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NOUVELLE VAGUE

Julien Sebban fondateur du studio pluridisciplinaire Uchronia bouscule les règles, les styles, les genres, les territoires. À vent contraire, dans cette époque qui prône l’épure et le blanc, l’électron libre nous invite à plonger dans un bain chromatique. Traversée par des fulgurances, sa créativité invite la singularité et pousse la ligne dans ses derniers retranchements. Puisant dans le registre « Pop Funky » et la vague Memphis, il se distingue par un design solaire et par un sens festif de l’espace.

PAR Caroline Clavier PHOTOS Nicolas Millet

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STUDIO-TRIBU

PAGE DE GAUCHE Coussins « Fleur » et « Peanut », tissus Dedar, Uchronia, en collaboration avec Ireale et Passementerie Verrier.

PAGE DE DROITE Devant l’entrée du studio Uchronia, son fondateur Julien Sebban, entouré de son équipe et des artistes avec qui il collabore, de gauche à droite, Pauline Leyravaud et Charlotte Tarbouriech, les cofondatrices de Polcha, Jonathan Wray et Wendy Andreu (sélectionnée pour les « Rising Talent Awards » de Maison&Objet 2020), et l’artiste plasticien Victor Cord’homme. Les deux pièces vintage, le banc, 1970, et la chaise « Modo 290 » de Steen Ostergaard pour Nielaus, 1966, ont été revisités d’un trompe-l’œil pour la collection Element du tandem Polcha, comme la table de la collection Origin, à droite. Devant, table et chaise, réalisése par Uchronia pour Fermob, dans le cadre d’un projet d’hôtel en cours.

TRAVAIL D’ÉQUIPE

PAGE DE GAUCHE Julien Sebban et Jonathan Wray travaillent en binôme dans l’un des bureaux. Devant, chaise « Hill » de Franco Perrotti, en silicone, inspirée du corps féminin, 1996, Tecno, et à droite, chaise « Cobra » de Giotto Stoppino, 1970. Au fond, tenture murale cinétique de Curtis Jere, en chrome et laiton.

PAGE DE DROITE 1. Sur la table « Pedestal », en trompe-l’œil « Grand Antique et Malachite » sur bois, collection Origin, Polcha, lampe « Astor » de Thomas Bley, 1982, Memphis Milano. 2. Sur le mur du studio, l’affiche « Chateau Uchronia » par Elsa et Élise. 3. Pause dans la cour, Julien Sebban est allongé sur le banc. Devant, chaise « Modo 290 » de Steen Ostergaard pour Nielaus, à côté, table d’extérieur, Uchronia pour Fermob. En bas, ensemble de trois tables puzzle « Wave », de David Roma-Kasus et Uchronia, en résine, fabriquées pour le café de Maison&Objet 2022. 4. Sur un patchwork de prototypes de moquettes, Uchronia, table basse « Rosie » et boule décorative, en stuc de marbre, Uchronia Casa.

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FANTAISIES COMPOSÉES

Dans le séjour, sur un patchwork de prototypes de moquettes, dont le modèle « Wave » réalisé pour le restaurant Coyo Taco. De gauche à droite, table basse « Rosie » et boule décorative, en stuc de marbre, Uchronia Casa. Le fauteuil, « Sunny Double », et en face « Sunny Simple », collection Forme Libre, en placage de bois, encadrent une table basse « Cookie », au plateau en raku. Derrière, sur la bibliothèque vintage, pièces en grès émaillé d’Olivia Cognet, au-dessus, Les trottinettes, encres acryliques, mobile « Goldylateur », et près du store, sculpture Immeuble New York, l’ensemble Victor Cord’homme. Devant, ottoman, de Wendy Andrieu, en coton et silicone. Sur le meuble en bois laqué violet, 1970, Pierre Cardin, verreries, collection Bonbon, Helle Mardahl. Stores à ailettes, Uchronia.

BUREAUX À VIVRE

PAGE DE GAUCHE Sur le mur en haut à droite, Glitched Chain Tapestry, de Wendy Andrieu. Dans la niche, lampe « Moonlight » réalisée pour le restaurant Forest Paris. À côté du meuble, Pierre Cardin, prototype de la chaise « Apple Honey », de Shiro Kuramata. En bas, sur le mur, plateaux « Daisy », en stuc de marbre, Uchronia. Autour de la table « Melting Pot » de Dirk Vander Kooij, en plastique recyclé, chaise « Midway 1 », de Frank Lloyd Wright, années 1980, Cassina.

PAGE DE DROITE 1. Elsa assise devant la table « Melting Pot » de Dirk Vander Kooij. 2. Fauteuil prototype pour le restaurant japonais Onii San, et plateaux « Daisy », en stuc de marbre, l’ensemble Uchronia.

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Scénographie, architecture, direction artistique, design, décoration, le clan Uchronia touche à tout, bouscule les manières et les usages. Du dernier coup d’éclat au salon Maison&Objet 2022 où il revisitait la terrasse parisienne en créant un café psychédélique, aux réalisations pour Moma Group, des restaurants Créatures et Tortuga sur le rooftop des Galeries Lafayette, du Forest au Musée d’Art Moderne, aux tacos endiablés du mexicain Coyo Taco ou au japonais Onii San, en passant par Nuance Café ou Petibon, le roi du mini-sandwich… le collectif embrase le paysage créatif dans une allégresse communicative. Après des études à l’École Spéciale d’Architecture, sous la houlette d’Odile Decq, et trois ans nourris à la liberté d’expression de l’Architectural Association School of Architecture à Londres, Julien Sebban préfère les chemins de traverse aux routes toutes tracées. Des années pendant lesquelles il mûrit l’idée d’un studio protéiforme Uchronia. Dans la fiction, l’uchronie est un genre qui repose sur le principe de la réécriture de l’histoire à partir de la modification du passé. Ce néologisme du XIXe siècle, qui désigne un temps qui n’existe pas, inspirera la matrice de son projet. Revisiter l’histoire de l’objet, de la forme, transformer l’existant et le passé en les projetant hors du temps, tel est le défi lancé par l’architecte. Un récit qui s’illustre plus que jamais aujourd’hui dans ce quartier du XVIIIe arrondissement où son monde a posé l’ancre dans une maison de cinq étages. Baptisés « Chateau Uchronia », les lieux détournent les codes et revendiquent l’espace de travail comme un royaume où la philosophie maison s’affiche et se vit. Rafraîchis d’un simple coup de pinceau, ces bureaux anonymes resteront en l’état. Les plafonds techniques d’origine et les carrelages kitsch, recyclés, serviront l’humour et le sens de la dérision. Agrémenté d’une cuisine pour partager des pauses déjeuner, d’un showroom qui met en scène ses collections associées aux pièces de ses artistes et designers fétiches, l’espace offre le luxe de deux cents mètres carrés pour permettre d’expérimenter, in situ, les idées qui s’inventent ici. « Un préambule idéal pour mettre les clients en connexion avec notre vision du monde », souligne-t-il. Une vision immersive, haute en couleurs et en formes, où l’idée de repenser les pièces vintage, réorienter la matière (stuc de marbre, placages de bois, trompe-l’œil), réinterpréter l’ordinaire et twister l’artisanat d’art, s’exprime aux côtés des références du design, de Memphis à Pierre Cardin en passant par Frank Lloyd Wright ou Shiro Kuramata. Ici, la notion du partage et du « faire ensemble » s’élève au rang d’éthique. Tout s’invente avec tout et tous, dans une énergie festive et joyeuse. S’amuser est la devise du clan qui passe d’un projet à l’autre avec une aisance absolue. La rentrée sera marquée par l’ouverture d’une première boutique Sonia Rykiel, rue Royale, et pendant la Design Week, par l’installation, chez l’orfèvre Maison Lapparra, d’une collection de mobilier, sur le thème de l’art de recycler.

LES ADRESSES D’UCHRONIA

Pour sa sélection de canapés vintage et ses papiers Pierre Cardin, O.D.A Paris. Pour son savoir-faire dans la tradition lyonnaise du travail de la soie, la manufacture Prelle. Pour ses passementeries et ses galons d’ameublement, la Passementerie Verrier. Pour son mobilier contemporain, ses luminaires et ses tapis esprit Memphis créés pour CC Tapis, Claude Cartier. Pour sa sélection de tissus dans le quartier des Abbesses, Ireale. Adresses page 176

INSPIRATION MEMPHIS

PAGE DE GAUCHE Derrière le bureau « Sophia », d’Aldo Cibic, 1985, dossier de chaise « De Postura », Mario Milana, et à droite, chaise « Tatlim » Marco Mencacci, 1990. À côté d’un miroir vintage, lampe « Moonlight », réalisée pour le restaurant Forest à Paris. Au sol, coussin « Fleur », tissu Dedar, table basse et banc « Peanut », avec plateaux laqués, l’ensemble Uchronia. Mobile « Nuage », en acier, Victor Cord’homme. PAGE DE DROITE Devant le « Poppy Bar », collection Forme Libre, en placage de bois (ici, version loupe d’ébène), pied en érable teinté bleu et chêne violet, Uchronia, table « Pedestal », en trompe l’œil grand antique et malachite sur bois, collection Origin, Polcha, et lampe « Astor » de Thomas Bley, Memphis Milano. Derrière les rideaux en tulle à motifs de fleurs, une bibliothèque « Bambi », collection Forme Libre, les deux Uchronia.

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