Avec et pour
LES FAMILLES Mémoires d’avenirs
ROGER BURNEL 1926 - 2012
Président de l’Union Nationale des Associations Familiales de 1976 à 1996 Commandeur de la Légion d’Honneur
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Sommaire
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Extraits de discours autour de 6 thèmes - Union Nationale des Associations Familiales - Famille et Société - Politique familiale - Famille - Couples - Enfants - Europe - Démographie
Morceaux choisis d’éditoriaux
Témoignages du 5 décembre 2012 - François Fondard - La famille - Roger Serre - Les jeunes - Jacques Barrot - L’Europe
Ces discours ont été prononcés à l’occasion des événements suivants : - 30ème Anniversaire de l’UNAF, Palais des Congrès à Paris, en présence du Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, et devant 5 000 militants familiaux, le 12 juin 1976 - Assemblée générale de l’UNAF consacrée à la Déclaration des droits de la Famille, en présence du Président de la République, François Mitterrand, Bordeaux, 10 et 11 juin 1989 - 50ème Anniversaire de l’UNAF, Palais des Congrès à Paris, en présence de Jacques Barrot, Ministre du Travail et des Affaires Sociales, représentant Monsieur Jacques Chirac, Président de la République et devant 2 000 délégués familiaux, le 25 novembre 1995 - Conférence de la Famille en présence du Premier Ministre, Alain Juppé et de 7 Ministres dont Jacques Barrot, Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de l’Emploi, Paris, Hôtel Matignon, le 19 avril 1996 - Avis du Comité Economique et Social Européen sur les questions de démographie sur le rapport de Roger Burnel, Bruxelles, le 30 mars 1987 - Assemblée générale de l’UNAF, Biarritz, les 22 et 23 juin 1996
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Préambule
4 Si cela a encore un intérêt, mais j’en doute, on pourra publier quelques-uns des textes que j’ai écrits. Roger BURNEL
Roger BURNEL a été un être d’exception qui a profondément marqué tous ceux qui ont travaillé à ses côtés : à l’UNAF qu’il a présidée pendant 20 ans, à l’IGS (Institut de Gestion Sociale) dont il a accompagné et administré le développement pendant plus de 30 ans, au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, au Conseil Economique et Social de Paris et au Comité Economique et Social de Bruxelles. Il a négocié avec trois Présidents de la République et de nombreux gouvernements. Sa parole, forte des forces qu’il représentait mais aussi de ses propres convictions sur la famille, l’avenir de la jeunesse, l’Europe, portait loin, portait haut. C’était un philosophe engagé dans l’Action. Son seul souci était de défendre l’intérêt commun pour le bien de tous, loin des agitations du court terme mais avec, au contraire, une vision, celle d’une société apaisée, équilibrée, humaniste et pétrie des valeurs qui ont présidé à la construction européenne. C’était à la fois un homme de réseaux, ceux qu’il avait constitués tout au long de sa vie, des mouvements de jeunesse aux nombreuses institutions qu’il avait servies et un homme de solitude, de ces espaces secrets où se forgent les décisions, les grandes orientations, le destin. Il écrivait… Il écrivait des discours, des rapports qui font encore date aujourd’hui. Avec un sens des formules qui trahissait le pédagogue qu’il avait commencé à être professionnellement et qu’il est resté en fait toute sa vie durant. Roger BURNEL n’a rien demandé, seulement : « si cela a encore un intérêt, mais j’en doute, on pourra publier quelques-uns des textes que j’ai écrits.» Quelques-uns de ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui ont voulu relire ses textes quand il nous a quittés à la mi-novembre 2012. Cette relecture, émouvante car bien souvent elle ressuscitait sa voix, les a conduits à vouloir offrir, en partage avec ceux qui l’ont peu connu, sa vision du monde, ses propositions, ses formules… Cet opuscule rassemble quelques extraits de ses grands discours, classés par thèmes, éditoriaux et citations. Loin d’être exhaustif, c’est un aperçu partiel et partial de son temps passé à la tête de l’UNAF. Son but n’est pas l’évocation nostalgique de l’homme d’exception qui les a marqués mais des repères qui doivent demeurer pour éclairer l’avenir pour le bien des familles et plus globalement de notre Société.
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Extraits de discours
L’UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES Histoire du mouvement familial Deux décisions très importantes, prises en 1939 et 1940, sont à mettre au crédit de l’action du Mouvement familial et d’hommes politiques avisés : • Création d’un Ministère de la Famille ; Georges Pernod, Sénateur du Doubs sera son titulaire. Il était également militant familial ; • Promulgation du Code de la Famille. Pendant l’occupation et la guerre continuée, trois événements sont à souligner : • La loi du 29 décembre 1942 du Gouvernement de Vichy a créé une représentation officielle des familles. Dans les faits, cette loi n’a pas été appliquée, par refus de participer, opposé par la plupart des associations familiales, à raison de son caractère non démocratique. Par exemple, les familles ne pouvaient pas adhérer à l’association de leur choix, du fait de l’existence d’une seule association autorisée par commune. Pendant cette période douloureuse de notre Histoire, le Mouvement familial a été, en revanche, très actif. Il s’est appliqué à développer de multiples et fortes actions d’entraide. • Dans le même temps, à Londres et à Alger, le Général de Gaulle faisait étudier comment associer les familles à l’œuvre de reconstruction du pays après sa libération et, par la suite, garantir leur représentation institutionnelle. J’ai entendu le Général dire en public et en privé, que cette démarche s’inscrivait dans le droit fil de son projet de participation. • Parallèlement, en France, des responsables familiaux conduisaient la même réflexion.
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Ainsi est née l’Ordonnance du 3 mars 1945, qui consacre la rencontre de deux volontés : celle du Gouvernement provisoire de la République et celle des associations familiales et des mouvements familiaux. Il faut souligner que cette Ordonnance a marqué la rupture totale, - esprit et lettre -, avec la loi de 1942 puisqu’elle fondait la représentation de l’ensemble des familles sur la diversité et la complémentarité des associations. La liberté et la démocratie étaient rétablies, elles n’ont jamais déserté l’UNAF. (Discours du 50ème anniversaire de l’UNAF, Paris 25 novembre 1995)
Missions de l’UNAF
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La loi du 11 juillet 1975 a généralement répondu aux souhaits de l’UNAF qui avait nettement affirmé sa volonté d’étendre la dimension de son action, en adaptant ses structures et ses méthodes pour atteindre à une expression sans cesse plus large des intérêts familiaux. Aujourd’hui, les mouvements familiaux sont, avec les unions départementales d’associations familiales, membres actifs de l’UNAF A l’intérieur du Mouvement familial français, ces mouvements démontrent une grande diversité de choix spirituels, philosophiques, sociologiques ou de société. Ils sont autant de forces et de formes d’expression de toutes les situations et de toutes les réalités familiales. Par les mouvements familiaux, l’UNAF est d’une manière plus précise à l’écoute des familles dont ils sont eux-mêmes les témoins des responsabilités, des besoins, des inquiétudes, des joies, des détresses et des espérances. Ainsi se trouvent confortées les conditions les meilleures pour réaliser, par l’UNAF, l’expression des intérêts familiaux généraux, manifestés dans l’analyse de toutes les situations qu’apportent les associations familiales. (Allocution du 30ème Anniversaire de l’UNAF, Paris 12 juin 1976)
L’UNAF a une triple responsabilité : • Si elle représente officiellement l’ensemble des familles françaises, elle représente tout autant l’ensemble des familles étrangères vivant en France. Nous avons expressément voulu en 1975 cette extension de l’Ordonnance du 3 mars 1945, parce que le bonheur familial serait une médiocre caricature s’il devait être chez nous, prédéterminé par le privilège de la nationalité, de la couleur de la peau, du rang social ou de la culture.
Pour l’UNAF, la neutralité n’est ni la compromission, ni le renoncement.
• L’UNAF défend les intérêts familiaux généraux, moraux et matériels. Ce sont les principes de liberté, de respect des autres et de soi, de justice et de solidarité qui ont valeur universelle pour les hommes, les femmes et les enfants et, ce faisant, pour les familles. • Enfin, l’UNAF, et les UDAF, sont appelées par les pouvoirs publics à gérer des services. C’est notamment aujourd’hui le cas des services de tutelle, cette occasion privilégiée qui nous est donnée d’accompagner des malchanceux de la vie sur la voie du retour à l’autonomie. L’architecture pluraliste de l’UNAF, et des UDAF, la foi et le dynamisme de leurs militants donnent à celles-ci la capacité d’exercer leurs missions institutionnelles dans la seule perspective du bien commun : celui de toutes les familles et celui de la société liées les unes à l’autre par des relations de coresponsabilités indissociables. (Allocution sur la Déclaration des droits de la Famille Bordeaux 10 et 11 juin 1989)
Reprenant les dispositions de l’Ordonnance du 3 mars 1945, la loi du 11 juillet 1975 dispose que l’UNAF au plan national et les UDAF dans chaque département : Représentent officiellement, auprès des pouvoirs publics, l’ensemble des familles françaises et étrangères.
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Dans l’esprit de la loi, nous rappelons que la consultation de l’UNAF ne saurait être laissée au bon vouloir, à moins que l’on refuse de connaître la vérité des faits ou que l’on fasse du drôle des familles. La « science » des « technocrates » ne saurait suffire. Il faut la connaissance des réalités rapportées par ceux qui les vivent. En démocratie, l’expression des citoyens, dans chacune de leurs fonctions et responsabilités, doit être encouragée, sollicitée et prise en compte. Alors la politique n’ignore pas la réalité des faits. Politique pour les citoyens et par les citoyens. (Discours du 50ème anniversaire de l’UNAF, Paris 25 novembre 1995)
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FAMILLE ET SOCIETE La famille échappe à l’empreinte et à l’emprise d’une philosophie, d’une école, d’un système ou d’une politique déterminés ou uniques. Elle appartient à l’humanité. Son histoire se confond étroitement avec celle de l’homme.
La famille se situe loin des régimes totalitaires, puisqu’elle a son origine dans l’amour, l’assistance mutuelle et le partage.
L’humanité est vouée au progrès, et les fruits du progrès doivent être partagés.
En dépit des accidents, des contraintes, des évolutions parfois discordantes et des incohérences de toutes natures qui ont déjà pesé et qui pèseront sur elle ici et là, elle durera parce qu’elle manifeste chez tous les hommes leur ambition, leur angoisse et leur espoir de se prolonger au-delà d’une existence matérielle très éphémère. Lorsque cessent de pouvoir s’aimer les membres d’une famille, c’est une parcelle d’espérance qui se détache et qui se détruit : la vie se désagrège. La politique devrait prendre en compte - dans l’idéal -, l’ensemble des intérêts, en raison de leur valeur respective au niveau de l’intérêt général. Par leur nature et par leur finalité, les intérêts familiaux ont bien normalement leur place dans le débat politique économique et social, au même titre que d’autres intérêts spontanément admis comme « facteurs politiques ». Au-delà d’aspects personnels, non négligeables, c’est l’avenir du pays qui est en cause. Aucune famille n’y est indifférente ; ce ne sont pas des privilèges que les familles réclament ; elles demandent seulement que soit objectivement constatée la valeur de leur mission sociale. Dans cette démarche elles ont conscience de ne servir que l’intérêt général. L’accès aux fruits du progrès ne peut pas être refusé aux familles, car elles contribuent effectivement à les développer. Elles ne sont pas des éléments perturbateurs de la croissance économique, puisqu’elles la servent, non seulement comme consommatrices, mais encore par leur effort d’éducation et de formation. C’est un mauvais pari sur l’immédiat, et à plus forte raison sur l’avenir, que d’interrompre ou
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Il n’y a jamais d’Espérance sans risques.
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Il n’y a pas de fatalité du malheur, ni de l’échec, sinon tout effort de lutte, par exemple, contre la maladie ou l’ignorance, serait vain.
de retarder le développement régulier d’une politique familiale sous le prétexte, par exemple, que son coût ne serait pas supportable. Il est des choix que l’on regrette ensuite de ne point avoir faits lorsque la prévision et le réalisme imposaient qu’on les fît. On constate, aujourd’hui, la conséquence des retards accumulés dans le passé. La vie ne tolère pas les négligences et les retards. Il y a toujours une sanction... Demain, l’UNAF, et l’ensemble des organisations familiales avec elle, poursuivront leur action dans la même foi et avec le même enthousiasme. Nous nous refusons d’envisager d’autre objectif que le progrès vers une société d’où la violence, sous toutes ses formes d’agressions – psychologique, morale, économique ou matérielle – et la poursuite sans mesure d’intérêts égoïstes, auront cédé la place au respect, à la solidarité et à la justice. A ceux qu’étonnerait l’idéalisme de ce rêve – mais un projet n’est-il pas souvent une utopie qui se concrétise ? – nous opposons notre certitude dans la richesse de la vie. Et la vie et l’espérance sont nos seules certitudes. Tel est le sens profond de notre combat : nous le mènerons, Monsieur le Président, avec loyauté, audace et ténacité. (Allocution du 30ème anniversaire de l’UNAF, Paris 12 juin 1976)
Il y a un lien de coresponsabilité entre les familles et la nation. Les familles sont actrices du civisme qui, pour se développer, a besoin de la leçon, mais surtout de l’exemple. C’est dans la famille que se découvrent et s’apprennent les solidarités élémentaires. Les parents investissent une part de leurs ressources et de leur temps dans l’entretien et l’éducation de leurs enfants. En assumant leurs devoirs vis-à-vis de leurs enfants, les parents apportent à l’harmonie et au développement de la Nation une irremplaçable contribution. Il est donc juste et nécessaire que soient créées les conditions propices à la sécurité et la liberté des couples et à l’accueil et l’accompagnement des enfants.
On ne construit pas une société équilibrée et dynamique sur l’injustice, l’insécurité et la peur du lendemain. Ainsi justifie-t-on la politique familiale dans sa nature, ses objectifs, ses contenus et ses moyens. En tous domaines, y compris pour la vie familiale, l’égalité des chances passe par l’égalité des droits. (Introduction de la Conférence de la Famille Paris Hôtel Matignon, 19 avril 1996)
La famille est réalité et valeur personnelles et universelles. Il n’en existe donc pas une définition absolue pour tous les temps, lieux, situations, statuts… Le Code de la famille lui-même, est muet. Nous disons – constat plutôt que définition -, qu’une famille est une communauté de personnes, de fonctions et de responsabilités, développée autour d’un projet éclairé par l’amour et qui a besoin de s’enraciner à la responsabilité et au respect mutuel pour satisfaire à la durée. Nul ne peut se mettre délibérément en « congé de famille » !
La famille n’est pas un choix fugace, la politique familiale ne peut pas être assujettie à l’immédiat... !
Dans une civilisation urbaine salariée, où la séparation entre les fonctions de production et de « reproduction » est complète, où les réseaux de solidarité anciens s’étiolent, décider d’avoir un enfant c’est se donner la certitude de joies et de gratifications affectives irremplaçables, mais c’est en même temps, pour le couple, abandonner une partie de son indépendance. C’est, notamment pour la mère qui renonce provisoirement à une activité professionnelle, courir le risque de ne pas pouvoir la reprendre au niveau où elle l’a quittée le moment venu ; c’est perdre des annuités de retraite ; c’est se fixer sur des tâches domestiques pour s’écarter de certaines relations sociales. Le phénomène est d’autant plus important que, dans les jeunes générations, le niveau d’instruction et de formation des femmes est analogue, et parfois supérieur, à celui de leurs partenaires masculins. En outre, la diminution des revenus se conjugue, ici ou là, avec l’augmentation des prix. (Introduction de la Conférence de la Famille Paris Hôtel Matignon, 19 avril 1996)
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POLITIQUE FAMILIALE La Démocratie a besoin d’être sans cesse avivée sur le terrain. En intervenant au plus près des réalités, les syndicats, les organisations socio-professionnelles, les associations, et notamment les associations familiales, apportent par le dialogue et la participation une irremplaçable contribution au développement de la Démocratie. (Allocution sur la Déclaration des droits de la Famille Bordeaux 10 et 11 juin 1989)
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L’inertie de celui qui s’abstient n’est pas le silence du sage. Le sage ne tourne pas le dos à sa responsabilité.
Je rappellerai six valeurs clés auxquelles est attachée l’UNAF qui doivent guider la politique familiale : • Un enfant a besoin d’une mère et d’un père. « L’envie ne crée pas le droit » : nul ne peut revendiquer un droit à l’enfant. Un enfant est lui-même sujet de droits et ne devra jamais être l’objet d’un contrat. La situation des parents seuls, pour assumer des responsabilités qui devraient normalement être partagées, doit être considérée au regard de l’intérêt indissociable de l’enfant et de sa mère ou de son père, seul pour l’élever. • Un enfant est naturellement une personne. La personnalité n’apparaît pas avec l’origine ethnique ou sociale, l’âge, l’éducation. • Un couple peut se défaire et se recomposer : grandeurs et servitudes de la liberté. Un enfant ne divorce pas de ses parents. Il restera la fille ou le fils d’un homme, d’une femme, - son père et sa mère -, qui devront savoir et pouvoir se retrouver, en tant que ses parents, pour l’accompagner dans sa vie d’enfant, d’adolescent, voire d’adulte, lorsque cela sera nécessaire pour lui. • Un enfant n’est pas responsable du statut de ses parents, ni de ses origines : il ne doit pas en être la victime.
La vérité se cherche, s’approche, se trouve à l’écoute de la vérité des autres.
La politique familiale n’est pas la cerise sur le gâteau. C’est un droit.
• La politique familiale ne peut pas être une concession faite au gré des circonstances. Elle est facteur de justice et de développement éducatif, économique et social. Ce faisant, les familles sont effectivement « actrices » et en conséquence « partenaires ». La loi et les pratiques doivent en tenir compte. • Si la politique familiale résulte largement de la législation, elle se développe aussi au niveau des communes, départements, régions et dans le cadre des grandes institutions de protection sociale et sanitaire. La politique familiale n’est pas la cerise sur le gâteau. C’est un droit. Ce serait une erreur contre la logique de confondre la politique familiale avec la politique démographique et la politique de lutte contre l’exclusion. En ce sens qu’elle nourrit la capacité d’espérer, la politique familiale est nécessaire à l’harmonie de la pyramide des âges. Si nous n’y prenons pas garde, nos vieux pays, fiers de leur passé et attachés à leur mission pérenne, risquent de n’être plus que des pays fatigués de vieux avec les risques économiques, sociaux, cultuels et géopolitiques qui en résulteront. La lutte contre l’exclusion nous concerne tous dans la mesure où nous faisons une règle absolue du respect de la dignité des autres. La politique familiale contribue à prévenir l’exclusion. Les parents et les grandsparents, qui, par exemple, accompagnent affectivement et matériellement les jeunes en difficulté, concourent à éviter l’aggravation de la fracture sociale. Une enquête récente de l’I.N.S.E.E. apprécie la valeur de ces investissements. Chaque démarche politique a ses logiques. En confondant les genres, on aboutit à la confusion, à l’inefficacité et à l’injustice. (Introduction de la Conférence de la Famille Paris Hôtel Matignon, 19 avril 1996)
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L’UNAF au plan national et les UDAF dans chaque département : • Défendent les intérêts familiaux, c’est-à-dire, appliqués à la vie familiale, les principes énoncés dans la Déclaration des Droits de l’Homme, les valeurs de l’humanisme sur lesquelles se fondent la Démocratie et la République, et que défendent les philosophies respectueuses de la Personne et affirment les religions qui réfèrent à l’amour et à son corollaire la charité. Ces principes et ces valeurs sont la liberté, indissociable de la responsabilité : la liberté n’est pas la licence ; la justice n’est pas la vengeance ni la puissance que le fort exercerait contre le faible ; la solidarité n’est pas l’assistance ; elle est le partage équitable des droits, des fruits du progrès scientifique et économique, de la culture, des charges et des moyens. Je n’ai jamais aimé entendre parler de l’égalité des chances, comme on a accoutumé de le faire : propos d’estrade ! C’est pour l’égalité des droits qu’en Démocratie il faut se battre quelqu’en soit les conséquences sur son propre confort. Droit à la dignité par exemple, qui se traduit dans le droit d’être logé, d’avoir un travail, une formation, d’être soigné… • La politique familiale ne se limite pas, pour importante que celle-ci soit, à la seule compensation des charges familiales. Elle est la prise en considération, d’une manière réflexe, de la dimension familiale par chacune des politiques économiques, sociales et culturelles, qu’il s’agisse de l’habitat, de l’environnement, de l’éducation, de l’accès aux soins de santé, de la consommation, de la communication, de l’emploi, de la culture, des loisirs… Simplifions l’expression des droits pour qu’ils soient lisibles pour tous. Le pauvre est aussi celui qui est exclu du savoir et sans relation dans une société compliquée et parfois administrée à l’excès.
La politique familiale contribue à prévenir l’exclusion.
Nous sommes d’accord sur l’impérieuse nécessité de lutter contre toutes formes d’injustice, et notamment contre l’exclusion. Les associations familiales sont actives sur le terrain. Il ne faut pas que le gouvernement et le législateur se trompent de cible ni confondent les moyens. Chaque démarche sociale a ses logiques que l’on ne doit ni contourner, ni refuser, sauf à tromper les autres, tout en se cachant la vérité à soi-même. Alors on ne résout rien durablement. Par exemple, dans le passé, la diminution des ressources de la branche famille de la sécurité sociale, par toutes sortes de méthodes, n’a pas eu sur la branche maladie les effets positifs escomptés. Il y a des entêtements pervers. Je n’ai évoqué que quelques points de la politique familiale, faute de temps, mais je manquerais à la vérité de limiter celle-ci à ses seuls aspects législatifs et donc nationaux : la politique familiale se fait également dans les municipalités, les conseils généraux et régionaux. Les élus présents le savent. C’est la raison pour laquelle, nous continuons de souhaiter, qu’à l’instar de ce qui existe pour la présentation de la situation démographique du Pays, par l’I.N.E.D., on impose à l’UNAF d’établir un rapport annuel sur l’attente des familles et la politique familiale. Il faut que les Français sachent son importance pour apprécier ses enjeux, les efforts qu’elle implique et ses résultats. Il faut que les parlementaires puissent avoir un rendez-vous fixe, chaque année, pour observer les réalités familiales et en débattre au-delà des mesures de protection sociale. (Discours du 50ème anniversaire de l’UNAF, Paris 25 novembre 1995)
Parce que nous sommes restés unis dans le respect de nos complémentarités certains coups tordus ont pu être évités, mais rien ici bas n’est gagné pour toujours. On a pu, jusqu’à présent, empêcher que la compensation des charges familiales soit irrémédiablement dévoyée. Déjà en 1946, Monsaingeon suggérait le risque qui
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pourrait naître, - et ce n’était pourtant pas à l’ordre du jour -, de la confusion entre l’assistance et la compensation entre le «social et le familial». Il faut colmater toutes les brèches et dresser des pare-feux. L’assistance sera toujours nécessaire. Elle n’est pas méprisable, mais la confusion des genres ne résout rien. N’ayons jamais le cœur qui fasse mal à la tête : ce serait le plus mauvais service que l’on puisse rendre à ceux que la misère agresse. (Assemblée générale de l’UNAF. - BIARRITZ les 22 et 23 juin 1996)
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FAMILLE – COUPLE - ENFANT La Famille exprime la responsabilité la plus forte qui soit accessible à une femme et à un homme : • Aimer l’autre pour lui-même et pour ses différences ; • Donner la vie à un enfant.
L’Amour a besoin d’être aimé d’amour.
Ainsi l’amour s’oppose-t-il à la peur que fait craindre la perspective de l’isolement et de la mort, même chez les plus raisonnables et les plus forts d’entre nous. Une famille a besoin de liberté pour assumer ses responsabilités, atteindre ses finalités et réaliser son projet affectif et éducatif. L’amour a besoin d’avoir la garantie du respect et de la durée. L’amour a besoin d’être aimé d’amour. La liberté ne se divise pas. Elle est globale, ou elle n’est pas. Sa seule limite est celle du droit qu’ont les autres à la même liberté que soi. Un enfant ne devient pas une personne par l’âge ou par l’éducation. Il est par essence une personne. Responsabilité d’autant plus lourde pour ses parents, l’école, les médias et la société, qu’ils ont, vis-à-vis de lui, le devoir de l’aider à se réaliser homme, femme, citoyen, libres, responsables et solidaires. C’est dans le couple et la fratrie que s’initient le mieux le dialogue et le partage. Le couple et la famille sont des lieux privilégiés de développement des solidarités élémentaires. On y apprend à « s’aider et à céder ». Alors que va être ratifiée la Convention des Droits de l’Enfant, nous rappelons trois principes que l’on retrouve dans notre projet de Déclaration des Droits de la Famille :
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L’adoption, c’est donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille.
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• un enfant a besoin d’une mère et d’un père. Par exemple, le fait qu’un couple se désunisse ne doit jamais faire oublier à l’un, ni à l’autre, qu’ils resteront toujours le père et la mère de leur enfant. Un enfant ne divorce pas de ses parents. N’étant pas responsable du statut de ses parents, il ne devrait jamais en être victime. • pour compréhensible que soit, chez une femme et chez un homme, l’envie d’enfant, celle-ci ne saurait prévaloir sur l’intérêt immédiat et à terme de l’enfant. • revendiquer le droit à un enfant pourrait faire courir le risque inacceptable d’être tenté d’évoquer un jour le droit sur l’enfant. L’enfant n’est pas la propriété de l’Etat, ni d’une Eglise, ni d’une école de pensée, ni de ses parents. Il est certes l’enfant d’une famille, d’une époque et d’une nation, mais, avant tout, il est une personne naturellement titulaire des droits reconnus à la Personne. Comme tel, l’enfant doit être respecté, accompagné, protégé et aimé pour lui-même. La maternité et la paternité doivent être respectées et protégées. Ignorer ou ne pas défendre les droits de la famille et ce faisant les droits de l’enfant, serait attenter directement aux Droits de l’Homme !
La plus grave faute qui puisse être commise contre l’Homme, la Famille, l’Enfant est le «péché par omission». On ne combat pas l’injustice par le silence ou l’indifférence.
Une loi qui ne protège pas, en priorité, les plus faibles est contraire à l’égalité et à la justice. Elle nie les Droits de l’Homme quand bien même elle s’y réfèrerait. La plus grave faute qui puisse être commise contre l’Homme, la Famille et l’Enfant est le « péché d’omission ». On ne combat pas l’injustice par le silence ou l’indifférence. Le bonheur, c’est la chance que l’on a de vivre dans un Pays de liberté à ce point ancrée dans la mémoire historique et les routines quotidiennes qu’elle devient ordinaire. Que 1989 nous conduise à méditer sur cette chance afin que nous prenions la mesure qu’il nous faudra longtemps encore beaucoup lutter, et lutter fermement,
pour que des milliards d’hommes, de femmes et d’enfants, dont certains sont à notre porte, puissent connaître le bonheur ! Il suffirait souvent de peu de chose pour qu’un enfant accède au droit de sourire… Un enfant n’est pas seulement, ni d’abord, une charge, même si le coût de son entretien et de son éducation pèse sur le budget de sa famille et sur la collectivité. Il est un « plus » apporté au bonheur de ses parents, de la fratrie et de la Nation dont il constitue la chance la plus grande. Il est bien des mots difficiles à choisir et à expliquer. Ils sont banalisés et souvent galvaudés : ainsi en est-il peut-être de la Liberté, de la Solidarité, de la Justice et de la Démocratie. Ainsi en est-il sûrement de l’Amour et du Bonheur qu’il faut aller, l’un et l’autre, découvrir et apprivoiser patiemment à la croisée du rêve et des réalités, là où, sans la confondre avec l’illusion, on aperçoit l’Espérance. (Allocution à l’Assemblée générale de l’UNAF, Bordeaux 10 et 11 juin 1989)
Avoir un enfant, c’est souscrire une responsabilité à long terme et tout faire pour réussir sa mise sur une orbite adulte si possible plus haute que celle où se situent ses parents. (Avis du Conseil Economique et Social européen Bruxelles, avril 1983)
L’envie ne crée pas le droit, ce qui signifie que nul ne peut revendiquer le droit à l’enfant. Combien est admirable, par exemple, l’expression du mouvement des familles adoptives qui définit l’adoption, non comme le don d’un enfant à une famille mais tel le don d’une famille à un enfant. • Un enfant est par nature une personne. Il doit être traité et respecté comme tel. La personnalité n’est pas le fait de l’âge, de l’éducation, de l’origine...
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• Un enfant n’est pas responsable du statut et de la condition de ses parents. Il ne devrait jamais en être la victime. • Un couple peut se défaire et une famille se recomposer, - grandeur et servitude de la liberté -, l’enfant de ce couple est la fille ou le fils d’un père et d’une mère qui, ensemble, resteront ses parents et devraient comme tels, vis-à-vis de lui, toujours se comporter et en conséquence le pouvoir. • Nul ne devrait jamais se rendre coupable, - et a fortiori dans une famille -, de voler l’enfance à un enfant. • Les parents investissent une partie de leurs ressources et de leur temps dans l’entretien et l’éducation de leurs enfants. Cette fonction hautement civique et sociale ne devrait être jamais politiquement ignorée, mais respectée et portée au compte des indicateurs économiques. L’UNAF demande depuis très longtemps que la compensation des charges familiales soit fondée sur la base objective du « coût familial de l’enfant », tout comme elle demande avec persévérance que soit enfin créé un « statut parental » complet et réaliste. Au-delà du versement d’une prestation, il faut, par exemple, garantir à la mère ou au père qui, pour des raisons familiales, interrompt son activité professionnelle, le maintien de sa qualification et de ses droits à la retraite. Elever un enfant est une mission irremplaçable que la Nation doit concrètement reconnaître, au-delà de la douceur enthousiaste des discours. Oui à une politique du « libre choix » qui ne saurait sous-entendre l’envie d’écarter de l’activité professionnelle des femmes au prétexte de lutter contre le chômage des hommes ! (Discours du 50ème anniversaire de l’UNAF, Paris 25 novembre 1995)
EUROPE L’Europe unie est la chance qui nous est offerte pour relever les défis qu’aucun Etat ne pourra jamais, par lui seul, relever : le défi du chômage, celui de la pauvreté, le défi culturel et celui de la communication audiovisuelle, le défi démographique : pour que nos vieux pays, fiers de leur passé, ne deviennent pas des pays de vieux, déjà frileusement soumis.
Si les familles sont une chance pour l’Europe, l’Europe unie sera une chance ineffable pour les familles.
L’Europe existera à la condition qu’elle soit une Communauté humaine, mobilisant convictions et talents sur le progrès technologique certes, mais aussi pour que triomphe la justice, sachant bien que le développement social dans la diversité de ses formes est un levier indispensable du progrès économique. Sinon l’Europe ne sera pas ou elle sera plus tard au risque qu’il ne soit trop tard ! (Allocution à l’Assemblée générale de l’UNAF, Bordeaux 10 et 11 juin 1989)
DEMOGRAPHIE Au-delà d’un nombre limité de spécialistes, l’intérêt porté aux problèmes démographiques est resté pendant longtemps très mince. Oser parler des risques qui découleraient d’un déséquilibre durable de la pyramide des âges était assimilé à une vision traditionnelle et rétrograde de la société qui entendait se libérer de ses tabous. Ainsi certains croyaient-ils mieux tourner le dos à des épisodes noirs de l’Histoire durant lesquels l’apologie de la force mise au service de la pire violence avait tenté de s’appuyer sur les vertus familiales et notamment sur les familles nombreuses. En fait, de tels régimes politiques nient les valeurs familiales qui ont leur origine dans le respect de la personne et dans la solidarité. En tout état de cause; la famille se situe bien loin du totalitarisme puisqu’elle a son origine dans l’amour, l’assistance mutuelle et le partage.
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Un enfant qui ne nait pas aujourd’hui, ne naîtra jamais et ne donnera jamais un nouvel enfant. La démographie est une science implacable et du long terme.
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Aujourd’hui, l’opinion découvre l’importance des problèmes de population par l’appréciation des conséquences qu’induit le fait de les négliger ou de les mal traiter. La démographie est la science du long terme. Un enfant qui naît maintenant s’inscrit normalement dans la pyramide des âges pour plus de trois quarts de siècle. Pareillement, l’enfant qui ne naîtrait pas aujourd’hui manquera définitivement et, de surcroît, il ne contribuera pas à donner naissance à d’autres enfants. Les phénomènes démographiques ont, dans ce sens, un effet cumulatif. L’appréciation de la réalité et des conséquences des faits économiques est souvent immédiate ou très prochaine. En revanche, les faits démographiques, en raison de leur amplitude, sont révélés concrètement beaucoup plus tard. Aussi, l’une des erreurs serait-elle d’appliquer à la démographie les logiques de l’analyse et de l’action économiques. Si l’on peut corriger certaines carences dans un délai rapide, on ne peut pas apporter de corrections immédiates à la situation démographique. Pour savants que soient les démographes et aussi fiables que soient leurs études, il s’agit, pour eux, d’indiquer des tendances fortes. La démographie n’est pas prioritairement la science du nombre, elle est d’abord la science de l’analyse des structures : classes d’âges, composition des familles, répartition d’une population selon son activité, etc... Ce sont les équilibres à maintenir qui importent pour garantir l’harmonie d’un groupe. La situation démographique peut être l’objet d’approches diverses. C’est ainsi que certains s’inquiètent de l’avenir des retraites qui reposent sur la répartition. Déjà la situation des retraites dans certaines catégories professionnelles (par exemple : agriculture, mines…) ne serait-elle pas gravement compromise sans un appel à la solidarité des catégories qui ne souffrent pas d’une même disharmonie entre le nombre des actifs et celui des retraités, ou sans l’aide directe et accrue du budget de l’Etat.
D’autres adoptent devant les déséquilibres démographiques des attitudes de peur panique qui les conduisent à avoir des réactions qui pourraient aller jusqu’au racisme. Il est vrai, par exemple, que si la population de la Communauté Européenne, dans l’état actuel des choses, se maintiendra au mieux à son niveau d’aujourd’hui dans les cinquante ans qui viennent, en revanche, la population de l’ensemble de l’Afrique qui était, nombre pour nombre, égale à celle de l’Europe des Dix en 1950 (220 millions d’habitants) est aujourd’hui au double (550 millions d’habitants). Elle atteindra 850 millions en l’an 2000 et 1 milliard 500 millions en l’an 2025, tandis que la population de l’Europe des Douze se situera alors autour de 320 millions d’habitants. Néanmoins, la gravité du déséquilibre résidera, au-delà du nombre, dans la disparité structurelle : l’Afrique est, et continuera d’être, un pays à dominante « jeune » alors que nos vieux pays seront devenus des pays de « vieux ». La même observation est à faire vis-à-vis d’autres continents, par rapport au nôtre. Nous allons vers la constitution de sociétés pluriraciales, que cela plaise ou déplaise; les réflexes raciaux ou racistes sont d’ores et déjà mal venus. C’est dans la mesure où notre propre société manifestera raisonnablement sa capacité d’accueil que nous aborderons ces perspectives dans la cohérence et avec le minimum de heurts et que nous préserverons et valoriserons notre identité. Ne devons-nous pas nous souvenir, comme d’un exemple parmi d’autres, que chacune des populations qui constituent la Communauté a été le résultat de l’apport de populations d’origines parfois très différentes ? D’autres encore n’essaient-ils pas de mettre à profit la baisse de la fécondité, pour accuser des attitudes personnelles, des choix politiques ou plus simplement la distance prise avec des normes morales ? Le poids des égoïsmes n’est jamais insignifiant sur les prises de position personnelles, catégorielles ou politiques.
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Le chômage ne peut pas être tenu pour une fatalité qui ferait ses victimes, sans aucune cause et sans responsables avoués.
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l’avenir apparaît incertain ; le développement massif du chômage, et du chômage des jeunes, donne à penser que l’enfant d’aujourd’hui risque d’avoir plus de peine à s’insérer dans le monde du travail que ce n’était le cas il y a quelques décennies. Le chômage induit la marginalisation sociale. Il faut noter que si la crainte du chômage n’est pas neutre sur la natalité, cependant on doit relativiser cette crainte, car la chute de la natalité s’est amorcée dix ans avant l’apparition de la crise économique qui persiste. Ce qui joue, c’est la permanence du chômage et sa généralisation. On ne peut pas laisser sous silence l’absence de grands projets dans nos sociétés, où le niveau de consommation reste élevé, tandis que les activités spirituelles ou simplement désintéressées s’étiolent et que les rapports sociaux se distendent pour souvent ne guère se resserrer que ponctuellement sur la défense d’intérêts matériels, et parfois corporatistes et égoïstes. La période qui a suivi la dernière guerre fut celle pendant laquelle un relèvement de la fécondité paraissait, matériellement, le plus malaisé, eu égard à la faiblesse des rémunérations, au rationnement alimentaire et vestimentaire et à la pénurie de logement ; pourtant ce fut le moment où les couples, portés par l’idéal de reconstruction de leur pays, décidèrent d’avoir le plus d’enfants. Cette observation met en évidence les facteurs moraux et sociaux, notamment de solidarité, qui influent sur les choix démographiques personnels et sur l’attitude globale de l’opinion. Ceci conduit à s’interroger sur la capacité que nous aurions réellement à transformer nos styles de vie dans le sens d’un partage plus solidaire et d’un attachement prioritaire à la nécessité d’être, et non pas à l’envie de paraître.
Le Comité Economique et Social Européen a tiré de ses conclusions un certain nombre de propositions. 1- L a dimension démographique doit être intégrée aux différents projets et débats économiques, sociaux et culturels, tant nationaux que communautaires. 2- Les ministres en charge de la famille devraient régulièrement se réunir pour définir les orientations que doit suivre toute politique familiale globale constituée, au-delà de la compensation des charges familiales, par l’intégration du fait familial et des réalités familiales aux débats et aux dispositions économiques sociales, sanitaires et culturelles. 3- La compensation des charges familiales qu’assurent des prestations familiales, des réductions fiscales et l’accès à des services et des équipements spécialisés, doit reposer sur un droit effectivement ouvert à tous les parents qui assument la charge d’un enfant. Par ailleurs, elle doit, par ses procédures de financement, manifester la solidarité de l’ensemble de la Nation. 4- L e logement joue un rôle très important dans l’équilibre de la vie familiale et il est souvent déterminant du seul point de vue démographique. 5- Un environnement matériel, psychologique et moral est indispensable pour conforter les parents affrontés à leurs responsabilités éducatives et soutenir leur espoir. Un projet familial a besoin d’avoir la garantie de la durée. 6- Tout doit être mis en œuvre pour favoriser chez les parents la maîtrise du temps et des rythmes, et notamment pour permettre d’harmoniser la vie professionnelle avec la vie familiale.
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7- D es actions très fermes doivent être poursuivies en direction de l’accès au droit à l’emploi pour tous et singulièrement pour les jeunes. 8- L ’accueil des personnes âgées doit être mené de pair avec l’accueil des enfants et des jeunes : les personnes âgées sont indispensables pour transmettre les patrimoines historiques. Elles jouent un rôle éducatif en complément des responsabilités qu’exercent les parents avec le concours de l’école. 9- L a lutte contre la stérilité doit être intensifiée et les législations sur l’adoption doivent favoriser l’accueil d’enfants étrangers en respectant l’objectif de l’adoption, qui est de donner non pas un enfant à une famille, mais une famille à un enfant.
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10- L ’enseignement de la démographie doit être prévu par tous les programmes scolaires. L’opinion publique doit être informée sur la situation démographique et sur ses conséquences.
Et si nos vieux pays fiers de leur passé devaient n’être plus que des pays de vieux, trop fatigués pour aller de l’avant.
Le débat sur l’avenir démographique est un débat philosophique et politique. Il a un volet personnel. Il a un volet social et économique. C’est un débat essentiel de société qui oriente et conditionne tous les autres débats. (Avis du Conseil Economique et Social européen Bruxelles, avril 1983)
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Morceaux choisis d’éditoriaux
MARS 1986
Pour l’UNAF une page n’est jamais tournée Pour l’UNAF, la neutralité n’est ni la compromission, ni le renoncement. Elle est le respect du jeu normal de la démocratie. La famille n’est ni de droite, ni de gauche : c’est une valeur universelle et un droit fondamental de la Personne. Aussi souhaitons-nous très ardemment qu’autour de l’idée de famille, et dans le respect des choix individuels, toutes les bonnes volontés s’unissent pour créer les conditions d’une solidarité effective et d’un accueil de l’enfant attentif à sa faiblesse et respectueux de sa personnalité et de ses droits. La récente création du congé représentation pour les représentants familiaux montre, après 25 ans, que l’obstination est toujours couronnée de succès lorsqu’elle s’applique à une demande juste. L’UNAF ne présente que des demandes justes, sans démagogie, ni parti pris, si ce n’est celui des familles et l’intérêt du Pays.
MARS 1988
La voie choisie de la « politique familiale globale » Ainsi définissons-nous la politique familiale globale comme le résultat d’une lecture familiale des politiques économiques, sociales et culturelles. Ou bien le fait familial sera l’un des facteurs du débat et de la décision politiques, ou bien l’intérêt porté aux familles restera du domaine de l’intention. Disant cela, nous ne négligeons pas que la France a souvent pris des décisions significatives, en dépit des retards, d’orientations inadéquates (exemple : l’instauration de prestations familiales sous conditions de ressources) ou d’insuffisances. Tout est affaire de volonté et de réflexe politiques, surtout dans le choix des priorités budgétaires.
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Nous félicitons la délégation française, au sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements européens, de Bruxelles, d’avoir incité les autres Gouvernements et les Institutions communautaires à prendre en compte la dimension démographique et familiale.
JUILLET 1988
Le temps qui vient, le temps qui va On n’apporte pas nécessairement au temps et aux rythmes toute l’attention qu’ils mériteraient. Au contraire du temps, l’espace est visible : on le mesure, on le partage, on l’achète, on le vend. On cultive son champ. On peint sa maison. L’espace porte le témoignage, pour les individus et pour les familles, d’un ancrage physique et culturel.
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Le temps, - cette seconde dimension de la vie -, ne s’incarne pas immédiatement à la réalité. On l’apprécie a postériori, le plus souvent à travers la notion de durée, une fraction du temps rapportée à une sensation, tels la douleur et le plaisir. On oublie ou on ignore les repères du temps : où donc est disparue notre enfance ? Seules subsistent les images que la mémoire a sélectionnées sans que l’on sache trop pourquoi. A quand l’entrée dans la vieillesse souvent, à tort, identifiée à l’inutilité de vivre ? Pour les familles, la dimension « temps » est déterminante de leur qualité de vie et de leur bonheur. Tout projet familial a besoin de bénéficier de la garantie de la durée, de l’équilibre des rythmes et de l’harmonieuse rencontre des âges. Naguère, l’UNAF a consacré une Assemblée Générale à une réflexion sur « les familles et le temps ». Des responsables politiques ont porté intérêt à tel ou tel aspect du temps et des rythmes. M. HENRY a été Ministre du temps libre : intéressante innovation, malheureusement tronquée au départ, et sans suite. Le temps libre ne signifie rien si on l’isole du temps scolaire et du temps de travail et si l’on oublie qu’élever des
enfants ou accompagner des personnes âgées, handicapées et malades dépendantes, consomme beaucoup de temps. Par ailleurs, le temps ne se mesure pas à la semaine ni au mois. Il s’identifie globalement à la vie. Il faut noter l’opposition qui s’est créée entre deux approches du temps : pour l’action politique le court terme, et pour les réalités économiques et financières et les responsabilités familiales, le long terme. Par exemple, la croissance n’a un sens qu’à la condition de durer, et les parents resteraient toute leur vie la mère et le père de leurs enfants. Dans ces conditions, le temps n’est-il pas le défi qu’il nous faut maintenant relever ? Notre logique de pensée et notre façon de vivre sont en cause et ce faisant notre culture. Puisse le temps devenir l’objet d’une réelle considération en politique, à l’école et dans la vie professionnelle, personnelle et familiale ! Le temps perdu se venge. Attendre n’est pas forcément la solution. Par exemple, les pauvres n’ont que faire des subtils débats ouverts sur le concept de pauvreté et sur les avantages politiciens qui pourraient indirectement découler d’amendements ultérieurement acceptés ou refusés. Il y a autant de façons d’être riche, qu’il y a de riches. Il y a l’inacceptable habitude, acquise par la naissance sans y prendre garde ou qui fait dépendre son bonheur de la soumission quand ce n’est pas du malheur des autres. Je ne sais pas de loi qui puisse définitivement détourner l’inacceptable. Eternel, l’orgueil défie le temps. La politique a peur du temps et elle le récuse. Qu’adviendrait-il, si le temps venait à se fatiguer d’attendre ?
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MAI 1990
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Charles de Gaulle : l’UNAF se souvient... On célèbre, tout au long de l’année, le 100ème anniversaire de la naissance de Charles de Gaulle, associé au 50ème anniversaire de « l’Appel du 18 juin » qui allait marquer son entrée dans la Mémoire. Des stratèges attardés l’avaient enfermé dans l’oubli : le colonel de Gaulle avait eu raison trop tôt... Maintenant, le consensus est très large sur la place que le Général de Gaulle tient dans l’Histoire au-delà de nos chroniques nationales. Alors président du Gouvernement provisoire de la République, le Général de Gaulle a promulgué l’Ordonnance du 3 mars 1945 qui permettait la création de l’UNAF et des UDAF. Dans son esprit et sa lettre, ce texte esquissait l’idée de participation que le Général déjà nourrissait. Accompagnant Paul Noddings, mon prédécesseur en audience chez le Général de Gaulle, alors Président de la République, je l’ai entendu évoquer cette ordonnance dont il gardait un souvenir très frais, en y associant ceux qui en avaient été les rédacteurs et les cosignataires : « Ce fut une chose que nous avons faite tous ensemble ». Il évoquait en termes simples et chaleureux la Famille et parlait avec pudeur de sa famille. J’ai découvert alors l’enthousiasme et la simplicité rustique du Général, mal perceptible à travers ses interventions publiques. Il incarnait une « certaine image de la France » dont, au fond d’eux-mêmes, les Français étaient fiers même s’ils s’en défendent. Personne ne peut nier que l’originalité de notre politique familiale, et notamment son caractère global, sont dus au dialogue et à la négociation institutionnels voulus par les initiateurs de l’Ordonnance du 3 mars 1945. En cette année, l’UNAF n’oublie pas. C’est l’hommage qu’elle rend au Général de Gaulle.
Après lui, l’œuvre a été poursuivie avec Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et le président François Mitterrand, chacun étant convaincu que les familles, qui, en 1945, ont été appelées à participer à la reconstruction du Pays, sont directement les vecteurs éducatifs et civiques les plus forts des principes et des valeurs humanistes de liberté, de justice, de respect des autres et de soi et de solidarité qui inspirent la Démocratie. Alors que risque de se développer l’hystérie du refus de l’autre, au faux prétexte qu’il serait différent de soi, le message de ceux qui ont accepté de tout sacrifier à la Liberté et à la Justice prend une valeur particulière. Malheur à celui qui ose blasphémer, ou qui pèche par omission, contre la mort et la souffrance ainsi acceptées par d’autres que rien ne doit arracher à la Mémoire !
MAI 1990
Fête des Mères – Fête des Familles Le 27 mai, la Fête des mères sera célébrée, officiellement en mairies, conseils généraux et préfectures, et dans l’intimité joyeuse des familles. Dans les écoles, les enfants auront préparé compliments et dessins. Le 28 mai, Monsieur le Président de la République remettra la médaille de la Famille à des parents. Pour l’UNAF, la Fête des mères est la Fête des Familles. Pourquoi l’union de ces deux titres ? Historiquement, il a été nécessaire de valoriser fermement la mère. Les femmes étaient absentes de la vie publique. Leur rôle éducatif et le travail qu’elles accomplissaient au foyer restaient dans l’anonymat.
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Aujourd’hui, la place dévolue aux femmes et leurs droits, s’ils sont garantis par la loi, ne sont pas encore partout ni toujours inscrits dans les faits. Des inégalités subsistent. Ceux qui tentent de les justifier ne convainquent pas. Les réalités se constatent sur le terrain et au quotidien et non pas à la seule contemplation des textes législatifs ou des règlements. Heureusement, notamment chez les « jeunes familles », le partage des fonctions parentales se développe. La complémentarité des rôles est vécue en termes d’identité des responsabilités.
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Nombreuses sont les mères qui exercent volontairement ou par obligation économique une activité professionnelle. Il est nécessaire de rechercher constamment les possibilités d’harmoniser pour les parents leur vie familiale et leur vie professionnelle. Le développement de la société est en question : les parents investissent leurs ressources et une partie de leur temps dans l’éducation et l’entretien de leurs enfants. Les parents ont des devoirs. La société ne doit pas méconnaître les siens. Elle n’exerce pas toujours ni suffisamment sa solidarité. Valoriser le rôle des mères n’est pas méconnaître celui des pères, et réciproquement. La valorisation du couple et de la famille ne contredit pas l’identité de leurs membres. Au contraire. Le bonheur, dans ses aspects personnels, manifeste la solidarité et la responsabilité réciproque de ceux qui vivent ensemble. C’est le sens de l’expression populaire : « pour le meilleur et pour le pire » ! Fêter les mères, les pères, les grands-parents, les enfants, les fiancés… en des jours différents n’est pas sans intérêt « commercial ». La question n’est pas indifférente.
Que la Fête des mères, fête de la joie familiale, des familles, soit celle de la joie familiale d’une Nation qui a de plus en plus besoin des familles pour relever les défis auxquels elle est confrontée ! Le devenir d’un homme et d’une femme s’inscrit dans les premières années de leur enfance. Un enfant aura toujours besoin d’une mère et d’un père qui l’aiment et qu’il puisse aimer, quoiqu’il arrive parce qu’on ne cesse jamais d’être mère ni père et de l’être ensemble, ni d’être fille ou fils. C’est lorsque les droits de la personne sont mis à mal ou quand une société prend peur que l’on découvre mieux l’importance d’une éducation morale et civique. On vise alors les carences des familles et de l’école sans chercher plus loin, ni s’interroger sur soi. Ne désespérons pas !
NOVEMBRE 1990
La Fête des Mères est la Fête de l’Amour et, en conséquence, celle de l’Espérance qu’il faut apprendre jour après jour à conjuguer à chacun des temps de la vie.
Alfred Sauvy (1898 – 1990) Alfred Sauvy est décédé au plateau d’Assy le 30 octobre 1990. A la création de l’UNAF, en 1945, Maurice Monsaingeon, son président, et Eugène Dary, son vice-président, l’un et l’autre amis d’Alfred Sauvy, l’avaient appelé à présider la commission économique de l’UNAF, à laquelle participait, entre autres, Jean Fourastié. C’est sous l’impulsion d’Alfred Sauvy qu’a commencé le long combat pour faire reconnaître les familles comme partenaires à part entière de la vie économique. Cet aspect de l’action d’Alfred Sauvy est peu connu. Il nous appartenait de le rappeler. La mémoire est sélective. L’oubli est parfois malsain, il est souvent déraisonnable et injuste.
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Nous souhaitons, qu’au-delà du cercle restreint des démographes, tous les responsables familiaux, et bien d’autres avec eux, gardent la mémoire d’Alfred Sauvy et méditent ses leçons qui n’ont pas vieilli parce qu’elles ont la vie pour objectif.
JUILLET 1991
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L’enfer, ce ne sont pas les autres !
Les vieux démons et les démons plus jeunes dorment d’un œil. Un mot suffit à les animer. Les Français réagissent au verbe. Il est des expressions qui nourrissent une excitation diabolique à temps et à contretemps. Lorsqu’en 1975, l’UNAF a vu son statut modifié à la demande de son Assemblée générale suivie par le Parlement, je me souviens que nous fûmes l’objet de mises en garde byzantines et de critiques soupçonneuses, puisque nous allions devoir représenter officiellement, en même temps que les familles françaises, les familles étrangères régulièrement établies en France. Il nous était apparu normal que les étrangers, vivant ainsi chez nous avec leurs familles, soient autorisés à s’exprimer à travers les UDAF et l’UNAF. Perception logique de la Famille en tant que conséquence, sans doute la plus forte, des droits de la Personne exprimés dans la fidélité aux valeurs humanistes. L’immigration ouvre sur un débat d’autant plus ardent qu’ici et là on l’utilise comme argument électoral plus sensible que d’autres parce qu’il est facile de la charger de responsabilités qu’elle n’a pas nécessairement en direct. La passion et la généralisation hâtive font le reste. S’il y avait une solution simple et bonne, - c’est-à-dire facile à expliquer et qui respecte le guide humaniste auquel nous nous référons – celle-ci serait appliquée depuis longtemps. Comme en d’autres domaines, nous sommes affrontés à nos contradictions individuelles, nationales, philosophiques, politiques et d’intérêts.
Des déclarations à l’emporte-pièce, des mots, des informations insuffisamment contrôlés ou qui vont exagérément dans un seul sens, exercent un rôle d’accélérateur. Le manichéisme, qui paraît ici ou là confortable, ouvre toujours sur la plus mauvaise solution. Le racisme en est l’une des conséquences indignes. Il n’y a pas que des blancs ou des riches qui cèdent à l’absurdité du racisme : c’est un constat ; ce n’est pas une consolation. Nous rappelons quelques-unes de nos réflexions : • Vivre dans un pays, qu’on en soit citoyen par la naissance ou la naturalisation ou qu’on y soit accueilli, oblige nécessairement d’en appliquer et respecter les lois qui sont chez nous celles d’une République laïque fondée sur les Droits de l’Homme et construite sur les principes de la démocratie. • Nous ne traiterons pas l’intégration des étrangers si nous négligeons, dans le même temps, l’intégration de certains de nos compatriotes, qui tendent à être ignorés et marginalisés. Que l’on se souvienne du malheur des « petits blancs » maltraités déjà ailleurs. La nomination d’un Secrétaire d’Etat à l’intégration est un fait positif. Faute de moyens suffisants, il serait le pompier aux mains nues. Kofi Yangnane est capable de beaucoup mieux et il le veut. • Comme tant d’autres affaires, l’immigration doit être traitée au plan de la Communauté européenne, au-delà des seuls aspects policiers et douaniers. • Des efforts prioritaires sont à poursuivre en matière de logement, d’enseignement de la langue française et de formation professionnelle : trois anneaux d’ancrage indispensables à l’espace et au temps. • L’intégration se fait sur le terrain d’où le rôle des associations, et notamment des 8 000 associations familiales qui répondent toujours positivement, et des asso-
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ciations de quartiers. La responsabilité du gouvernement et des élus est celle de tous les citoyens. Pour indispensable qu’elle soit, la loi ne remplacera jamais la fraternité d’une main tendue ou d’une confidence écoutée avec amitié. • L’immigration est souvent la conséquence de la pauvreté que l’on ne résoudra jamais par le refus de voir et d’entendre ni par l’exclusion ou la marginalisation. Parce qu’ils n’étaient plus économiquement intégrés à leur milieu, des habitants de nos campagnes sont venus vers les villes. Ils ont fourni une main-d’œuvre accommodante. L’intégration des Italiens et des Espagnols s’est facilement faite : ils partageaient notre culture et les conditions générales n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Néanmoins, il y a eu des accrocs et il a fallu laisser « du temps au temps ». Aujourd’hui, il faut aller vite, sans risquer d’aller trop vite…
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• On ne luttera pas contre la pauvreté en tirant profit des pauvres. Les utilisateurs illégaux de main-d’œuvre doivent être sanctionnés avec fermeté et publiquement. • La solution à l’immigration ne sera pas trouvée dans une sorte de guerre de religion qui n’ose pas dire son nom. D’où l’importance de respecter les principes de la laïcité qui impliquent la distinction entre ce qui est du domaine de César et ce qui n’en est pas et le respect effectif des religions, distinctes de l’Etat, mais reconnues par lui en tant qu’élément de vie personnelle et de culture.
MARS 1992
Voter … et après le vote, assumer ses responsabilités de citoyen ! …
C’est parce que l’on a la chance d’être au Pays de la liberté d’agir et d’être soi-même, selon ses convictions, que l’on peut s’offrir sans être attentif au risque, le luxe de ne point pleinement user de ce droit civique. L’inertie de celui qui s’abstient n’est pas le silence du sage. Le sage ne tourne pas le dos à sa responsabilité.
Aux parents la charge matérielle et la responsabilité morale et éducative de leurs enfants donnent une raison supplémentaire de voter. Ils doivent être la voix de ceux qui, à cause de leur âge, sont civiquement et socialement sans voix. Jadis, chez nous, naguère à notre porte, et encore aujourd’hui plus loin, des peuples ignoraient et ignorent toujours la possibilité de participer à choisir les politiques qui vont moduler leur destin. En s’abstenant d’user d’un droit, on se désolidarise de ceux qui luttent pour accéder ailleurs à la liberté. Pour important que soit le vote, il n’exonère pas de l’obligation d’accompagner les élus dans l’exercice de leurs mandats. C’est le rôle donné par la loi à l’Union nationale et aux Unions départementales des associations familiales : c’est aussi le rôle des mouvements familiaux et des associations qui, sur le terrain, sont la voix collective des familles réunies dans leur cadre ordinaire de vie. Les élus que nous aurons désignés resteront fidèles à l’orientation que nous avons ainsi souhaitée si nous restons présents, à leurs côtés, pendant l’exercice de leurs mandats. Nous devrons néanmoins nous souvenir que le bien commun ne se confond pas avec la protection de quelques avantages personnels. Le rôle des élus, selon les cas, est de voter la loi ou de gérer une commune, un département, une région, et non pas d’être pour chacun des habitants de leur circonscription une sorte «de protecteur social » corvéable et taillable à merci en charge d’abord de régler des problèmes individuels.
AOÛT 1993
Et si l’on avait atteint les limites du paradoxe ? S’il existait une méthode ou un moyen d’éradication du chômage, cela depuis longtemps se saurait. Certes des dispositions ont permis d’en réduire certains effets, mais le mal dure, cruel : un mal personnel, une injustice sociale, une perte lourde de conséquences pour l’avenir.
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Invoquer la fatalité c’est abandonner son avenir au hasard. Les hommes proclament pourtant leur liberté et compétences à réguler leurs conduites et à imaginer et maîtriser les technologies les plus sophistiquées et les systèmes politiques et économiques les meilleurs. Tout se passerait donc comme si les leçons de l’Histoire laissaient chacun indifférent. Si l’on avait dit que la maladie était une fatalité, la médecine n’aurait jamais enregistré le moindre progrès. Faire du chômage une fatalité serait ouvrir grandes les portes à la misère, à l’éclatement social et à l’aventure politique.
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Les règles de la concurrence ne sont plus ce qu’elles étaient naguère, pour quantité de raisons, dont les disparités démographiques et les différences énormes qui se creusent dans la possession des ressources et moyens scientifiques, technologiques et financiers. La référence prioritaire à l’argent devient l’instrument de mesure. A tous niveaux, l’envie de posséder et de paraître l’emporte sur la nécessité d’être et de partager. Le réflexe des « riches », qu’il s’agisse d’un pays par rapport à d’autres ou de catégories sociales ou professionnelles ou de particuliers à l’intérieur d’un même État, s’apparente souvent plus à la garantie d’une situation personnelle qu’à la solidarité. On accepte mal de faire une distinction et une hiérarchie entre les droits fondamentaux, des privilèges ou des « avantages » obtenus, alors que les circonstances étaient ce qu’elles ne sont plus. N’y a-t-il pas un paradoxe à demander plus de justice et à ne pas se soumettre volontairement soi-même aux contraintes de la solidarité ? C’est en étant ferme sur les droits fondamentaux, quoi qu’il en coûte pour soi, que l’on défend les droits des plus faibles. Un enfant n’est pas une pénalité. Les femmes et les hommes doivent avoir des droits égaux devant le travail.
Nous ne doutons pas de la bonne volonté mise à lutter contre le chômage. Il ne faudrait pas qu’elle crée, à travers telle ou telle disposition, le risque – même si ce n’est pas l’intention – d’aller vers un changement de philosophie, de nature et de moyens de la protection sociale et notamment de la compensation des charges familiales. Les prévisions économiques n’augurent pas une amélioration prochaine de l’emploi. Aussi, l’usure de certains dispositifs et leurs contradictions conduisent-elles à se demander si l’on ne touche pas au fond du paradoxe ? Ne se trouve-t-on pas placé dans l’obligation de s’interroger sur la capacité que l’on peut avoir de répartir plus solidairement le travail, en répartissant plus solidairement les revenus au-delà des seuls salaires ? Au-delà des solutions liées à l’organisation du travail, pour intéressantes qu’elles puissent être pour des salariés et des entreprises (temps partiel, horaires flexibles…), le moment n’est-il pas venu de s’interroger sur la nécessité d’ouvrir une réflexion qui aurait signification de « révolution culturelle » : consommer autrement pour produire autrement et vivre différemment dans une autre manière d’être soi-même et dans sa relation aux autres ? L’ambition peut paraître aller au-delà de nos compétences et capacités nationales. Il faut un moteur... A ceux qui douteraient, ne doit-on pas opposer la nécessité de créer une Europe exemplaire par sa volonté de solidarité et d’ouverture au monde ?
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SEPTEMBRE 1993
« Que le cœur ne fasse pas mal à la tête … »
Certains suggèrent de soumettre à une condition de ressources le versement des « allocations familiales ». L’UNAF n’a jamais été d’accord pour des raisons qui vont au-delà du fait, déjà suffisant, que tout seuil d’exclusion peut être la cause d’une pénalisation grave pour ses victimes. Une solution de facilité ouvre rarement sur la justice. Parmi ceux qui font cette suggestion, nous créditons l’un ou l’autre d’intentions généreuses ou charitables. Il est moralement convenable d’aider les familles en état de précarité à se dégager de leur détresse. C’est aussi la volonté de l’UNAF, qui demande alors que l’on mette en place des solutions faisant appel à la solidarité nationale pour tous les cas individuels et familiaux.
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Toute politique a sa nature, sa philosophie et ses logiques que l’on doit reconnaître et ne jamais contourner. « Il n’est pas bon que le cœur fasse mal à la tête … ». Toute politique familiale, dans sa globalité et chacun de ses chapitres, et notamment celui de « la compensation des charges familiales », est une politique identifiée qui se définit en référence à la nature de la famille, à ses fonctions, responsabilités et devoirs, à ses charges et ses droits. Cette politique a donc ses finalités et ses règles. Elle n’est pas destinée à réparer les effets des accidents de la vie. La confusion de nature et d’objectif risque souvent de conduire à ce que les problèmes que l’on veut traiter ne soient jamais résolus efficacement ni durablement, qu’il s’agisse ici, autant des situations de misère que de la prise en compte des intérêts familiaux. Au contraire, une politique familiale réaliste et active prévient directement l’éclosion et le développement des détresses éducatives, morales et matérielles, et peut éviter de recourir par la suite à des correctifs onéreux, sans compter le poids des échecs et des souffrances, que l’arithmétique ne sait pas peser, liés à toute marginalisation ou exclusion.
3 Hommage à Roger BURNEL,
Par François FONDARD, Président de l’UNAF
Témoignages lors de la Cérémonie du souvenir du 5 décembre 2012 Nous sommes ici rassemblés pour rendre hommage à un Homme remarquable, qui a consacré une grande partie de sa vie aux FAMILLES. Élu administrateur de l’UNAF en 1964, secrétaire général, puis vice-président, Roger BURNEL a été Président de l’UNAF pendant 20 ans de 1976 à 1996. C’est par la jeunesse étudiante chrétienne dont il fut Secrétaire général, puis par le syndicalisme étudiant à l’UNEF, qu’il avait appris le sens de l’action collective auprès des autres.
Un Homme remarquable, qui a consacré une grande partie de sa vie aux familles.
« On ne renie pas les engagements de sa jeunesse », disait-il, bien des années plus tard, pour justifier son action militante au service des familles. Professeur de philosophie avant de travailler dans les relations humaines et le conseil d’entreprise, il était un homme autant de réflexion que d’action, estimant que le combat de l’UNAF était celui des droits de l’Homme. Il aura marqué profondément de son empreinte, l’histoire de l’Institution familiale. Il a ainsi été à l’origine de la réforme de 1975 : qui a rénové et développé l’UNAF et les UDAF, qui a permis la reconnaissance des familles monoparentales et des familles étrangères, et qui a installé le pluralisme au sein de notre Institution. À la tête de l’UNAF, il a été l’initiateur de grandes réformes, en particulier sur le logement des familles, au travers des aides à la personne et des aides à la pierre. Il a été un des artisans de la création de l’ANIL dont il a été le président durant 13 ans.
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Durant son mandat à la présidence de l’UNAF, il a exercé de nombreuses responsabilités : questeur au conseil économique, social et environnemental, membre du conseil supérieur de l’audiovisuel, ou encore membre du comité économique et social européen, où il a porté plusieurs rapports de référence, notamment sur la démographie et sur l’adoption. Profondément humaniste, il savait être à l’écoute, tout en sachant endosser des décisions fortes. Grand défenseur des libertés, il a milité pour la liberté de l’enseignement et pour la liberté des femmes en soutenant les lois Veil.
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Des principes forts ont guidé son action : la dignité des familles, des familles sujets de droits, des familles actrices éducatives, économiques, sociales, culturelles, des familles partenaires. Ces principes, il les reliaient toujours à sa passion pour les droits de l’homme, en raison de son attachement indéfectible à l’humanisme, qu’il résumait ainsi : « Toute atteinte aux droits des familles ou aux droits des enfants consacre la négation des droits de l’homme. L’envie ne créé jamais le droit. Tels sont mon modèle et ma motivation philosophiques ». A son initiative, l’UNAF a adopté en 1989 une « déclaration des droits de la famille », en présence du Président de la République de l’époque, François Mitterrand. Ce texte a servi de base à la déclaration des droits de la famille adoptée par l’union internationale des organismes familiaux en 1994, année proclamée par l’ONU «année internationale de la famille ». Roger BURNEL était un fervent défenseur de la politique familiale, il a lutté sans cesse contre le risque de confusion avec les politiques d’assistance.
En 1995, dans le cadre de la conférence de la famille, il a posé, avec le Ministre, Jacques Barrot, les fondations d’une politique de conciliation vie familiale/vie professionnelle. Ses résultats, en la matière, sont exemplaires et font de la France, aujourd’hui, un exemple envié des autres pays européens. En tant que Président, il savait accorder sa confiance, en donnant la possibilité, à ceux qui le souhaitaient, de progresser et de développer leurs compétences. « L’espérance est la vertu de ceux que comble l’enthousiasme pour qu’ils osent risquer », disait-il. Je peux en témoigner personnellement, lorsqu’il m’a confié, alors que j’étais tout jeune administrateur, la responsabilité de conduire la délégation de l’UNAF à la CNAF, m’ouvrant ainsi la voie vers plus de responsabilités. Roger BURNEL croyait en l’amitié : beaucoup de ses élèves et de ses anciens compagnons de route étaient restés ses amis. Ceux qui l’ont côtoyé au sein de l’UNAF, en qualité d’administrateurs ou de membres du personnel, peuvent témoigner de l’esprit de fidélité qui l’animait. En quittant ses fonctions en 1996, Roger BURNEL nous a rappelé combien nous devions rester unis dans le respect de nos complémentarités. Homme de passion, il voyait dans la famille, « une démarche permanente initiée à l’amour, la vertu cardinale qui fonde les autres vertus ». Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre est de préserver et de faire fructifier ces précieux héritages qu’il nous a légués.
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Hommage à Roger BURNEL,
Par Roger SERRE, Directeur délégué général du Groupe IGS
Roger BURNEL était un géant, un géant de générosité et d’engagement. Il aimait les gens et il aimait la vie. C’est parce qu’il aimait et la vie et les gens qu’il nous a enseigné le respect et la considération d’autrui, mais aussi l’esprit d’initiative. C’était un entrepreneur social au vrai sens du terme entrepreneur. C’est ainsi que Bernard Monteil, Yves Enrègle et moi-même avons eu la chance un jour de mai 1975 de rencontrer cet homme d’exception qui nous a montré la voie et incités à créer l’Institut de Gestion Sociale avec l’appui de l’UNAF. Roger BURNEL aimait la jeunesse et cet amour a nourri sa vie ; d’abord comme secrétaire général de la Jeunesse Étudiante Chrétienne, la JEC, puis comme responsable de l’UNEF.
44 Roger BURNEL était un géant, un géant de générosité et d’engagement.
C’est là qu’il a noué ses premiers réseaux d’amitié, en partageant des valeurs communes et une fidélité à ses amis et à ses credo tout au long de sa vie. Il regrettait d’ailleurs le tarissement des mouvements de jeunesse qui, après 1968, ont privé notre pays de ces écoles de générosité qui nous seraient si nécessaires aujourd’hui. La jeunesse était en permanence au cœur de ses préoccupations et il l’a aimée aussi bien dans le choix de son premier métier de professeur de philosophie que dans son action sur le terrain. Le doute philosophique ne l’empêchait ni de s’engager ni d’agir, au contraire, il lui donnait une force et un sens supplémentaires.
Sans cette construction du sens dans le long terme, l’action se confond avec l’agitation. Roger BURNEL n’a jamais succombé à cette tentation. La jeunesse, il l’a aimée au travers de l’UNAF et de l’estime qu’il portait aux Maisons Familiales et Rurales d’Éducation et d’Orientation qui nous ont montré la voie, la vertu et la force des formations par l’alternance. La jeunesse, il l’a aimée au sein de l’Institut de Gestion Sociale qu’il a présidé jusqu’à la limite de ses forces. L’histoire a commencé il y a 37 ans, quand furent réunis les ingrédients qui lui semblaient nécessaires pour développer un projet : DES VALEURS, DES HOMMES, DU TEMPS. Il y a 37 ans, sa vision était simple et forte : développement économique et développement social doivent être conjugués ensemble. Avec cette vision, il a confié à l’IGS une mission : Rassembler et former des dirigeants soucieux d’équilibrer gouvernance humaine et gouvernance économique, réinventer la liaison emploi/formation, innover pour trouver de nouveaux moyens d’insertion et d’intégration. A cette vision et à cette mission, il a ajouté la passion de l’action, car il ne se contentait pas de paroles, mais d’actes. C’est ainsi que Yves Enrègle, Bernard Monteil et moi-même, avec l’aide attentive et rayonnante de Bernard Deray, Jean-Pierre Hulot, Joseph Guimet, François Mahieux et de nombreux chefs d’entreprise, avons pu sous son impulsion construire
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ce groupe de formation qui accueille chaque jour 12000 personnes et qui a inventé entre autres et grâce à lui, le bilan social, l’apprentissage dans les métiers du tertiaire, les écoles de la deuxième chance et qui a formé plus de 8000 DRH. Ce développement est le résultat de 3 mots qui caractérisent Roger BURNEL : AMITIE, FIDELITE, CONSTANCE. Roger BURNEL était exigeant. Il ne suffisait pas que nos 128 programmes soient de bon niveau académique, il exigeait que toutes nos formations débouchent sur des vrais emplois et intègrent des dimensions citoyennes, multiculturelles, artistiques.
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Le logo de l’IGS (un homme qui tend la main à un autre pour le tirer vers le haut) lui correspond si bien, et pour Roger BURNEL, comme pour nous tous, il ne s’agit pas de charité compatissante, mais de fraternité humaine. Pour Roger BURNEL, le devoir de clairvoyance était une évidence qu’il a si souvent accomplie au Conseil Économique et Social à Paris et à Bruxelles. Sans parler de sa foi, l’humanisme était sa colonne vertébrale, un humanisme exigeant au cœur des réseaux que Roger BURNEL savait mobiliser et convaincre. La jeunesse, Roger BURNEL l’a aussi aimée dans sa famille, ses enfants, ses petits enfants auxquels j’exprime toute notre affection. Nous avons eu la chance de partager avec eux le regard bienveillant et parfois ironique, quelquefois provocateur que Roger BURNEL posait sur nous et sur nos actions. On le croyait myope, il voyait loin, bien plus loin que chacun d’entre nous. Il savait rassembler les plus humbles, les plus hautes personnalités politiques, les plus hautes autorités morales, en France et de par le monde ; et ce en toute simplicité et avec un rayonnement tel que ses paris devenaient des évidences.
Roger BURNEL exerçait et continuera à exercer une autorité de compétences et de spiritualité pour chacun d’entre nous. Son souvenir nous invite à nous dépasser. Deux phrases revenaient souvent dans sa bouche : « Il ne faut pas être bon. Il faut être juste ». « Une page qui tourne n’est pas un livre qui se ferme ». Récemment, il nous confiait : « il y a encore tant à faire ». Oui, nous continuerons et nous savons que vous nous protégerez et que vous accompagnerez notre action au service des jeunes et des moins jeunes dans un monde qui face aux nouveaux paradigmes doit se réinventer. Pour votre exigence, pour votre vision, pour votre passion, pour tout, permettez-nous de vous dire : « Merci Président ».
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Hommage à Roger BURNEL,
Par Jacques BARROT, ancien ministre
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Roger a mis toute son espérance dans la construction d’une Europe capable d’inspirer par ses valeurs la mondialisation en cours.
Bien des souvenirs me relient à Roger BURNEL. Je lui dois la familialisation de l’aide personnalisée au logement. Et Philippe Bas ici présent se souvient de la première conférence de la famille que Roger BURNEL avait tant espérée. Mais c’est à Roger BURNEL, l’Européen, que je veux à mon tour rendre hommage. Roger a vécu son engagement européen avec la force de conviction et la ferveur qui l’animait. Il a mis toute son espérance dans la construction d’une Europe capable d’inspirer par ses valeurs la mondialisation en cours. Pendant 22 ans, il a été membre du Comité économique et social européen. Il y a été très actif comme membre de bureau, puis président d’un groupe. Il a été l’auteur de très nombreux avis qui, ont trait bien sûr aux perspectives démographiques qui l’ont toujours passionné, lui qui rappelait que la démographie est « La science du long terme ». Il aimait poser les bonnes questions : « Fera-t-on vivre la communauté si nos vieux pays deviennent des pays de vieux ? L’enfant qui ne naît pas aujourd’hui ne naîtra jamais et ne donnera jamais naissance à un nouvel enfant ». Mais Roger est aussi interpellé par la montée du chômage. Il a rédigé un livre blanc sur Croissance, compétitivité et emploi. Là encore avec courage, il déclare « Le chômage ne peut pas être tenu pour une fatalité qui ferait ses victimes sans aucune cause et sans responsabilité avouée ». Et il dénonce les coûts de la pauvreté en Europe. Tel un éclaireur, il veille sur les grands problèmes de nos sociétés en se prononçant sur les défis et les pistes pour rentrer dans le 21e siècle. Aucun sujet de société n’échappe à son regard lucide et souvent critique. Ses avis portent aussi bien sur la criminalité en Europe que sur l’action de la communauté dans le domaine culturel.
Mais rien ne l’éloigne durablement de cet engagement familial qu’il vit si profondément. Auteur d’un avis sur l’adoption, il met en garde les Européens sur la recherche de satisfaction égoïste au détriment de l’enfant. « Adoptez un enfant, c’est donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille. » J’aime beaucoup ce que le Président de la Confédération des Organisations familiales qu’il a été en 1980 a pu dire. « Si les familles sont une chance pour l’Europe, l’Europe Unie sera une chance ineffable pour les familles. » Oui, Roger BURNEL, qui fut à l’origine de la Conférence Européenne des Familles en 1987, a contribué à donner à ses concitoyens européens ce goût du futur qui s’incarne si bien dans le respect et l’amour de l’enfant. Merci, cher Roger, de cette foi européenne sous-tendue par une foi profonde en ce Dieu-Père que vous avez invoqué si souvent pour rester fidèle à l’idéal d’une fraternité universelle que nous a rappelé Vatican II. Le concile dont nous célébrons le cinquantenaire n’a-t-il pas voulu une église à la rencontre du monde, celle dont rêvait Roger BURNEL.
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L’UNAF a édité cet opuscule en reconnaissance à son Président d’honneur grâce aux concours des amis de Roger Burnel : qu’ils en soient remerciés.
Remerciements à Mme Marguerite BURNEL pour son œuvre : « Mère et ses enfants » (galets assemblés).
Juin 2013