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TERRITOIRE

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BRASSERIES

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Vitry-le-François LE PLEIN D’ÉNERGIES

La quatrième ville de la Marne prépare l’avenir en misant sur son capital industriel et agro-alimentaire et les ressources de la transition énergétique.

Les abords de l’hôtel de ville sont flambant neufs… Ceux de la gare devraient l’être sous peu… La place d’Armes les a précédés. Vitry-le-François soigne son look. Habituée à renaître de ses cendres après les ravages de Charles Quint en 1545 et ceux de la Seconde guerre, la cité de François 1er perpétue la tradition.Depuis un demi-siècle, la cité rose a pourtant payé un lourd tribut au lent dépérissement des petites villes. Etiolement démographique, désindustrialisation, dévitalisation commerciale… Mais en dépit de quelques handicaps récurrents, les Vitryats ont de bonnes raisons d’être optimistes.

POPULATION

Sur fond de dotation d’Etat, petit bras de fer entre le maire et l’Insee. Jean-Pierre Bouquet évalue sa population à 13 000 habitants, l’organisme statistique à un millier de moins. Mais il s’agit d’une projection. Dans les deux cas, le talon d’Achille est le même : Vitry a perdu en 40 ans près de 7 000 habitants (19 500 en 1975). Et les Vitryats vieillissent. Près d’un sur trois est retraité ou en âge de l’être. Vitry tient son impact économique de la vitalité de son interco et de son arrondissement, trois fois plus peuplé.

EMPLOI

En six ans, le chômage vitryat est passé de 11,90 % en 2015 à 8,20 % aujourd’hui. « La reprise de l’activité au lendemain de la crise sanitaire, renforcée par les aides aux entreprises, a provoqué un afflux des offres et des jeunes demandeurs d’emploi », explique Thierry Gauriau, le directeur de la mission locale. C’est bon pour l’alternance, l’apprentissage et l’intérim. Mais faute de profils adaptés, beaucoup d’offres ne trouvent pas preneurs, notamment dans le bâtiment et l’industrie. Le transport, lui aussi recrute. Problème : 69 % des jeunes accompagnés par la Mission locale sur l’arrondissement n’ont pas de permis de conduire !

AGRO-ALIMENTAIRE

Le Vitryat reste l’un des poids lourds de l’agroalimentaire marnais. A Pringy et Vitry même, la prospérité des deux sites de MaltEurope (150 salariés), première malterie du vieux continent, en témoigne. Dans le secteur, la ville compte d’autres références : l’abattoir Bigard, le spécialiste du steak haché Elivia ou trois sites de la coopérative Vivescia. Au total, l’agroalimentaire vitryat pèse entre 200 à 300 emplois sur l’arrondissement.

ENERGIE

Les éoliennes sont partout. Près d’une centaine autour de Vitry et plusieurs centaines dans tout l’arrondissement. Mais si elles font le bonheur des propriétaires agricoles, elles créent peu d’emplois. La base de maintenance des parcs éoliens de Siemens Gamesa à Vitry-Marolles emploie une dizaine de personnes. Le virage énergétique vitryat s’incarne dans deux autres chantiers : la rénovation du réseau de

chaleur de la ville à partir de biomasse et le projet de création d’un site de production d’hydrogène par l’entreprise Haffner (sur ces deux sujets voir par ailleurs).

INDUSTRIE

Sur 250 hectares, la ZI de Vitry-Marolles est la plus grosse concentration d’emplois industriels de la Marne : 3 000, soit 80 % des emplois du type de tout l’arrondissement. Parmi les 80 entreprises du site, presque tous les gros bras de l’économie locale sont là : Salzgitter-Mannesmann (ex-Vallourec), Nobel Plastiques, Hozelock-Tricoflex, Arcelor-Mittal, MaltEurope, Jst France, Elivia ou Pêcheur-Lesage… AiIleurs, Kadant-Lamort ou Mangin-EglyActemium ne sont pas en reste. Le dynamisme de Vitry-Marolles est tel que la zone arrive à saturation. Pour absorber les projets d’extension ou d’implantation, une autre de 140 hectares est en voie de commercialisation à Loisy-sur-Marne.

BTP, TRANSPORT…

La cimenterie de Couvrot (140 emplois) est emblématique de la vocation du Vitryat pour le bâtiment et le BTP. Eiffage, La Marnaise-Moretti ou Bailleux sont d’autres entreprises importantes du secteur. C’est aussi le cas pour les sociétés de transport, très présentes, mais confrontées actuellement à des difficultés de recrutement.

COMMERCE

Vitry est l’une des 222 villes moyennes qui bénéficient du dispositif « Action cœur de ville » en partenariat avec le centre d’affaires « la Fabrique ». La ville a été retenue parmi les dix villes de l’opération « Mon centre-Ville a un incroyable commerce » en raison de la vitalité de son commerce de proximité.

Le vignoble vitryat a conquis progressivement ses lettres de noblesse.

VIGNES

Exposés plein sud, les 480 hectares des Coteaux vitryats sont une belle perspective de développement. Considéré de haut il y a 30 ans, ce terroir quasi exclusif de chardonnay où opèrent une centaine de vignerons attend la révision de l’aire d’appellation Champagne, qui verra peut-être un jour le doublement de sa surface. Le vignoble vitryat est actuellement réparti sur 15 villages. L’oenotourisme y est aussi une perspective crédible.

DER

« Un bijou », résume le député de Vitry, Charles de Courson, qui présida longtemps le syndicat du Der. A 20 km de Vitry, le plus grand lac de Champagne-Ardenne est un outil touristique incontournable. Il génèrerait près de 700 emplois directs et indirects. Avec ses 120 000 visiteurs annuels (en année normale), il nourrit de nouvelles ambitions : développement de cellules commerciales, nouvel hôtel, parcours de footgolf. Ces projets devraient se concrétiser ces deux prochaines années.

Gilles Grandpierre

TROIS QUESTIONS À PHILIPPE WITTWER

Une culture industrielle ancrée.

Philippe Wittwer,

Directeur général de la CCI de la marne

Qu’est-ce qui caractérise l’évolution conomique du vitryat depuis 30 ans ?

Une forte érosion démographique sur fond de mutations industrielles. Vitry a vécu de gros coups durs, comme la fermeture de Mac Cormick ou le départ de Miko… La dévitalisation du territoire s’est traduite entre 2007 et 2018 par une chute de 20 % des effectifs salariés, Quand vous perdez le cinquième de vos emplois, vous perdez forcément des compétences.

Quel est par contre le point fort de ce territoire ?

Sa culture industrielle… Elle reste très ancrée. On le voit à la présence de belles entreprises sur Vitry-Marolles. De plus, les collectivités s’emploient à inverser la tendance avec beaucoup d’imagination et de pugnacité. Je pense aux politiques incitatives à l’égard des nouvelles énergies, à la rénovation du réseau de chaleur de la ville ou à la présence d’entreprises comme MK Energies ou Haffner. En matière de développement durable, Vitry devient un terrain d’expérimentation intéressant.

La position géographique de la ville est-elle un atout ?

La proximité de la RN4 et de l’A4 est un accélérateur, un générateur de flux… La proximité de ces axes routiers entraîne une demande forte d’implantation d’entreprises de logistique, les plate-formes numériques par exemple. Ce phénomène traduit l’intérêt des entreprises pour les petites agglomérations. Ce mouvement de déconcentration est nouveau.

LES PROMESSES DE LA BIOMASSE

L’unité de chauffage urbain par biomasse vient d’être inaugurée.

Vitry n’a pas attendu le réchauffement climatique pour amorcer le virage énergétique. En 1985, la ville lance le premier réseau de chaleur biomasse de France. En 2014, une convention avec EDF formalise cet engagement. 100 % des déchets sont récupérés et traités, 3 000 logements mis aux normes et tous les bâtiments publics reliés au réseau… Selon la mairie, la facture des utilisateurs baisserait de 20 M€ par an. Trente-six ans après son lancement, le réseau de chaleur est en cours de rénovation. Cet investissement de 12 M€ est censé garantir pour les 20 ans à venir aux locataires des bailleurs sociaux la stabilité du prix du chauffage et assurer la décarbonation du chauffage de plus de la moitié des logements de la commune. La biomasse, il en est aussi question chez Haffner Energy, société fondée il y a 30 ans par les frères Philippe et Marc Haffner. L’entreprise a mis au point un procédé de production d’hydrogène par vapocraquage (et non par électrolyse) à partir de déchets verts et de substrats agricoles. Début 2020, une première unité commerciale de production d’hydrogène a été installée à Strasbourg par R-Hynoca, coentreprise créée avec Réseaux Gaz de Strasbourg (R-GDS). Haffner veut passer au stade industriel et créer à Vitry une usine d’assemblage de stations Hynoca (comme hydrogen no carbon). Il est question de produire ici entre 150 et 200 stations par an pour le marché international. L’investissement global (10 M€) bénéfi cie déjà du concours du plan de relance à hauteur de 700 000 euros. Haffner annonce la création d’une trentaine d’emplois, en plus des 25 actuels.

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