YARD PAPER #0

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MINI MAG ZERO


Redacteur en Chef Julien Bihan Direction Artistique Arthur Oriol

Contribruteurs Justine Valletoux Dimitri Coste Audrey Michaud Missègue Massaër N’Diaye Terence Bikoumou Olivier Oriol Tyrsa

Production Yoann Guerini Samir Bouadla Jesse Adang Eriola Yanhoui Caroline Travers

Directeurs de publication Tom Brunet Yoan Prat


S’AFFRANCHIR D U D E R N I E R YA R D Démocratiser la culture, c’est ce qu’Internet a offert à toute une génération de jeunes et de moins jeunes par des moyens pas toujours légaux. La gratuité a alors permis un métissage culturel qui ne restreignait plus personne à l’album de son artiste favori ou au blockbuster incontournable de l’année. Avec le haut débit tout est devenu possible, toutes les expérimentations sont à portée de clic. L’être culturel a donc changé, il n’est plus assujetti au rap, rock ou électro ; il n’est plus tyrannisé par le choix binaire entre « mainstream » et « underground », il est partout. La « cross-culture » est née, le trend urbain est né. Si les produits culturels se sont mélangés massivement, l’information est devenue, elle aussi, hybride, entre professionnalisme et amateurisme. Cela concerne plus encore cette culture transversale où les flux abondent, non seulement des sites Internet des anciennes rédactions de presse, mais surtout des blogs ou Tumblr. La qualité est devenue logiquement plus difficile à dénicher, plus rare face à cette nouvelle abondance. C’est de cette carence, ce chaînon manquant entre réactivité et qualité que YARD vient prendre sa place. Un média bâtit sur le tempo de l’actualité culturelle, mais qui la confronte à la rigueur de l’analyse ou à l’originalité de nos angles sur chacun de nos supports. Le lancement d’un site Web et d’un magazine est le choix complémentaire de deux traitements différenciés de l’information, le premier répond à l’analyse de l’instant, le second constitue un instantané d’une période, une référence culturelle d’un trimestre. Entre la réactivité et la qualité, il y avait une frontière infranchissable, un YARD à parcourir. Aujourd’hui, nous le franchissons ensemble, nous nous en affranchissons ensemble.

Julien Bihan, Rédacteur en Chef





YARD se situe au cœur d’un large faisceau de centres d’intérêts qui constituent le trend urbain. Musique, mode, cinéma, lifestyle et art sont les cinq piliers autour desquels le média va se bâtir avec la volonté d’apporter une dynamique nouvelle à la culture alternative. Pour cela, nous vous proposerons uniquement des contenus exclusifs déclinés sur différents formats : vidéos, photos, musiques et éditoriaux. Avec cela, nous cherchons à prendre une distance afin de privilégier l’originalité et l’analyse pendant que d’autres médias s’astreignent au simple relai de l’actualité. Une production qui sera structurée par différentes plateformes, un magazine que vous retrouverez chaque trimestre et un site internet, www.oneyard.com, qui abrite une web TV ainsi qu’un webzine. De la découverte et du divertissement, nous commençons aujourd’hui à explorer cette culture trend urbaine avec vous.



Longtemps boudée par les médias, la culture urbaine n’a jamais cessé d’être consommée et continue de se démocratiser. Aujourd’hui, ce mouvement poursuit son évolution et se mue en une culture alternative qui ne cesse de s’élargir. Il donne naissance à une autre culture, une autre appellation est alors nécessaire : le trend urbain. Bâti dans nos rues, il vient maintenant de partout, son métissage est encore plus prononcé et ses acteurs sont très différents les uns des autres. Ils peuplent autant les concerts électro que les soirées hip-hop, ils savourent à la fois les œufs pochés bénédictine du Café Charlot et les buckets du KFC, puis s’habillent en Supreme ou en Rick Owens. Ce mouvement n’est plus cantonné à une tranche d’âge, il touche différents acteurs à différents niveaux : certains en ont connu les premières heures et grandissent avec, alors que d’autres ne le découvrent que maintenant. Tous empruntent des portes d’entrée différentes et cheminent dans cette culture parfois sans se croiser. Ils sont pourtant ensemble, le trend urbain. Des personnages que nous vous invitons à découvrir à travers leurs portraits, vous en reconnaîtrez certains, d’autres pas, mais, comme vous, ils sont la culture trend-urbaine. Tom Brunet et Yoan Prat


MARTIN-STEVE NKOM Réalisateur 27 ans

SAMIRA BOUKHENTACHE Chef de projet Web 26 ans

« Notre société manque de mélange, entre marques et acteurs de notre culture. »

« Internet fédère, c'est devenu la base de toute naissance de projet. »

MÉLANGE - SPORT - FÉDÉRATEUR

POPULAIRE - LIEN SOCIAL - INTERNET

VALENTIN PETIT Réalisateur 23 ans « Le trend urbain, c'est l'abattement des clivages sociaux : skateurs / racailles. » CLIVAGES - INTERNET - AMBITION

JULIEN SCHEUBEL Marketing manager 30 ans « Le trend urbain, c'est quelque chose de vraiment core et brut, de pure et d'originel. » CORE - INFLUENCES - OUVERTURE D'ESPRIT


JULOT BANDIT Photographe 30 ans

RAPHÄL YEM Rédacteur en chef et animateur MTV 32 ans

« La culture trend urbaine, c'est la culture dominante qui réunit plusieurs tribus en une seule. »

« Le trend urbain c’est une culture partie de zéro qui est arrivée au sommet. »

TRIBUS - MÉLANGE - INTERNET

BABAFLEX DJ & promoteur 40 ans

DEBROUILLE - POSITIF - ENSEMBLE

PIU PIU DJ

« Certains rappeurs des années 80 ont réussi à influencer toute une génération et changer les codes. »

« S'affranchir du poids des codes et de la société pour créer de nouvelles choses. »

ÉCHANGE - MUSIQUE - UNITÉ

S'AFFRANCHIR - MUSIQUE - CRÉATION


CHARLES MOUKOURI BELL Relation marques / Wagram Music 28 ans

SANDRINE SANDRINETTE Social média manager

« C'est une génération couteau suisse qui a des intérets et des goûts pluridisciplinaires. »

« Le point de départ de la culture trend urbaine est Internet, c'est ce qui a changé notre façon de consommer et de réagir. »

MUSIQUE - PASSION - GÉNÉRATION

MELTING POT - ACCESSIBILITÉ - MICHAEL JACKSON

JEANNOT Lycéen 14 ans

SARAH DIOUF Directrice de publication 26 ans

« Tout ce qui se passe dans le monde est mis en commun pour créer de nouvelles tendances. »

« La segmentation culturelle disparaît petit à petit. »

MODE - MUSIQUE - TENDANCES

MELTING POT - MUSIQUE - INCONTOURNABLE


HAFID BELLAZAR Agent artistique 34 ans

SAMY LA FAMILLE Réalisateur

« Chaque couche sociale a apporté sa pierre à l'édifice de cette culture trend urbaine. »

« Il faut mettre en avant plus de personnalités issues de la culture urbaine pour en inspirer d'autres. »

MUSIQUE - IDENTITÉ - HUMOUR

RASSEMBLEMENT – IMPOSER – INCONTOURNABLE

WILLAXXX Comédien « On se rend compte que tout le monde écoute du rap. Au concert de Kanye West et Jay Z, j'étais assis à côté de Pascal Nègre qui est homosexuel et blanc. » MIX - HUMOUR - VOLONTÉ

HANADI MOSTEFA Rédactrice en chef du site meltyStyle 25 ans « Ce n'est pas parce que tu écoutes du hip-hop que tu es street. Tu peux kiffer les punchlines crues de Booba, être en backstage de la Fashion Week et aller au skatepark avec ta snapback a l'envers. » TIE & DIE – UNIVERS – DÉCOUVRIR


BEN FREDONIE Directeur créatif 30 ans

SANSANO JOHANNA Journaliste-réalisatrice 23 ans

« Trend urbain ; deux mots derrière lesquels se cachent beaucoup de choses. »

« Le trend urbain tire sa force de la rue. »

BARRIÈRE – ACCESSIBLE - PATRIOTISME

ÉVOLUER – RÉUNIR – TRAVAILLER

FRED ARNOULD Directeur commercial 40 ans

GUILLAUME SALMON Relation Presse 36 ans

« Les tribus urbaines étaient auparavant très marquées, aujourd'hui elles convergent et cela crée une mixité totale. »

« Le trend urbain réunit différentes générations, des jeunes aux adultes, notamment ceux qui ont grandi dans les années 80 avec la culture street. »

CONVERGENCE - CONSOMMATION - RISQUE

ÉQUILIBRE – PARIS - NOUVEAU


ABDERRAHIM SALL Fondateur d'agence artistique 27 ans

LACOSTE Lycéen 15 ans

« La street culture est tellement large, elle touche tous les milieux sans distinction de race, d’âge ou autre. »

« Le trend urbain n'a pas vraiment de point de départ, c'est un mélange qui s'est fait grâce à l'accès à tout. »

COMBINAISON - MOUVEMENT - ESPOIR

MÉLANGE - SPORT - INTERNET

PAPS TOURÉ Artiste 33 ans

PAULO Lycéen 15 ans

« Tout vient de la rue, elle nous a élevé et tout y est né. »

« L'influence de la culture trend urbaine est le hip-hop, c'est la base. »

MÉLANGE - RUE - L'IMAGE

HIP-HOP - ART - JEUNE


GERONIMO Lycéen 15 ans

PABLO ATTAL Lycéen 15 ans

« La culture trend urbaine est un mouvement qui aspire au métissage, à la diversité et à la créativité. »

« La culture trend urbaine est l'évolution de la street culture vers la pop culture. »

MÉTISSAGE - CRÉATIF - MUSIQUE

RUE - DIVERSITÉ - POPULAIRE

VANTARD Fonctionnaire 31 ans « La culture urbaine était marginale, elle est maintenant moins underground, plus ouverte sur le monde. Elle influence de nombreux univers. » MUSIQUE - CINÉMA - TECHNOLOGIE

FÉLIX BOUTET Entrepreneur 27 ans « Il y a eu une éclosion de la culture trend urbaine ; un rassemblement de genres, un rassemblement de gens. » BÂTARD – RASSEMBLEMENT - DESIGN


DANIEL GEISELHART Journaliste 35 ans

STEVE TRAN Comédien-réalisateur 28 ans

« Le trend urbain est une façon d'exprimer la pop culture d'aujourd'hui, grandement influencée par la rue depuis des années. »

« On nous met de la poudre aux yeux en nous disant : "Ouais tout va bien, on est ensemble, France 98...". Ben mon cul, on en est plus là. Il faut y aller maintenant. »

ART - HIP-HOP - POP CULTURE

MÉLANGE - RIRE - TSUNAMI

ALEXIS SLAMA Directeur artistique 26 ans

WILLIAM K Photographe 30 ans

« Le trend urbain est une jonction d'intérêts qui contribuent à une imprégnation profonde de la culture urbaine dans la société. »

« Je pense que c'est le futur qui marquera culturellement la France, pas ce qui s'est passé avant. C'est nous qui marquerons le futur. »

INTERACTION - AUDACE - LIEN

FILTRE - IDÉE - FUTUR


SARAH AMROUNI Journaliste-réalisatrice 31 ans « Le trend urbain c'est la culture urbaine branchée... C'est le métissage branché ! » MÉTISSAGE - GÉNÉRATION - BRANCHÉ

LÉA REVON Consultante en communication 27 ans

ESPIIEM Artiste 24 ans « Le problème c'est le manque de diversité dans les médias. » CONTRE-CULTURE - CROSSOVER - MUSIQUE

SUPA DJ - producteur 28 ans

« La culture trend urbaine est issue de la rue, de toutes les rues. Pour moi c'est une culture internationale. »

« Le trend urbain, je le définis plus comme la street culture au sens large. »

RUE - INFLUENCE - ÉMOTION

LIFESTYLE - HIP-HOP - ENGOUEMENT


MARIE DÉHÉ Styliste 27 ans « L'idée du trend urbain est qu'on pioche un peu partout. C'est un mix de plein de choses assez abstraites et assez compliquées à définir. » MIX - ABSTRAITE - MODE

NABIL DES BABTOUS Comédien 27 ans « Le trend urbain est le carrefour de tout ce qui touche à la culture urbaine. » HIP-HOP - FAMILLE - COLLABORATION

CLEMS Propriétaire de boutique 33 ans

YANNICK DO Producteur / consultant 31 ans

« La culture trend urbaine est l'arrivée à maturité de toutes les cultures de la rue. »

« Ce que je vois dans le métro, je veux le voir quand j'allume ma télévision. C'est ce mélange qui fait la France. »

SOLIDARITÉ – HIP-HOP – MATURITÉ

AFRIQUE - MUSIQUE - DIVERSITÉ


SHAUN CREATIVITY Artiste danseur 21 ans

BELBEL Auto-entreprenneur 32 ans

« Internet et cette nouvelle possibilité de communiquer ont permis aux gens de s'ouvrir encore plus. »

« En France, j'aimerais voir des directeurs de banque en turban et des flics avec des tatouages. »

OUVERTURE - CRÉATIVITÉ - DANSE

BOXE - NOSTALGIE - CRÉDIBILITÉ

TYRSA Graphiste 29 ans

PINK TEE Artiste 23 ans

« Le trend urbain est ce mariage riche des cultures alternatives qui est mis en avant par la culture de masse. »

« Les points de départ du trend urbain sont les réseaux sociaux et la rue. »

GRAFFITI - OUVERT - CULTURE

DÉMOCRATISATION - MUSIQUE - TOLÉRANCE


FIFOU Graphiste, photographe & illustrateur 31 ans

RAPHAËL LE MANCHEC Collaborateur dans un label de musique

« Le trend urbain réunit ceux qui ont réussi à bouleverser les codes de notre société. »

« Le trend urbain est la démocratisation de la culture urbaine. »

BOUSCULER - MUSIQUE - OPTIMISME

CULTURE - COMMUNIQUER - DÉCOUVRIR

MADJI BERINGAYE Entrepreneur / consultante 29 ans

VALENTINA MORENO Directrice de communication 37 ans

« Le trend urbain, c'est cette tendance à repousser les barrières. »

« La culture trend urbaine puise sa propre inspiration dans la ville. »

DÉMOCRATISER - AVANT-GARDISTE - MIXER

DIFFÉRENCES - VILLE - TOLÉRANCE


DIANA DÉMOCRATIE Gérante concept store 32 ans

LENNY COÏNCIDENCE Directeur artistique 32 ans

« Dans cette culture, je pense qu'il y a une vraie interraction entre la mode, la musique, et l'art en général. »

« Toutes les grosses tendances arrivent par la musique. La culture trend urbaine vient, elle, du hip-hop. »

CROISÉE - INSPIRATION - ENERGIE

RETOUR - HIP HOP - NBA

LOLA ROUX Lolaviande 21 ans « La culture trend urbaine a maintenant cette facilité de toucher tous les milieux sociaux". » DIVERSITÉ – CURIOSITÉ - ENVIE

MORIBA Entrepreneur 26 ans « Les cultures étrangères ont beaucoup poussé le trend urbain. » CROSSOVER – STREET - COLLABORATION


SHYNE OUSMANE Entrepreneur 26 ans

DAVIDE CAESAR DJ 25 ans

« Maintenant, la mode pioche dans la culture urbaine et vice versa. »

« Le mouvement hip-hop était là avant nous, il est là maintenant et sera là après. »

RENCONTRE – OUVERTURE - INSPIRATION

Hédia Charni Animatrice TV / Consultante musique-marque 32 ans

LIFESTYLE – HIP-HOP - MOUVEMENT

SINTO Artiste 28 ans

« Avant on avait une vision très marquée de la culture urbaine. Aujourd’hui, avec le trend urbain tout est plus ouvert.  »

« C'est un mélange et une union de différents horizons aux bases éloignées. »

ÉQUIPE – CHANGER - ÉDUQUER

ARGENT - MUSIQUE - ORIGINALITÉ


SAFWAN MOSTADI Vidéaste

SANDRA MENASRI Responsable événementiel 24 ans

« Le trend urbain est une culture majeure qui englobe tout le monde.  »

« Le sport ressemble à la culture trend urbaine; on met tout a plat, on a des maillots communs et le seul objectif c’est de jouer. »

MIX – IDENTITÉ – VISION

STYLE – FEMME - SPORT

ALICIA BALING Chargé de distrubution en hôtellerie 26 ans

DIDIER PIQUIONNE Promoteur évenement 37 ans

« Le trend urbain est un cocktail pétillant qui fait l’avenir de la jeunesse. »

« Le trend urbain est le laboratoire de demain. »

MÉTISSAGE – GENRE – REPRÉSENTANT

COURANT – JEUNESSE – CROSS CULTURE


JULIETTE BALLAY Project manager 23 ans

MYRIAM MOORE Étudiante 22 ans

« Le trend urbain est né de deux univers qui sont a la base opposés et qui forment aujourd’hui une même tendance. »

« Le trend urbain part d’une volonté de s'exprimer qui est tellement importante qu’elle attire l’attention d'une forte population. »

RUE – VOYAGER - CONSOMMATION

STREET ART – EXPRIMER - IDENTITÉ

ROMAIN "RO" BOURVEN Photographe 36 ans ALEXIS ONESTA Promoteur

« La culture trend urbaine est une conféderation remplie de différents gangs urbains dont le point commun est de proposer un langage et un modèle pour s'ériger contre un ordre établi. »

« Le trend urbain est un mélange d’inspirations et de vécus qui ont crée une toute nouvelle culture. »

CONFÉDÉRATION - IDENTITÉ - RASSEMBLEMENT

MÉLANGE – CÉLÉBRATION - POSSÉDER


LITTLE SHAO Photographe urbain 31 ans

LOU Styliste 23 ans

« Les icônes médiatisées du hip-hop sont devenues des leaders d’opinion. Elles ont initié cette tendance trend urbaine »

« Le trend urbain est comme le rock’n’roll, c’était au début un petit groupe pointu, puis c’est devenu une culture de masse. »

LEADER D’OPINION – CROIRE – INNOVER

ENTREPRENDRE – ENTREAIDE – UNITÉ

ATIS Artiste 30 ans « Il y a un revival de la culture urbaine, elle évolue et s'ouvre. » MÉLANGE - REVIVAL - MONDIALISATION

SYRINE BOULANOUAR Réalisateur 29 ans « La rue inspire tout, tout vient de la rue. On ne peut rien faire sans la rue. » RUE - MÉLANGE - DIFFÉRENCE


ADRIEN PLAS Manager de boutique 26 ans

HERVÉ SENCHANT Manager Artistique

« Si cette culture trend urbaine devient si importante c'est grâce à l'argent. »

« La culture trend urbaine est tout ce qui se rapproche de près ou de loin au streetwear. »

GLOBAL - MONDIALISATION - HIP-HOP

IPOD - SPORT - PORTE-PAROLE

DAVID ATTIÉ Journaliste 23 ans « En nombre la culture n'est pas le plus fédérateur mais en intensité c'est au-dessus de tout. » STREET - ÉCOUTE - KOURTRAJMÉ

ADRIEN LAVILLE Vidéaste 23 ans « Le trend urbain est peut-être la culture la plus partagée au monde et pourtant elle n'est pas reconnue par les grands médias et les politiques. » VILLE - HIP-HOP - SPORT


LLUIS PINO Éditorialiste 23 ans

RZPIX Photographe 34 ans

« En France, il nous manque un but commun, un idéal. »

« Le trend urbain c'est DJ Mehdi, il est passé du hip-hop à l'électro tout en gardant sa touche des débuts. »

INTERNET - MASSIFICATION - SPORT

CODES - CULTURE - COMMUNIQUER

CLARENCE PARIS Manager Artistique

KYU STEED Musicien / Designer 27 ans

« Quand nous parlons de sport, nous sommes très unis en France. D'ailleurs ça ne se cantonne qu'à ça. »

« La culture trend urbaine est le choc entre notre monde et le grand public. »

STYLE - MIXITÉ - SOLIDARITÉ

MONDE - ÉCONOMIE - GRAND PUBLIC


S.PRI NOIR Dealer de son 26 ans

SORAYA EL KOUCHI D.A Label manager 28 ans

« L'unité et la solidarité sont trop éphémères en France. »

« La culture trend urbaine est l'expression de ce que chacun peut être dans la mode ou la musique. »

MODE - HIP-HOP - UNITÉ

EXPRESSION - INTERNET - AFFIRMATION

AURÉLIE PEREIRA Éducatrice spécialisée 28 ans

KENYMARL AKARTIVISTS Designer graphique 30 ans

« Même si on nous fait croire que les frontières sont ouvertes en France, elles sont bien fermées. »

« Le trend urbain c'est la mixité des tendances urbaines. »

ÉCLECTISME - ÉNERGIE - MUSIQUE

MUSIQUE - MIXITÉ - IMAGE


BE LIKE MIKE Gestionnaire administratif 29 ans

JAY SMITH Fondateur d'agence 33 ans

« Le point de départ de la culture trend urbaine, c'est la rue. »

« Internet fédère, c'est devenu la base de toute naissance de projet. »

RUE - OUVERTURE - MICHAEL JORDAN

TRANSVERSAL - VILLE - GLOBALISATION

LAMINE GENERAL Bboy

KEVIN RAZY Humoriste hybride 26 ans

« En France, on a le contenu et le public, mais il nous manque la plate-forme, le meeting-point. »

« Ce qui manque en France, c'est la considération de la culture urbaine en tant que culture à part entière, et non comme une sous-culture. »

ÉCHANGE - MEETING POINT - FRONTIÈRES

DÉMOCRATISATION - REPRÉSENTER - VICTOIRE


TEX Directeur marketing

AMANDINE ROMERO Productrice 31 ans

« Le trend urbain c'est un mix de toutes les cultures urbaines qui existent depuis 30 ans. »

« La culture trend urbaine c'est la vraie définition de la culture populaire. »

MÉTISSAGE - MÉLANGE - RECONNAISSANCE

HYBRIDE - ESSENCE - EXPRESSION

SNEAZZY Artiste 22 ans « Il faut un peu plus de créativité, moins s'inspirer des Etats-Unis et plus inventer son style. Faire moins de copier-coller. » MÉDIATISATION - CRÉATIVITÉ - HUMANITÉ

NEKFEU Artiste 23 ans « Le trend urbain est l'évolution de la culture urbaine. » CYCLE - MICROCOSME - MOUVEMENT


IRÈNE OLCZAK Entrepreneur 29 ans

BENOIT GIRAUD Digital manager 31 ans

« Ce qui rassemble les gens ce sont des valeurs qu'on a envie de défendre ensemble. »

« La musique crée les tendances dans tous les domaines, et reste ce qui fédère le plus de monde. »

DYNAMISME - OPTIMISME -MOTIVATION

MÉLANGE - TENDANCES - POPULAIRE

SOPHIE LUDMANN Marketing manager 32 ans

UGLY MELY Social media manager 27 ans

« Aujourd'hui, toutes les tendances viennent de la rue. »

« Avant la culture urbaine était mal perçue ; maintenant, c'est elle qui donne les tendances que l'on peut voir sur les podiums. »

TENDANCE - INSPIRATION - RASSEMBLEMENT

MÉLANGE - RUE - UNITÉ


PH CAMY Journaliste 37 ans

ADELINE LAJOINIE Digital manager

« Le trend urbain vient d'une source urbaine dont le rayonnement est de plus en plus important. »

« La culture trend urbaine est la manière dont le public s'est accaparé tout ce qui était autour du hip-hop. »

RAYONNEMENT - OUVERTURE - FONDATION

LARGE - VIDÉO - SWAG

JERÔME BAUER Directeur artistique 32 ans

IBRAHIM CISSÉ Hors-ligne 22 ans

« Avec cette ouverture d'esprit peu importe d'où tu viens, tu as toujours une pierre à apporter à l'édifice. »

"Le trend urbain, c'est la culture urbaine 2.0"

EXPERIENCE - UNITÉ - IMAGE

INTERNET - JEUNESSE - OUVERTURE


Streetwear IS (CYBER)DEAD

Comment Internet a mondialisé homogénéisé le streetwear ?

Bas débit, ADSL, fibre optique : le résumé en trois étapes de la fulgurance de la toile d’araignée mondiale, mieux connue sous l’appellation « World Wide Web ». Depuis son intégration dans les foyers mondiaux, le Net a ouvert une nouvelle ère, une nouvelle façon de communiquer. Une aubaine pour le streetwear cantonné jusque-là aux médias que représentaient les pubs, les films et, surtout, les clips vidéo. Des marques qui n’ont jamais eu les espaces d’expression, supports médias et marketings équivalents à ceux des grandes entités de sport ou de luxe, par exemple. Universel et instantané, Internet est vite devenu une alternative au médium de masse qu’est la télévision. Il présente l’avantage d’être accessible géographiquement, financièrement et matériellement. Le public, donc le consommateur, est devenu actif et décideur de son contenu. Il ne subit plus, en apparence, la logique économique omniprésente à la télévision, mais met volontairement à disposition du temps de cerveau disponible si chère au petit écran.


Guillaume Salmon, RP chez Colette.

La Toile a permis d’établir un échange direct entre les marques et les consommateurs, un processus auguré dans un premier temps par les forums de discussions, lieux de conversations thématisées créés par les consommateurs et scrutés par les marques. À cela s’ajoutent la popularisation du site d’enchères eBay, devenu depuis la place centrale des revendeurs, et l’apparition des sites marchands tels que Karmaloop, créant des cybercentres commerciaux qui rendent le streetwear disponible partout dans le monde. Un évolution qui se verra amplifier par l’émergence des blogs, ces vitrines qui organisent les diktats, les directions esthétiques et établissent les tendances. Un processus que l’apparition des réseaux sociaux finira d’achever en offrant de multiples possibilités aux acteurs du streetwear. Une évolution dont Guillaume Salmon, représentant du concept-store parisien Colette, a été un témoin averti : « Quand je suis arrivé, le street était au fond du rez-dechaussée. On avait les premiers produits streetwear, des baskets évidemment et d’autres choses que l’on aimait. Il y avait déjà un marché et une clientèle. À partir de 2008, on sentait que, depuis deux ou trois années, le phénomène s’intensifiait avec l’explosion totale d’Internet, des blogs divers, des forums et de la culture de l’image, qui a tout chamboulé. » De cette révolution naît de nouveaux types d’entités comme le site Hypebeast, créé à l’origine comme un répertoire des tendances et un calendrier des sorties hypes. Prenant le relais des multiples forums thématiques, il s’est mué en cybermonstre à trois têtes, qui combine aujourd’hui un site Internet, des publications papier et un shop en ligne.

Grâce à Internet, les marques peuvent façonner leur image plus facilement auprès de leur public et développer de nouveaux circuits de distribution, deux caractéristiques nouvelles et essentielles du streetwear. Ce désir de proximité aboutira à une récupération d’artistes à des fins commerciales, comme le souligne Guillaume Salmon : « On a commencé à voir des artistes invités à des défilés parce qu’ils ont une image, un poids médiatique, et ont une audience colossale, que ce soit en interview ou sur les réseaux sociaux. Rapidement, on a vu des Beyoncé, Jay Z ou Kanye West assister à des défilés et clamer leur amour pour des marques. On se retrouve dans une nouvelle ère où les barrières et les frontières qui pouvaient exister entre marques et artistes s’estompent complètement. » Une révolution est en marche…

INTERNET EST TELLEMENT INTÉGRÉ AUX STRATÉGIES DE MERCHANDISING DES MARQUES QUE L’ON POURRAIT PARLER DE WEBWEAR.


CITIUS, ALTIUS, FORTIUS Désormais, le succès d’un produit ne réside plus seulement en sa qualité, mais également en sa vitesse de propagation, au nombre de personnes qu’il touche et à sa disponibilité. Mais si tout va plus vite sur le Web, cela vaut dans les deux sens et si le streetwear était au départ un monde codifié et underground, dans lequel n’entre pas qui veut, Internet a donné la clé d’entrée à tout le monde et, par extension, à n’importe qui. Avec le renfort d’Internet et des plates-formes Instagram, blogs ou Tumblr, le streetwear a gagné en visibilité, il est devenu populaire. Mais ce qui devait créer une émulation positive est devenu aussi une entrave à la personnalisation, à la singularité. Paradoxalement, la disparition des frontières a mené au cloisonnement de la pensée, annihilant la créativité et menant à une homogénéisation du style streetwear. Les street styles des grandes capitales mondiales se confondent désormais, et il est devenu plus difficile aujourd’hui de trouver de vraies originalités. Une nouvelle situation fatalement résumée par Greg Hervieux, pionnier du streetwear en France et fondateur de l’agence BKRW : « C’est la perte d’une culture, la perte d’un marché. C’est triste à dire mais, où qu’on soit, ce sont les mêmes tendances, les mêmes modes, les mêmes musiques, les mêmes looks, les mêmes gonzesses, c’est vachement moins bandant. Je ne dis pas que c’était mieux avant, mais il y avait une vraie démarche de recherche et de créativité par la culture. » Internet a la contradiction d’individualiser les pratiques, la consultation et l’achat se font seuls, mais finissent par unifier la pensée. Il donne à chaque individu l’occasion de se faire entendre, de faire porter sa voix. Si, au premier abord, ces usages peuvent paraître bénéfiques, en réalité ils contribuent à faire de chaque internaute un wannabe leader d’opinion. Vulgairement, Internet devient une incarnation du rêve américain, un espace où tout le monde peut tout faire, où l’on peut devenir fashion designer en deux clics et un chargement. Créer une marque, rien de plus facile : un logo, une bio (trois lignes suffisent) et un compte Instagram.

L’essence du streetwear réside dans l’ingéniosité de ses créateurs, qui sont des témoins d’un style de vie et d’un esprit. Shawn Stussy, Erik Brunetti ou même un Nigo ont apporté des idées qui ont fait les codes de la mode urbaine et se voient aujourd’hui mis à mal par l’imitation de leurs tendances. Le streetwear puise largement sa philosophie dans le hip-hop et confère à l’expression vestimentaire un caractère moins léger et plus militant que d’autres styles. Être unique était le fondement de cette branche, être « stylé » était l’attestation de son originalité. Dès sa création, des marques pionnières, telles que Freshjive, Fuct mais surtout Stüssy, ont été des vecteurs de messages d’ouverture, qu’ils soient antigouvernement, antireligion ou simplement des références à l’histoire contemporaine. Elles sont les premières à s’inspirer de la pop culture, par le biais du tee-shirt notamment, en combinant le vêtement à une idée, une revendication propre s’adressant à des communautés culturelles : skateurs, punks ou hip-hopeurs. Ces marques ont servi de fondation et d’inspiration pour des entités telles que BAPE, XLarge ou encore Supreme. Une base qui est la pierre angulaire du streetwear dont on peine à trouver des héritiers aujourd’hui. Bien que le hip-hop soit toujours le pendant historique indissociable du streetwear, on y retrouve souvent ses relents les moins reluisants et les moins flatteurs. En effet, les rappeurs sont souvent les cibles de marques avides d’exposer leurs derniers produits, ayant bien compris l’influence que Kanye West, Pharrell et consorts ont sur les jeunes et moins jeunes. Une influence dont Adidas a été le premier à avoir eu conscience, et qui s’est matérialisée par un contrat publicitaire et une ligne de vêtements avec Run-DMC, à une époque où le hip-hop était encore considéré comme une dangereuse sous-culture. Presque trente ans après, Kanye West signe en tant que directeur artistique pour un contrat qui porterait sur environ 10 millions de dollars, soit dix fois plus que le groupe New-Yorkais. Un phénomène ancien décuplé par Internet, dont les artistes ont pleinement cerné les enjeux, comme l’illustre parfaitement la tirade : « Never met a motherfucker fresh like me. All these motherfuckers wanna be fresh like me. », d’ASAP Rocky. Lorsqu’ils ne sont pas utilisés en prescripteurs hommes-sandwichs, ils sont à la base du processus créatif : capsule collection, collaboration... Une influence que le DJ rap-électro Brodinski souligne habilement : « Le hip-hop a contribué à changer le game du streetwear. Je pense que si Jay Z porte demain un pull de n’importe quelle marque, elle existera immédiatement sur la carte, pareil pour un Drake. Le mec qui a manifesté son intérêt pour la mode, la haute couture et le streetwear, c’est Kanye West. C’est de son pas vers la mode que le streetwear a fait son pas vers la haute couture et la mode en générale. »

Greg Hervieux, Co-fondateur de BKRW.


Brodinski, DJ / Producteur.

MONTRE-MOI CE QUE TU PORTES, JE TE DIRAI CE QUE JE VEUX Le Net a réduit encore davantage la distance temporelle et géographique entre les icones musicales et le public, avec l’aide des sites spécialisés, des chaînes YouTube, des blogs et, surtout, des réseaux sociaux. Il est désormais naturel de connaître les moindres faits et gestes de sa star favorite. En un rien de temps, il est possible d’avoir la marque et le modèle du tee-shirt avec lequel on a aperçu Kanye West la veille. « Internet a démocratisé le streetwear, mais, par sa faute, tu peux être n’importe qui : regarder Instagram pendant 24 heures, passer ta commande sur eBay ensuite et être une nouvelle personne le lendemain », ajoute Brodinski. Marcelo Burlon, représentant et créateur italien de la marque haute couture du même nom, fait justement référence aux motivations des consommateurs : « Les gens ont besoin d’appartenir à un groupe ou à une tribu. Ils aiment sentir qu’ils font partie d’une famille quand ils portent tes vêtements. Ils veulent montrer aux autres qu’ils appartiennent à une caste ou qu’ils partagent les mêmes intérêts que les tiens. » Les réseaux sociaux ont créé de nouveaux monstres vivant dans une bulle où le vêtement, l’objet de consommation prend le pas sur la personnalité et où l’habit devient un curriculum vitae textile, voire une course à la possession matérielle, comme le mentionne Greg Hervieux : « Il n’y a plus de frontières et plus réellement d’identité. On est sur de la consommation pure. Les gens consomment sans vraiment connaître, il n’y a plus de culture, plus d’histoire. On achète sans vraiment savoir ce qu’on achète. On ne paye plus parce qu’on aime, mais parce qu’on doit posséder. Aujourd’hui les gens ont besoin de posséder, d’exister, on le voit dans les réseaux sociaux où le grand intérêt du consommateur, ou même d’une agence, c’est d’avoir la dernière exclu, qu’elle soit bonne ou pas. On veut la dernière exclusivité ! Parce que c’est important d’avoir 10 000 followers, que ce soit 10 000 bons ou mauvais followers, il en veut 10 000. C’est consommer pour acquérir. Les acteurs du marché ont besoin de consommer en permanence. Comme un ogre insatiable, plus on t’en donne, mieux c’est. »

Marcelo Burlon, Créateur de la marque County of Milan.


Le streetwear, qui cherchait ses références loin de la mode, se voit aujourd’hui dépourvu de sa substance originelle dans ce surplus de marques qui se ressemblent toutes. Une fatalité que résume Guillaume Salmon : « L’inconvénient, c’est l’absence de surprise, ma curiosité est moins nourrie quand je voyage qu’elle ne l’était à l’époque. Quand j’étais ado et que j’allais en province ou à l’étranger, il y avait un décalage. New York était La Mecque, tu débarquais dans un autre monde, un fantasme, et tu y allais en quête, en mission. Quand tu allais à Londres, c’était pareil ; Tokyo, je n’en parle même pas. Tu avais cette curiosité, cette culture de l’effort. Tu savais que tu allais trouver telle marque, tel type de vintage, telles baskets que tu n’avais pas à Paris. Ça, ça n’existe quasiment plus, il y a encore des sorties qui sont exclusives à des continents ou à des pays, mais tu n’as plus la même surprise. » Le manque d’initiative et de créativité sont indéniables et transparaissent de diverses manières : les amas de collaborations et d’opérations co-branding sans réel sens, les flopées de rééditions ou même les reprises de concepts ou d’expressions « à la mode ». Ce manque d’initiative est encouragé exclusivement par le profit financier. Les ventes étant satisfaisantes, pourquoi évoluer et proposer autre chose ? Aujourd’hui, Internet est tellement intégré aux stratégies de merchandising des marques que l’on pourrait parler de « Webwear » pour désigner cette ambivalence, un secteur à part entière issu de l’hybridation d’Internet et du streetwear.


“LES GENS ONT BESOIN D’APPARTENIR À UN GROUPE OU À UNE TRIBU.” Marcelo Burlon

“LE HIP-HOP A CONTRIBUÉ À CHANGER LE GAME DU STREETWEAR.” Brodinski

LIVING LARGE Si son omniprésence, provoquée par sa récupération et son homogénéité actuelle, a engendré une perte d’identité, il est intéressant de faire le parallèle avec le street art et de se poser la question : le streetwear a-t-il sa place autre part que dans la rue ? Néanmoins, et c’est connu, la mode est un cycle et le salut viendra peut-être d’un retour aux principes d’origine. Revenir à des thématiques underground et communautaires, ou alors il passera par des innovations technologiques. Peut-être faut-il accepter ce changement et éviter cette pensée réactionnaire pour embrasser cette nouvelle ère. Il faudra donc faire avec le progrès, et c’est dans la façon d’utiliser le Web que se trouve l’avenir du streetwear, comme le remarque habilement Greg Hervieux : « Faut aussi voir le côté positif de ces outils qui permettent de casser les frontières. Quand on s’en sert bien, qu’on continue à voyager, qu’on garde sa curiosité et l’envie de créer, ça devient magique. Je pense que la vraie révolution n’est pas venue par Internet, mais par les réseaux sociaux. Ils ont tout changé : ils ont fait élire Obama, ils ont fait élire Sarkozy et Hollande en France. Si tu sais t’en servir et que tu ne fais pas l’abruti qui ne s’y intéresse pas, ils font la différence. » À consommer avec modération, donc, et avec intelligence. Finalement, pour le streetwear, la révolution n’aura pas été télévisée, mais téléchargée.

Texte de Terence Bikoumou.



RETRAITE ANTICIPÉE

L I L WAY N E

Il n’y a pas eu de missive, ni de communiqué de presse. Pour un homme qui a toujours annoncé qu’il ne prendrait jamais sa retraite tant son art et son être étaient entremêlés, Lil Wayne semble ne plus avoir le feu sacré. Loin est l’époque où le jeune Carter vivait dans son studio et dévorait toutes les productions qui lui passaient sous le museau avec l’appétit d’un « rookie » qu’il avait cessé d’être quatre albums auparavant. S’il n’existe aucun doute sur le fait que Lil Wayne demeure encore aujourd’hui l’image de la franchise lorsqu’on évoque Young Money Cash Money Business, force est de constater que le poulain de Birdman n’en est plus la locomotive. Cette locomotive est dorénavant un cerbère dont les têtes d’affiche se composent de Drake, Nicki Minaj et Tyga. Wayne, même s’il ne le déclare pas encore, a considérablement perdu l’intérêt qu’il portait pour sa musique. Et les circonstances de sa vie d’homme ont encore plus transpiré dans son œuvre artistique qu’il ne pourrait lui-même se l’avouer. Pour analyser cette absence de fait de l’un des plus gros poids lourds du rap américain, il serait opportun de revenir au point de bascule d’une carrière à l’équilibre déjà précaire. L’année dernière, nous étions conviés à Miami pour nous entretenir avec Tunechi de son nouvel album, I Am Not A Human Being II, mais surtout de sa passion naissante pour le skateboard.


L A P E T I T E M O R T D U P E T I T WAY N E

« Lil Wayne est dans le coma » ; « Weezy est hospitalisé » ; « Le boss du YMCMB est sur le point de recevoir l’extrême-onction »… Au début du printemps 2013, les médias américains de tous genres n’ont qu’un nom en bouche, celui du rappeur de la Nouvelle-Orléans. La présence de Wayne sur TMZ n’aurait pas dû troubler grand monde, la personnalité polarisante de l’artiste n’ayant de rival que son passé sulfureux. On ne veut pas y croire, mais TMZ l’affirme. Ce site — incroyablement bien financé au demeurant — connu pour soudoyer tout ce qui se fait de larbins, de voituriers, de serveurs et d’infirmiers à Los Angeles, une ville où la seule monnaie d’échange reste la célébrité : « Comment y accéder ? », « Comment la côtoyer ? », mais surtout « Comment la rançonner ? » TMZ ne plaît pas, mais TMZ a très rarement tort. La mort de Michael Jackson, Whitney Houston et Bernie Mac y avait été annoncée avant même que certains membres de leurs familles respectives n’en soient informés. Leurs sources dans le Cedars-Sinai Medical Center sont effrayantes de sûreté et, lorsqu’ils annoncent la mort d’un homme, il y a fort à parier que celui-ci est, en effet, en passe de recevoir l’extrême-onction susmentionnée. Entre le génie musical absolu, souvent atteint d’accès de brillance, et la vie dissolue d’un homme qui a grandi sous les spotlights, il est difficile de savoir qui est le vrai Dwayne Carter. De ses habilités musicales à sa consommation immodérée et assumée de drogues en tous genres, en passant par sa passion pour le sport, Lil Wayne fascine autant qu’il frustre. Cependant, à force de travail, le lilliputien s’est inscrit au panthéon de la pop culture américaine. Comparé à Jay Z, Wayne a un côté attachant qui le rend profondément plus humain que le mari de Beyoncé. Trop occupé à changer l’image que l’on se fait d’un rappeur, Jay se faufile petit à petit dans les souliers laissés libres par le décès de Frank Sinatra, et ne semble plus faire de la musique que pour l’histoire, et non le présent… À l’opposé, Wayne est un homme de l’instant, hanté par sa propre mortalité et sa quête de quiétude. D’où son besoin de s’envelopper dans un duvet de codéine à la moindre occasion.

Les titres ne laissaient rien présager de bon. On parle de sizzurp, d’overdose de codéine, de multiples pompages d’estomac et immédiatement les fans avertis de rap américain pensent aux légendes qui s’en sont allées avant que la cloche n’ait sonné : Dj Crew, Big Moe, Pimp C… Après une dizaine de jours haletants, Wayne n’avait pas passé l’arme à gauche. Sa consommation de prométhazine, bien qu’alarmante, n’avait pas eu le meilleur de lui. Le rappeur donnait une interview un mois plus tard au très médiatique Sway Calloway, rédacteur en chef de MTV News, en direct de sa villa floridienne, et expliquait qu’il n’avait aucun souvenir de ses crises d’épilepsie : « Elles arrivent sans avertissement, sans rien du tout, je ne me sens pas malade. J’ai l’habitude d’avoir d’horribles maux de tête, mais là rien du tout. Je vais me coucher tranquillement et je me réveille à l’hôpital. Je disais à tout le monde la semaine dernière qu’ils pouvaient arrêter parce que la blague avait assez duré. Je ne me souviens vraiment de rien, je me réveille à 100 % de ma forme et je continue de vaquer à mes occupations. J’ai juste envie que ça s’arrête, mais je ne sais pas ce qui se passe. Je suis presque sûr qu’ils sont tous en train de me jouer un tour. » Nous ririons tous moins jaune si nous n’avions pas vu le documentaire The Carter sur la vie de l’artiste au moment de la sortie de son chef d’œuvre Tha Carter III. Dans ce film d’Adam Bhala Lough, la personnalité de Lil Wayne y est transpercée, et derrière l’intelligence stellaire du bonhomme se cache tout bonnement un toxicomane entouré de béni-oui-oui trop effrayés d’être écartés pour tenir un discours honnête à leur chef de file. Seul son manager et ami d’enfance, Cortez Bryant, exprime ses craintes et son désir de le voir arrêter sa consommation excessive d’antidépresseurs. Au risque d’être lui-même ostracisé un moment, Cortez n’avait pas hésité une seconde à critiquer le « Lexomil Wayne » qui n’avait de cesse d’enchaîner les cartons entre 2006 et 2009. Après une année de sevrage pénitencier puis probatoire, les double cups avaient refait irruption dans les tour bus et, avec eux, les crises d’épilepsie de Weezy.


LA RENAISSANCE Depuis, Lil Wayne semble s’être trouvé une nouvelle addiction, le skateboard. Si l’idée qu’une star planétaire de cette magnitude puisse se prendre de passion pour un hobby qui ne lui rapportera pas un kopeck semble farfelue, Weezy n’a jamais fait dans le conventionnel. Cependant, il a toujours fait exactement ce qui le rendait heureux. Dans le rap ou ailleurs… Comme le disait son ami et mentor dans le skate, Stevie Williams, lors d’un entretien que nous avions eu à Miami en avril 2013 : « Quelqu’un d’aussi riche, d’aussi célèbre, qui n’hésite pas à se casser la gueule devant les caméras du monde entier parce qu’il a envie de s’améliorer et de ne pas se préoccuper des gens qui le verront, ça suppose énormément de courage et tu ne peux pas ne pas respecter ce genre de mecs. » Cette passion tardive prend de plus en plus de place dans l’emploi du temps de Wayne. Et son influence est tout sauf négligeable. Depuis que le skateboard a pris une telle place dans sa vie, Lil Wayne a mis sa mentalité de hustler à profit et a réussi à faire de Trukfit la marque urbaine avec la croissance la plus fulgurante, selon l’article du magazine Forbes « Hip Hop Cash Kings ». En plus de ses vêtements, Weezy a signé deux juteux contrats, avec la marque de sodas Mountain Dew (dont la cible est constituée de riders skate, snow et surf) et de chaussures Supra. Faire de son aura et de sa passion un business est dans la nature de Wayne, c’est son ADN. Mais, aujourd’hui, il pense clairement à changer d’activité principale. Lorsque nous lui demandions si la retraite était envisageable, il nous répondait : « Tha Carter V sera mon dernier album, pour sûr. Ce sera mon testament. Je rappe depuis que j’ai huit ans, et j’en ai trente-deux aujourd’hui. J’aime faire tellement d’autres choses et je pense qu’à un moment la musique ne sera plus la seule chose qui me motivera. Ce n’est déjà plus la chose qui m’excite le plus, donc ce moment viendra, et il faudra s’y préparer. » Quoi qu’il en soit, il est évident que la perspective du musicien Lil Wayne a changé, aujourd’hui ses préoccupations sont autres, et c’est bien normal. Toute personne dont la passion pour un sujet s’estompe, comme ici au crépuscule d’une carrière bien remplie, veut s’adonner à autre chose. Sauf qu’ici Wayne est encore dans la force de l’âge, ce qui pourrait être frustrant car si son talent est intact, sa motivation à rapper ne l’est plus. L’homme a trop donné et veut juste aujourd’hui pouvoir rider avec ses potes. Le skate a changé Wayne. C’est devenu un individu bien plus optimiste, qui n’hésite plus à sourire parce qu’il est heureux, tout simplement. À nous de profiter de nos derniers moments avec le rappeur qui aura changé bien des mentalités dans les années 2000. Celui qui aura choisi de faire d’un jeune Canadien avec un goût pour le mélodrame son héritier va s’effacer dans la brume et ne nous laisser que ses mémoires. Et, là encore, il n’y aura pas de missive, ni de communiqué de presse.

Texte de Massaër N'Diaye.


O N E D AY I N 1 9 6 4 C A S S I U S C L AY M E T L E S B E AT L E S À T E R R E

Cinq artistes à un tournant déterminant de leur carrière, les uns sont chanteurs et l’autre est boxeur mais les deux entités sont en quête de cogner l’histoire.

Les Beatles débarquent outre-Atlantique avec leur Beatlemania pour confirmer la frénésie déjà installée en Angleterre. Si la GrandeBretagne est conquise en 1963, le groupe souffre d’un déficit d’exposition aux EtatsUnis notamment dû au distributeur Vee-Jay qui se matérialise par le faible retentissement de leurs deux premiers albums. Face à cet échec, EMI, la maison de disque du groupe, fait monter la pression sur Capitol afin qu’ils promeuvent le groupe aux U.S.A. Une enveloppe de 40 000 $ est avancée pour livrer les Beatles à New-York, Washington et Miami. Quant à Cassius Clay, après son titre de champion olympique, il enchaîne des performances fracassantes sur le ring et des envolées lyriques arrogantes sur les ondes. Son objectif est d’amener au combat Sonny Liston, champion du monde en titre, et enfin se battre pour la ceinture. Pour cela, Clay mène une campagne truculente d’harcèlement notamment en louant un bus et un porte-voix pour provoquer Liston en pleine nuit au pied de chez lui.

En février 1964, ils sont tous les cinq à Miami et pendant que les Beatles enchaînent un deuxième live pour le Ed Sullivan Show, Ali s’entraîne à dominer son adversaire. Les British fascinent les masses mais rendent dubitatifs les journalistes. Le New York Herald Tribune écrira : « En fait de talent, les Beatles semblent être 75 % de publicité, 20 % de cosmétique et 5 % de jérémiade mélodieuse ». La presse est quasi unanime. Quant à Cassius, les bookmakers en font un outsider peu crédible face à Sony Liston qui tient son titre depuis 1962, notamment après avoir explosé Floyd Patterson au premier round d’une série destructrice de six crochets du gauche et un du droit qui fissura les esprits. Malgré sa côte de huit contre un, partout où il passe Clay dégage une véritable sympathie, celle que l’on a pour un gamin à la langue un peu trop pendue en attendant que la vie le fasse taire, que Sonny le fasse taire.


Deux jours après le concert pour Ed Sullivan et sept avant le combat au Convention Hall, le 18 février 1964 boxeurs et rockeurs montent par hasard sur le même ring. À l’instar d’un public frileux, les quatre garçons dans le vent, préfèrent le champion en titre, convaincus, comme le disait John Lennon, « que la grande gueule allait perdre », même Ringo Starr a parié sur le poids lourd. Le groupe aux Etats-Unis, pour étendre sa notoriété, préfère s’afficher avec Liston plutôt que l’arrogant Clay. Harry James Benson, photographe de la tournée américaine du quatuor, essaie d’organiser cette opération, en vain. «  Qui sont ces gays ? » a élégamment demandé le tenant du titre au micro d’un journaliste du NewYork Times. Il fallait donc trouver une solution de secours. Benson décide d’organiser cette séance photo avec Cassius face à des Beatles plus que réticents, mais c’est toujours mieux que rien. En retard le futur Muhammad Ali et sa bonne humeur caractéristique ont rendu ce moment unique. Il ouvre la porte et crie : « Hey les Beatles, on va faire des tournées sur les routes ensembles, on deviendra riches ». Le ton est donné, le personnage est placé.

Ils s’amusent et se mettent dans toutes les situations, Cassius Clay les renverse comme des dominos puis il évite les assauts du groupe et finit par les terrasser. Un instant suspendu dans le temps pour ceux qui y ont assisté. Ali déclarera : « Quand Liston lira que les Beatles sont venus me voir, il deviendra tellement fou que je le mettrai K.O au troisième round. » Sept jours plus tard et quatre reprises en plus, Cassius Clay deviendra champion du monde. Les six artistes se sont croisés à un carrefour qui allait marquer leur avenir, l’Amérique aurait pu enterrer les Beatles, Sonny Liston aurait dû défigurer Clay. Mais ce mois de février les a intronisés comme des icônes populaires qui marqueront leurs domaines respectifs mais aussi l’histoire.

Texte de Julien Bihan.


SÉRIE MODE

BONDY COUTURE La basket a enfin acquis ses lettres de noblesse et fait une entrée plus que remarquée sur les défilés de mode hautes coutures 2014. Le sportswear s’invite depuis plusieurs saisons sur les podiums des grandes maisons françaises. Le grand manitou Karl Lagerfeld ose même transformer le Grand Palais en supermarché de banlieue pour clore la semaine de la mode. Mixer les univers et les genres, c’est le mot d’ordre de cette saison. C’est à Bondy, banlieue est de Paris, que l’on retrouve la femme YARD. Désinvolte mais délicate, elle twist avec les imprimés et coloris, emprunte aux créateurs et à la rue. Sans complexe, la YARD GIRL prône le mélange des styles et des idées. Team Together We Achieve More…

Photos : Dimitri Coste Assistant Photo : Jonayd Cherifi Style : Audrey Michaud Missègue MUA : Lila Guéant Modèles : Marine Muller chez Marylin Agency et Nordine Benotmane Remerciements : Omar Hamidi


Robe Narcisso Roriguez Baskets Nike


Bonnet Carhartt Costume Top Man Chemise A kind Of Guise Baskets Nike


Robe Courrèges Baskets Victoria


Top Monki! Jupe, collier et bracelets Sonia Rykiel


Top et jupe Lacoste! Collier Bimba y Lola




Veste Surface To Air Tee shirt Carhartt Pantalon Club Monaco Bob Stussy chez Blackrainbow

Veste et Pantalon Levis Tee shirt Uniqlo


Robe Rebecca Minkoff Top Lie Sang Bong



Top Monki Jupe Sister Jane chez Democratie Store


À LA RECHERCHE DE KOURTRAJMÉ

CHAPIRON ET GAVRAS UNE FRATERNITÉ INDESTRUCTIBLE. « Mes amis de Kourtrajmé sont la nouvelle nouvelle vague », tels étaient les mots de Chris Marker, l’un des pionniers de l’essai cinématographique. Vingt ans après leur premier court métrage, Paradoxe perdu, et l’espoir d’un renouveau dans le cinéma français, Romain Gavras et Kim Chapiron ne sont plus les adolescents de quinze ans armés simplement d’une caméra familiale. Le premier est maintenant à la réalisation d’une dizaine de clips et d’un long métrage ; quant au second, il sort son troisième film, la Crème de la crème, le 2 avril prochain. Loin du raffut des premiers buzz hexagonaux produits par Internet et de la sensation Pour ceux, que reste-t-il de Kourtrajmé ? Ce label qui a fait vendre, fantasmer et qui a été parfois mythifié, est toujours sollicité à chacune des actualités du tandem. Un poncif journalistique à écarteler pour savoir ce qu’il est bon de garder mais aussi de jeter.

U N E H I S T O I R E D E FA M I L L E « La famille n’est jamais loin », tels étaient les mots de Kim Chapiron pour décrire l’état de Kourtrajmé, alors en pleine promotion pour Dog Pound. Même si les années ont passé depuis le lancement du collectif, en 1994, les liens tissés semblent toujours intacts et permettent surtout à chacun d’avancer artistiquement. Mais dans chaque famille le point le plus structurant reste la figure du père. Celui de Kourtrajmé demeurera incontestablement Vincent Cassel. Après avoir essayé de faire produire les deux fondateurs du collectif en jouant de ses connexions, l’acteur s’est retrouvé par défaut à occuper le rôle de producteur sur leurs deux premiers longs métrages. Mais au-delà de son implication financière, il incarne surtout l’image internationale de Kourtrajmé à un moment où la dimension du collectif reste locale. Lors du tournage d’Ocean’s Twelve, l’acteur distribuera des courts métrages à tout le casting et notamment au réalisateur Steven Soderbergh, qui tomba sous le charme de la musique du générique de Tarubi L’Arabe Strait, une des productions Kourtrajmé, Thé à la menthe. Ni une ni deux, le réalisateur appelle le compositeur du morceau, Nikkfurie de La Caution, pour la scène de la danse des lasers avec François Toulour. Une exposition inattendue. C’est dans cette même logique de mise en avant de leurs premières œuvres au cinéma que la présence de Vincent Cassel assure une

puissance artistique mais aussi commerciale. En effet, l’acteur à la renommée internationale offre des garanties au box-office que deux réalisateurs débutants sur le grand écran ne peuvent assurer malgré le prestige de l’appellation Kourtrajmé. Mais ce choix peut être lu en dehors de toute perspective économique pour devenir la simple suite d’une logique fraternelle. En effet, il permet la recomposition à l’écran du duo Vinz (Vincent Cassel) et Bart (Olivier Barthélemy), l’axe fort des Frères Wanted. Car, à la ville comme à l’écran, le travail se fait en famille. C’est en cela que dans chacun de leurs films les deux réalisateurs gardent une place pour l’autre, pour son avis, pour ses compétences. Que ce soit par des caméos (Romain Gavras joue le rôle d’un brancardier dans Sheitan et Kim Chapiron celui de Youg Goth dans Notre jour viendra) ou par un travail plus technique. Pendant que Gavras prend la direction de seconde équipe dans Dog Pound et dans la Crème de la crème, Chapiron occupe le même poste dans No Church In The Wild, le clip de Jay Z et Kanye West. Avoir un œil et une pensée pour l’autre, c’est ça la survie de l’esprit Kourtrajmé aujourd’hui. Si le collectif a longtemps été une famille recomposée en intégrant en son sein de nouveaux membres et adeptes pendant plusieurs années, depuis Sheitan, cette famille s’est décomposée.


K O U R T R A J M É E S T M O R T, V I V E R O M A I N E T K I M Le point d’orgue de Kourtrajmé restera Sheitan, qui reprend les codes, les thèmes mais aussi le rôle du personnage de Bart. D’ailleurs, on peut voir en ce premier film de Kim Chapiron une fin alternative au court métrage coréalisé avec Romain Gavras en 2003, Désir dans l’espace. Même sortie foireuse pour Bart, même embrouille avec le même couple, mais cette fois au lieu d’agresser sa victime d’un coup de bouteille et d’emballer une jeune femme dans son propre vomis, il finit la queue entre les jambes et l’arcade explosée. D’ailleurs, tout au long du film on croise une partie des protagonistes qui ont contribué à façonner l’histoire Kourtrajmé : Oxmo Puccino, Mouloud Achour, Mokobé, Tarubi, Nicolas Le Phat Tan et l’incontournable Joël le Gorille. Primate qui fait l’objet d’un des cinq piliers du Manifeste insurrectionnel de Kourtrajmé : « Je jure que Joël le Gorille apparaîtra dans chacune des productions Kourtrajmé. » Un respect global de cet institution qui fait de Sheitan un feu d’artifice parachevant dix ans de clips, courts métrages et autres bizarreries audiovisuelles. Un point d’orgue, mais surtout un point tout court. Car, depuis, Romain et Kim ont entamé un travail plus intime autant sur le fond que sur la forme, la patte Kourtrajmé s’est progressivement effacée et les deux frères se sont retrouvés face à la proposition cinématographique dans tout son éclatement et son immensité. La puissance du collectif qui résidait dans l’alternative proposée d’une esthétique de la rue ainsi qu’à l’effet de groupe s’est donc atomisée. Ils ont dû faire leurs preuves à nouveau. Kim Chapiron a privilégié les longs métrages et propose une approche plus épurée, ainsi que la force d’un travail scénaristique extrêmement dynamique. Quant à Romain Gavras, il impose son style, quelle que soit la forme audiovisuelle, son image tranche, son grain s’identifie. C’est cela qui fait du premier un réalisateur montant et apprécié et du second un vidéaste remarqué et réclamé. Mais entre les deux subsistent des liens qui constituent le ciment de leur relation cinématographique, un credo artistique.

“MALGRÉ CETTE (IM)PERTINENCE DANS LE TRAITEMENT DES SUJETS, LES DEUX CINÉASTES METTENT L’ACCENT SUR L’ART, SUR LA CAMÉRA. ELLE DOIT EXALTER LES SENS DU SPECTATEUR, QUITTE À LE METTRE DANS UNE POSITION INCONFORTABLE, INTENABLE MÊME.”

“AVOIR UN ŒIL ET UNE PENSÉE POUR L’AUTRE, C’EST ÇA LA SURVIE DE L’ESPRIT KOURTRAJMÉ AUJOURD’HUI.”

METTRE LA CAMÉRA DANS LA PLAIE Ceux qui ont toujours revendiqué « de ne pas justifier la gratuité des scènes gratuites », puis « de ne pas donner un sens à leur film mais de faire un film pour les sens » (respectivement deuxième et quatrième commandements du Manifeste insurrectionnel de Kourtrajmé), se tiennent à ces ferments idéologiques. C’est en ce sens que Gavras et Chapiron ont su rester Kourtrajmé. Tous deux n’hésitent pas à aborder des sujets touchant frontalement à l’humain et plus précisément à l’adolescence. Ils déclinent tous les deux le thème de la jeunesse sous différents angles : celle de la rue de Kourtrajmé à Sheitan, celle en quête d’identité sexuelle dans Notre jour viendra, celle des prisons juvéniles dans Dog Pound et, enfin, celle des dérives estudiantines d’HEC dans la Crème de la crème. En montrant la jeunesse dans tous ses doutes et sa violence, ils nous interrogent sur la société et son évolution, nous mettent face à nos responsabilités. Malgré cette (im)pertinence dans le traitement des sujets, les deux cinéastes mettent l’accent sur l’art, sur la caméra. Elle doit exalter les sens du spectateur, quitte à le mettre dans une position inconfortable, intenable même. C’est cette posture qui est déclencheuse de polémiques, on se souvient notamment des retours virulents face aux clips Stress et Born Free. À l’époque, la gêne était double, la violence des images mais aussi le silence de Romain Gavras refusant d’expliquer le sens de cette dureté. Un refus qui est le fruit d’un militantisme artistique pour ne pas influer sur l’interprétation des spectateurs. Une foi « kourtrajméesque ». Le troisième long métrage de Kim Chapiron, La Crème de la crème, semble persister dans cette voie. La jeunesse, une autre jeunesse, y est scrutée pour aborder des thèmes qui feront encore frémir les parents d’aujourd’hui. Le réalisateur y observe la même rigueur dans l’appréhension du sujet, tout comme dans Dog Pound pour lequel il avait visité les prisons juvéniles du Midwest américain. Cette fois, c’est la matrice des hautes écoles de commerce à laquelle il s’est initié. L’éducation artistique apportée par Kourtrajmé s’est associée à une approche plus personnelle du cinéma, mais toujours évolutive selon le sujet abordé. C’est en faisant l’addition de tous ces cheminements que le tandem Chapiron-Gavras conserve cette saveur singulière.Leur devise était : « Seigneur, ne leur pardonnez pas car ils savent ce qu’ils font. » Heureusement, car ce sont eux qui font bouger les lignes du cinéma français.


ITW KIM CHAPIRON “AVEC ROMAIN, ON MET SUR PAPIER DES PROJETS DE LONG MÉTRAGE.”

EN FÉVRIER 2013, NOUS ÉTIONS EN STUDIO AVEC KIM CHAPIRON EN PLEIN MIXAGE DE SON PROCHAIN LONG MÉTRAGE, LA CRÈME DE LA CRÈME. ALORS EN TOTAL IMMERSION DANS LA POST-PRODUCTION, LE CINÉASTE A PRIS QUELQUES INSTANTS POUR RÉPONDRE À NOS QUESTIONS. UNE INTERVIEW QUI EXPLORE L’HISTOIRE CINÉMATOGRAPHIQUE DU COFONDATEUR DE KOURTRAJMÉ, DE SES DÉBUTS À SON DERNIER FILM, EN ENTROUVRANT LA PORTE DE L’AVENIR.

Quels ont été les éléments déclencheurs qui t’ont amené au cinéma ? C’est la BD, mon père faisait pas mal de BD et donc, par mimétisme, conscient ou inconscient, j’ai voulu faire la même chose. J’ai commencé à écrire des histoires et à penser découpage, car la BD c’est du découpage et de petites histoires. C’était des histoires très courtes qui faisaient quatre ou six pages et c’est ce qui m’a amené au court métrage. Le déclencheur, c’est qu’à l’époque où je dessinais beaucoup, j’ai eu la chance de vivre la montée en puissance de l’équipe Vincent Cassel, Mathieu Kassovitz, Assassin, que je voyais depuis pas mal de temps faire leurs choses dans leur coin. Et du jour au lendemain Métis a vraiment révélé toute cette clique. C’est Métis qui m’a donné envie de transformer la BD en court métrage. Mathieu Kassowitz a commencé à jouer dans nos vidéos, puis Vincent Cassel qui a eu une grosse implication et avec qui on est devenus très proches. C’était le début de tous les courts métrages qu’on a fait avec Romain Gavras, Sheitan y compris. Kourtrajmé a-t-il influencé ton cinéma, qui peut sembler un peu différent  ? Kourtrajmé a été un incroyable laboratoire où tout était permis, donc forcément ça a influencé la suite quand on est arrivés au bout de cette expérience de groupe. C’était une expérience de meute, on faisait tout ensemble, on sortait ensemble, on dormait ensemble. Ça a forcément influencé la dynamique de travail des films qui ont suivi, des longs métrages, en tout cas. Tout vient de ce moment. C’est là qu’ont pris naissance les amitiés et les collaborations qu’on a d’ailleurs conservées avec tous les membres de Koutrajmé.


Les réalisateurs et vidéastes d’aujourd’hui ont-ils été influencés par Kourtrajmé, selon toi ? Je pense que le fait que nous ayons pratiqué cette liberté est liée à cette chance d’être arrivé au tout début d’Internet. On a atterri sur les premiers réseaux de diffusion Internet qui nous ont permis à l’époque d’être mis en avant par une multitudes de sites, car il fallait du contenu. Je pense que nous aussi, nous avons bossé avec l’idée de profiter de tous les réseaux de diffusion possibles. Je pense que Kourtrajmé a contribué à nous décomplexer au niveau de la vidéo, où avant on se disait que c’était seulement l’affaire des grosses équipes, des grosses lumières… Nous, on avait une vraie liberté de ton qui faisait qu’on se permettait tout, car il n’y avait aucun enjeu. On n’avait aucun compte à rendre à aucun producteur, à aucun diffuseur. On était extrêmement sauvages. Tout se faisait de manière extrêmement décomplexée et si Kourtrajmé a montré un chemin, c’est bien celui-là. Avec Romain Gavras, vous avez été les deux têtes pensantes de Kourtrajmé. Que penses-tu de son évolution et de ses projets ? Moi, je suis un fan absolu de Romain et je trouve parfait l’enchaînement du clip de M.I.A. et de No Church In The Wild. Se retrouver deux fois nominé aux Grammy Awards, c’est quand même assez dingue. Quand tu penses qu’il a mis des costumes à des flics grecs en train de faire une guerre civile en se servant de la puissance médiatique de Jay Z et Kanye West, c’est vraiment génial ! Je trouve que ce que fait Romain en termes de propagation d’idées folles est vraiment incroyable.

“DANS LA CRÈME ON VA AVOIR LE CUL ENTRE DEUX CHAISES, CE QUI EST MON MOOD PRÉFÉRÉ.” Est-ce que vous envisagez de faire une nouvelle coréalisation ?

Peux-tu nous parler de la Crème de la crème, ton dernier film ?

Pour No Church In The Wild, j’étais en seconde équipe et, sur la Crème de la crème, Romain était aussi en seconde équipe. C’est systématique. Mais une collaboration officielle sur laquelle on coréaliserait tous les deux, on a différents projets qu’on est en train de mettre sur papier, oui. Plutôt du long métrage.

C’est un groupe d’étudiants à HEC qui monte un réseau de prostitution. Ils vont mettre en pratique toutes leurs connaissances et leur savoir-faire, car ce sont des jeunes gens plutôt brillants et leur association va très bien marcher. C’est l’histoire d’une expérience qui va se transformer en grande entreprise qui va cartonner dans le campus.

Comment expliques-tu le succès international de Sheitan ?

Comment t’est venue l’idée du scénario ?

Vincent a été une pièce maitresse dans l’exposition internationale. Je sais par exemple qu’en Russie, à l’époque où on est sorti, ils adoraient Vincent Cassel. Le long métrage a été classé film d’horreur, mais je ne pense pas que ce soit spécialement le cas, je suis toujours incapable de dire quel est le style de Sheitan. La carte « horreur » entre dans le film de genre, c’est ce qui s’exporte le mieux.

C’est la rencontre avec Noé Debré (le scénariste) et Benjamin Elalouf (le producteur) qui a fait naître le projet. Quand je les ai rencontrés, j’ai vraiment flashé sur cet univers. Ensuite, avec toute l’équipe de production et Alexandre Syrota (le coproducteur), on s’est promenés sur le campus d’HEC, on a fait les élections des futurs BDE (NDLR : bureau des étudiants). On a exploré l’univers des grosses fêtes et le fantasme qu’on a des écoles de commerce, on s’est baladés un peu partout : Grenoble, La Rochelle, l’ESCP (École supérieure de Commerce de Paris). On s’est un peu infiltrés dans ce monde où il y a un folklore incroyable, c’est surtout ça qui m’a donné envie. De là, en pêchant des petits bouts de réalité et en mélangeant ça avec la plume de Noé, on a écrit La Crème de la crème.


Comment fais-tu pour tourner des sujets très simples (scolarité, prison…) avec des angles toujours originaux ? Ce qui m’intéresse, c’est de clore une trilogie autour de l’adolescence. Les thématiques générales qui m’intéressent dans les trois films sont aussi bien le jeune âge, donc le passage de l’enfance à l’âge adulte, que les personnages que l’on n’aime pas. Dans Sheitan, a priori on n’aime pas les trois gars qui sont en boîte de nuit et qui font chier. Ces mêmes types qui se font péter une bouteille sur le coin de la gueule et qui se retrouvent en dérive. Dans Dog Pound, ce sont de jeunes délinquants et, dans la Crème, ce sont les premiers de la classe depuis le primaire. Pour se retrouver dans ces écoles il faut être premier de la classe dès le début, on n’aime pas les premiers de la classe. On parlait avec un jeune étudiant d’HEC qui nous disait que la seule et unique question qu’il s’était posée depuis le début de sa scolarité était : « Comment je vais réussir à rentrer à HEC ? » On est avec des gens qui ont un but et qui l’atteignent, des gens extrêmement déterminés. Ce que j’aime bien, c’est présenter des personnages a priori antipathiques et de les rendre touchants. Puis d’observer ces contradictions, qu’il s’agisse de mecs du dernier ou du premier rang. Les personnages de Dan, Jaffar, Louis et Kelly sont quatre protagonistes qui apparaissent détestables au vu de leurs actions et de leurs statuts : le premier réflexe est de les détester et, pendant toute leur trajectoire, on apprend à les aimer. Moi, l’exercice qui m’amuse, c’est de jouer avec cette contradiction : comment on peut être touché et attendri par quelqu’un que l’on déteste a priori.

“KOURTRAJMÉ A ÉTÉ UN INCROYABLE LABORATOIRE OÙ TOUT ÉTAIT PERMIS.” Comment expliques-tu le laps de temps assez long que tu laisses entre chacun de tes films ? Je ne suis pas pressé. Chaque moment dans la construction d’un film me nourrit énormément : que ce soit l’écriture où on partage des choses beaucoup plus intimes, ou le tournage où on se retrouve avec toute une équipe. C’est encore extrêmement différent. Et maintenant, la postproduction qui est un moment que j’adore. Moi, j’ai commencé par ça, où justement je passais mes journées dans des salles noires à trafiquer des petits boutons et à regarder des écrans. Je prends autant de plaisir dans les trois étapes de la construction d’un film, donc j’en profite, je prends du bon temps. Quelles sont tes attentes par rapport au film ? Passer un bon moment et faire de belles projections. De mes trois films, c’est celui qui tend le plus vers la comédie, donc ça va être nouveau d’avoir des salles qui rigolent. Car il y a des scènes où officiellement on est là pour vraiment se marrer. D’un autre côté, comme tout ce qui touche aux extrêmes, l’objectif est de mêler ça aux contradictions. On va avoir le cul entre deux chaises, ce qui est mon mood préféré.

“CE QUE J’AIME BIEN, C’EST PRÉSENTER DES PERSONNAGES À PRIORI ANTIPATHIQUES ET DE LES RENDRE TOUCHANTS.” Vas-tu passer à autre chose que l’adolescence dans tes futurs projets ? Je pense que oui, car ce n’était pas stratégique de me retrouver là encore à bosser sur un film avec de très jeunes gens qui envoient vraiment de la grosse prestation. Continuer à travailler avec de jeunes acteurs, c’est aussi un vrai confort car il y a un lâché prise que je retrouve systématiquement. Partir dans un autre univers me donne envie aussi, mais c’est surtout par rapport à ce que je vis. Avec Kourtrjamé, on était constamment dans une même direction avec cet effet de meute, on a toujours bossé avec l’environnement. Étant père de famille et changeant d’univers, je pense que naturellement je vais avoir des acteurs plus âgés. L’idée est d’être en accord avec ce que l’on vit.

“TOUT SE FAISAIT DE MANIÈRE EXTRÊMEMENT DÉCOMPLEXÉE ET SI KOURTRAJMÉ A MONTRÉ UN CHEMIN, C’EST BIEN CELUI-LÀ.”


Respectes-tu toujours le dogme de Kourtrajmé : « Ne jamais écrire un scénario digne de ce nom » ?

Comment vois-tu ta progression et ton évolution en tant que réalisateur ? Je n’utiliserais ni le mot progression, ni celui d’évolution, mais je pense que ce qui est important pour moi dans la mise en scène, c’est de m’adapter au sujet. À l’époque de Kourtrajmé, on travaillait avec de petits caméscopes. Sheitan était dans une image nerveuse, avec des courtes focales, et Dog Pound dans un rapport très froid, distant et neutre. La Crème est plus chaleureux, ce n’est pas une évolution, mais une adaptation de la mise en scène au service d’une histoire et de personnages.

À la base, ce dogme, on se l’était donné avec Romain Gavras. Nous étions justement de jeunes fans du Dogme 95 de Lars von Trier et de Thomas Vinterberg qui, à l’époque, avaient fait ça pour justifier Festen (film de Vinterberg) et les Idiots (film de Lars von Trier). On était totalement en admiration devant cette branche de réalisateurs et, d’ailleurs, on l’est toujours. Ils s’imposaient ce qu’ils appelaient un vœu de chasteté. Nous, pour rebondir sur cette vision du cinéma, on avait fait le nôtre, qui en était quand même fortement inspiré. Au début c’était surtout de l’imagerie : on nourrissait notre univers en trouvant des échos dans d’autres cliques de réalisateurs. « Je jure de ne pas écrire un scénario digne de ce nom », je pense qu’on est toujours assez fidèles à ce dogme-là car on essaie toujours d’avoir un regard un peu sur le côté et de rester toujours ambigus. Nos débuts, nos fins et nos personnages ont toujours des trajectoires assez étranges et on essaie d’affirmer le moins de choses possible. Le dogme est très flou, comme nos histoires, je pense.

Texte et interview par Julien Bihan.


Les paroles dans le hip-hop constituent la sève - de la force ou des carences - du message d’un artiste ; la musique jouant, elle, le rôle de son embellissement et de sa digestion par les auditeurs. Afin de mieux saisir toutes les subtilités de cette écriture, chaque numéro de Yard reviendra sur l’un des morceaux les plus marquants de ces derniers mois décrypté par l’auteur lui-même.


EXPLICATION DE TEXTE #1 KAARIS - ZOO 2013 a été frappé par les six lettres de Kaaris et ses innombrables punchlines. Après l’exposition offerte par Booba dans un premier temps sur Autopsie Volume 4, mais surtout avec Kalash pour Futur, le Sevranais a explosé en solo avec Zoo. La naissance d’un nouvel hymne de la rue. À un moment où les lyrics de La Marseillaise sont disséquées, nous nous rendons compte de la puissance des mots. Face à l’indisponibilité de Rouget de Lisle pour ce numéro, nous irons visiter le Zoo avec notre guide barbu Kaaris. « Zoo, c’est l’une de mes plus belles aventures parce que je l’ai écrit en cinq minutes, frère, cinq minutes ! Je me prends plus la tête à écrire un Binks qu’un Zoo, pour moi il n’y a rien de plus simple. Après c’est peut-être dans la simplicité que se trouve la difficulté, j’en sais rien. Il y a des trucs qui sortent juste comme ça et Zoo est sorti comme ça. C’est ce que je disais à Mehdi (NDLR : Therapy 2093) quand ça commençait à prendre : « C’est pas possible, tu sais que je l’ai écrit en cinq minutes, frère. » De toute façon, dès qu’on a écouté l’instru on savait, on s’est dit sur cette instru il faut faire quelque chose dessus. Kopp (Booba) voulait un hit, un hit street, ce qu’on peut appeler un classique, il me disait : « Il faut que tu l’aies, c’est important. » Une fois qu’on l’a posé, il m’a dit c’est ça on l’a, avant même qu’il soit sorti. Et quand j’ai vu l’ampleur du morceau, je me suis dit putain c’est chaud. Des textes me prennent la tête et tout, mais Zoo, il est passé comme ça. »

“LES SINGES VIENNENT DE SORTIR DU ZOO ” « C’est une image tu vois, même dans les quartiers les plus pauvres il n’y a pas de singes mais c’est ce que les gens d’en face voient en nous. Quand ils nous voient arriver à plusieurs, quand ils nous voient monter dans le RER pourtant on est pas là forcément à tous les coups pour foutre l’embrouille. Bon parfois ça peut prendre un petit truc, tu vois ce que je veux dire, mais on n’est pas là à tous les coups pour faire ça. Et peut-être que c’est ça qu’ils voient. Alors quand on arrive, c’est les singes qui sortent du Zoo »

“ TA MÈRE LA SALE PUTE, IL EST TROP TARD POUR CHAHAD. C’EST PAS PARCE QUE TU NE JOUES PLUS QUE LE JEU S’ARRÊTE ” « La chahada c’est l’attestation de foi, c’est la première chose que tu fais lorsque tu te convertis. Et c’est ce qu’un musulman devrait dire avant de mourir. Ça arrive poto, tu peux faire un ke-tru et les mecs reviennent sur toi, tu peux faire ce que tu veux mais ça va arriver fort. Tu peux faire la chahada, il y en a qui n’en ont rien à foutre. »

“J’ENCULE BRANDON ET DYLAN. SI CES PD S’CRAME AU NAPALM J’VEUX LA PALME ” « Ça c’est Beverly Hills, tu vois c’est eux. C’est ces deux là ouais… c’est bien eux. C’est les mecs qui serraient toutes les meufs et nous on était là on n’avait plus de force c’était pas frais. J’aurais pu remonter plus loin jusqu’à Happy Days mais les gens n’auraient pas compris. Ils y en a qui croient que je parle d’un mec qui s’appelle Brandon ou des babtous en général mais rien à voir. C’est Brandon et Dylan, c’est bien ces deux là. J’avais envie d’en placer une sur eux mais après chacun l’entend comme il veut mais l’explication est faite. »

“LA CAPITALE DANS LE BARILLET ” « Tu prends un flingue, t’enlèves le barillet et tu vois au travers après tu le tournes vers Paname frère. Ils sont dans le barillet, je vais les allumer frère nous c’est ça qu’on veut, on veut baiser Paname. À fond à fond ! Paname c’est la ville après si on peut voir plus loin c’est bien. »

Texte de Julien Bihan, Photos de Yoann Guérini.



GIRLS GAMES On ne vous apprend rien, le retour de l’érotisme frappe fort sur tous supports. Le contre pied séduisant d’une génération nourrie au porno fast-food d’Internet, noyée sous une imagerie next door, efficace, mais sans charme qui ne sait plus mystifier de reines intouchables. Mais comme un besoin d’amour coquin et doux, la peluche boulochée des premiers émois d’adolescentes, la caressante Miele dégustée à la torche sous la couette en plumetis, l’érotisme chaud et suave revient à travers de nouvelles bouches ourlées. Celles de femmes, jeunes, photographes, illustratrices, offrant un autre regard enflammé sur le corps féminin, plus vrai, plus doux ou carrément plus trash, l’œil complice qui connait tout de cette machine complexe à la force de frappe inégalée et aux faiblesses devenant sexyness. Portraits rencontres, révélations ou découvertes avec ces femmes qui aiment plus que jamais les femmes, à venir dans Yard Magazine.

Texte de Justine Valletoux


www.oneya rd.com


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