PA P E R
Musique SCHOOLBOY Q JOKE
Mode NIKE X PIGALLE LA SPORTIVE
Sport FAKE WORLD CUP LE CLUB DU DIMANCHE N I K E F. C .
Cinéma ITW THOMAS N’GIJOL NETFLIX
QUAI 54 H DOSSIER SPÉCIAL H
GRATUIT
N°1
O N E YA R D . C O M
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GERRY DEVINE, KEVIN HADDOW ET ANDREW McCULLOCH ÉLABORENT LE BLENDED SCOTCH WHISKY DANS LA PLUS PURE TRADITION DU CLAN CAMPBELL.
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L’A B U S D’A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É. À C O N S O M M E R AV E C M O D É R AT I O N. CLAN_ABRIBUS_ARBRE_270x350.indd 1
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13/06/2014 15:21
YA R D PA P E R , LE NOBLE ART
En 1991, le rap français n’en est qu’à ses prémices, une année qui marque les débuts d’NTM avec leur premier album Authentik ainsi qu’IAM avec … de la planète Mars. Le genre intrigue et devient alors une véritable curiosité médiatique ; — Ciel Mon Mardi ! — programme présenté par Christophe Dechavanne sur TF1 - décide d’y consacrer une émission. Un show au casting déjà prémonitoire avec notamment Mc Solaar, IAM et dans l’opposition le docteur Gérard Zwang qui lance dans les dents d’un Shurik’n chevelu : « Je suis persuadé que dans 10 ans, on ne parlera plus du rap. »
Malgré cette démocratisation qui touche aujourd’hui tous les supports médiatiques (télévision, radio, Internet, magazine), il manquait à tout ce mouvement un véritable journal, le symbole institutionnel du journalisme classique. Aujourd’hui cette carence est comblée avec ce nouveau format : YARD Paper. Conscients que le hip-hop et le journal ne sont plus ce qu’ils étaient en 1991, nous faisons corps à ces différents enjeux. Le premier continue d’opérer cette mutation qui touche une population de plus en plus élargie. Alors, YARD Paper, fruit de ce métissage, bâtit toute sa ligne éditoriale autour de cette hybridation culturelle. Le second subit, un peu plus chaque jour, l’hégémonie d’Internet et s’est vu contraint à revoir ses exigences qualitatives à la baisse délaissant de surcroît toute une tranche de la population. Alors, YARD Paper s’efforce d’offrir à toute une génération la noblesse de ce support.
La longévité du genre montre aujourd’hui que son constat était totalement erroné, cependant le mouvement hip-hop a beaucoup évolué. En effet, il s’est mué en une culture alternative qui ne cesse de s’élargir autant au niveau de ses influences que des disciplines qu’elle intègre. Ce nouvel élan se situe au cœur d’un large faisceau de centres d’intérêts bâti autour de 5 piliers : musique, mode, cinéma, art et sport. Une démocratisation qui permet de désenclaver un genre perçu initialement comme marginal par ses détracteurs. C’est cette histoire à laquelle se rattache le Quai 54, parti de rien, le tournoi est maintenant un véritable phénomène populaire devenant l’un des fleurons du basket-ball français à l’international.
Redacteur en Chef Julien Bihan Direction Artistique Arthur Oriol Yoann Guerini Directeurs de publication Tom Brunet Yoan Prat
Julien Bihan, Rédacteur en Chef
Contributeurs Bardamu Nina Kauffmann Justine Valletoux Thomas Babeau Lenie Hadjiyianni Marie Brisse Karima Hedhili Leny Sorbé Audrey Michaud Missègue Terence Bikoumou Olivier Oriol Hughes Lawson Body Raida Hamadi Lazy Youg Mac Guffff
Production Yoann Guerini Samir Bouadla Jesse Adang Eriola Yanhoui Caroline Travers Remerciement Hammadoune Sidibé Thibaut De Longeville 360° Créative QUAI 54 David Assogba SOR Handball
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Cover Lenie Hadjiyianni Imprimeur Sib
#YARDPAPER www.oneyard.com
SOMMAIRE T D E , M A FA M I L L E D ’ A B O R D
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INTERVIEW SCHOOLBOY Q
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E X P L I C AT I O N D E T E X T E AV E C J O K E
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PORTR4ITS: DINOS / BANKS / SZA / YUNG LEAN
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TOP 5: LES RAPPEURS ET LA BALLE ORANGE
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DOSSIER SPÉCIAL QUAI 54
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INTERVIEW HAMMADOUN SIDIBE
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O N E D AY: M A G I C J O N H S O N & P E L É
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FAKE WORLD CUP
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L E N I K E F. C P A R I S C R E W
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LE CLUB DU DIMANCHE: ROSNY-SOUS-BOIS HANDBALL
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SÉRIE MODE: SPORTIVE
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LA COLLECTION NIKE X PIGALLE
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STILL LIFE - SUMMER SET UP
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LA MENACE NETFLIX
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INTERVIEW THOMAS N’GIJOL
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B A R D A M U : C L É O PAT R E - S O L E I L E N S O U S - S O L
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H A J I M E S O R AYA M A : E R O S M O D E R N E
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T D E , M A FA M I L L E D ’ A B O R D « Nous avons contrôlé 2013 sans même avoir lâché un album. Je me demande ce qu’il arrivera en 2014 quand six albums sortiront. Ils ne sont pas prêts #TDE #HiiiPoWeR. Prise de contrôle. » Comment en sommes-nous arrivés à ce tweet plein d’insolence d’Anthony Tiffith, fondateur de TDE ? Pour mieux comprendre, retour là où tout a commencé : Los Angeles.
LA CITÉ DES ANGES
U N E F A M I L L E AVA N T T O U T
Survolant Los Angeles, William H. Whyte Jr. — urbaniste américain — décide de laisser ses fiches un court instant pour regarder à travers son hublot. Aux meilleures loges pour apprécier la vue, il déclare que « l’être humain [a] une aptitude déconcertante pour foutre en l’air son environnement. » Étirée à l’extrême, Los Angeles s’étale sur plus de 150 kilomètres sans séparation entre ville et banlieue, avec peu de centres culturels à visiter. Du coup, il est préférable de visiter L.A. en mini-van plutôt qu’à pied.
Dans cet univers sociétal éclaté, rien ne prédestinait quatre gamins de quatre coins différents à se rapprocher. Au contraire, les chances de les voir s’affronter étaient bien plus probables. En 1997, Anthony Tiffith fonde Top Dawg Entertainment avec l’unique but de faire briller ses talents de producteur. À force de discuter avec son cousin Terrence Henderson, les deux s’associent pour transformer le petit home-studio en un label indépendant. Grandissant à Watts, et plus précisément à Nickerson Gardens, les compères connaissent le terrain, mais c’est le succès de l’un des oncles de Tiffith — manager du musicien Rome — qui pousse le binôme à se lancer.
Mais sans chercher à savoir s’il y a une corrélation entre les « drive-by » et l’aménagement du territoire, chaque communauté de Los Santos se regroupe selon des critères précis. Le salaire, la race et surtout la valeur foncière sont les éléments primordiaux pour fédérer un quartier. Les promoteurs immobiliers vendront brillamment cet espace grâce à l’argument : « le jardin pour tous. » Dès lors, cherchant à fuir la misère de Chicago, la famille de Kendrick Lamar pose ses bagages à Compton, espérant donner une éducation sans heurts à son fils Kenny.
Les bases sont posées à Watts. Occupé à y faire de la luge — métaphore filée — Jay Rock a aussi pris la mauvaise habitude de traîner avec le gang afro-américain le plus populaire de Watts : les Bounty Hunter Bloods. De quinze ans son aîné, Tiffith trouve les mots justes pour lui faire entendre que, selon CNN, l’espérance de vie d’un jeune Noir dans le ghetto est estimée à 21 ans. Ironiquement, c’est à 21 ans que Jay Rock signe chez TDE. Un mois plus tard, un gamin de Compton surnommé K-Dot rejoint le groupe. Mais, très vite, le contact entre les deux artistes est tendu, résultat des rivalités de leurs quartiers respectifs.
En réalité, les quartiers de L.A. sont coupés du monde. Un sentiment parfaitement illustré par le rappeur King Tee qui s’immortalisa en train de déambuler paisiblement dans les rues de C-P-T avec un canon scié « long tah Clin Eastwood », pour décrire l’atmosphère d’une ville et l’état d’esprit d’un jeune Afro-Américain qui va avec.
Anthony Tiffith endosse son rôle de figure paternelle et trouve une fois de plus les mots pour dissiper les égos mal placés : « Vous pouvez combler ce trou entre les différents quartiers, car maintenant vous pouvez parler au monde. » La route continue et, six mois plus tard, les ambitions s’exportent à Carson, une municipalité plus tranquille. Ici, AbSoul passe son temps dans le disquaire que ses parents devront fermer, car plus rien ne s’y vend. Malgré ces avertissements, Soulo souhaite poursuivre une vie d’artiste et peaufine déjà ses métaphores avec son groupe Area 51. Dès lors, quand Tiffith lui soumet un contrat en 2006, l’intégration à sa nouvelle famille concrétise son rêve.
Mais ce canon scié est aussi une réponse âpre à huit années de restrictions. Ronald Reagan à la tête du pays, les coupes budgétaires, les délocalisations, les baisses d’impôts mènent le cap de sa politique et, comme par « magie », le crack fait son apparition. Évidemment, les quartiers défavorisés étant livrés à eux-mêmes, l’économie sous-terraine semble la seule issue. Les immenses « public housing », où la précarité domine, se transforment en véritables « pistes de ski » due à la « dope » à chaque coin de rue, et Jay Rock, qui naît et grandit dans le « project » de Nickerson Gardens, ne connaîtra jamais de boulot ordinaire.
Tiffith et Punch forment leur équipe de production, Digi+Phonics, et dénichent leur ingénieur son, Ali, mais un chaînon manque à la machine. De son côté, ScHoolboy Q, n’ayant toujours pas regardé le film South Central, mène une vie de « gangsta, gangsta, gangsta » avec les 52 Hoover Crips. En bon produit de son environnement, à 21 ans, il file en prison. Son ami d’enfance Ali — l’ingénieur son — se charge de sa « réinsertion » en lui priant de s’arrêter au studio de TDE. Comme ses futurs camarades, Q se met à rapper et les détails glissés entre ses vers interpellent Punch, qui lui dit simplement : « Continue de venir, continue de rapper. » De fil en aiguille, Q se prend au jeu, devient le « hype man » de K-Dot, mais ses émoluments n’étant pas assez élevés, il se remet à vendre de l’oxycodone. Excédée, sa mère le met dehors et, sans chez soi, TDE aménage le canapé du studio en un lit pendant près de deux années. Mais avec la naissance de sa fille, les responsabilités le rattrapent. En 2010, Q intègre complètement la famille en signant son contrat, sans même le faire vérifier par un avocat.
À neuf minutes du Staples Center, la mère de ScHoolboy Q atterrit dans la 51e Rue de Figueroa, à côté de l’intersection de Hoover, pour élever son fils seule. Lorsque le film South Central sort, le malheureux Q, âgé de six ans, n’est pas en mesure de tout comprendre. Dans ce long métrage, Stephen Milburn Anderson relate la vie d’un jeune Noir allant en prison après s’être acoquiné avec les Hoover Street Deuces. Séjournant en cellule pour dix ans, O.G. Bobby Johnson laisse derrière lui son fils avec une mère camée et, forcément, son gosse rejoint les Deuces. Avec plus de maturité, ScHoolboy Q aurait certainement compris les sermons de sa mère et l’importance d’un père à la maison. Mais Q se serait aussi aperçu que les rues de Los Angeles sont régies par des territoires colorés. Rouges pour les Bloods. Bleus pour les Crips. 6
#NEWRULES Comme toute famille est régie par des règles, lorsque l’on pousse la porte de la maison — comprenez le studio — cinq principes capitaux sont affichés sur le mur : « charisma, substance, lyrics, authenticity, work ethic ». Entre ces murs tout se crée. Anthony Tiffith avoue les avoir « enfermés dans le studio pour qu’ils puissent y travailler ensemble […] ils ne pouvaient rien faire d’autre que se lier d’amitié. » Tous issus de L.A., leurs anecdotes se ressemblent. Quand K-Dot se faisait voler sa Mega Drive par sa tante accro au crack, ScHoolboy Q, lui, se faisait dérober son vélo par son oncle. La besogne remise au goût du jour, les sessions studio se muent en échappatoire à la névrose d’une ville et les quatre bousculent les conventions dogmatiques en choisissant le nom de Black Hippy. Jay Rock capte le premier l’attention des labels. Naturellement, Top Dawg Ent. signe son artiste chez Warner Bros. Records, espérant avoir trouvé la solution pour atteindre le grand public. Le titre « All My Life (Ghetto) » est catapulté sur les ondes hertziennes avec un couplet de Lil Wayne, peut-être pendant sa période la plus crédible dans le « game ». Mais alors que tous les feux sont aux verts pour sortir l’album Follow Me Home, Warner s’y oppose. Coincé dans l’antichambre du succès, la dix-septième fortune des « Hip Hop Cash Kings » de Forbes se porte garant pour débloquer la situation. Cet homme, Tech N9ne, a monté l’un des labels les plus lucratifs dans un coin oublié du rap : le Missouri. Du coup, Follow Me Home est mis en rayons grâce au label Strange Music et, au passage, les deux cerveaux derrière TDE gardent en tête qu’il est possible d’être rentable et indépendant sans baisser son pantalon. Par la suite, TDE redéfinit sa stratégie et décide de ne plus courir derrière les radios. Internet court-circuite les intermédiaires inutiles et, désormais, TDE cible les cœurs. De ces mots Punch dit faire de la « human music ». Une musique qui touche et à laquelle on peut s’identifier. À partir de ce moment, K-Dot oublie son pseudonyme pour son vrai nom, Kendrick Lamar, et incarne à la perfection la nouvelle vision du label. Contrôlant à présent le merchandising et ses tournées, Top Dawg Ent. garde habilement son intégrité et sa verve. Là où dans la « Cité des anges » ils ont déjoué les trames imposées par un environnement difficile, dans l’industrie du disque ils procèdent de la même façon en dépassant ses diktats. À partir de 2011, le label choisit de sortir du marché de la mixtape pour remettre au premier plan le travail artistique, quitte à faire payer ses auditeurs. Les critiques s’emballent, les couvertures XXL se débloquent et TDE se construit un public. En 2012, la machine Interscope ajoute ses experts du marketing pour faire basculer l’équipe à l’échelle internationale. Mais la création artistique étant entre ses mains, le label joue le jeu selon ses règles. Pour son premier album, placé en major, TDE adopte un premier single, « Swimming Pools (Drank) », qui aborde les thèmes de l’alcool, de la pression sociale qui en résulte et des dégâts qu’il cause sur une génération.
T. D . E AT Jean-Paul Sartre écrivait : « Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’Occupation allemande. » Dans cette phrase, il soulignait que chaque individu pouvait construire sa vie à travers ses actes. TDE s’est constitué dans des quartiers où le déterminisme est une réalité. Des endroits dans lesquels l’État s’est désengagé et dans lesquels une génération s’entretue dans l’indifférence totale. Or, Anthony Tiffith et Punch Henderson ont altéré les statistiques de CNN et ajouté un nouveau nom au classement annuel des Cash Kings 2013 de Forbes en inculquant une rigueur exemplaire. Par la même occasion, ils ont aussi fondé une famille. Anthony Tiffith avait raison, TDE pouvait donc « parler au monde » en intégrant toute cette musique à nos baladeurs numériques. Mais avec sa première place décrochée au Billboard cette année avec Oxymoron, de ScHoolboy Q, ses 135 caractères emplis d’impertinence étaient vrais. « TD.EAT. » Autrement dit, dans leur jargon, « TDE se fait des sous. » Le label part à présent lorgner hors de ses terres avec Isaiah Rashad, recruté dans le Tennessee. Pour couronner le tout, la famille est à présent complète avec sa première dame, SZA.
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Texte de Sébastien Darvin
ITW
« J E N ’ A I M E P A S R A P P E R M A I S I L L E F A U T , C ’ E S T E N M O I »
SCHOOLBOY Q La construction de TDE s’est bâtie sur l’histoire de Los Angeles et de ses quartiers, chacun de ses membres incarne un petit bout de cette vie et de cette ville. L’une des figures qui exprime le mieux cette image « gangsta » est incontestablement ScHoolboy Q ; nous sommes partis à sa rencontre afin qu’il nous en dise plus sur le regard qu’il porte sur ses différentes familles : ses potes, son gang, sa fille et TDE.
Avec le recul, que penses-tu de cette guerre entre Bloods et Crips ? Je n’ai jamais été dans cette guerre, mais I was gang-banging. La guerre entre Bloods et Crips est finie depuis bien longtemps, genre dans les années 70. Pour ma part, j’ai grandi avec les Crips contre Crips, et non avec les Crips vs Bloods. Mais c’était déjà gravé dans le marbre. Ce contexte de gangs, tu grandis dedans, tu y es naturellement intégré. Le premier jour où tu sors et que tu rencontres un ami, c’est là où tout commence. Tu vois ce que je veux dire ? Dès que je suis entré en maternelle et que j’ai mis un pied dehors pour jouer avec mes potes, c’était le premier jour. Tu sais que le frère de ton gars est de tel endroit et qu’il était membre de tel gang, donc, que son oncle y était aussi ou son père, ou peu importe qui. Dès le plus jeune âge, tu es déjà identifié. Mais ça devient sérieux à partir du moment où tu vieillis… Et là tu arrives at that fucking point.
Quand tu étais enfant à Figueroa Street, quelles étaient tes journées types ? J’étais chez mes gars, soit chez mon poto Floyd, chez Corry ou Chris. Sinon, nous squattions juste en bas de la rue, à la laverie. C’était les quatre spots où nous étions tout le temps. En gros, on se levait, on traînait et on achetait des bonbons. C’était une ambiance très calme, je buvais déjà quand j’étais gosse mais j’ai commencé à fumer en grandissant.
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Dirais-tu qu’il y a une vraie fraternité dans le monde des gangs ?
Tu t’es mis sérieusement au rap tardivement, comment y es-tu arrivé ?
Tout ce délire de gangs est en lien avec la solidarité et on doit être là les uns pour les autres. Il s’agit de protéger les gens de ton quartier de personnes extérieures qui essayent de détruire ton environnement.
Ce n’était pas vraiment une chose à faire lorsque je grandissais. Les rappeurs n’étaient pas ce qu’ils prétendaient être. Enfin, ceux autour de moi ne l’étaient pas et j’ai compris que les personnes authentiques ne rappaient pas. Pour moi, c’était pour des gars un peu niais. Mais apès avoir dépassé tout ça, j’ai réalisé qu’il y avait des personnes vraies qui rappaient. Et là, je me suis dit : allons-y.
Que tires-tu de cette expérience ? Je peux rapper. J’ai des choses à dire ! Quand je dis ça, je ne parle pas seulement de juste faire des rimes entre deux phases. Je peux vraiment rapper : rapper des choses vraies, des choses que je connais, que j’ai vues, que j’ai vécues.
Contrairement à Kendrick Lamar, qui est un rappeur très technique, beaucoup disent que tu es plus instinctif, plus naturel. Tu es d’accord ? Je pense que Kendrick est beaucoup plus naturel que moi ; pour lui, le rap c’est simple. Pour ma part, je suis plus un homme de la musique, je fais ce qui sonne le mieux. Kendrick est le meilleur rappeur que je connaisse. Je ne dis pas ça parce qu’il est dans mon groupe, je le pense sincèrement. Moi, je ne sais pas rapper. Je vais juste au studio et je sors des mots de ma bouche. Tout ce que je dis est vrai, même mes sons par rapport aux soirées, c’est la réalité.
Kendrick Lamar, Jay Rock et Ab-Soul, vous venez tous les trois de Los Angeles ; les connaissais-tu avant ? Non. Je ne les ai pas rencontrés tout de suite, ils sont tous de la banlieue de L.A. Je suis le seul qui vient du L.A. traditionnel, du centre. Kendrick est de Compton, Ab-Soul est de Carson et Jay Rock de Watts.
Est-ce que le rap pour toi est une distraction, une passion, un métier ? Une passion, mon gars ! La plupart du temps je le fais contre mon gré, je n’aime pas rapper, mais il le faut, c’est en moi. Tu vois ce que je veux dire ? Dans la vie, il y a des choses que tu n’aimes pas faire, mais tu as beau lutter, tu ne peux pas t’en empêcher. Je suis sûr que lorsque tu vas interviewer quelqu’un, tu as horreur de poser les micros ou régler les caméras, mais quelque chose te pousse à continuer quand même. Ta passion finit par prendre le dessus sur les contraintes. C’est comme ça que je le ressens. TDE semble très différent des autres crews dans le rap. Qu’est-ce qui vous différencie des autres ? L’insouciance, on s’en fout du reste. On est tous des amis proches avant d’être des collègues de label. C’est ce qui nous différencie.
KENDRICK EST LE MEILLEUR RAPPEUR QUE JE CONNAISSE. Depuis la signature d’Isaiah Rashad et SZA, TDE n’est plus seulement un label local. Est-ce qu’il y a pour toi un changement d’état d’esprit dû à ce développement ? Non, ils s’intègrent très bien. Au départ j’étais un peu réticent, mais je n’ai rien dit. C’est le business, tu dois t’agrandir, et si tu trouves les bonnes personnes, il faut le faire. Pourquoi devrait-on les rejeter ? Moi, j’ai bien intégré le crew après sa fondation, j’étais même le dernier à rejoindre les Black Hippy. Donc, en réalité, c’était un peu égoïste de ma part de penser de cette manière. Je n’avais pas encore entendu leur musique, je ne savais pas ce qu’ils avaient fait ou ce qu’ils comptaient apporter au crew. Et par la suite ils m’ont fait fermer ma gueule. Ils ont sorti leurs projets et c’était incroyable, je n’avais plus rien à dire. Parfois, nous nous devons de fermer notre gueule (rires). Là, nous pouvons parler de talent brut, ils ont clairement surpassé mes attentes. Mettons de côté TDE et parlons un peu de ta famille, surtout de ta fille. Oui, mon bébé. C’est ma fille, il n’y a rien à ajouter. Elle m’a inspiré tellement de choses, tellement de titres, tu n’as pas idée. Elle est souvent au studio avec moi, il faudrait que je commence à mettre ça en vidéo. Habituellement, je n’aime pas avoir des gens autour de moi quand je travaille mes morceaux, et les caméras perturbent mes vibes lorsque je rappe. Tu sais que quelqu’un t’observe, et c’est désagréable. En tout cas, ma fille est dans le studio avec moi lorsque je travaille, ça lui permet de me suivre artistiquement. Parfois, elle reste même douze heures d’affilée avec moi. Elle est là à balancer la tête, à chanter, elle comprend le délire. Quand je l’appelle, elle sait que je ne rentrerai pas à la maison. Au moins, même si elle ne me voit pas pendant un moment, elle sait où je suis et ce que je fais. Elle a automatiquement conscience qu’une fois que j’ai fini mon travail en studio je vais partir faire plein de shows. Dès que j’aurai fini cette tournée, je devrais commencer à travailler sur mon deuxième album, faire des featurings, capter différents artistes avec qui je suis supposé travailler… Donc, quand je vais en studio, c’est comme si c’était les vacances, et j’y amène ma famille. Je la mets dans une pièce à côté, où elle peut être à l’aise : regarder la télé, jouer au billard. De cette façon, je peux me détendre avec elle, repartir travailler mes morceaux et venir la voir à nouveau. C’est ma maison (rires).
CE CONTEXTE DES GANGS, TU GRANDIS DEDANS, TU Y ES NATURELLEMENT INTÉGRÉ. 9
Propos recueillis par @CaroTravers_ - Photos : H Lenie
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EXPLICATION DE TEXTE #2 JOKE - AMISTAD Les paroles dans le hip-hop constituent la sève - de la force ou des carences - du message d’un artiste ; la musique jouant, elle, le rôle de son embellissement et de sa digestion par les auditeurs. Afin de mieux saisir toutes les subtilités de cette écriture chaque numéro de YARD reviendra sur l’un des morceaux les plus marquants de ces derniers mois décrypté par son auteur lui-même. Joke se voyait déjà comme « le jeune héritier du trône de France » alors qu’il n’avait pas encore sorti son premier album. Voici maintenant chose faite avec Ateyaba et différents titres qui inondent les ondes et la toile : « Miley », « Majeur en l’air » ou encore « Venus ». Cependant c’est un autre morceau qui a attiré notre attention, le redoutable banger « Amistad » dont l’egotrip mélange intimité et de véritables engagements politiques et historiques.
“ RÉÉCRIRE L’HISTOIRE SERT À MASQUER LES TÂCHES DE SANG ” « Cette punchline s’inscrit dans la continuité du message qu’on retrouve dans l’album, elle fait notamment écho à « Le prof d’histoire m’a menti » dans « Majeur en l’air ». Ce que je veux dire c’est qu’il y a du sale qui a été fait notamment en Afrique mais ce sont les vainqueurs qui réécrivent systématiquement l’histoire. Tu vois quand j’étais en cours et qu’on abordait ce genre de sujet, j’étais souvent à poser des questions et à ne pas être d’accord avec le prof. Dans son esprit, il y avait toujours un point de vue positif à la colonisation. »
“ J’SUIS TROP FORT PARCE QUE DANS MA TÊTE YA UN GARÇON QUI PARLE ” « Tu vois quand je travaille je suis un peu possédé, j’ai l’impression qu’on me dicte ce que j’écris. Quand je suis dans un processus de taf forcé, je vais réfléchir et au bout d’un moment je rentre dans une espèce de transe. Parfois cela se passe dès que j’entends l’instru, pour « On est sur les nerfs » c’était de la dictée. J’ai écrit l’intro et le premier couplet en 25 minutes, l’ingé son me regardait en se demandant ce qui était en train de se passer.»
“ MON PÈRE PORTAIT DES CAIRONS MA MÈRE TORCHAIT DES VIEUX / ELLE M’A ÉLEVÉ SEULE LE BON DIEU L’A VU DE SES YEUX ” « Ce passage est une réponse à des rumeurs bizarres qui disaient que j’étais pistonné ou un « fils de ». Tu vois ma mère est toujours aide-soignante, mon père est maçon et je n’ai pas grandi avec. En faisant courir ce genre d’histoires, c’est comme s’ils m’empêchaient de profiter du fruit de mon travail car j’ai cravaché dur pour être là où je suis aujourd’hui. Puis pour la suite je voulais écrire « Elle m’a élevé seul le bon Dieu l’a vu de mes yeux » mais je me suis dit que les gens allaient prendre ça comme un propos blasphématoire. Alors que ce n’est pas le cas du tout, je suis très croyant.»
“ TOUT MES MOTS SONT À MÉDITER, LA VÉRITÉ TU VEUX QUE J’PARTAGE L’OSEILLE, NIQUE TA MÈRE, J’PARTAGE QU’LES IDÉES ” « Tout le monde ne comprend pas la profondeur de mes lyrics et se base seulement sur la première écoute. Je fais beaucoup d’egotrip et souvent les gens ne voient que ça alors que dans mon rap il y a plusieurs niveaux de compréhension autant dans le style que sur le fond. Donc cette punchline veut dire : « Écoute bien ce que je te dis »
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Propos recueillis par @Julien_Bihan - Photo : Ojoz
PORTR4ITS Texte de Raïda Hamadi ( @Rdhmd_ )
SZA
YUNG LEAN
BANKS
DINOS PUNCHLINOVIC
Après deux premiers EP, See.S.Z.A.Run et S, SZA nous offre avec Z son projet le plus abouti. Seule signature et seule chanteuse r’n’b du label TDE (qui réunit Kendrick Lamar, ScHoolboy Q, Jay Rock, Ab-Soul et Isaiah Rashad), SZA intrigue. Sur des productions de Toro Y Moi, Emilie Hayne ou encore Mac Miller, elle pose sa voix aérienne sur des mélodies vaporeuses et reste, toujours, insaisissable. Elle confie pourtant à Red Bull : « Je pars en freestyle sur la plupart de mes chansons. J’ai réalisé que quand je fais de l’impro, je n’ai pas le temps de me mentir. » L’artiste tient sa créativité d’une imagination débordante, longtemps poussée à son paroxysme dans un univers clos. Une bulle bercée par le jazz qui lui est imposé par des parents conservateurs. Son inspiration, elle la tire de la faune, de la flore et de l’Islam. Ce qui fait de Z une source intarissable de calme et de beauté nous invitant au voyage dans un monde onirique empreint de poésie et de spiritualité.
Il y a un an, Ginseng Strip 2002 apparaissait sur You Tube. Dans ce clip aux allures fait maison, on découvre le jeune Yung Lean, suédois de 16 ans. « Bucket hat » sur la tête, il entame une « cooking dance » qui laisse perplexe. Au premier abord, il ne s’agit que d’un troll assumé, une version scandinave de Lil B, The Based God. Et au fil de titres aussi entêtants que Gatorade ou OREOMILKSHAKE, on se dit que la blague n’en est peut-être finalement pas une. Derrière Yung Lean, il y a les Sad Boys, et notamment Yung Gud et Yung Sherman qui produisent ses titres. À eux trois, ils prônent un courant d’émotivité et de fragilité habillé par une vision kitsch de l’esthétique du début des années 2000. Une recette qui intrigue vite Internet et qui leur a permis de partir en tournée dans toute l’Europe au début de l’année 2014. Si on sait que la suite pour Yung Lean ne se passera pas sans bouteilles d’Arizona et quelques jeux vidéo, on n’a que peu d’indices sur ce que sa musique nous réserve. Le temps nous le dira.
Banks a débarqué de nulle part en 2013 avec l’EP Fall Over, voix chaude et lascive posée sur des productions métalliques et froides. Un mélange lancinant et hypnotique, déjà très travaillé, bâti autour d’un personnage des plus mystérieux. Déjà fascinante, la Californienne se dévoile peu et préfère peaufiner sa musique dans l’ombre. Elle représente parfaitement le renouveau du r’n’b et apporte sa pierre à cette nouvelle interprétation du genre qui fourmille depuis plusieurs mois. Elle distille ses contes de vulnérabilité, de perdition sur des productions de T.E.E.D, SOHN, Tim Anderson, Jamie Woon ou encore Lil Silva. Dans ses clips, lorsqu’elle dévoile son visage, son travail prend une nouvelle dimension. En tout, ce n’est qu’une dizaine de titres que la belle nous a laissé découvrir. Pour l’instant, les singles Goddess et Drowning tournent en boucle, en attendant Goddess, son premier album.
Débarqué en 2013 chez Def Jam, Dinos Punchlinovic a un parcours exemplaire. Des MJC jusqu’au Rap Contenders, il se fraie un chemin jusqu’au label d’Universal et sort en avril l’EP Apparences. Des apparences dont on se gardera bien de se méfier. Car si l’artiste de La Courneuve nous l’assène depuis ses débuts : « J’suis pas un rappeur, j’suis Dinos Punchlinovic », il fait partie intégrante de cette « nouvelle vague » du rap français dont l’univers s’élargit toujours un peu plus. Avec Apparences, il démontre son talent et ses inspirations. De Mac Miller et sa musique toujours positive, jusqu’à Seth Gueko, dont la courte carrière d’acteur lui inspirera son nom de scène et avec qui il partage un certain goût pour l’humour et la métaphore très visuelle, Dinos se démarque par son éclectisme. Apparences, c’est aussi la retranscription d’un univers dans lequel on se retrouve forcément un peu. Il y partage ses humeurs, de ses délires jusqu’à ses peines, comme il le dit lui-même : « Je vais m’ouvrir les veines, mais il n’y a pas de quoi se faire un sang d’encre. »
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Avant de devenir l’un des principaux magnats de l’industrie du hip-hop, Master P, de son vrai nom Percy Miller, a œuvré sur les parquets à un niveau plus qu’honorable. Cela relèverait presque de l’euphémisme, car le fondateur de No Limit Records est passé près d’une carrière professionnelle. En effet, alors même que son septième album, MP the Don, est certifié quadruple disque de platine, le père de Romeo est convié par les Charlotte Hornets à des ligues d’été en 1998, puis l’année suivante par les Raptors de Toronto, sans être conservé par aucune des deux franchises. Un coup dur pour le pauvre Percy qui devra finalement se « contenter » de sa carrière de rappeur multimillionnaire. Pas si mal, cela dit.
LES RAPPEURS ET LA BALLE ORANGE L’histoire d’amour entre le hip-hop et le basket-ball, c’est celle d’un mariage qui apparaissait comme logique, tant les similitudes sont nombreuses à travers les origines des deux entités, avec notamment leur importance au sein de la culture afroaméricaine. Basketteurs et rappeurs se connaissent, se côtoient, se lient d’amitié, à tel point qu’il n’est plus surprenant de voir l’un s’essayer à la discipline de l’autre. Toutefois, si les premiers se sont, jusqu’à présent, montrés relativement maladroits derrière un micro, nombreux sont les emcees ayant tâté le cuir orangé à un niveau tout à fait correct. YARD vous a donc concocté un 5 majeur des rappeurs qui se sont le plus distingués dans les gymnases du pays de l’oncle Sam.
N’ayons pas peur d’appeler un chat un chat : en ce qui concerne le hiphop, Cam’ron n’est ni plus ni moins qu’une légende. Instigateur de tout un mouvement avec son groupe Dipset, Killa Cam a également fait partie de ces rappeurs sachant manier le cuir orange avec habileté. Évoluant dans l’équipe de la Manhattan Center High School, il s’illustrera avec cette dernière en allant jusqu’en finale du championnat des lycées publics de New York. Il remporte même durant son périple une victoire de gala face au Lincoln du futur All-Star Stephon Marbury. Alors courtisé par des universités de renom, il ne finira finalement pas sa dernière année de lycée, renonçant dans le même temps à sa carrière sportive.
Texte de @Lenny_Fresh
Sur le papier, tout semble éloigner Stalley, emcee barbu de Maybach Music, de Julio Iglesias, septuagénaire séducteur de ces dames. Et pourtant, les deux bonhommes ont en réalité plus de points communs qu’il n’y paraît. Comme le crooner espagnol, qui officiait au poste de gardien de but chez les juniors du grand Real Madrid, Stalley a esquissé les premiers traits d’un avenir prometteur dans le sport, et plus précisément le basket au sein de l’université du Michigan, avant de partir à Long Island. Comme le crooner espagnol, qui avait dû renoncer à sa carrière à la suite d’un accident de voiture, le rappeur a vu son destin tourner court après une insistante blessure au pied. Et comme le crooner espagnol, on a tendance à penser que ce fut un mal pour un bien.
Si 2 Chainz a fait son entrée dans le « rap game » au côté d’un camarade de lycée, avec qui il formait le duo Playaz Circle, c’est plutôt ses talents sur les terrains de basket qu’on retiendra de ses années scolaires. Un temps ciblé par les Tigers de Memphis pour prendre la succession d’un Penny Hardaway tout juste parti tenter sa chance en NBA, celui que l’on appelle encore à l’époque Tauheed Epps fait parler son mètre quatre-vingt-seize au poste de meneur chez les Hornets d’Alabama. Alors que ses coéquipiers ainsi que ses coachs de l’époque s’accordent tous sur le fait qu’avec du travail il pourrait devenir un bon joueur, Epps délaissera finalement la balle pour le micro. Bien lui en a pris.
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Bien que Compton demeure la ville mère du crime aux États-Unis, celle-ci a également enfanté de belles réussites, principalement sportives et musicales. Et puis, il y a ceux qui touchent leur bille dans les deux domaines, à l’image de Jayceon Taylor, aujourd’hui connu sous le nom de « The Game » ou plus simplement « Game », aussi à l’aise quand il s’agit de sortir des punchlines que des layups. Endossant les couleurs du lycée de sa ville natale, il s’y distingue par des stats remarquables (14,9 pts, 6 rebonds et 4 passes décisives en moyenne par match), effleurant au passage le contact de futurs pros tels que Baron Davis ou encore Gilbert Arenas. Il manquera toutefois la marche universitaire où, bien qu’accepté à Washington, il arrêtera son cursus après seulement un semestre.
DOSSIER SPÉCIAL
WORLD STREETBALL CHAMPIONSHIP
BRING YOUR GAME, NOT YOUR NAME. Il y a 11 ans se tenait à Levallois un petit tournoi de basket-ball fondé de toutes pièces par des passionnés lassés de devoir compter sur les marques pour honorer leur sport. Débordants d¹ambition, ces entrepreneurs amoureux de leur art ont peu à peu fait évoluer leur événement en un show spectaculaire fait de rebondissements et de prouesses sportives, animé par des invités plus prestigieux les uns que les autres. Aujourd’hui devenu un véritable rendez-vous culturel, où s’entremêlent les genres et les générations, le Quai 54 c’est avant tout une histoire et des souvenirs. Mais plutôt que de se contenter de la romancer, il nous paraissait plus opportun de la faire vivre en images et par les mots de son fondateur, Hammadoun Sidibe, le temps d’un retour sur 10 éditions de spectacle et de ferveur.
10 ans d’archives du QUAI 54 à travers les photos d’Hugues Lawson-Body 14
CHAPITRE 1
Started From The Bottom “Il n’y a rien de faux, aucun calcul, nous étions dans le vrai dès le départ”
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QUAI 54 « La première édition s’est organisée en une semaine. Nous, les basketteurs, on avait l’habitude de se réunir chaque été à la Halle Carpentier, dans le XIIIème arrondissement. Un jour, on a décidé spontanément que chacun d’entre nous allait former une équipe, puis on s’est donné rendez-vous sur un playground à Levallois où près de 1000 personnes sont venus nous voir jouer. Un terrain situé au 54 quai Michelet qui deviendra finalement un lieu symbolique, puisqu’il donnera son nom désormais célèbre à l’événement. »
QUAI 54 - 1ère édition Quai Michelet à Levallois - 2003
AMARA SY L’une des principales particularités du basket demeure son accessibilité ; la possibilité de pouvoir exercer sa pratique n’importe où et n’importe quand. Ainsi, nombreux sont les professionnels ayant auparavant exercés leur skills sur les terrains de streetball. C’est notamment le cas d’Amara « l’Amiral » Sy qui, en parallèle d’une carrière professionnelle essentiellement menée à Villeurbanne, est revenu à ses premiers amours, devenant une véritable légende du Quai 54, dont il reste le joueur le plus titré.
L’ O R G A N I S AT I O N « Chaque personne de mon équipe excelle dans son métier. Par exemple, j’ai la chance d’être associé à un Monsieur qui s’appelle Thibaut de Longeville : qui produit et réalise toutes nos vidéos, qui gère l’image de l’événement, mais aussi les contrats avec les sponsors, et le développement de notre identité comme une véritable marque. Mais au-delà de ça, notre vraie chance, c’est qu’on a tous la même vision pour le Quai 54, et c’est ce qui nous permet d’aller très haut »
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CHAPITRE 2
The World’s Biggest Streetball Tournament “Ils sont venus, ils ont vu, ils n’ont pas tenu ; ce jour là, nous sommes passés dans une autre dimension”
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QUAI 54 - Porte de Choisy - 2009
E N T E RTA I N E M E N T « Certains guests sont programmés à l’avance, et puis d’autres non. Usher par exemple, ce n’était absolument pas prévu. Deux heures avant l’événement, une amie m’appelle, m’explique qu’elle est actuellement avec Usher, et me demande si elle peut venir avec lui au Quai 54. Bien évidemment,nous avons accepté et une fois arrivé sur place, il a demandé lui-même spontanément s’il pouvait prendre le micro pour chanter avec Ludacris, sans être payé, juste pour le fun. C’était incroyable ! »
Usher & Ludacris
Booba & Kery James
Boris Diaw & Ronny Turiaf (NBA/ Equipe de France)
S E A N B E L L A L L S TA R S
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Il y a ces petites histoires qui font la renommée d’un évènement et tendent naturellement à l’élever vers un standing supérieur. Lorsque le Quai 54 accueille en 2008 la sélection 5 étoiles de Sean Bell, il reçoit une équipe que l’on craint aux quatre coins du monde et qui, de ce fait, débarque à Paris dans un état de confiance absolue. Néanmoins, à la surprise générale, les Américains seront terrassés en finale par les F rançais de la Fusion, et quitteront le terrain avant même le coup de sifflet final.
CHAPITRE 3
Paris & Global Takeover “Nous aurions pu le faire au 3ème étage de la Tour Eiffel, nous l’aurions fait, il n’y a pas de limites
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QUAI 54 - Palais de Tokyo - 2010
P R E M I U M L O C AT I O N S « Rêvons plus grand » tel est le mot d’ordre qui régit actuellement le Paris Saint-Germain, et qui pourrait également s’appliquer au Quai 54. Portés par une ambition débordante mais pas démesurée, les fondateurs de l’événement parisien avancent avec l’idée de toujours aller plus loin. Chaque année, ils investissent un lieu un peu plus improbable : de leurs débuts levalloisiens au Trocadéro, en passant par le Palais de Tokyo. « Quand j’ai vu ce que l’on pouvait faire au Palais de Tokyo, je n’avais plus aucun doute sur notre capacité à organiser le Quai au Trocadéro »
Ray Allen - NBA
Fabolous
Team Rising Suns - Japon
I N T E R N AT I O N A L T E A M S
Fat Joe & Mokobé
« Les basketteurs, au même titre que bien d’autres sportifs, ont un égo important ; ils veulent se frotter aux meilleurs et les vaincre. Donc quand tu fais venir des équipes de renom comme le Terror Squad ou les Sean Bell All Stars, derrière tu as des Allemands qui veulent venir, des Anglais, des Espagnols, etc. ». Une vérité qui est encore remarquable aujourd’hui, puisque pas moins de 10 nations sont désormais en lice pour s’arracher le sacre du Quai 54.»
Ray Allen shoote un 3 points de l’extérieur du terrain
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W O R L D S T R E E T B A L L C H A M P I O N S H I P B Y H U G U E S L AW S O N - B O D Y 22
QUAI 54 H DOSSIER SPÉCIAL H
ITW
HAMMADOUN SIDIBE «LE QUAI 54 A GRANDI SANS QUE JE M’EN RENDE COMPTE»
Quelle est l’idée qui a donné naissance au Quai 54 ? Moi, je suis fan de basket depuis que je suis tout petit et, au début des années 2000, les marques (Nike, Adidas, Reebok) ont arrêté de faire des tournois. C’était pourtant comme ça qu’on s’amusait à l’époque. Dès que Jordan a arrêté sa carrière, on s’est rendu compte qu’il y avait une sorte de flou autour du basket, qu’il y avait moins d’engouement pour ce sport. Et nous, pendant ce temps, on grandissait et on commençait à se dire : « Au lieu d’attendre que les marques fassent des tournois, il serait peut-être temps qu’on en crée un, comme ça, chaque été on sera satisfait. »
“POUR CETTE ÉDITION, ON A VOULU RENDRE L’ÉVÉNEMENT ENCORE PLUS SPECTACULAIRE.”
Comment as-tu réussi à mettre ça en place concrètement ? Ce qui s’est passé simplement, c’est qu’à l’époque, par l’intermédiaire de Thibaut de Longeville et sa société 360, j’ai travaillé pour Nike sur un événement qui s’appelait Battlegrounds. Avec son aide, je leur ai soumis mon envie de créer mon propre événement en parallèle. Ils m’ont dit : « Écoute, on sait pas trop, fais déjà ta première édition tout seul, on verra si on suit après.» Le directeur marketing de Nike est finalement venu lui-même à la première édition, il a pété un plomb et nous a demandé : « Comment c’est possible que tous les meilleurs joueurs se retrouvent ici, sans aucun enjeu financier à la clef ? » Je lui ai expliqué que notre communauté était très soudée, et que vu que l’on n’avait plus d’événement authentique autour duquel se retrouver, on avait créé le nôtre, sans se soucier des problématiques marketing des marques. Le tournoi a grandi ainsi petit à petit organiquement, il n’y a jamais rien eu de faux, on lui a juste laissé le temps de devenir ce qu’il est.
Peux-tu nous expliquer les raisons de ce break, l’année dernière ? Ce sont des raisons « business » qui ne sont pas intéressantes pour les lecteurs. On reprend cette année parce qu’on a réussi à faire comprendre aux sponsors l’importance de cette manifestation dans le monde du basket à l’échelle internationale, et également auprès du public. C’est un événement très populaire, très proche du peuple, dont on veut qu’il continue d’exister longtemps, en offrant toujours au public une compétition de haut niveau, et de l’entertainment comme nulle part ailleurs en restant gratuit pour tous, ce qui n’est pas une équation facile. On a profité du break des 10 ans pour refaire toute notre organisation, toute notre charte graphique, et inscrire déjà l’event dans l’avenir. Le Quai 54, c’est un tournoi où toute l’équipe est composée de passionnés et de gens très pointus dans leur domaine. On veut transmettre cette passion et cette culture au plus grand nombre, et on n’a pas l’intention de s’arrêter. On va essayer de rendre le public heureux et, s’il y a du beau temps cette année, je pense qu’il aura droit à un vrai gros truc. On invite tout le monde à venir s’amuser.
Après, il y a des réalités et le basket reste en France un sport peu exposé, trop souvent considéré comme “niche”, alors que ce sport et la culture qui va avec peuvent être attrayantes pour énormément de gens. On savait qu’il fallait apporter des ingrédients qui allaient rendre l’événement intéressant pour des gens en dehors de la «cible» basket, donc on a commencé à ajouter des entertainers dont on était proche.
Mais, justement, en quoi l’édition de cette année sera-t-elle différente des autres ? Elle ne sera pas différente au niveau de la formule, au contraire. Mais nous nous sommes perfectionnés dans toute l’organisation. J’ai la chance d’être aujourd’hui associé à un monsieur qui s’appelle Thibaut de Longeville, un génie de l’image, qui produit et réalise toutes nos vidéos, qui gère toute l’image de l’événement, mais aussi les contrats avec les sponsors, et le développement de notre identité comme une véritable marque. Notre force, c’est qu’on a la même vision, donc forcément on arrive à aller très haut. Aujourd’hui, on a réfléchi à ce qu’il manquait selon nous au Quai 54, on s’est dit qu’on avait l’énergie, les équipes internationales, la compétition de haut niveau, le public de folie, mais qu’on voulait rendre l’event encore plus spectaculaire pour tous. Du coup, on a invité les cinq meilleurs dunkers du monde, ce que l’on n’avait jamais fait auparavant. On voulait que le vrai championnat du monde de dunk soit au Quai 54, et on a fait le nécessaire pour l’avoir dans cette édition.
De quelle manière tu vois la professionnalisation du tournoi ? En tout cas, ce que je peux te dire aujourd’hui, c’est que c’est devenu totalement professionnel. Certes, on a commencé pour s’amuser, mais maintenant on en vit, donc ça nous permet de voir beaucoup plus loin. C’est le cas au niveau des artistes qui viennent, on a commencé par des Français, puis finalement on a ramené des Américains. C’est la même chose avec le lieu, on était dans le XIIIe : qu’est-ce qu’on pouvait faire de plus ? Et bien, on est allé au Palais de Tokyo, au Trocadéro. Ton événement grandit sans que tu t’en rendes compte et, finalement, tu comprends que tu es entré dans une nouvelle catégorie.
Au niveau des animateurs, en plus du commentateur basket qui sera cette année le basketteur Duke Tshomba, on a Mokobé et Thomas N’Gijol. Donc je peux te dire que les crises de rires ça va être vraiment dingue. Je vois déjà le truc, ils sont déjà bien accordés. Après, deux invités de prestige vont nous faire l’honneur de leur présence. Une véritable légende du basket en la personne de Scottie Pippen, l’ailier de Michael Jordan aux Chicago Bulls, avec lequel il a gagné 6 championnats NBA. Beaucoup de jeunes ne savent pas qui il est, donc on va leur présenter,c’est important. Et on aura également Carmelo Anthony, l’ailier des New York Knicks, un des plus grands scoreurs actuels de la NBA, double champion Olympique avec Team USA, qui sera également parmi nous en tant qu’ambassadeur de Jordan.
Quelles sont les étapes importantes qui ont permis au Quai 54 de devenir ce qu’il est actuellement ? Comme je te le disais, la première édition a été la preuve de la nécessité de l’événement et de sa création. Après, il y a l’année 2005, qui marque l’internationalisation du tournoi avec la première participation de Terror Squad, l’équipe de Fat Joe triple championne du tournoi EBC de Rucker Park, et le niveau de jeu qui s’élève en conséquence. C’est une année très importante parce qu’elle marque aussi le début de la présence des stars françaises de la NBA comme Tony Parker, Boris Diaw, Ronny Turiaf, et d’autres qui viendront tous après régulièrement. En 2008, première participation d’un joueur NBA à la compétition avec Yakhouba Diawara qui vient jouer dans une équipe «street» constituée de mecs de son quartier d’origine.
On aura également d’autres surprises, qu’il faudra découvrir sur place. On continue de rester dans le même esprit, mais en essayant de faire toujours plus fort. On avait un artiste américain invité par édition, là on s’est dit qu on allait peut-être en avoir plus... On essaie de rendre le truc toujours plus lourd, avec le support de nos sponsors. La question que l’on nous pose après chaque édition est : « Mais comment allez-vous faire pour faire mieux ? » Ce n’est pas possible ! Donc chaque année on essaie toujours de pousser le truc un peu plus loin, pour montrer à tous que c’est toujours possible de se dépasser, et qu’il n’y a pas de limites.
En 2009, on passe aussi à un autre cap au niveau entertainment avec nos premiers artistes américains, Ludacris et Usher. 2010 est un moment très important car on change de type de lieux pour arriver dans des endroits prestigieux comme le Palais de Tokyo. Quand on débarque au Palais de Tokyo, après, ça ne nous étonne plus de pouvoir aller au Trocadéro par la suite. En 2012, on interrompt l’événement pour le «restructurer». Et maintenant on cherche à développer à l’international le Quai 54 avec des événements et des phases de sélection dans d’autres pays, mais la destination finale restera toujours Paris.
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Propos recueillis par @Julien_Bihan - Photo : H Lenie
O N E D AY I N 1 9 9 5 MAGIC JOHNSON & PELÉ
5 février 1995, sur la plage de Copacabana. C’est à cet endroit qu’un terrain de basket a spécialement été aménagé pour accueillir l’équipe de Magic Johnson, venue affronter le Venezuela dans un match d’exhibition. L’équipe américaine prend largement l’avantage devant une foule de 12 000 personnes venues assister à la rencontre. Et, soudain, le public s’exclame : « Rei, Rei, Rei, Pelé o nosso Rei ! » (« Roi, Roi, Roi, Pelé est notre Roi ! »). Magic Johnson s’aperçoit que l’un des plus grands joueurs de football a pris place dans les gradins. Il interrompt alors le jeu et se joint à la clameur du public par quelques applaudissements.
DEUX MYTHES À la fin du match d’exhibition, le ministre va à la rencontre de Magic et lui offre un ballon de foot dédicacé. Le basketteur se prosterne devant le « Roi » et lui rend la pareille. Il se saisit d’un ballon de basket et signe : « À Pelé, le plus grand joueur de football de l’histoire .» Puis à Sa Majesté de déclarer : « Dieu a fait un Beethoven, un Michel-Ange et un Magic Johnson. » Deux mythes en adoration réciproque.
DEUX PRODIGES Sur ce terrain de basket, deux légendes sont sur le point de se rencontrer. D’un côté, l’icône brésilienne du ballon rond en pleine reconversion, et de l’autre, avec vingt ans de moins, l’imposant magicien qui a déjà connu les plus belles heures de sa carrière de basketteur.
Le palmarès de Pelé et son élégance balle au pied ne font pas toute sa légende. L’après-football a son importance et permet de l’installer comme une figure incontournable à tous les niveaux. J. B. Pinheiro, ancien ambassadeur du Brésil, déclare à la fin de la carrière du joueur que « Pelé a joué vingt-deux ans au football et, durant cette période, il a fait plus pour l’amitié et la fraternité que n’importe quel autre ambassadeur. » Son engagement humanitaire auprès de la jeunesse et pour le sport comme vecteur d’expression de réussite sociale fait de Pelé une personne toujours très populaire.
Quatre ans avant cette date, Earvin Johnson, de son vrai nom, annonce au public qu’il est séropositif. Un véritable tremblement de terre dans le monde du basket et du sport, qui mettra fin à la carrière du prodige pour une première fois. Si la maladie ne l’affaiblit pas encore, il décide de prendre du recul « pour ne pas faire souffrir le jeu ». Mais peu incommodé par le virus, le meneur des Lakers ne résiste pas longtemps à l’appel des parquets, et son public le réclame encore. En 1992, il revient à la compétition et vit le plus grand moment de sa carrière. Il intègre la légendaire Dream Team qui devient championne olympique à Barcelone, aux côtés de Michael Jordan, Charles Barkley, Patrick Ewing ou encore de son éternel rival, Larry Bird. Pourtant, beaucoup le voyaient déjà mort. À la fin de sa carrière, en 1996, il est trois fois sacré MVP, dix fois sélectionné pour le cinq majeur de la All-NBA First Team, il participe à neuf finales NBA et à douze All-Star Games. Le meneur reste encore aujourd’hui détenteur du record de passes décisives par match, avec une moyenne de 11,2.
Pour Magic Johnson, l’héroïsme réside dans la manière dont il a traversé sa maladie, le SIDA. Depuis 1991, le basketteur a dû lutter et interrompre plusieurs fois sa carrière. Un combat sur tous les fronts, qui se concrétise médiatiquement et dans l’intimité sur les parquets face aux craintes de ses coéquipiers et adversaires. Mais aussi au quotidien, notamment par la prévention et l’information pour éclairer les zones d’ombre qui entourent le VIH. La force de son message prend racine dans ses exploits sportifs, qui prouvent jusqu’aujourd’hui qu’il est possible de vivre pleinement en étant séropositif. Après sa carrière, il s’accomplit maintenant en tant que businessman.
Quant à Pelé, sa carrière de footballeur est déjà loin derrière lui, mais son palmarès est encore aujourd’hui inégalé : trois fois champion du monde, plus jeune buteur de la compétition. Le Brésilien conserve encore aujourd’hui son titre de « Roi ». Après sa retraite, en 1977, il entame sa reconversion. En 1994, après deux refus, il accepte le poste de ministre exceptionnel des Sports proposé par Fernando Henrique Cardoso, président de la République. Là où on l’attendait seulement comme un symbole, en tant que premier Noir à accéder à un poste aussi important, Pelé s’engage et tente de combattre la corruption dans le football au Brésil grâce à la « loi Pelé ».
Ce 5 février 1995, ce sont deux légendes qui se sont rencontrées, échangeant leur admiration mutuelle. Entre le football et le basketball existe cette même estime pour le beau jeu, la performance individuelle et le récit des parcours extraordinaires. C’est le cas de Pelé et de Magic, qui écrivent une belle histoire, chargée en symboles et en morale. Texte de Raïda Hamadi ( @Rdhmd_ ) 24
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Le foot est loin d’être une science exacte. Tout y est possible, ou presque. Et quand le pire devient probable, rien n’est impossible. Vous me suivez ? Non ? Tant pis. Et si on imaginait un monde où Cantona était non-violent, où Diego avait des abdos et où les poules avaient des chicots. On laisse la première phase de poules (coïncidence ?) aux amateurs et on se met directement dans le bain de la deuxième phase. Texte de @KarimaHedhili, @MacGuffff et @Julien_Bihan - Illustration de Lazy Youg
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8 ÈÈMES MEDE FINALE BRÉSIL VS PAYS-BAS Tout le monde a encore en tête l’élimination surprise de la Seleção par les hommes en orange de Louis van Gaal en quarts de finale 2010. La sélection de Louis Felipe Scolari veut sa revanche. Van Persie ne peut rien contre la défense en béton de Thiago Silva et David Luiz. Les attaques individualistes de Robben « Han Solo » se soldent par des échecs. Oscar récupère un ballon perdu par Sneijder. Le jeune joueur de Chelsea va trouver Neymar. Ouverture du score pour les Auriverde. La sélection néerlandaise tremble face aux attaques à répétition et au joga bonito brésilien. Le spectacle est au rendez-vous, on en oublie même les bouleversements sociaux qui touchent le pays. 84e minute, Paulinho perce la défense et vient inscrire son sixième but en équipe nationale. Score final : 2-0. Victoire du Brésil. ESPAGNE VS CAMEROUN La qualification des Lions indomptables en huitièmes de finale est saluée par tout un pays. Confiant, Volker Finke n’a pas peur du champion d’Europe. Ivre et pour faire taire toute polémique, l’entraîneur décide de sélectionner uniquement Samuel Eto’o pour la rencontre. À titre exceptionnel, la FIFA reconnaît le statut de goal volant, défenseur, milieu de terrain et attaquant à Samuel Eto’o Delon. Iniesta obtient un penalty transformé par Fernando Torres. Finke n’a aucun regret et s’envole pour Vegas tenter sa chance. Score final : 1-0. Victoire de l’Espagne. COLOMBIE VS URUGUAY Falcao vs Cavani : les deux géants de la Ligue 1 se sont promis un duel sans merci. Pourtant, leurs points communs sont nombreux : prénoms à la con, Edison et Radamel (avantage pour le Parisien, tout de même), coupe de cheveux à la noix, mal du pays et natif du Verseau. L’horoscope de Télé Z prévoit une victoire colombienne. Loupé, El Matador trompe Ospina par deux fois. Score final : 1-2. Victoire de l’Uruguay. ITALIE VS GRÈCE À l’initiative de Mario Balotelli, la Squadra Azzurra a fêté sa qualification en huitièmes de finale dans une chicha de Brasilia. Le coup d’envoi est lancé et aucun joueur ne s’est levé, mis à part Gianluigi Buffon. L’Italie est disqualifiée. La Gazetta dello Sport titre « VERGOGNA ! » (« La honte ! »). Il se murmure que Totti, resté au pays, est à l’origine du Balotelligate. Victoire de la Grèce. FRANCE VS NIGERIA Plus que jamais soucieuse de briller sur le plan politique, la diplomatie française a négocié avec le groupuscule Boko Haram la victoire du Nigeria contre les Bleus de Didier Deschamps. En échange, l’organisation terroriste libère les 223 lycéennes enlevées. À Patrice Evra de conclure : « On a fait ce qu’on nous a dit de faire en notre pouvoir pour aider les Nigérians. » Les 23 et leur sélectionneur sont nominés aux Victoires du prix Nobel de la paix du cœur. Victoire du Nigeria. SUISSE VS ARGENTINE Les Quatre Fantastiques, Lionel « Mr Fantastic » Messi, Ezequiel « The Thing » Lavezzi, Sergio « Human Torch » Zabaleta et Javier « Invisible » Pastore (tellement invisible qu’il n’apparaît même pas sur la feuille de match), ne font qu’une bouchée du super vilain Gökhan Inler et de son collectif maléfique. Le Mondial est enfin débarrassé du vieux système de jeu en 3-2-2-3. Score finale : 4-0. Victoire de l’Argentine. PORTUGAL VS ALGÉRIE Cristiano Ronaldo et ses coéquipiers partent grands favoris. Mais c’est sans compter sur la malchance qui semble poursuivre la sélection portugaise depuis le début de la compétition. Après un but refusé injustement à Hélder Postiga, c’est l’expulsion du capitaine Ronaldo qui vient clouer les Portugais. CR7 ne peut s’empêcher de « s’instagramer » pour ses followers sur le terrain, malgré les rappels à l’ordre de l’arbitre. Le match se termine aux tirs au but. Déboussolé par la perte de son capitaine, le Portugal est éliminé. Victoire de l’Algérie. ALLEMAGNE VS BELGIQUE Comme à son habitude depuis quelques années, la Mannschaft se qualifie sans mal pour les quarts de finale. Les Diables Rouges n’ont pas le niveau et même Eden Hazard ne peut rien contre l’artillerie allemande de Thomas Müller et de Mesut Özil. Déprimé, le numéro 10 belge demande la nationalité française. Score final : 3-1. Victoire de l’Allemagne.
QUARTS DE FINALE BRÉSIL VS ESPAGNE La correction infligée par l’équipe brésilienne à la Roja en finale de la Coupe des Confédérations l’été dernier (triplé sans pression) n’est toujours pas digérée. Mais le churrasco de la veille ne l’est pas non plus. Dommage pour les Espagnols et leur tiki-taka, mais aussi pour Casillas qui demande toutes les sept minutes à « ir al baño. » L’intestin fragile, Iker ? Dani Alves donne une leçon de forró au légendaire Xavi. Rien n’y fait. Marcelo et Fred marquent face au champion en titre. Score final : 2-0. Victoire du Brésil. URUGUAY VS GRÈCE Les Grecs font un parcours à l’image du quadrupède Mathieu Valbuena (le seul homme qui marche à quatre pattes) : beaucoup de simulations et un jeu inégal. Les Uruguayens expédient vite le match et retournent se dorer la pilule sur les plages de Bahia. Score final : 2-1. Victoire de l’Uruguay. NIGERIA VS ARGENTINE Cf. France vs Nigeria. Remplacer française par argentine, Didier Deschamps par Alejandro Sabella et Patrice Evra par Sergio Romero. Victoire du Nigeria. ALGÉRIE VS ALLEMAGNE En 1982, Lakhdar Belloumi et ses coéquipiers étaient entrés dans l’Histoire en devenant la première formation africaine à battre une équipe européenne. 2014, les gladiateurs du désert veulent réitérer l’exploit. Le onze de départ algérien est combatif et ne lâche rien. Les Allemands percent par deux fois la défense algérienne. Les deux buts sont signés Klose, le trentenaire n’a rien perdu de sa superbe. L’issue du match semble pliée lorsque, à la 76e minute, le gardien de but Manuel Neuer fait une sortie à la Schumacher sur l’attaquant algérien Islam Slimani ; carton rouge et penalty directement transformé. La Mannschaft est affaiblie et affectée. Rusés, les Fennecs en profitent pour inscrire leur second but. Prolongation. Tirs au but. Sans Neuer, les Allemands sont perdus. Score final : 2-2. Victoire de l’Algérie.
DEMI-FINALES BRÉSIL VS URUGUAY Cavani blessé, Luis Suarez le remplace au pied levé. Un peu trop levé, tout de même. El Pistolero est victime d’une double fracture tibia-péroné. Djibril Cissé est envoyé comme expert sur les lieux et tente de s’imposer dans le collectif uruguayen. Le manager Tabárez lui aurait simplement répondu par un efficace « casse-toi. » La défaite est amère pour l’autre grand favori du Mondial. Score final : 2-1. Victoire du Brésil. NIGERIA VS ALGÉRIE L’Algérie refuse toute négociation avec les terroristes. Dans un discours poignant diffusé sur DzTv, le président Abdelaziz Bouteflika annonce sa volonté d’envahir le Nigeria et demande aux Fennecs « de faire le taf ». Nabil Ghilas l’a entendu. L’attaquant du FC Porto marque un triplé face au onze de Stephen Keshi. Score final : 0-3. Victoire de l’Algérie.
FINALE BRÉSIL VS ALGÉRIE Personne n’a osé en rêver, pourtant les Algériens l’ont fait. Les Fennecs ont su s’imposer à des milliers de kilomètres de chez eux pour défier l’équipe la plus redoutée au monde. Le onze algérien est confiant et les drapeaux vert et blanc flottent dans le Maracanã de Rio de Janeiro. Le Kassaman, hymne national, retentit dans l’enceinte du stade et fait vibrer la pelouse. Les youyous ont remplacé les vuvuzelas. Les Brésiliens, avec vingt phases finales de Coupe du monde jouées, ont l’habitude des cérémonies en grande pompe et ne semblent en rien impressionnés. Le capitaine Thiago Silva ne perd jamais sa concentration légendaire. 28e minute, Ramires trompe un défenseur algérien et sert Hulk. C’est le premier but de la rencontre. Une samba raisonne en tribunes. Neymar est encerclé par les jeunes loups de la défense algérienne. L’ex-prodige de Santos réussit quand même à atteindre la cage de Rais Mbolhi en pleine lucarne. Le camp algérien est sonné, mais les supporters n’en démordent pas. Galvanisé par le douzième homme, Feghouli lance Nabil Ghilas ; celui-ci ne perd pas de temps et frappe du gauche dans le filet brésilien. Le jeune joueur se rue vers le poteau de corner et entame une danse du ventre au rythme des derboukas. Pourtant, l’arbitre siffle le hors-jeu. Après visionnage, il n’en était rien. L’Algérien proteste et se voit sanctionner : carton rouge. Quatorze minutes pour revenir au score pour les hommes de Vahid, qui jouent désormais à dix. Les Brésiliens se relancent. Hernanes vient lui aussi trouver la cage du gardien algérien. C’est fini. Le Brésil est champion du monde. Score final : 3-0. One, Two, Three, viva l’Algérie ! 27
SUR LES TRACES DES CRAMPONS DU N I K E F. C PA R I S C R E W Finale de la Coupe du monde 1994, Brésil-Italie, dix paires de Tiempo sont sur le terrain, c’est en ce jour que se met en place un club secret et initiatique : le Nike Football Club. À l’époque, il n’est que remplaçant, mais la marque à la virgule a su déceler chez Ronaldo l’étoffe du grand joueur qu’il allait devenir. C’est lui qui a été choisi pour inaugurer l’effectif élitiste du Nike F.C., qui a intégré dans ses rangs les plus grands, de Cannavaro à Figo. Vingt ans plus tard, Paris a fondé son propre Nike F.C., un club pour incarner toute l’énergie et la créativité que dégage sa ville. Il a donc fallu trouver les joueurs dignes de l’histoire du fanion parisien : Guillaume (représentant presse du magasin Colette), Rim’K (rappeur), Julien (rédacteur en chef de Fricote Magazine), Karima (présentatrice chez Radio Marais), Irène (fondatrice du magazine Paulette), Michael (cofondateur de la marque Club 75), Dinos (rappeur), Fifou (photographe), Willaxxx (entertainer), Laura (présentatrice au Mouv’), Louise (DJette du collectif Girls Girls Girls), Malik Bentalha (humoriste), Oumardinho (directeur artistique chez Def Jam), Tyrsa (graphiste), Jeff (cofondateur de la marque Tealer). Ensemble, ils ont vécu une aventure unique ; retour sur chacune de ces étapes.
ÉPISODE 1 : LA GENÈSE Tout commence un soir d’avril 2014 où tout le crew s’est donné rendezvous au Stade de France pour voir triompher le Paris Saint-Germain, leur équipe, lors de la finale de la Coupe de la Ligue. Premier titre de la saison pour les joueurs de Laurent Blanc et premières émotions partagées par le Nike F.C. Paris Crew. Le lendemain de ce jour de fête, le club passe sous l’objectif de Fifou, qui immortalise définitivement chacun des visages qui composent cette bande.
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PA R I S C R E W
ÉPISODE 2 : LA MISE AU VERT Nos sélectionnés ont été convoqué à Clairefontaine pour se préparer à ce qui les attend quelques jours plus tard. Après une nuit passée au château de l’équipe de France, entre ping-pong et baby-foot, l’heure est à l’entraînement, et c’est Christophe Dugarry qui se chargera de faire souffrir notre effectif.
ÉPISODE 3 : LA SOIRÉE Nous y sommes ! Le terrain de jeu de notre crew, la Nike Phenomenal House, s’est installé au cœur de Paris, au Carreau du Temple, avec au programme tournois, foot freestyle, jeux vidéo... Mais pour se détendre avant le grand jour, les membres de notre Nike F.C. ont été au cœur d’une soirée de lancement épique. Louise Chen aux platines laisse place à Dinos au micro, et c’est Rim’K accompagné d’AP qui vient définitivement endiabler l’endroit avec les titres incontournables du 113. Enfin, le « Man of the year », ScHoolboy Q, viendra clôturer ce qu’il appelle lui-même une « hell of a night ». .
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ÉPISODE 4 : LE LANCEMENT Toute cette préparation s’est construite autour d’un seul objectif, la Nike F.C. Radio. Pendant quatre jours, au Carreau du Temple, chaque membre de l’équipe a animé une radio éphémère avec des programmes qu’ils incarnent totalement. Un premier jour sur les ondes où la bande est venue accompagner d’invités prestigieux, comme JoeyStarr et Sabrina Ouazani. Une entrée de match pleine de promesses.
É P I S O D E 5 : L E Z L ATA N Les émissions et les invités se succèdent à la Nike F.C. Radio, mais un moment est resté suspendu pour le crew, les spectateurs et les auditeurs : l’arrivée de Yohan Cabaye, Thiago Silva et Zlatan Ibrahimovic. Un instant unique où les joueurs ont pu s’amuser au rythme des questions décalées de Laura Leishman. La Nike F.C. Radio était préparée !
ÉPISODE 6 : LA FIN Ce n’est qu’à la fin qu’on se rend véritablement compte de la beauté d’une aventure humaine, mais souvent la saveur d’une histoire épouse seulement le goût de son épilogue. Cette dernière journée de la Nike F.C. Radio a débuté comme toutes les autres avec un casting éclectique : Oxmo Puccino, Jalil Lespert, Thomas N’Gijol, Mac Tyer, Franck Annese, Biga*Ranx et Franck Gastambide. Puis elle s’est conclue simplement par une émission qui réunit tout le Nike F.C. Paris Crew pour un moment empli de souvenirs, de vannes et de rires. Même si les derniers souffles de la radio ont marqué la fin de notre crew, le Nike F.C ne cessera jamais de briller.
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Texte de @Julien_Bihan - Photos : H Lenie
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CLUB DU DIMANCHE
ROSNY-SOUS-BOIS HANDBALL
Le sport est sûrement l’un des premiers vecteurs au monde de sociabilisation et son impact ne se cantonne pas seulement au Real Madrid, au Miami Heat ou aux performances de Rafael Nadal. C’est pour cela que dans chaque numéro du YARD Paper nous explorerons l’univers de l’amateurisme en vous livrant l’ambiance d’un match à domicile, l’anecdote incontournable du club et, enfin, un entretien avec l’un des piliers de cette structure. Pour ce premier volet, direction Rosny-sous-Bois. Du handball, on connaît Nikola Karabatic et sa femme amoureuse de paris sportifs, Claude Onesta, l’entraîneur charismatique, et les surnoms un peu ringards de l’équipe masculine nationale (« les Barjots », « les Costauds », « les Experts », on va s’arrêter là…). Pourtant, avec plus de 500 600 licenciés, le hand est le deuxième sport collectif de France. Le club de Rosny-sous-Bois, commune de la banlieue est de Paris, témoigne de cette force avec ses aficionados, ses coaches, ses joueurs... Même si la fin de saison a été difficile, le hand fait toujours autant vibrer le petit gymnase de Lavoisier.
L E M AT C H À l’échauffement, ça se teste déjà du regard, les deux adversaires se jugent à distance tout en faisant bien attention de rester sur la moitié de terrain qui leur a été attribuée. Un parfum de classico flotte dans le gymnase, Rosny reçoit l’adversaire de toujours, Villemomble. En plus de la pression initiale, l’enjeu est de taille : l’équipe gagnante pourra accéder à la division supérieure. Les longs bancs qui font office de gradins sont pris d’assaut rapidement : familles, copains et amateurs du genre y prennent place. L’excitation est palpable, Rosny joue à domicile, en terre conquise. Les Rosnéens ont fait le déplacement en nombre et constituent 90 % du public. Comme à leur habitude, ils sont venus soutenir leur équipe, qui joue en rouge ce soir. Les 10 % restants font en sorte de ne pas se faire remarquer… Ils se sont placés à l’extrémité gauche du terrain. Le système D est de rigueur, les plots sont utilisés par les supporters les plus agités comme des mégaphones pour scander leurs hymnes fétiches. Les joueurs, eux, ont préféré entreposer leurs sacs de sport sur le côté droit du terrain, à hauteur du banc de touche et des remplaçants, afin d’éviter les vols d’équipements et d’affaires personnelles. Rien d’incroyable, à en croire les remplaçants : « Tous les clubs amateurs utilisent cette technique. » Il est 21 heures et l’équipe de Villemomble entre en jeu au son des « Ici, c’est Rosny ! » Le public est bel est bien le huitième homme de l’équipe rosnéenne. L’arbitre de la rencontre est fébrile et choisit avec soin le ballon qui sera malmené lors de cette rencontre. Alors que notre regard est captivé par le numéro 96 villemomblois, une masse imposante et quasiment irréelle sur un terrain de hand, les visiteurs ouvrent déjà le score. Le banc rouge n’apprécie pas et se fait entendre. Les décibels grimpent et même les enfants se prennent au jeu. L’arbitre siffle un passage en force en faveur de Rosny. Un père de famille y va de son bon commentaire : « C’est ça, l’arbitre, faut se faire respecter, narvalo ! » Quelques minutes plus tard, ledit « narvalo » stoppe le jeu. Le public fait des allers-retours au bord du terrain et empêche le bon déroulement du match. Un joyeux bordel ! « Papa, papa, le match est serré ! » lance un minot. Ce dernier acquiesce et finit par lui répondre : « Bah ouais, mon frère… » 25e minute de jeu, le score est de 8 pour Rosny et 6 pour Villemombe. Le numéro 96 sue à grosses goutte quand une vielle dame fait son entrée avec un plateau de pâtisseries orientales. Au même moment, une faute flagrante est sifflée contre Rosny. Une jeune femme à la mauvaise foi évidente s’écrit à la manière de Brandao : « Il l’a pas touchéõ ! Il l’a pas TOUCHÉÕ ! » L’homme en noir siffle la mi-temps, récupère le ballon, et personne ne bronche… Dire qu’on ne donnait pas cher de sa peau en début de rencontre. À peine les équipes retournées aux vestiaires, les enfants transforment le gymnase en aire de jeux. Les quinze minutes de pause s’égrainent rapidement et les choses sérieuses reprennent. Un vuvuzela retentit, le score est de 8 partout. Les Villemomblois n’ont pas dit leur dernier mot. Un joueur de l’équipe adverse glisse et tombe magistralement, on entend dans les tribunes : « Oh, le con, il a laissé un morceau d’ADN au sol ! » Un jeune enfant lance à son tour : « Lève-toi, pleureuse ! » Bang ! Bang ! L’art de la vanne est une pratique courante à Rosny. Le public prend définitivement l’arbitre en grippe lorsqu’il attribue un rouge à leur gardien. Villemomble mène désormais de 3 points, les visages des challengers sont de plus en plus creusés. Les « Allez Rosny ! Tes supporters sont là ! » montent crescendo au sein du public. Le demi-centre floqué du numéro 10, qui a inscrit quasiment tous les buts de son équipe, semble reprendre espoir. Pourtant, c’est bel et bien la débandade. Le score est de 18 à 13 pour les visiteurs. Le public quitte peu à peu le stade. Les irréductibles s’époumonent à grand renfort de : « ALLEZ ROSNY ! ALLEZ ROSNY ! ALLEZ ! » Plus que trois secondes à jouer quand une bagarre éclate sur le terrain. Coup de sifflet. Victoire des Villemomblois. L’équipe grimpe donc en Nationale 3. 32 Objectif atteint. Cependant, la bataille des fans, elle, est largement gagnée par les Rosnéens.
L’ A N N E C D O T E « Tout se passe lors de la phase retour du championnat, à Montfermeil ; lors de notre confrontation à domicile, ça avait sérieusement chauffé. En arrivant sur place, un match venait d’avoir lieu, on aperçoit au loin un mec avec une serviette autour de la taille, il s’était fait voler ses affaires. Directement, on se dit que ça va être une galère. Lorsqu’on franchit le pas de la porte, le concierge nous accueille en catimini et nous donne les clés des vestiaires en nous conseillant de « nous enfermer pour nous changer ». Une fois entre nous, on se regarde tous dans un silence de mort et on lit sur le visage de certains tout le regret de s’être levé ce matin. Surtout qu’à l’extérieur on entend des coups sur la porte et des cris comme : « Vous êtes morts ! » ; « On va vous baiser ! » Au moment où on sort des vestiaires et qu’on foule le parquet, on se rend compte que les gradins sont noirs de monde. Crachats et insultes arrivent sur nos visages. Lors de notre echauffement, des mecs décident de faire un foot sur notre moitié de terrain. Plein de bravoure, on choisit tous de s’étirer sur la touche. Puis l’arbitre appelle les deux capitaines pour le toss. À cet instant, un supporter débarque et interpelle notre joueur : « Si vous marquez, vous êtes morts. » Notre gars revient vers nous et nous explique que si on marque, ils vont tous descendre. Pendant dix minutes, on se regarde et on se fait des passes, mais selon les nouvelles règles on n’a pas le droit de scorer, mais on peut quand même défendre tout en faisant attention, évidemment. Du coup, on ne perd que 3-0. À la 11e minute, Montfermeil attaque, mais un de nos joueurs fait une interception et part en contre. Je vois chacune de ses foulées au ralenti et m’imagine tous les scénarios possibles : « Il va faire un marcher exprès » ; « Il va rentrer dans la zone » ; « Il va vraiment marquer » ; « Est-ce qu’on est morts ? » Puis, près du but, le mec saute et tire en pleine lucarne tout en continuant sa course. Il nous regarde et on sprinte tous avec lui en direction des vestiaires pour s’enfermer. Samir, ailier du S.O. Rosny Paulo
LA RENCONTRE
Revenons-en à Villemomble. C’est un peu la commune ennemie ? Déjà, c’est la commune limitrophe, il n’y a pas de réelle rivalité sportive, mais quand on joue contre eux, on considère ça comme un véritable derby. Je te le disais : ils sont mieux lotis au niveau des infrastructures. Mais nos différends avaient déjà commencé sur les bancs du collège : des histoires de quartiers, des compétitions entre mecs. C’est déjà arrivé qu’on se fasse courser par des supporters, qu’il y ait des bagarres en fin de match ou même pendant. Mais ça reste gentil. Après, je ne te cache pas que quand on les reçoit, on se dit entre nous qu’on va leur faire la misère…
Paulo, 33 ans, a un peu du mal à l’admettre, mais il incarne à lui seul l’esprit du S.O. Rosny. Bouillonnant et passionné, comme ses supporters, le jeune homme trouve le mot juste pour chaque difficulté que son club a pu rencontrer et donne une analyse objective sur les questions de société qui touchent sa ville. Quels sont les liens que tu entretiens avec le club de Rosny-sous-Bois ? J’ai commencé à jouer jeune dans ce club. Je suis aussi passé par la case entraîneur, de 1998 à 2009. Forcément, j’y suis attaché.
Tu trouves que ça fait partie du jeu ? Non, mais il faut savoir que le handball est un sport physique : tu prends des coups et tu en donnes. Après, avec un pote, on se disait l’autre jour que quand tu viens du 93 ça se voit direct. On n’est pas techniques, mais on va au contact, un peu bourrins dans notre jeu et pas trop d’états d’âme sur le terrain, on est des bœufs (rires). Même si l’adversaire est plus efficace en face, on le fait toujours souffrir physiquement.
Comment t’es-tu retrouvé sur les bancs du gymnase Lavoisier ? Je devais avoir 11 ou 12 ans. J’étais feignant, mais je voulais faire du sport et le club de hand était le plus poche de chez moi. C’était dans mon périmètre et le gymnase était chauffé, plus simple quand il fait froid l’hiver. Je ne suis pas venu au hand par amour pour ce sport, plus jeune mon héros était Zidane. Mais j’ai choisi la facilité puis, avec le temps, je me suis pris au jeu en m’impliquant dans la vie sportive du club.
C’était un conseil que tu donnais aux jeunes que tu entraînais ? Tu sais, un jour, pendant un match, j’ai eu un coup de sang. Un joueur de l’équipe adverse a jeté un ballon sur un des gamins que j’entraînais. Je me suis rué vers le mec pour le frapper. Les petits dont je m’occupais, qui venaient assister à la rencontre, m’ont retenu et nous ont séparés. J’ai jeté un œil dans les gradins et je me suis dit que j’avais déconné. Mais leur réaction m’a fait plaisir, ils sont vifs.
De quelle manière cela s’est-il concrétisé ? Dans un premier temps en tant que joueur, où s’impliquer signifie finir un match avec une blessure, ne pas sortir du terrain même quand tu as une entorse à la cheville qui te tue. Finalement, jouer avec les tripes même quand tu as mal et que tu as passé la journée à charbonner au boulot. En 2007, le club a rencontré des difficultés, on était vraiment au fond du gouffre. On avait un président fatigué qui gérait tout hyper mal et, à cette même époque, énormément de seniors ont quitté le collectif. Je suis resté à mon poste d’entraîneur chez les juniors et j’ai continué à jouer comme arrière gauche chez les adultes. On a reconsidéré les bases du club, récupéré des mecs à droite et à gauche pour l’équipe. Les premières saisons il n’y avait pas de résultat flagrant, mais la quatrième année on était champion départemental. On a quand même quatre-cinq joueurs qui ont fini semi-pros, dont une fille.
En quoi consistait ta méthode de coach ? Je les martyrisais, je dois tout à mon ancien entraîneur, Éric. Il m’a tout appris (rires). Méthode de blédard : coups de ceinture ou de bâton. Ceux qui étaient trop agités avaient le droit à leur punition et ils ne bronchaient plus. Certains m’ont avoué plus tard qu’ils en avaient besoin. Ils manquaient de repères et n’avaient pas de figure autoritaire à la maison. Quand je les recroise, on en rigole. Il y a une relation paternelle qui s’est installée. C’est devenu mes petits.
Comment expliques-tu la période sombre de 2007, le manque d’intérêt des Rosnéens pour leur club de handball, alors que j’ai rarement vu plus fervents supporters dans un match amateur ? D’abord, il faut savoir que Rosny n’est pas une ville sportive, on est plus réputé pour notre centre commercial… Le S.O. Rosny existe depuis les années 70, mais dans les années 2000 beaucoup de joueurs sont partis ailleurs. Il manquait les infrastructures pour les faire rester. Des potes qui nous avaient quittés pour Villemomble nous racontaient qu’en arrivant on leur offrait des maillots, un sac de sport… Bref, tout l’équipement. Après, on a toujours eu une super bonne ambiance au sein du club, mais pour avoir des résultats, il n’y a pas de secret : il faut une ville qui suit derrière.
C’est important le sport dans une vie de quartier ? Oui, surtout dans nos quartiers où l’appel de la rue est fort. Quand les ados sont au gymnase, ça leur évite de jouer les caïds après les cours. Certains ont échappé à la prison et d’autres ont eu moins de chance. Tu n’as jamais été tenté par une carrière semi-pro ou pro dans le hand ? Plus jeune, je devais faire un match de détection. À l’époque, je bossais beaucoup et j’ai préféré m’occuper de mes proches plutôt que d’une future carrière. Je n’ai pas de regrets, mais parfois je me demande ce que ça aurait changé. 33
Texte de @KarimaHedhili - Photos : Yoann “Melo” Guérini
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SÉRIE MODE
SPORTIVE Cet été, les créateurs l’ont bien compris, la tendance est au sport. Les collections mettent en scène une femme forte et qui n’a plus peur d’investir les terrains (historiquement) masculin. Depuis que la mode est monde, elle se nourrit de son environnement et emprunte les codes de son époque. En pleine Coupe du Monde au Brésil, YARD a investi le vélodrome Jacques Anquetil au cœur de Paris. Le site qui a connu les Jeux Olympique de 1900, sert aujourd’hui de décor pour une série sportswear chic plus que dans l’air du temps.
Photos : Thomas Babeau Réalisation : @AMMissegue
Jeannot : Casquette vintage Tee shirt Uniqlo Short Nike Chemise Opening Ceremony x Adidas Chaussettes et baskets Air Max Nike Michaela : Top Veronique Leroy Pantalon Urban Outifitters Sandales Ralph Lauren Serre tête Benoit Missolin
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Top et Short Pascal Millet
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Jeannot : Casquette Ralph Lauren Chemise et Short Levi’s Chaussettes Nike
Michaela : Top Tara Jarmon Jupe, Sandales, Veston Veronique Leroy Serre-tête Benoit Missolin
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Michaela : Top H&M Costume Cédric Charlier Jeannot : Veste Levi’s Pantalon et pull Carhartt Casquette Ralph Lauren
Michaela : Maillot H&M Veste Ralph Lauren Claquettes Benassi Nike Serre-tête Benoit Missolin Jeannot : Baskets Converse
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Robe Sonia Rykiel Serre tête Benoit Missolin
Top Ralph Lauren Jupe Jean Paul Lespagnard Serre-tête Benoit Missolin Pochette Ted Baker Baskets Huarache Nike
Assistant photo : Jeremy Barniaud Make up : Stéphanie Jacquet Hair : Yumiko Hikage Models : Michaela Thomsen chez Marilyn Agency et Jeannot.
Lunettes Jimmy Fairly Maillot de Bain Princesse Tam Tam Cape Wanda Nylon Sandales Versace
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NIKE X PIGALLE L A B E A U T É D ’ U N E C O L L A B O R AT I O N N AT U R E L L E Le 26 avril dernier a été dévoilée la première collection issue de la collaboration entre Nike et Pigalle. Une collection composée de neuf pièces et très attendue. Retour sur sa construction.
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« Basketball is life, it’s better than anything I can think of » (« Le basket, c’est la vie, c’est mieux que tout ce que je peux imaginer. ») En anglais dans le texte. Cette collaboration, c’est avant tout la preuve d’amour d’un homme, Stéphane Ashpool (fondateur de Pigalle), à un sport, le basket-ball. Une passion qui le berce depuis le plus jeune âge et qui est aujourd’hui devenue indissociable du personnage. La création et l’organisation du tournoi PXA en atteste, un rendez-vous annuel d’influencers, de représentants de labels européens, mais surtout d’amis sous le signe du cuir orangé. À cela s’ajoute également la création d’un playground municipal au sein du quartier de Pigalle. Alors, quand lui vient l’occasion de s’allier à une grande marque de sportswear pour combiner cette passion à celle de la mode, l’adhésion est naturelle. La collection Pigalle X Nike concrétise l’aboutissement de dix ans d’étroites collaborations entre le label PPP (Pain O Chokolat, Pigalle, Pompon) et la marque au swoosh, durant lesquelles les deux entités ont pu laisser exprimer librement leurs idées. Une relation d’égal à égal sous la direction artistique de Stéphane Ashpool, qui loue le dialogue et le respect entre le géant américain et le petit Parisien : « Je bosse avec Nike d’une manière ou d’une autre depuis longtemps, donc on se fait confiance mutuellement. On échange, on arrive à une idée, ils font un test. Il y a une vraie liberté de création. Ce que j’apprécie, c’est qu’ils écoutent ce que j’ai à dire. Nous n’avons fait qu’un, tout au long du processus de création, et nous y sommes arrivés ensemble. Donc, ce n’est pas juste le travail de Stéphane, c’est vraiment une collaboration entre Nike et Pigalle. » Après quelques jours d’un teasing bien contrôlé sur la toile et les réseaux sociaux, la collection est dévoilée au grand jour. Ce qui devait au départ se cantonner à un travail sur un seul produit deviendra au final une panoplie de plus de neuf pièces sur le thème du basket : deux sets composés d’un débardeur et d’un short en fleece, un T-shirt, une casquette, un ballon et deux paires de chaussures. Elles ont été imaginées en respectant l’esprit Pigalle, qui se matérialise par la reprise des codes esthétiques : le tye & dye, le dégradé pour les ensembles short-débardeur, le code couleur noir et blanc du logo et, enfin, l’effet patiné présent sur les Air Force 1. De prime abord, si le choix des couleurs et des textures peut interloquer, il se révèle finalement efficace et contribue à différencier cette capsule des tendances actuelles et à estampiller clairement le style Pigalle aux non-initiés. Un engouement façonné par les sneakerheads à l’affût du futur best-seller qui fait du modèle de chaussures la pièce centrale de la collection. Un choix qui se tourne logiquement vers la Air Force 1 pour son patrimoine lié au basket, ainsi que pour sa condition actuelle de véritable objet de mode. Une ambivalence qui lui permet d’être arborée aussi bien sur les playgrounds que sur les dancefloors. Un autre produit de la collection tient une place de choix pour les aficionados et Stéphane Ashpool : le ballon. Tout simplement. « Premièrement, je pense qu’il est très beau. C’est un bel objet, tu peux jouer avec ou le laisser à la maison. Ne dites pas ça à Nike, ils vont être verts, mais quand on m’a montré les shoes et les tees, je les pressais pour passer à l’article suivant. Quand j’ai eu le ballon, je me suis dit : «Ah, OK, c’est un truc sérieux.» J’ai collaboré avec Nike et j’ai ma balle, avec ma marque dessus, c’est vraiment le début d’une histoire. »
“ LE BASKET, C’EST LA VIE, C’EST MIEUX QUE TOUT CE QUE TU PEUX IMAGINER ”
Au cœur d’une ère où les collaborations et opérations co-branding pullulent, parfois pour le meilleur mais souvent pour le pire, celle entre Nike et Pigalle apporte une véritable fraîcheur et se distingue par la nature de la relation entre les deux entités et l’opposition de style des deux protagonistes. Une union à travers l’amour du basket-ball, qui a permis à une marque symbolisant le lifestyle parisien et à un géant mondial du sportswear de s’associer. En attendant, l’histoire entre les deux ne fait que commencer si l’on en croit l’annonce d’un nouveau shop Pigalle entièrement dédié au basket-ball. Affaire à suivre...
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Texte de @RickRence - Photos : H Lenie
SUMMER SET UP Réalisation @AMMissegue! Photo & Production Eriola Yanhoui!
WAV E S
CHILL
Chemise Uniqlo Pantalon BWGH Baskets AF1 Nike x Pigalle
Valise Eastpak Serviette de plage Ralph Lauren Top Kenzo Maillot de bain American Apparel Lunettes Wildfox chez Urban Outfitters
Montre Nixon Gourde Nike chez The Broken Arm Boisson Ice Tropez
RICARDO
WA L K
Brassière Nike Short American Apparel Chemisier Tara Jarmon Eau de coco Vita Coco
Livre Chanel Art chez Colette Eau Evian x Monsieur Madame Bonbons Tic Tac Slip on Vans
Veste Coq Sportif Chemise Top Man Short Levi’s Baskets Ricardo Tisci x Nike Beats Pill XXL by Beats by dre
Vernis Nailmatic chez Citadium Livre Berlin Street Style chez Colette Montre We Wood Chaussures Sebago
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Lunettes de Soleil Jimmy Fairly Bob Obey Eau aromatisée Bionina Montre Nixon
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LA MENACE À la fin du second semestre 2014, Netflix débarquera en France. L’onde de choc générée par l’arrivée imminente du géant américain touche très rapidement les principaux concurrents de notre très cher Hexagone. Canal+ joue à fond la carte de la VOD, Orange via OCS accélère la mise à disposition des séries sur sa chaîne et les quelques plateformes franchouillardes type « Video Futur » s’attendent à subir l’impact imminent du rival XXL californien sur leur chiffre d’affaire. Notre bon vieux CNC tremble de tous ses membres en attendant de mesurer l’ampleur des futurs dégâts sur le marché français. Mais voilà, le fameux principe de la sélection naturelle de Charles Darwin semble bien s’appliquer aux systèmes économiques à tendance libérale : « l’évolution ou la disparition. » Les offres trop statiques des uns et la non-compétitivité des autres ont ouvert la voie royale à Netflix et en font l’alternative tant espérée avant même son implantation sur nos terres. En attendant ces quelques mois nous séparant de son avènement, voici quelques chiffres qui finiront de vous convaincre.
Texte de @MacGuffff
29 août 1997 Création de Netflix par Marc Randolph et Reed Hastings. 3,6 milliards Chiffre d’affaires en dollars de Netflix en 2012.
8 Tarif moyen en dollars d’un abonnement Netflix.
48 millions Nombre d’abonnés répartis sur 41 pays.
300 000 000 Nombre d’heures de visionnage décryptées par 900 ingénieurs chaque semaine pour mieux cibler les goûts des abonnés.
100 000 Nombre approximatif de titres disponibles sur la plateforme.
1 000 000 Montant en dollars du Prix Netflix attribué le 21 septembre 2009 à l’équipe « BellKor’s Pragmatic Chaos » qui a amélioré de 10% l’algorithme de Netflix. 2014 Année de la première nomination à un Academy Award pour Netflix avec The Square.
1 000 000 000 En février 2007, Netflix envoie le milliardième DVD à un client.
5 Nombre de séries en moyenne qu’un abonné Netflix visionne chaque semaine. Pour le même laps de temps il regarde environ 3,5 films.
1 000 000 000 Nombre d’heures de séries et de films visionnés chaque mois sur Netflix.
50 000 000 Prix de vente proposé en dollars par Netflix pour être vendu à Blockbuster en 2000. Mais ces derniers refusent.
1 000 000 000 Montant en dollars du contrat sur 5 ans conclut en 2010 entre Netflix et Paramount – Lionsgate puis MGM pour diffuser leurs films.
3 000 000 000 Montant estimé des dépenses de Netflix pour créer et/ou développer du contenu en 2014.
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420 La somme en dollars qu’il vous faudra dépenser pour acquérir une action de Netflix.
MANDARIN CINEMA ET EUROPACORP PReSENTENT
un film de thomas ngijol
avec la participation de
SCÉNARIO ET DIALOGUES THOMAS NGIJOL ET MOHAMED ISSOLAH IMAGE MICHEL AMATHIEU AFC DÉCORS YVES FOURNIER COSTUMES CHARLOTTE BETAILLOLE CASTING EMMANUELLE PREVOST ARDA 1ER ASSISTANT RÉALISATEUR IVAN FEGYVERES SCRIPTE MAGALI FRATER SON PIERRE EXCOFFIER GUILLAUME D’HAM OLIVIER DÔ HÙU MONTAGE NASSIM GORJI TEHRANI MUSIQUE ORIGINALE GUILLAUME ROUSSEL SUPERVISION MUSICALE VALÉRIE LINDON DIRECTION DE PRODUCTION PIERRE WALLON DIRECTION DE POST-PRODUCTION PATRICIA COLOMBAT PRODUIT PAR ERIC ET NICOLAS ALTMAYER UNE COPRODUCTION MANDARIN CINEMA EUROPACORP D8 FILMS AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+ CINE+ D8 EN ASSOCIATION AVEC LA BANQUE POSTALE IMAGE 7 SOFITVCINE
16 juillet 45
GRAPHISME / PHOTO : JOHN WAXXX © 2014 MANDARIN CINEMA - EUROPACORP - D8 FILMS
thomas Ngijol - Karole rocher - julien boisselier - yazid aït hamoudi - olivier marchal
ITW THOMAS N’GIJOL « D A N S FA S T L I F E , J E N E V O U L A I S PA S TRAHIR LA CULTURE DE LA RUE.» Il y a chez Thomas N’Gijol, l’image d’un personnage désenchanté mais totalement fasciné par la vie et passionné par la manière de la raconter. C’est à la fois ce qui fait sa principale force comique sur scène mais aussi la spécificité cinématographique de Fast Life. Il se sert de l’humour pour décrypter des phénomènes de société et dans le cadre de ce premier long-métrage, la superficialité de la fameuse « vie rapide » des réseaux sociaux. Un œil juste porté par son éternelle attraction pour la rue mais surtout par sa nouvelle paternité, une étape qui force à appréhender le sens de la vie de manière différente. Enchanté le désenchantement, serait-ce donc ça la patte N’Gijol ? Réflexion autour de la Fast Life avec son plus fin analyste.
Tu as été co-réalisateur sur Case départ mais pour Fast Life tu es vraiment seul. Comment tu expliques ce processus qui t’a amené à la réalisation ? C’est assez simple dans le sens où je suis autodidacte. Quand tu commences à faire la démarche de monter sur scène, tu écris déjà un petit peu. Donc de fil en aiguille, plus tu écris, plus tes projets se diversifient et plus tu te diriges inconsciemment vers le cinéma. C’est pas un truc où tu te dis « Ah, j’ai envie de faire du cinéma », mais tu formules l’envie de raconter une histoire dans le cadre d’un film. Dans Case Départ c’était une démarche commune, là je suis parti sur un cheminement perso. Après je suis un peu réalisateur par accident, maintenant que j’ai fait un film, j’ai encore plus de respect pour les réalisateurs de formation. Donc c’est assez naturel en définitif. Pourquoi avoir choisi d’être à la fois réalisateur et acteur principal ? Je n’ai pas choisi (rires). J’ai juste écrit et plus j’écrivais, plus je me marrais à raconter l’histoire de ce gars là. Il y a aussi une part d’inconscience car je ne suis pas réalisateur de formation mais je me suis marré à décrire son parcours, de voir un peu sa trajectoire. Le truc à la fois rigolo et d’une extrême violence, c’est à la fin, quand tu te rends compte que tu es sur tous les plans. Tu dois t’occuper de tout, ça te rend ultra fragile. C’est l’inconscience du mec qui n’a jamais réalisé : on te dit « Ouais, mais t’es quand même présent » et toi t’es la « Ouais, ouais t’inquiètes ça va aller. » On est du 94, il y a cette naïveté, cette espèce d’audace, on pense : « Oh t’inquiètes j’ai grandi a Maisons-Alfort, tu vas voir ». Puis tu as beau avoir grandi où tu veux, à un moment l’équipe te demande « On fait quoi ? », tu réponds « Bah… attendez j’arrive. » Je pense que si je réalise à nouveau, je ne serai pas du tout omniprésent, enfin, beaucoup moins présent.
IL Y A UNE PART D’INCONSCIENCE DANS LE FAIT QUE JE ME RETROUVE À LA FOIS RÉALISATEUR ET ACTEUR PRINCIPAL. Est-ce que tu peux expliquer le concept de Fast Life ?
T’essaies de prouver que tu es heureux à qui ? En définitif c’est un peu ça, le côté Fast Life n’a même pas vraiment de rapport avec la célébrité. Mon personnage dans le film a vécu une ascension fulgurante et n’a eu qu’un petit moment médiatique, ce n’est pas une star et c’est ce qui m’a intéressé. C’est monsieur tout le monde. Il y a des gens qui se trompent un peu. Quand tu vois des saloperies comme les selfies, là tu sais qu’on a touché le fond du fond… Des gens qui se prennent en photo tu vois. Il y a une détresse là-dedans car le but reste de se montrer, c’est vraiment de dire : « Regardez avec qui j’étais en photo ! » C’est de la branlette ultime. J’en ai déjà fait hein, je ne me place pas au-dessus. Je me permettrais pas d’être critique, et d’insulter les gens : « Vous êtes des merdes ! » Je suis parfois moi-même dans la merde. Quand j’ai croisé Dr. Dre dernièrement j’aurais pu faire comme Franklin c’était genre : « Euh… Yes, Dr. Dre » tu sais je bougeais comme un golio, « Oh yeah, Detox ! » un couillon quoi. J’ai eu honte, je me voyais au dessus mais je me suis rendu compte : « Oh putain là t’es pas vaillant mon grand. » Fast Life est une réflexion sur des personnes qui sont dans le faux combat, et qui passent à coté du vrai sens de la vie ? Ouais c’est un peu ça, après je ne dirais pas « faux combat. » Mais c’est des gens qui vivent un peu dans leurs chimères quoi. Le côté un peu « bling-bling », un peu « on veut en être », tu vois. Le danger après, en tout cas dans le film, c’est la réalisation de soimême, de devenir un homme. Parce que tous autant qu’on est, on fait partie de la même génération, et on évolue un peu dans la même mouvance.
Il n’y a pas vraiment de concept, la définition est abstraite. C’est un peu l’envie d’en être et de briller, tu vois, de rester « in » et dans le « mouv’.» C’est ce truc un peu plat, un peu Maintenant t’as le droit de t’amuser dans la vie, mais je dis simplement : si c’est que ça « fake. » Le meilleur révélateur reste les réseaux sociaux, tu te rends compte que t’as un ta vie, t’es entrain de tomber dur. Maintenant, si tu te dis je prends le temps de faire ça, peu envie d’être la star de ton petit monde : tu racontes tes vacances, tu mets une photo et quand tu rentres chez toi, tu prends conscience que tu t’es bien amusé mais qu’il y a sous le soleil de Cuba. Mais on s’en bat les couilles en fait de ta life, si tu kiffes bah kiffe la vraie vie qui t’attends, c’est bon tu as compris. T’es tranquille, tu restes quand même 46 connecté aux vraies choses. pour de vrai, pas besoin de le montrer.
Trouves-tu qu’il y a une perte des valeurs ?
Dans le travail sur les personnages, il y a une véritable admiration pour chacun d’entre eux.
Je ne sais pas, je ne veux pas passer pour un réac’ (rires). Peut-être pas une perte de valeurs, j’en sais rien. Je dis simplement qu’il ne faut pas perdre de vue les vraies choses de la vie. Je ne peux pas dire le contraire, aujourd’hui je viens d’avoir ma première fille. À un moment, je crois que quand tu viens sur Terre t’as un passage où tu vis, tu comprends des choses, et puis t’as envie d’avoir une famille, c’est tout.
C’est un peu l’univers dans lequel je baigne. C’est ce qui est ouf car même quand on a accès à de grands trucs tu restes toujours connecté à la rue : « Putain… Ouais t’as vu ce serait pas mal que tu mettes mon T-shirt en promo », « Bah laisse-moi ton numéro je t’appelle » (rires). Des trucs embarrassants quoi. Mais en même temps j’ai beaucoup de respect pour ça car être auto-entrepreneur c’est une démarche où tu mets tes couilles sur la table hein. Ce n’est pas évident.
Après chacun sa trajectoire, ce n’est pas parce que j’ai une fille que je vais m’arrêter d’écouter Kaaris, tu vois. Au contraire, elle écoutera avec moi et elle fera la part des choses et puis tout va bien. Je ne vais pas m’arrêter de porter des Vans et mettre un pull à col roulé et devenir méprisant : « Les jeunes vous êtes des cons. » J’ai horreur de ça, je dis simplement qu’il y a un vrai travail éducatif à faire. Il ne faut pas perdre le nord.
Moi je suis plus animé par un esprit de revanche, après je pense que j’ai un feu intérieur. Ce sont mes origines, ma mère pourrait mieux t’expliquer que moi, on a une folie chez nous. On est suicidaire, mais ce n’est pas très grave (rires). Le truc, c’est que si des mecs comme moi cultivent le stéréotype alors que t’as la chance de faire du cinéma, de faire un film, bah j’ai envie de te dire : « Reste chez toi. » Moi je suis de Maisons-Alfort, ce serait horrible de faire ça et de voir le regard des gens qui se disent : « C’est quoi ton délire ? Pourquoi tu fais ca ? Je comprends pas. ». Ce n’est pas une revanche, c’est juste l’idée de faire les choses bien. Tu peux faire des comédies, tu peux faire tout un tas de film, mais ne déshonore pas les gens.
CE N’EST PAS PARCE QUE J’AI UNE FILLE QUE JE VAIS M’ARRÊTER D’ÉCOUTER KAARIS.
QUAND TU VOIS DES SALOPERIES COMME LES SELFIES, LÀ TU SAIS QU’ON ATOUCHÉ LE FOND DU FOND…
Dans Fast Life, il y a l’envie de tomber juste dans les codes de la rue, de ne pas se tromper, non ? Merci, c’est gentil de me dire ça. Je ne peux pas crier que je viens de la rue, parce que ce serait un mensonge. Je suis issu d’un quartier populaire, mais effectivement il y a des codes que je connais et qui me font rire. Fast Life, c’est une comédie, c’est vrai qu’on parle très gravement depuis tout à l’heure et ça commence à bien faire. Il va falloir qu’on se détende un peu. C’est vrai que moi j’ai toujours le plaisir de me faire arrêter dans la rue par des gens qui aiment mon travail. Ils sentent qu’on a une volonté un peu commune. Cette culture, ce patrimoine, je n’ai pas envie de les trahir, je n’ai pas envie de leurs faire honte. Donc forcément s’il y a des codes que je connais, je vais essayer de les retranscrire avec justesse.
Propos recueillis par @Julien_Bihan - Photos : H Lenie
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CLÉOPÂTRE Le quotidien, c’est ce qui nous prend le plus de temps et c’est ce dont on se souvient le moins. On passe des années entières à orienter notre voile autour de ce souffle sans saveur. De temps à autre, il faut le reconnaître, la Grâce nous envoie un signe de son incontestable existence. Et quand la Grâce a posé son boule en face de moi dans le métro, je me suis improvisé comportementaliste pour qu’on se marre tous ensemble.
Nous sommes un mercredi soir du mois de mai 2014... Un mercredi soir a priori fait dans le même moule que tous les autres mercredis soir. Je me rends à un match de foot en métro et j’ai le style qui va avec : dégueulasse. Du sportswear saumâtre et un sac de sport arôme chien mouillé. La ligne 1 m’emmène jusqu’à Pont-de-Neuilly parce qu’on a un match sur l’île de Puteaux. Vous devez vous en foutre, mais ma formation littéraire m’impose quelques lignes dévolues à l’exposition du récit. Les stations des beaux quartiers défilent comme de bons écoliers avec de bons bulletins scolaires. Avachi, j’écoute ma zique avec une gueule que je suppute inexpressive. Et soudainement... Elle s’assied en face de moi. Flaubert a décrit ainsi ce phénomène : « Ce fut comme une apparition. » Dans l’Éducation sentimentale, Frédéric est ébloui par Mme Arnoux tant et si bien que ses « épaules » fléchissent quand il la voit. Pour ma part, j’écoute beaucoup trop de rap de caillera pour manifester mon trouble comme un vulgaire boloss du XIXe siècle. Mais je la zieute grave quand même, mon scanner oculaire s’active sans un bruit. Des vêtements sans prétention recouvraient son corps menu, un sac en cuir noir était coincé entre son bras et son flanc. Une allure décente sans froufrous ostentatoires. Mais ses traits... ses traits étaient incroyables. Des ouvriers spécialisés avaient dû être convoqués pour en confectionner chaque élément. C’était stupéfiant de finesse dans l’ouvrage. Quand elle s’est assise, j’ai bien cru qu’un orchestre philharmonique allait accompagner la manœuvre. Des cheveux noirs implacables défendaient farouchement la beauté qui régnait en dictateur sur son visage. Sa peau caramélisée et son nez d’impératrice faisaient pencher la balance de ses origines vers l’Égypte plutôt que le Finistère, mais allez savoir… Il y avait quelque chose d’intolérable dans son rayonnement, quelque chose qu’elle devra payer plus tard, peut-être dans une autre vie… en se faisant réincarner en poulpe des profondeurs ou en cafard de décharge. Il est parfois plus facile de décrire les choses et les gens par leur exact opposé. En ce cas, la jeune fille en face de moi, que je nommerai dorénavant Cléopâtre, est le contraire de Christine Boutin.
Dans un cas comme celui-ci, que tout un chacun a déjà vécu, nous nous comportons de manière assez drôle et souvent similaire. Il y a plusieurs étapes :
Attitude 1. Le Tout Pour Le Tout, dit le « Nique Sa Mère ». On continue dans le Scotchage pour bien signifier notre pâmoison et on essaye ostensiblement d’attirer l’attention pour pouvoir placer un sourire ravageur.
~ 1-LE SCOTCHAGE Bah ouais... On fixe l’objet du désir malgré soi. L’émotion nous submerge et annihile toute activité pendant quelques secondes. Je regarde Cléopâtre comme une Gitane regarderait un iPhone sans surveillance. ~ 2-LE DÉSCOTCHAGE Forcément, quand on mate salement quelqu’un sans y réfléchir, on finit par se réveiller au bout de trois secondes. Et on se sent un peu con, trahi par son émoi. C’est là qu’on Déscotche. Ce que je fais, même si mon slip tremble sur ses fondations. Après ces deux premiers steps, ça devient coton, la bagarre cérébrale s’amorce... Autant le Scotchage et le Déscotchage sont deux étapes communes à l’ensemble de l’humanité (si l’on fait exception des psychopathes et des retardés mentaux qui ne vont opérer qu’une très longue et unique période de scotch avant d’agresser physiquement le sujet), autant la troisième offre plusieurs attitudes possibles :
Attitude 2. La Feinte. On feint le Déscotchage total, soit en détournant le regard sur un bon bouquin (la technique dite N’Diaye) pour suggérer un QI élevé et une sensibilité délicate, soit en jouant la carte de la décontraction genre « t’es-super-opéet-on-boxe-dans-la-même-catégorie. » Attitude 3. Le Pot-Pourri, c’est un mix de l’attitude 1 & 2. Elle est très subtile et demande une concentration optimale. Elle se fonde sur une technique de chasse opportuniste et raffinée puisqu’on attend le moment idoine pour se révéler sans pour autant choufer comme un gros porc. Attitude 4. La Jean-Claude Dus ou Totale Lose. On Déscotche à fond parce qu’on n’attend plus rien de la vie, puisque ça fait pas vraiment un an mais quand même treize mois qu’on n’a pas baisé, et donc ce serait vachement étonnant qu’on parvienne à séduire cette beubom avec notre gueule d’antidépresseur. Je ne réfléchis pas longtemps et choisis l’attitude la plus risquée et la plus noble : le Pot-Pourri. La Jean-Claude Dus me tente un peu, mais je décide d’élever mon niveau de jeu. ~
3 - L E P O T- P O U R R I Flaubert m’aurait sans doute immortalisé comme il le fit pour Frédéric face à Mme Arnoux : « Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elle fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites. » Ma « curiosité douloureuse » habite mon faciès, mais « le désir de la possession physique » ne disparaît pas du tout puisque mes yeux lancent clairement des bites... Bites que ma muse ne voit pas du tout parce qu’elle commence à chercher fiévreusement son portable. Son inquiétude est évidente, elle fourrage dans sa besace en retournant le contenu par saccades. Une panique graduelle modifie son architecture faciale sans en altérer l’harmonie. Puis, soupirant de soulagement, elle le retrouve. Je lui lance alors un regard-sourire que j’espère complice, plein d’une secrète connivence. Mais je dois, en toute équité sociologique, ausculter le point de vue du contemplé, qui est beaucoup plus simple à dépiauter au demeurant : soit il/elle s’en bat les couilles, soit il/elle te trouve à son goût. Cléopâtre s’en bat clairement les couilles. Elle n’attrape pas mon sourire comme la promesse d’un mariage paisible, elle 48 n’attrape rien, d’ailleurs. Mais elle sait, oh
oui, elle sait... elle sent le poids du pénible en plein Pot-Pourri. Et pourtant, les six stations suivantes, elle ne se départira pas de son joli dédain. Pont-de-Neuilly. Je quitte la rame avant elle et adopte le Déscotchage qui drape ma sortie d’une toge de dignité. Je quitte sa vie, elle quitte la mienne, le tunnel du métro avale son indifférence. Je rejoins mon équipe sans rien dire, de peur qu’en sortant de ma bouche mes mots ne fassent sortir son visage de mes yeux. Et puis je joue au foot. Et je fais un sombrero sur mon défenseur. Et je décoche une frappe de 30 mètres qui nous fait gagner le match. Que la Grâce échût en face de moi dans le métro puis sur mon pied droit mycosé, c’était inespéré. ~ P.S. Si, à tout hasard, Cléopâtre se reconnaissait dans cette anecdote rigoureusement authentique, je lui offre l’Éducation sentimentale, un week-end pour une personne dans mon appartement et un menu Royal Deluxe. ~
Texte de Bardamu,
Illustration de Lazy Youg
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une nouvelle puissance. Elles deviennent dominatrices, guerrières, générales d’armée. Grandes, sculpturales et toutes… occidentales. Ses œuvres, son influence se propagent. Certains, comme Thierry Mugler, s’en inspire ouvertement dans la mise en scène de super modèles robotisés. « Ses images ne provoquent pas simplement d’incroyables sensations, elles se fondent aussi dans un unique hommage à la vie. Avec une liberté joyeuse, il métamorphose la peur et la joie, la souffrance et le plaisir, la répulsion et l’attraction, le passé et le futur, l’organique et le volatil », déclarait le couturier au sujet de l’artiste. D’autres, comme le réalisateur Stuart Gordon, trépignent à l’idée de collaborer avec lui. Ce qu’il fera en 1996 pour le film Space Truckers, dont Sorayama signera la création des robots.
S A C R É S TA B O U S Dès lors, Hajime Sorayama s’enfonce de plus en plus profondément dans les tabous du sexe, y découvre une imagerie inexploitée car, pour beaucoup, moralement inexploitable. Sadomasochisme, bondage, masturbation, soumission... Dans ces images de femmes ligotées, saucissonnées, prisonnières de latex, il voit paradoxalement une femme sacrée, devenant fétiche dans le bondage. « Si ces figures paraissent comiques, ça n’est pas en accord avec mon idée de la beauté. Le SM, cette violence est utilisée strictement pour souligner l’érotisme que j’ai commencé avec les Gynoids, et ça n’a rien à voir avec mes goûts personnels dans la vraie vie », expliquait-il en 1993 dans la première édition du recueil The Gynoids. Une tendance passée qui se confirme dans le présent puisqu’il nous déclare : « Les images sur lesquelles je travaille actuellement sont d’un masochisme extrême ! Elles m’ont été commandées par une femme. Le concept est le suicide par pendaison, la décomposition du corps puis sa momification. À rendre fou. » Morbide, dans sa forme la plus esthétique. « Si c’est nécessaire, je n’hésite pas à exagérer certaines parties du corps, à forcer les traits un peu méchants. Mais cela doit être fait de manière élégante. » Toujours sur la corde raide, entre plaisir et souffrance, extrême beauté et voyeurisme salace.
H A J I M E S O R AYA M A EROS MODERNE Il se joue des tabous, rejette le sexy prémâché. Aime la femme, la désire et la dépeint dans des atours irréels au réalisme troublant. Hajime Sorayama est le seul général d’une armée de cyborgs à la cuisse légère. À l’heure du retour à l’érotisme sensuel, portrait-rencontre avec l’homme du sexy inoxydable.
Érotisme. Le mot est doux comme la promesse du désir qu’il suggère. Aussi léger et rose que son voisin hardcore semble brut et sans complexe. Une fraîcheur qui parle au plus grand nombre, puisque l’érotisme, ancestrale machine à fantasmes, revient de plus belle frotter sa peau douce contre les corps échauffés d’une jeune génération d’esprits créatifs. Un petit raout médiatique, tel le baume coquin qui apaisera les horreurs du fastporn Internet. Car si la plupart d’entre nous ont grandi dans un univers sexuel au champ lexical aussi riche que « Horny Babes Doggystyled » ou « Threesome Ebony Fuck », fort heureusement beaucoup ont aussi appris le désir en fouinant en douce dans les VHS de papa et sa bibliothèque old school. Que trouvait-on ? Des condensés d’Alberto Vargas ou de Gil Elvgren, des Manara, des Crepax… La femme, ses courbes plantureuses, sa peau abricot, ses dessous voilés et ses poses langoureuses. La pin-up, où « femme à épingler », dit tout de sa promesse d’inaccessibilité et de son invitation au voyage coquin. C’est léger, frais, diablement émoustillant et la base de tout. Mais en passant sur les dessins surannés faits de sourires mutins, en fouillant bien, on ne pouvait échapper au réel ovni du rayonnage : Sorayama. Hajime Sorayama, maître japonais incontesté de la femme au sexy brûlant, intersidéral. Créateur d’une pin-up renouvelée, ultrasexualisée, proche du porno stylisé, une légende de l’hyperréalisme aux délires SF et SM joyeusement assumés. Petite fiche de révision en présence de l’artiste, pour ceux à qui il manquerait la case Sexy Robots à l’hypothalamus.
Que pouvait donc nous répondre le maître quant à l’émergence actuelle de l’érotisme naturelle, ces corps capturés dans des lumières crues, ces positions disgracieuses, la spontanéité non retouchée et essentiellement menée par des femmes ? « Mon cœur n’est pas du tout sensible à ces images, ainsi mon goût pour l’érotisme n’en souffre pas du tout. » Nostalgique du temps pin-up, M.Sorayama ? « Politiquement parlant, je devrais répondre oui, mais les corps sublimés répondaient aussi à une demande de l’époque. Aujourd’hui, les artistes doivent aller de l’avant avec une croyance, celle d’être en accord avec un ou quelques marchés diversifiés. C’est le seul moyen de ne pas avoir de regret avant de mourir. »
H E AV Y M E TA L 1972, un jeune illustrateur japonais quitte son poste en agence de publicité et ses dessins d’avions métallisés pour se lancer en freelance à Tokyo. Il a 25 ans. Six années plus tard, son premier robot voit le jour, fer de lance d’une collection d’œuvres qui le rendra mondialement connu. Sexy Robots, essence même de l’art de l’artiste, est une série de pinup-robots peintes à l’aérographe, rendues humaines par leurs poses souples, aguicheuses, et leur réalisme presque photographique. Femmes d’acier inoxydable, aux « visages » casqués, aux articulations soudées, nues ou chichement habillées, placées dans des situations de la vraie vie humaine, les Sexy Robots ont une anatomie à la féminité dépassant la science-fiction dont ils proviennent. Sorayama, en futur grand maître, sort la pin-up du réel en créant de l’extrêmement chaud sur une froideur hors pair. Dès lors, le monde découvre un jeune homme dont la passion pour le corps féminin donnera naissance à une imagerie faite de sublimes simples et d’extrêmes toujours magnifiés. « C’est basique, les hommes sont des chasseurs de sexe, les femmes, elles, n’ont plus qu’à choisir. Tous deux sont complètement différents dans le corps et l’esprit. N’avoir aucun enthousiasme pour le sexe opposé serait immature ou fou. Ou bien c’est qu’on est homosexuel ou impuissant. Par conséquent, il n’y a que des hommes lubriques. Je suis un homme, je dois donc être fasciné par les femmes », explique M. Sorayama, aujourd’hui âgé de 67 ans, à YARD Paper. Mais, très vite, les pin-up dans leur forme stéréotypée le limitent. Il veut aller plus loin dans l’exploration et crée encore un nouvel être, les Gynoids : femmes-cyborgs faites de chair et de métal. Un terme qu’il emprunte à l’écrivaine de science-fiction anglaise Gwyneth Jones, dérivé du mot « androïde », qualifiant le robot doté d’attributs mâles. Un contraste entre matière organique et matière inanimée qui plaît à l’artiste. Il y voit l’association parfaite entre des courbes de corps sublimées et la réalité de visages expressifs. Dès lors, ses femmes prennent
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