié, A. Dupray, D. Epiphane, V. Mora (coord.), Céreq Essentiels n°1, 2018.

En ligne sur le site du CEREQ : www.cereq.fr/laube-de-la-reforme-dela-formation-professionnelle-retour-sur-20-ans-dinsertion-des-apprentis

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Comment l’apprentissage favorise-t-il l’insertion professionnelle des CAP-BEP ? Thomas COUPPIE et Céline GASQUET - Formation emploi , n° 142, 2018/2, pp 35-56 Sont isolés ici deux mécanismes susceptibles de favoriser l’insertion professionnelle des apprentis sortant d’un CAP ou d’un BEP. D’une part, le lien entre l’apprenti et son entreprise peut déboucher sur son maintien dans l’entreprise à l’issue de sa formation. D’autre part, l’apprentissage peut mieux préparer que la voie professionnelle scolaire aux métiers ciblés par le diplôme, procurant un avantage comparatif sur ce segment du marché du travail. Si le maintien dans l’entreprise de formation semble caractériser des trajectoires favorables, la correspondance diplôme-métier au premier emploi n’apparaît pas prédictive d’un devenir plus favorable trois ans après la fin de la formation. En ligne sur OpenEditions : http://journals.openedition.org/formationemploi/5740

Insertion professionnelle des apprentis et des lycéens : Comparaison sur le champ des spécialités communes Béatrice LE RHUN ; Nathalie MARCHAL - DEPP - Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, 2017 Avec un taux de chômage des 15-24 ans atteignant les 24 % en 2015 selon l’Insee, l’insertion professionnelle des jeunes est problématique en France. Elle l’est d’autant plus que la conjoncture économique se situe dans un cycle défavorable depuis 2008 [Le Rhun et Minni, 2012]. Les difficultés des jeunes à s’insérer sur le marché du travail peuvent provenir d’un ensemble de causes diverses et complexes, comme la crise économique, la segmentation du marché du travail proposant fréquemment des contrats courts et précaires aux jeunes, ou bien des inadéquations entre la formation et l’emploi. Face à ces difficultés, il convient d’apporter des solutions. En ligne sur le site des Archives ouverrtes : https://halshs.archivesouvertes.fr/halshs-01699331/ Insertion des apprentis : un avantage à interroger Alberto LOPEZ, Emmanuel SULZER - Bref du CEREQ , n° 346, 2016, 4 p. Si le taux d’insertion professionnelle des jeunes sortant de la filière de l’apprentissage est très favorable et que celle-ci connaît un engouement croissant favorisé par des politiques éducatives en vue de son développement, n’en demeurent pas moins des inégalités entre les diplômes, les filières et une sélectivité à l’entrée. En ligne sur le site du CEREQ : www.cereq.fr/index.php/publications/ Bref/Insertion-des-apprentis-un-avantage-a-interroger

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Alternance et professionnalisation : des atouts pour les parcours des jeunes et les carrières ? Gérard BOUDESSEUL, Benoît CART, Thomas COUPPIE, JeanFrançois GIRET, et al, 2015 - CEREQ, - Relief, n°50, 2015, 480 p. Les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes persistent, alors qu’il est en même temps régulièrement fait état de difficultés de recrutement, de pénurie de « talents » dans de nombreux métiers ou secteurs d’activité. Pour de nombreux observateurs, l’explication de ce paradoxe serait la mauvaise ou insuffisante adaptation du contenu des formations aux besoins des emplois. Cette réponse est peut-être hâtive et inappropriée, alors que les mesures visant à « professionnaliser » les formations n’ont jamais été aussi développées.’ En ligne sur le site du CEREQ : www.cereq.fr/alternance-et-professionnalisation-des-atouts-pour-les-parcours-des-jeunes-et-les-carrieres

LES ÉTUDIANTS Les étudiants-parents : contexte d’arrivée des enfants et déroulement des études Aden GAIDE et Arnaud REGNIER-LOILIER, 2019, Regards croisés sur les expériences étudiantes. L’enquête Conditions de vie 2016, Paris : La Documentation Française, p. 39-52. En ligne sur : http://hdl.handle.net/20.500.12204/AW3zmiY7FdkIrtPI-J26

Les étudiants et leur famille face à l’exercice d’activités rémunérées en cours d’études ETUFACT Drees Vanessa Pinto, Tristan Poummaouec, Camille Trémeau, 2018 Cette enquête a pour objectif de replacer les activités rémunérées exercées en cours d’études au sein des rapports familiaux et de prendre pour objet non plus seulement l’expérience individuelle des étudiants mais aussi celle, collective, de leur famille. À travers l’étude approfondie de quelques cas, les auteurs retracent ainsi les parcours des enfants et des parents, les pratiques et jugements des uns et des autres, l’aide parentale et les rapports au travail (celui des étudiants mais aussi de leurs parents). En ligne sur le site de la Drees : https://drees.solidarites-sante.gouv. fr/IMG/pdf/etudiants_activites_remunerees_cerep_cens.pdf

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Bibliographie

Numéros disponibles

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Pour tout savoir sur tout ce qui touche à la vie quotidienne des familles : logement, santé, éducation, consommation...

Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S

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La place des familles dans la protection de l’enfance

10e

n°114-115 l 2016 Familles connectées

n°95-96-97 l 2011 L’accueil de la petite enfance

10e

n°106-107 l 2014 Être aidant familial aujourd’hui

10e

n°116-117 l 2016 Loisirs et vacances en famille

10e

n°98-99 l 2012

Le logement, une question familiale

10e

n°108-109 l 2014

L’alimentation au cœur des familles

10e

n°118-119 l 2017 Familles & argent

10e

n°100-101 l 2012 Soutien à la parentalité avec et pour les parents

10e

n°110-111 l 2015 Numéro spécial 70 ans d’engagements pour les familles

10e

n°120-121 l 2017

Familles & santé mentale

10e

n°102-103 l 2013 Familles et Ecole

10e

n°112-113 l 2015 Associations Familiales L’Union fait la force !

10e

n°122-123 l 2018 Familles à l’épreuve de la séparation

Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S F A M I L I A L E S

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N° 124-125 - 2018

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n°124-125 l 2018 Etre père, aujourd’hui !

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n°126-127 l 2019 Défense des consommateurs

10e

n°128-129 l 2019 Familles face au grand âge

n°130-131 l 2020

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Jeunes, vie active et autonomie

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RÉALITÉS FAMILIALES#JEUNESETVIEACTIVE#2020

“RÉALITÉS FAMILIALES”

Annexes

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Union nationale des associations familiales 28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr I @unaf_fr

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