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DÉBAT

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Canal Seine-Nord Europe DES EMPLOIS PAR MILLIERS

Les travaux préparatoires à la construction de cette infrastructure de 107 km ont débuté dans l’Oise. Ce canal à grand gabarit, dimensionné pour des bateaux de 135 mètres de long ou des convois poussés de 180 mètres transportant l’équivalent de 220 camions, reliera le système fluvial de l’agglomération parisienne à ceux du nord de la France et de l’Europe du Nord. Ce corridor s’annonce comme un atout majeur pour l’économie de la région Hauts-de-France.

L’écluse de Montmacq.

Crédit photo : SCSNE TeamO+

On en parlait depuis des lustres et des lustres comme d’un serpent de mer habitué à émerger sur le devant de l’actualité, puis à replonger dans les méandres de l’oubli. Pendant des années, on a cru qu’il passerait par la, ou plutôt par ici. Finalement, l’option du tracé Est par le canal de Saint-Quentin s’est effacée au profit du tracé Ouest par le canal Dunkerque-Escaut. Et les financeurs se sont accordés en juin 2019 sur une enveloppe de 5,1 milliards d’euros dont 2,1 milliards à la charge de l’Europe, faisant de ce projet une réalité dont l’ouverture est prévue pour fin 2028. « Ce canal va structurer l’économie régionale. Il est bien sûr un formidable atout pour les Hauts-de-France, mais aussi pour toute la France », résume Pierre-Yves Biet, directeur Partenariats Territoire Europe au sein de la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE), maître d’ouvrage du dossier. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de construire le chaînon manquant entre le bassin fluvial de la Seine et le réseau à grand gabarit de l’Europe du Nord. Techniquement, le nouveau canal qui reliera l’Oise au canal Dunkerque-Escaut, de Compiègne à Aubencheul-sur-Bac près de Cambrai, sera long de 107 km, large de 54 mètres et profond de 4,5 mètres. « De quoi faire transiter, en rythme de croisière, sur des péniches de très grande dimension, 15 millions de tonnes par an avant d’atteindre la capacité maximale de 19 millions de tonnes aux alentours de 2045. Ce qui permettra aussi de réduire le trafic routier de 500 000 à 760 000 camions par an entre l’Ile-de-France et le Nord », précise

Pierre-Yves Biet, directeur Partenariats Territoire Europe au sein de la Société du Canal Seine-Nord Europe.

M. Biet. Plus largement, depuis les ports maritimes du Havre, de Rouen, d’Anvers ou de Rotterdam, il sera possible de rejoindre Paris, Lille, Bruxelles, Gand, Liège ou Amsterdam. Le canal SeineNord sera ainsi intégré à un réseau de 20 000 kilomètres de voies fluviales. En termes d’émissions de CO2, le transport fluvial à grand gabarit en émet entre trois et cinq fois moins que la route à la tonne transportée, en fonction de la taille des bateaux. Dès 2035, le canal Seine-Nord devrait éviter l’émission de 800 000 à 1 000 000 de tonnes de CO2, quantité qui ne fera que croître au fil des années. Les avantages environnementaux ne sont pas les seuls. « Des berges écologiques, des aménagements compensatoires, des zones humides, des replantations d’arbres - ce qui est déjà le cas pour 10 000 d’entre eux - vont être réalisés. Le principe est,

La répartition du financement

à l’arrivée, de déboucher sur un gain de biodiversité pour la flore et la faune avec la protection d’espèces végétales et animales. »

PREMIERS TRAVAUX ENGAGÉS

Le gros du chantier n’a pas encore démarré. Pour l’instant, les premiers d’art, la réalisation de 3 ponts canaux (un pour le franchissement de la Somme qui mesurera 1 330 m de longueur, deux autres pour les franchissements de l’A29 et de l’A26), la création de 4 ports intérieurs à Marquion-Cambrai, Péronne, Nesle et Noyon, au sein desquels les entreprises auront un accès direct sur le canal.

Il n’est pas exclu, à terme, que des connexions ferroviaires complètent le dispositif multimodal de ces ports.

L’écluse de Noyon.

Crédit photo : SCSNE AEI ONE

travaux préparatoires dans l’Oise concernent des giratoires d’accès et des quais. Ils mobilisent d’ores et déjà 400 personnes. « Courant 2022 seront attribués les grands marchés et avec eux les offres d’emplois vont se multiplier. Nous considérons que les entreprises du BTP feront travailler 3 000 de leurs employés par an sur ce chantier, il en restera donc autant à recruter dans les Hauts-de-France », poursuit M. Biet. La SCSNE le fait savoir dans les salons auxquels elle participe, alors qu’une réflexion autour de l’emploi est menée dans le Saint-Quentinois, très proche du Canal Seine-Nord, où devrait être organisé un événement sur le thème de l’emploi l’année prochaine. Les travaux, pour lesquels sont dénombrés vingt-neuf métiers, concernent, outre le creusement des 107 km, la construction de 7 écluses, le rétablissement d’une soixantaine d’ouvrages

GAINS DE COMPÉTITIVITÉ

Le mode fluvial abaisse largement les coûts de transport par rapport au mode routier, c’est une évidence. Ils diminuent encore en fonction de la taille des bateaux. Une étude de la CCI de Picardie de 2016 rappelait qu’une péniche classique, type « Freycinet »,

Quelles marchandises transportées ?

Entre deux tiers et trois quarts des marchandises viendront de la route vers la voie d’eau. Les matériaux de construction, les produits agricoles et les conteneurs constituent, dans l’ordre, les principaux postes de marchandises qui seront transportées sur le canal Seine-Nord.

de 38 mètres de long et transportant une moyenne de 300 tonnes, soit l’équivalent de 10 à 14 camions, génère un coût externe (impact de la congestion, du bruit, de la pollution, etc.) pour une tonne transportée sur 350 km de 3 à 4 euros contre 12 euros la tonne pour le transport routier. Par ailleurs, la massification du transport fluvial avec des bateaux beaucoup plus grands (le type « grand rhénan », couramment utilisé sur des canaux comme le Seine-Nord, a une capacité dix fois supérieure à une péniche Freycinet puisqu’il transporte jusqu’à 3 000 tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 150 camions ou 75 wagons), engendrera le report modal de marchandises de la route vers la voie d’eau devenue compétitive sur ces trajets et donnera un avantage de compétitivité aux entreprises du canal. Un bénéfice encore accru avec les convois composés de 2 barges de 76 mètres reliées entre elles mises à l’avant d’un pousseur, l’ensemble accueillant jusqu’à 4 400 tonnes, soit l’équivalent de 220 camions ! Sans compter le développement prochain d’un nouveau concept de bateaux, ou plutôt de cales qui, comme des trains, pourront former des convois de 2, 4 ou 6, eux aussi poussés par des barges automotrices, sachant que chacune de ces cales pourra naviguer sur le réseau des canaux intermédiaires comme ceux de l’Aisne ou de la Marne.

Jean-Michel François L’écluse de Marquion-Bourlon.

D’où viendra l’eau du canal ?

Celui-ci contiendra 26 millions de m3 d’eau. Il sera alimenté par la rivière Oise, « dans le respect de la qualité des eaux et du débit de la rivière », assurent les promoteurs, qui annoncent également une « étanchéité de haute performance afin de réduire au minimum les infiltrations ». Il est aussi prévu que les écluses recyclent l’eau pour limiter le besoin de prélèvement dans l’Oise. Enfin, une retenue de 14 millions de m3 sera opérationnelle dans le secteur de Péronne. Elle permettra de stocker l’eau et d’alimenter le canal en cas de débit insuffisant de l’Oise.

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