Urbania #29 Gros

URBANIA.CA HIVER 2011 | NUMÉR0 29 | SPÉCIAL GROS | FABRIQUÉ SANS GRAS TRANS

29 SPÉCIAL GROS

9,95 $

26

50

GROS GROS QU’ON AIME

1 Luc Senay animateur

2 Lise Dion, humoriste

3 Danielle Ouimet pitoune des années 60

4 Valérie Blais comédienne

5 Sonia Vachon, grosse actrice

6 Ginette Reno, chanteuse

À l’époque où il faisait la split à La Guerre des clans, Luc Senay aurait sûrement fait partie de notre palmarès des p’tits qu’on aime. Mais lors de la grande première du film Les 3 p’tits cochons, un ange est passé dans la salle le temps que tous les spectateurs se disent : « C’est Luc Senay, c’te p’tit groslà ?!? » Non, il n’est plus capable de faire la split.

Tout le monde sait que Lise Dion vendait des beignes chez Dunkin Donuts avant de devenir grosse humoriste. Mais même si elle fait fortune dans l’industrie du spectacle, elle continue à vendre de la malbouffe en participant aux publicités du pain Gadoua (tsé, le pire pain sur les tablettes en termes de valeur nutritive).

Elle n’a plus tout à fait le galbe de ses vingt ans, mais quand elle est apparue en septembre dernier à la une du Lundi, affirmant «J’ai décidé de maigrir», on a vu dans son regard la Valérie des années 60. Ce rôle de pin-up psychédélique continue de lui coller à la peau malgré les kilos en trop.

Argh.

Celle qui sert de faire-valoir à Macha Limonchik dans Tout sur moi fait la preuve que les grosses vieillissent mieux que les petites. Tout simplement pour ça, on l’adore.

On va s’abstenir de faire une joke de gâteaux Vachon ici parce qu’on s’imagine bien qu’elle les a toutes entendues : « C’tait-tu ta mère? », « Combien de caisses t’en as mangé? » N’empêche, on se demande quand même si elle préfère les Jos Louis ou les May West, et si elle a fait une dépression quand les Feuilletés ont changé de nom pour les Passion Flakie.

Quand nos parents nous racontent les partys incroyables de Saint-Jean-Baptiste sur la montagne avec…

Ginette Reno, on est toujours un peu étonnés d’apprendre que la chanteuse étoile de Cité Rock Détente, qui a pesé entre 117 et 325 livres depuis ses 18 ans, a déjà été cool. Malgré qu’on la trouve un peu matante, on a quand même le motton quand on lit « Je souffre de vivre seule » sur la couverture de La Semaine. On a presque envie de lui faire la tendresse, l’amour sans chagrin, des mots sans promesses…

7 Isabelle Adjani

8 Dany DeVito

actrice française

p’tit gros

Isabelle Adjani, c’est un peu comme la Luc Senay des Français. Quand on l’a vue dans son dernier film, La journée de la jupe, on a presque pleuré de l’avoir trouvée cute dans L’été meurtrier.

En faisant notre recherche sur Dany DeVito, en regardant ses photos et en les comparant, on a réalisé qu’au fond, si on étirait l’acteur de Jumeaux pour qu’il atteigne la grandeur d’Arnold Schwarzenegger, il ne serait pas gros.

9 Marlon Brando ex-acteur sexy Ça vaut la peine de louer Un Tramway nommé Désir, le film des années 50, juste pour voir Marlon Brando dans le temps qu’il avait autant de pecs que Jimmy d’Occupation double.

Dans ce temps-là, il couchait avec Brigitte Bardot, Marilyn Monroe et même… James Dean. Ça, c’était avant qu’il ne joue le rôle d’un vieux parrain de la mafia dans un obscur film de Francis Ford Coppola.

10 John Daily pro au golf Au cours de sa carrière, John Daily a notamment remporté deux tournois de Grand Chelem. Il fume, mange gras et boit beaucoup, ce qui en fait probablement le sportif le plus anti-sportif au monde (pour autant que le golf soit un sport).

Plusieurs photos compromettantes en témoignent.

11 Missy Eliott reine du rap Vous ne vous en rappelez peut-être pas, mais avant de devenir big, Missy Eliott chantait Supa Dupa Fly dans une espèce de sac de poubelle pour camoufler qu’elle était grosse. Pas un peu toutoune, là. GinetteReno-grosse. Nous, on est des puristes.

On l’aimait mieux quand elle chantait Hot Boyz avec sa coupe de butch que maintenant, habillée en genre d’écolière cochonne.

12 Queen Latifah reine du rap aussi Elle, c’est une vraie.

Pas changé depuis son apparition dans Jungle Fever.

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Un peu comme les pug ou les nains, certains gros ont quelque chose de super attachant. Même si on voit nos impôts augmenter en les voyant manger un beigne, on a quand même le goût de les serrer très fort, de leur faire des becs en pincette et/ou de les chatouiller en dessous des bras. En voici 50 spécimens qu’on n’échangerait pas pour toutes les Kate Moss du monde.

TOP 50

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texte: judith lussier et marjolaine arcand 13 Le docteur Gaétan Barrette président de la fédération des médecins spécialistes du québec On l’aime justement pour ça. Quand on regarde nos p’tits bourrelets, on a le goût d’aller se faire consoler par celui qui prétend réduire les coûts de la santé au Québec, tout en augmentant les salaires de ses chums et en étant gros. Selon le principal intéressé, c’est rassurant de se faire examiner par un médecin qui n’est pas parfait.

19 Heath Bell joueur de baseball Le joueur des Padres de San Diego Heath Bell était tellement gros que la Wii Fit présentait son personnage comme un obèse. Insulté, le lanceur s’est défoncé à la Wii jusqu’à ce qu’il retrouve sa taille de guêpe. Aujourd’hui, sa carte affiche 240 livres.

14 Feu Paul Buisson caméraman

15 Jocelyne Blouin miss météo

16 Denis Coderre twitteur

17 Yves Lambert musicien

18 Barry White chanteur mort

On n’avait jamais imaginé que le métier de caméraman pouvait être excitant jusqu’à ce qu’on voie le gros caméraman Paul Buisson jouer le rôle d’un caméraman gros dans la série Réseaux, aux côtés de Patrick Huard.

En 2005, quand Radio-Canada a décidé de retirer notre miss météo du Téléjournal, 70 plaintes ont été envoyées à la société d’État, et une semaine plus tard, Jocelyne reprenait son poste. La prochaine fois qu’ils essaient de tasser notre météorologue préférée, on part un groupe Facebook « Pour que Jocelyne Blouin soit déclarée monument patrimonial. » C’est quand même la madame qui nous dit s’il faut mettre des mitaines pis des gants depuis qu’on est haut de même.

Compris?

Il a beau faire un fou de lui chaque fois qu’il twitte sur le hockey, qu’il s’énerve à cause que des maudits Anglais nous traitent de maudits Français, ou qu’il est fâché fâché contre son chef de parti, on le trouve ben smatt, le gros Coderre.

Quand le le père de la Bottine Souriante nous chante : « Ah! que c’est bon, d’prendre un verre de bière avec la cuisinière dans un p’tit coin nouère », on a le goût de lui répondre : « Swing le baquet dans le fond de la boîte à bois », en tapant des cuillères de bois sur nos genoux.

On pourrait l’appeler Baril White tellement il était gros, pourtant, quand on entend sa grosse voix grave chanter « Can’t get enough of your love baby », nous aussi on se dit qu’on n’en a pas eu assez.

23 Lolotte chialeuse dans robin et stella

Enfants, on s’en foutait que notre personnage préféré soit grassouillet.

Tout ce qui comptait, c’était le gros rire gras de Paul Berval et la satisfaction d’entendre « toryeu » à la télévision.

20 Beth Ditto chanteuse Avec ses gros bourrelets pis sa bouche trop petite pour sa grosse face, la grosse chanteuse de The Gossip élève l’obésité morbide au rang d’art et nous donne le goût d’entretenir un fétiche pour les lesbiennes overweight. Elle a quand même posé nue sur le cover du magazine Love, a défilé pour Jean Paul Gaultier et a tenu une chronique sur l’image corporelle dans le Guardian.

21 Notorious B.I.G. rappeur mort Quand t’as le mot gros dans ton nom, c’est que tu as définitivement renoncé à l’elliptique.

N’en déplaise aux diktats de la minceur, Biggie Smalls aka Big Poppa aka Biggie n’est pas mort d’une crise cardiaque, mais de quatre balles dans le cœur.

22 Ron Jeremy

pornstar

La star porno a beau souffrir d’embonpoint, ça ne l’a pas empêché de coucher avec au moins 4000 femmes et de jouer dans 2000 films de cul. Son pénis de 25 cm doit compenser, puisqu’il nous dégoûte franchement. Et à bien y penser, un pénis de 25 cm aussi, ça nous dégoûte.

La grosse Lolotte n’était vraiment pas chanceuse. Non choyée par la vie, elle se faisait constamment tirailler par son méchant frère Barracuda. Selon la page Wikipédia qui semble avoir été écrite par quelqu’un qui a un doctorat en Robin et Stella, le personnage de Lolotte visait à représenter la famille dysfonctionnelle. C’est sûr que quand tu portes un chandail XL avec trois cornets de crème glacée dessus…

24 Fred Caillou personnage de notre enfance

25 Martin Picard chef cochon Avec son restaurant qui vous fait prendre 15 livres, le propriétaire du Pied de cochon incarne à lui seul l’engorgement dans le système de soins de santé au Québec.

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LE PRIX DU

GROS Un frigo extra-large : 850 $. Un lazy-boy en suède vert : 325 $. À son émission The Price is Right, Bob Parker avait compris une facette importante de la nature humaine : l’homme est motivé par un profond désir de quantifier tout ce qui l’entoure. Combien coûte l’obésité ? La question est tellement large qu’elle pourrait occuper deux sièges d’avion. Pour y voir clair, notre journaliste a rencontré trois poids lourds dans leur domaine. texte : simon painchaud // illustration : sébastien thibault (sebastienthibault.com)

C

omme chaque année, au début du mois de janvier, je suis allé faire mon tour à la Mecque du gros format : le Costco. J’aime le Costco. C’est un pèlerinage qui me permet de vivre, pendant quelques instants, tel un hobbit dans un monde trop grand pour lui. Chaque fois, j’y sillonne les allées larges et sombres, comme une boulette de steak haché qui fait paisiblement son chemin à travers le gros intestin.

En poussant mon chariot à travers les énormes pots de mayonnaise, les elliptiques et autres appareils de sports de salon, je me suis demandé si la société occidentale ne vivait pas l’un des plus beaux paradoxes de son époque. D’un côté, nous n’avons jamais été aussi gros mais, du même coup, nous n’avons jamais fait autant d’efforts pour perdre du poids : l’obésité et sa cousine, l’obsession de la minceur, sont en vente partout.

Ce jour-là, à la sortie du magasin, j’ai jeté un coup d’œil sur mon imposante facture où figuraient un gros pot de margarine, un paquet de 20 sacs de popcorn et quelques paquets XL de crottes de fromage. En observant la liste de mes achats et, surtout, le montant inscrit dans le bas, je me suis demandé si l’obésité pesait aussi lourd sur l’économie que les gras trans sur ma facture.

Alors qu’une grande partie de la population traîne un excès de poids, tenter d’apposer un coût à ce phénomène de société semblait un exercice tout à fait à propos. Pour répondre à la question, j’ai donc contacté la référence sur le sujet de l’obésité, Catherine Gervais, économiste et conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec.

REPORTAGE

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PORTRAIT

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CORPS DE

BALLET Pascal Desparois et Émilie Poirier, chorégraphes et interprètes du spectacle Les Gros, auraient pu vouloir devenir sumos, mangeurs de hot-dogs professionnels ou Américains. Mais non. Depuis leur tendre enfance, c’est à travers la danse, un domaine où la silhouette idéale correspond plutôt à celle de Gandhi au 21e jour de sa grève de la faim, qu’ils s’épanouissent. texte : nadia essadiqi // photos : julie artacho (julieartacho.wordpress.com) maquillage : anicko (agencesatellite.com)

S

tudio Tangente, rue Cherrier, mercredi après-midi. Émilie et Pascal répètent en compagnie de toute leur équipe d’interprètes. Sur scène, le duo de choréographes se déshabille avant de revêtir un tutu et des pointes. Juste un tutu et des pointes.

Phallus et mamelles pendouillants, ils dansent dans une gestuelle gracieuse et contrôlée, rappelant celle du ballet classique. Tout est si harmonieux. Subitement, Émilie et Pascal se lancent vers un plat de pâtisseries. Tel Gandhi au premier jour du retour de sa grève de la faim, les deux danseurs mangent goûlument des éclairs au chocolat. Ils s’étendent de la crème sur la langue et le contour des lèvres.

Leur goinfrerie dégénère en une violente orgie boulimique, où ils se donnent des coups hystériques de gâteau en plein visage. L’expression « tronche de cake » prend enfin tout son sens.

Entre deux portés et un halètement, leurs bourrelets s’agitent, leurs aines se pétrissent et leur mou de bras étouffe leur aisselle. Et c’est beau.

À L’AUBE DU SAUT DE BICHE C’est sur la pelouse, devant sa maison de Laval, que Pascal crée ses premières choréographies, qu’il interprète avec ses voisines au son de son Boombox, crachant une musique de George Michael ou de Samantha Fox. À 6 ans, il enfile un habit de lapin pour son premier rôle dans un spectacle de danse. Le père accepte le hobby de son fils, à condition qu’il s’inscrive aussi à un sport qui développera sa testostérone, le soccer. À la première pratique, tous les bambins se mettent à courir, sauf un : Pascal, qui se tient en deuxième position de ballet. Après un long moment stoïque, il vomit ses toasts beurre d’arachide-confiture. Papa abdique. Les pointes remplaceront définitivement les crampons. C’est dans les ensembles chorégraphiques (des danseurs qui manipulent et lancent des drapeaux, des sabres et des carabines dans les airs dans un gymnase avec des décors) que Pascal développera plus tard sa technique corporelle.

BEARS Pour faire une histoire courte, les bears, c’est des gars à des années-lumière du stéréotype gai qui sort au Unity et qui peut jouer du xylophone sur son six pack d’abdos bronzés. Des gars qui se font rarement dire que c’est donc du gaspillage qu’ils soient gais. Des gars qui ont envie de se libérer des diktats de la mode, et surtout, des complexes qui viennent avec. texte: patrick charrette-dionne // photos: luc robitaille (robitaillephoto.com)

REPORTAGE

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GROS SECOURS Tout a commencé dans les bureaux d’Urbania en novembre dernier.

Les principaux collaborateurs étaient conviés à une séance de remue-méninges sur le thème des gros. Honnêtement, je n’étais pas trop inspiré par le sujet. Je participais aux discussions, je faisais le pitre et je profitais de la gratuité des bières gratuites.

Puis, banalement, au fil de la discussion, j’ai lancé que j’avais un ami ambulancier qui œuvrait au sein d’une brigade spécialisée dans le transport de personnes obèses. Sans m’en rendre compte, je venais de me donner ma propre mission. Quelques coups de téléphone plus tard, j’étais à bord d’une ambulance, vêtu d’une magnifique veste bourgogne assortie de bandes réfléchissantes.

J’avais même une petite carte avec mon nom écrit dessus. texte : frédéric guindon photos : raphaël ouellet (raphaelouellet.com)

REPORTAGE

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L

a veille, sachant que je devais partir le lendemain matin bien avant l’heure de l’enfant martyr et, qu’en plus, je devais emprunter des lignes d’autobus dont j’ignorais l’existence pour me rendre au Centre Opérationnel Est de Montréal d’UrgencesSanté dans le coin de Lacordaire, je me suis préparé comme il le faut. J’ai placé mes vêtements dans un beau petit tas sur la table de la cuisine pour ne pas avoir à allumer la lumière de ma chambre et ainsi éveiller Madame Guindon. Tout juste à côté, j’ai placé la feuille avec mon itinéraire de transports en commun, l’adresse et le numéro de téléphone de mon contact ambulancier. De cette façon, je pourrais me lever le plus tard possible, m’habiller le plus vite possible et disparaître dans la nuit pas tout à fait terminée.

Logistiquement, le plan était parfait.