ZOOM ACTU
ÉDITO Mère nature
Le premier numéro de l’année 2025 est placé sous le signe de la nature à travers plusieurs articles qui mettent en évidence sa puissance et sa force d’attraction. Sa puissance, tout d’abord, avec un reportage exceptionnel réalisé par notre photographe, Eric Rechsteiner, qui s’est rendu une nouvelle fois dans la péninsule de Noto pour rencontrer les habitants que nous avions déjà interviewés l’an passé après le terrible séisme du 1er janvier 2024. Sa force d’attraction, ensuite, parce qu’elle constitue un sujet d’intérêt pour de nombreux auteurs de mangas et qu’elle nous offre de magnifiques lieux où l’on peut se perdre avec délectation. Comme toujours, Zoom Japon tente de vous offrir un regard varié et différent sur l’archipel. Profitez-en.
La rédaction courrier@zoomjapon.info
3,4
millions de personnes ont visité le Japon en décembre 2024, un record absolu pour un mois donné. Ce chiffre est en adéquation avec les 36,87 millions de touristes accueillis dans l'archipel l'année écoulée. Un record puisqu'il s'agit d'une augmentation de 47,1 % par rapport à 2023, celui-ci dépassant les 33,4 millions de visiteurs qui s'étaient rendus dans le pays en 2019 avant la crise sanitaire.
L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER
Gare de Nanao, préfecture d'Ishikawa
Comme l'illustre ce train en gare de Nanao qui fait la promotion de la série animée Hanasaku Iroha, les héros de la culture populaire ont aussi envahi l'univers ferroviaire. Cela permet à la fois d'attirer une clientèle de fans et d'associer les personnages présentés à la région. Dans certaines préfectures qui abritent des musées dédiés à des mangakas, il n'est pas rare que des trains soient à l'effigie des héros créés par l'artiste local. C'est le cas par exemple dans la préfecture de Miyagi avec IshInomorI Shôtarô (voir pp. 13-15) ou dans celle de Tottori avec mIzukI Shigeru.
SCIENCE Les risques d'un séisme géant
La probabilité d'un “méga-séisme” au cours des 30 prochaines années a légèrement augmenté, avec un risque se situant entre 75 et 82 % de chances qu'il se produise. Selon les experts, une telle secousse pourrait avoir une magnitude dévastatrice de 8 à 9, déclencher des tsunamis, tuer plusieurs centaines de milliers de personnes et causer des milliards de dollars de dégâts.
ÉCONOMIE Un regain de croissance en 2025
L'économie japonaise devrait croître de plus de 1 % au cours de l'année fiscale 2025 qui commencera le 1er avril. Les économistes estiment que les augmentations de salaires donneront un coup de fouet aux dépenses de consommation. Ils prévoient une croissance réelle moyenne de 1,1 %. Cette prévision est plus optimiste que celle de 2024, qui était de 0,4 %.
Année dramatique à Noto
Nous leur avions fait une promesse. Zoom Japon est retourné voir les habitants de la péninsule.
La ligne de train Nanao, endommagée par le violent séisme de magnitude 7,6 qui a dévasté la péninsule de Noto le 1er janvier 2024, a repris du service. Opérée par les Chemins de Fer de Noto, elle longe la côte découpée jusqu’à Anamizu et traverse de pittoresques paysages recouverts d’une fine couche de neige. Vue du train, la région semble inhabitée, seules les bâches bleues en plastique qui recouvrent de nombreux toits et pierres tombales rappellent qu’une catastrophe s’est produite. Puis, à mesure que l’on pénètre dans la péninsule, des quartiers rectilignes de petites maisons préfabriquées apparaissent, ce sont des hébergements provisoires
bâtis à la hâte pour les rescapés du tremblement de terre qui a fait près de 500 victimes. Après le train, seule la route permet d’atteindre le fin fond des vallées de l’Oku-Noto. Alors que la région souffrait du manque de neige l’année dernière, c’est le trop plein cette année, d’une neige étonnamment lourde et humide, au point que les arbres s’écroulent sous son poids. La famille de Shûden Katsuyoshi, 71 ans, riziculteur dans le village de Tôme, qui s’était retrouvée terrifiée par les violentes secousses de janvier (voir Zoom Japon n°139, avril 2024), n’a pas osé se réunir cette année dans la grande demeure familiale. L’année a donc débuté avec des fêtes du Nouvel an réduites au strict minimum, seul son fils aîné est venu passer une nuit dans la ferme centenaire.
A Tôme, le riz est cultivé depuis les temps anciens dans des rizières en terrasses, bâties
au fond des vallées, en utilisant l’eau qui jaillit des montagnes (voir Zoom Japon n°114, octobre 2021). Les importants dégâts causés dans les rizières par le tremblement de terre de janvier 2024 avait, dans un premier temps, donné l’impression aux agriculteurs qu’il serait impossible de planter au printemps suivant mais, grâce au soutien de nombreux volontaires et au temps clément, ils avaient pu surmonter cette épreuve. Cependant, alors que le riz était juste sur le point d’être récolté, les pluies torrentielles des 21 et 22 septembre ont à nouveau provoqué des glissements de terrains, plus importants encore, qui ont enseveli les rizières en terrasses sous des montagnes de terre, de sable et de pierres.
Au moment où les riziculteurs semblaient enfin pouvoir se remettre du séisme, ces pluies diluviennes les ont pris au dépourvu. Les sols
ZOOM ACTU
fragilisés par les secousses sismiques ont en effet cédé sous les trombes d’eau, il est tombé entre le 21 et le 22 septembre 500 mm de pluie. Alors que six mois avaient suffit pour réparer les dé gâts causés par le tremblement de terre, il faudra au moins entre deux et trois ans pour remettre en état les rizières englouties par des torrents d’arbres, de pierres et de sable. Les habitants de cette région au climat rude, pourtant résistants de nature, sont gagnés par le désespoir. Il n’y a aucune chance que les rizières puissent être re construites rapidement, ni qu’il soit possible d’y planter du riz. Le village de Tôme, et ses rizicul teurs sans rizières, risquent donc la disparition de ce qui a été leur fonction première, et leur raison d’être depuis des siècles, la culture du riz. Shûden Katsuyoshi n’a pas été épargné, 85 de ses rizières ont été détruites. “Mais, expliquet-il, ce sont les personnes dont la maison a été dévastée qui sont les plus affectées, elles n’ont pas la force de reconstruire ou de s’engager dans la re mise en état des parties communes du village et se replient sur elles-mêmes.” La population de Tôme est en forte chute, sur 70 familles présentes avant les deux catastrophes, seules 45 demeurent. Certaines personnes patientent dans des logements provisoires, d’autres sont parties en maison de retraite, d’autres encore ont rejoint leur famille en ville. Un tiers des riziculteurs de cette petite communauté a déjà pris la lourde décision d’abandonner leur travail.
Ainsi Hoshiba Ieyoshi, 80 ans, un âge raisonnable pour la retraite, même au Japon, aurait bien aimé poursuivre son activité, mais il a dû renoncer. Sa maison a été très endommagée par le séisme, puis ses rizières détruites par les pluies diluviennes et les glissements de terrains qu’elles
ont provoqués. Hébergé avec son épouse dans un logement provisoire, il résiste aux appels de sa famille de rejoindre la ville, Kanazawa, le chef-lieu de la préfecture d’Ishikawa, et aimerait pouvoir continuer à vivre dans le village. “Les inondations ont été pires que le séisme”, affirme-t-il sans hésiter. “Les tremblements de terre, on a l’habitude à Noto, mais de telles pluies, on ne pensait pas que cela pourrait arriver ici.” Si les critiques fusent parfois quant à l’action des pouvoirs publics, notamment les priorités de la reconstruction, tous s’accordent pour louer l’élan de solidarité de la société civile. Pas moins d’une dizaine de groupes de volontaires
se sont succédés à Tôme. Des groupes religieux, bouddhistes comme le taïwanais Tzu Chi, ou la religion japonaise Tenrikyô mais aussi chrétiens. Ou encore des volontaires d’Ôsaka venus prêter main-forte pour réparer les rizières, et des étudiants de l’université de Kanazawa venus porter soins aux rescapés.
Les problèmes de ce petit village de Noto sont ceux d’une grande partie des zones rurales du Japon : vieillissement de la population, exode rural, isolement, désintérêt des jeunes pour le travail agricole. Ces sujets sont connus de longue date, mais les deux catastrophes naturelles les ont fortement amplifiés.
A défaut de jeunes désireux de s’installer dans cette région reculée, les villageois espèrent au moins attirer les gens de passage. Et comme il n’y a plus de lieu d’hébergement disponible, il a été détruit par le séisme, ils envisagent de réhabiliter le temple Gyônen et son kuri, le bâtiment adjacent au hall principal, autrefois utilisé comme résidence pour le moine supérieur, afin d’y créer une maison d’hôte pour les visiteurs. La grande bâtisse classée, et construite il y a plus de deux siècles, nécessite d’importants travaux de rénovation. Il a donc été décidé de lancer un appel au financement participatif afin de tenter de réunir les quelque 300 000 euros nécessaires à la réhabilitation complète du bâtiment. Ne pouvant plus produire de riz, les agriculteurs de Tôme se sont lancés dans ce projet comme celui de la dernière chance. Le texte d’appel aux contributions financières explique ainsi : “Symbole du rétablissement après la double catastrophe, nous aimerions poursuivre dans l’esprit de nos prédécesseurs, qui avaient autrefois renforcé les liens de la communauté en reconstruisant le temple Gyônen, en faisant revivre son annexe et en créant un lieu d’échange avec de nombreuses personnes et une lumière d’espoir pour les habitants de la région.”
A Wajima, capitale de la laque et principale ville de la péninsule, souffle un vent violent et glacial qui rend la marche difficile, les rues sont désertées, de nombreuses enseignes sont fermées depuis le séisme et ne rouvriront probablement jamais. Malgré les efforts de nettoyage des autorités, les traces du tremblement de terre sont encore visibles à chaque coin de rue. Certaines maisons ont été déblayées aux frais de l’Etat d’autres, bancales ou éventrées, attendent encore
leur sort. Les très fortes crues de septembre ont fait une dizaine de victimes dans la commune et neuf complexes d’hébergement temporaire pour les rescapés du tremblement de terre ont été inondés au-dessus du niveau du sol ; de nombreuses personnes évacuées à la suite du séisme ont été forcées de se réfugier dans d’autres abris. Hamaguchi Yukio, 73 ans, professeur d’histoire de l’art à la retraite, que Zoom Japon avait rencontré il y a un an alors qu’il photographiait méthodiquement les restes calcinés du marché de Wajima (voir Zoom Japon n°139, avril 2024), s’estime très chanceux. Sa maison avait certes été endommagée par le séisme, mais beaucoup moins que celles, entièrement détruites, de ses voisins, et surtout il a pu emménager dans une nouvelle demeure plus vaste et solide que la précédente. “Je suis bien conscient de ma chance mais n’oublie pas un seul instant le malheur des autres”, confie-t-il. Les chiffres sont cruels pour Wajima. 40 % de la population, environ 2 000 familles, a déjà quitté la ville et l’exode risque de se poursuivre. Les crues, dans une ville qui se remettait à peine des blessures du séisme, semblent avoir porté le coup de grâce. Les habitants de Wajima ont certes envie de reconstruire le fameux marché emporté par les flammes, et faire ainsi revivre une tradition millénaire, mais ils n’ont pas encore réussi à s’entendre sur la nouvelle forme qu’il devrait prendre.
Comme le site du marché, dont Hamaguchi Yukio a accumulé des milliers de clichés, a été entièrement déblayé, il pointe désormais son appareil vers les nombreuses bâches de plastique bleues disposées sur les toits et murs endommagés de son voisinage, un quartier dont la plupart des maisons sont à terre. Il les photographie sous
hamaguchi Yukio et les bâches bleues de l'espoir.
tous les angles pour une raison bien simple : “On ne met pas une bâche sur un bâtiment que l’on a l’intention d’abandonner”, explique-t-il. “Elles sont donc un signe d’espoir !”
Eric rEchstEinEr
Financement participatif
Si vous souhaitez soutenir le projet des habitants de Tôme visant à réhabiliter l’un des bâtiments du temple Gyônen pour en faire un lieu d’accueil des visiteurs, vous pouvez faire un don en suivant ce lien : https://readyfor.jp/projects/148425?sns_ share_token=34b8eb1fcaeea4ba9fa6.
Manga et nature, le bon trait
Parmi les nombreux mangas où il est question de la nature, ceux consacrés à la pêche figurent en bonne place.
Dans le monde de la bande dessinée japonaise, les éditeurs, toujours très occupés, sont constamment à la recherche de sujets intéressants à transformer en best-sellers potentiels. Tous les sujets sont bons à prendre, et la nature ne fait pas exception à la règle. Au cœur des préoccupations des Japonais, elle est devenue une thématique importante pour les mangakas qui ont multiplié les œuvres s’intéressant à cette problématique. Dans un pays où on ne compte plus le nombre de personnes qui aiment taquiner le goujon (voir Zoom Japon n°142, juillet-août 2024), la pêche est depuis longtemps un sujet de prédilection pour les mangas. Les années 1970 sont considé-
rées comme l’âge d’or des mangas de pêche, tandis que, plus récemment, de nombreuses nouvelles bandes dessinées ont fait leur apparition dans les rayons des librairies. La liste suivante n’est qu’une petite sélection d’anciennes et de nouvelles bandes dessinées sur la pêche, présentées par ordre chronologique.
Tsurikichi Sanpei (1973-1983, 2001-2010, 2018-2020)
Connu sous le nom de Paul le pêcheur en France, ce n’est pas seulement le parrain des bandes dessinées sur la pêche, mais aussi le plus accompli d’un point de vue artistique. L’auteur Yaguchi
Takao (voir Zoom Japon n°137, février 2024) était un artiste qui a magnifiquement dépeint les décors naturels de ses histoires. La première publication de ce manga dans le magazine Shônen Jump connut un tel succès qu’elle déclencha un essor de la pêche dans tout le pays dans les
années 1970 et 1980.
Le protagoniste, un garçon nommé Mihira Sanpei, est un génie de la pêche. Son grand-père était un maître fabricant de cannes à pêche. L’histoire tourne autour de son inépuisable soif de pêche. Ses premières aventures se déroulent dans la région du Tôhoku, c’est-à-dire le nordest de l’archipel, où Sanpei vit ( Yaguchi était lui-même originaire de la préfecture d’Akita et ses souvenirs d’enfance constituent la base de ses premières histoires), mais par la suite, il entraîne les lecteurs dans tout le Japon, des zones humides de Kushiro à Hokkaidô (voir Zoom Japon n°78, mars 2018), où Sanpei essaie d’attraper un poisson mythique, aux battures de la mer d’Ariake à Kyûshû, où il attrape des mudskippers sur un traîneau de boue. Sanpei se rend même au Canada et à Hawaï pour pêcher de gros poissons comme le saumon et le marlin. Comme Sanpei met constamment à l’épreuve
ses talents de pêcheur, il voyage dans tout le pays pour affronter des poissons étranges et légendaires. L’une des histoires les plus populaires l’oppose au takitarô, un poisson géant qui vivrait dans l’étang d’Otoriike, dans la préfecture de Yamagata, mais que personne n’a jamais réussi à attraper. Le takitarô est en fait classé parmi les animaux mystérieux non identifiés, ce qui signifie qu’il pourrait appartenir au domaine de la fantaisie. Tsurikichi Sanpei a la particularité de comporter un “Yaguchi Fishing Corner” dans lequel l’auteur lui-même commente le contenu de son œuvre et explique les détails techniques des aventures de pêche de Sanpei.
Tsuribaka nisshi (1979-aujourd’hui) “Le Journal d’un dingue de pêche”, si l’on traduit littéralement son titre, est l’autre best-seller de longue date dans le domaine de la pêche et, contrairement à Tsurikichi Sanpei, il est toujours publié en série dans le magazine Big Comic Original. Fruit du travail de Yamazaki Jûzô (scénario) et Kitami Ken’ichi (dessins), ce manga a même transcendé le monde de la bande dessinée et le fandom de la pêche puisqu’il a été transformé en une série de films populaires qui a duré 22 épisodes entre 1988 et 2009 dont le scénario a été écrit par Yamada Yôji (voir Zoom Japon n°49, avril 2015).
Hamasaki Densuke, également connu sous le nom de Hama-chan, est un salarié ordinaire qui n’a aucune ambition professionnelle. Sa femme le pousse à se lancer dans un hobby pour impressionner son patron et progresser. Il se met donc à la pêche à contrecœur… et finit par en devenir dépendant. En conséquence, il s’éloigne de plus en plus de toute idée d’avancement dans la hiérarchie de son entreprise. “Après tout, dit-il, si je suis promu, j’aurai moins de temps pour pêcher.” Un jour, Hama-chan invite un vieil homme nommé Su-san, qu’il a rencontré par hasard, à aller pêcher. Or, Su-san n’est autre que le président de l’entreprise pour laquelle travaille Hama-chan. Cette œuvre est un peu un poisson étrange dans cette sélection, car, bien que la pêche joue un rôle central, le véritable cœur de l’histoire est l’étrange amitié de Hama-chan avec Su-san et les problèmes que son fanatisme cause dans sa vie professionnelle. En effet, cette série est populaire en tant que manga décrivant le quotidien du travail autant qu’en tant que saga de pêche.
Mr. Tsuridoren (1996-2002)
Le manga de Toda Katsuyuki raconte l’histoire légère de lycéens qui sont accros à la pêche à l’achigan. Le personnage principal s’appelle Hiwa Kôichi, un lycéen de première année qui veut rejoindre le club de basket-ball de l’école, mais qui s’inscrit par erreur au club de pêche. Là, il se lie d’amitié avec Chôta, un pêcheur ex-
ZOOM DOSSIER
pert qui prend Kôichi sous son aile. Ce manga est sorti alors que la mode de la pêche à l’achigan n’était pas encore retombée et il constitue un bon point d’entrée pour les débutants. Il comporte également de nombreuses parodies de célébrités populaires à l’époque, comme Sametaku (Sameura Takuya), qui s’inspire de Kimura Takuya, membre de l'ancien groupe d’idoles ultra-cool SMAP. Une référence plus obscure est Gyôrai Misa, une pêcheuse spécialisée dans les poissons à tête de serpent, qui est en fait un hommage à Kuroi Misa, le personnage principal du manga d’horreur classique Eko Eko Azarak des années 1970 de Koga Shin’ichi. D’ailleurs, le titre du manga, Mr. Tsuridoren, est un jeu de mots entre le terme tsuri (pêche) et le groupe pop-rock populaire M. Children. Bien qu’il s’agisse d’une œuvre à forte teneur comique, Toda prend la pêche très au sérieux. Les informations sur la pêche au bar sont présentées de manière professionnelle, clairement illustrées et faciles à comprendre, même pour les débutants.
Okazu ga nakereba, sakana o tsureba ii janai (2016)
Inédit en français, “Si vous n’avez pas de plat d’accompagnement, il suffit d’attraper un poisson” est la devise de ce manga autobiographique réalisé par Morikoshi Hamu. Dessinatrice et illustratrice de mangas, Morikoshi et son mari salarié sont de parfaits débutants et l’histoire raconte leurs luttes et leurs erreurs pour devenir de bons pêcheurs. Il leur faut six mois pour attraper quelques poissons, mais ils finissent par découvrir la pêche au sabiki, une méthode relativement facile qui permet d’attraper des poissons bleus tels que les sardines et les maquereaux à l’aide de plusieurs hameçons et d’un petit panier en plastique rempli d’appâts. Ces petits poissons sont souvent capturés à partir de la digue, ce qui rend la pêche au sabiki très populaire auprès des familles et des débutants. Le style de Morikoshi a une touche kawaii qui rend ses histoires faciles à comprendre. De plus, comme le suggère le titre, ce manga va au-delà de la pêche et présente des instructions détaillées sur la façon de cuisiner des plats maison simples, comme des sashimis trempés dans des sauces aromatisées aux prunes ou au sésame. Dans d’autres épisodes, la mangaka explique comment faire face aux poissons venimeux tels que les raies, parle des merveilles du poisson-lime, un poisson agréable au toucher, et de la situation des toilettes pour les femmes sur les lieux de pêche.
Hôkago teibô nisshi (2017-aujourd’hui)
Le manga de Kosaka Yasuyuki, dont le titre
signifie Journal du brise-lames après l’école, raconte l’histoire de Tsurugi Hina, une jeune fille qui déménage de Tôkyô à la ville natale de son père dans la préfecture de Kumamoto (voir Zoom Japon n°88, mars 2019) juste avant d’entrer au lycée. Un jour, alors qu’elle se promène le long de la mer, elle rencontre une autre lycéenne, Kuroiwa Yuki, qui pêche sur le brise-lames. Après lui avoir emprunté son matériel de pêche, Hina, qui est à sa première expérience, réussit à attraper un poulpe qui atterrit sur ses jambes. Cependant, Hina souffre d’ichtyophobie (peur de toucher du poisson cru). Yuki lui retire la pieuvre, mais pas avant de lui avoir fait promettre qu’elle rejoindrait le Club du brise-lames. Celui-ci est composé de quatre membres, et le manga décrit non seulement leurs activités de pêche, mais aussi la façon dont ils manipulent et cuisinent le poisson. De la fabrication d’appâts de pêche à partir d’insectes écrasés au nettoyage d’une pieuvre, chaque épisode présente des techniques et des méthodes de cuisson pour chaque type de poisson. Au fur et à mesure que l’histoire progresse, l’éventail des activités des filles s’élargit, comme lorsqu’elles profitent de leurs vacances d’été pour aller pêcher dans les îles Gotô (voir Zoom Japon n°121, juin 2022), un archipel isolé de la préfecture de Nagasaki.
Ohitsuri-sama (2017-présent)
Kamij Seira est une employée de bureau de 24 ans qui est populaire dans son entreprise en raison de son apparence, de son éthique de travail et de sa personnalité. C’est une beauté talentueuse mais plutôt froide qui ne montre pas beaucoup d’émotions. Cependant, en dehors du bureau, c’est une fille un peu excentrique qui pense toujours à la pêche. Elle est très indépendante d’esprit et va toujours pêcher seule (le titre du manga est un jeu de mots sur tsuri (pêche) et ohitori-sama, c’est-à-dire les personnes qui aiment être seules).
Ayant grandi dans une famille où tout le monde, à l’exception de sa mère, était passionné de pêche, l’héroïne connaît ce loisir depuis son plus jeune âge. Elle est tellement douée qu’elle est enregistrée comme détentrice d’un record dans le magasin de matériel de pêche qu’elle fréquente. Comme elle préfère pêcher seule, la plupart des scènes de pêche de Seira consistent en des monologues qui se déroulent dans sa tête. Ces monologues constituent d’ailleurs l’un des points forts de l’œuvre.
Seira n’est pas du tout une pêcheuse difficile et va n’importe où pour attraper du poisson, y compris en rejoignant des couples et d’autres employés de bureau à l’étang de pêche local et en jetant des leurres dans les cours d’eau à côté des rizières - où il n’y a pas d’autres pêcheurs en vue - pour attraper des poissons-chats.
ZOOM DOSSIER
Miss Cast (2017)
Iiyama Kazuo est un mangaka qui a écrit plusieurs titres sur le thème de la pêche, et Miss Cast est un autre exemple de la récente tendance à associer la pêche à de jolies filles, ce qui est toujours un moyen sûr d’attirer l’attention des lecteurs otaku. L’héroïne de cette histoire est Mizukawa Makoto, une talento (personnalité de la télévision) de 26 ans qui est sur le point d’être renvoyée de son agence de divertissement en raison d’un manque de travail. Son manager lui trouve un emploi dans une émission de pêche, et bien qu’elle ne soit pas du tout intéressée par la pêche, elle accepte en désespoir de cause. Inutile de dire que Makoto devient peu à peu accro au plaisir de la pêche.
Au début, l’histoire tourne autour de la pêche aux leurres dans des lieux de pêche artificiellement aménagés dans des étangs et des rivières, mais après le volume 2, lorsque Makoto s’est habituée à pêcher, le champ de ses activités s’élargit considérablement. En effet, le producteur de l’émission de pêche, sentant son pouvoir de vente, envoie Makoto à travers le pays et la jette dans des lieux et des situations toujours différents, pour lesquels elle n’a absolument aucune expérience. Ainsi, Makoto se retrouve à pêcher le bar à l’aide de leurres sur le rivage et à essayer d’attraper des sébastes. Dans le troisième tome, Makoto obtient un permis de bateau et part pêcher seule.
Ce qui est amusant avec Makoto, c’est que
même si elle est accro à la pêche, elle ne cesse de répéter qu’elle préférerait faire autre chose. Associée à sa force d’esprit digne d’une célébrité, elle devient un type de protagoniste que l’on ne retrouve pas dans les autres mangas de pêche.
Tsuribito seikatsu (2017)
Encore un autre manga de pêche publié en 2017 (une année faste pour le genre), “La Vie du pêcheur”, si l’on traduit littéralement, de Satô Terushi est similaire à Okazu ga nakereba, sakana o tsureba ii janai en ce qu’il traite de la vie de pêche intense et dévorante d’un vétéran du manga.
Comme tous les dessinateurs de bandes dessinées japonais à succès, Satô mène une vie quotidienne trépidante, essayant toujours de battre la date limite hebdomadaire. Cependant, même lorsqu’il termine un nouveau manuscrit à 2 heures du matin, il saute dans sa voiture pour aller pêcher avec son éditeur tout aussi fatigué. La description authentique de la pêche se déroule principalement à Katsuyama, sur la côte de la préfecture de Chiba, où le mangaka pêche la dorade noire. Cette méthode, qui consiste à utiliser une canne à pêche courte à partir d’un radeau ou d’un petit bateau, est particulièrement populaire dans la région du Kansai (Ôsaka et sa région), tandis que dans la région du Kantô (Tôkyô et sa région), il n’y a que quelques bons endroits à Chiba et à Kanagawa. L’intérêt de Tsuribito seikatsu est qu’il relate fidèlement les aventures de Satô,
qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Alors que sa cible principale est la dorade noire, il doit souvent se contenter de maquereaux et d’autres petits poissons de ce type. Une autre fois, après être descendu du bateau, il tente d’attraper des calmars bleus sur la digue, mais il rentre bredouille et subit les moqueries impitoyables de sa famille. Bien qu’il soit facile à lire, ce manga est extrêmement riche en informations sur les techniques de pêche et les lieux de pêche de la région de Kantô. Une autre caractéristique attrayante est qu’en plus des visages familiers habituels tels que les rédacteurs et les assisva parfois pêcher avec d’autres célébrités passionnées de pêche telles que TakaYôichi, célèbre auteur d’Olive et Tom
(2018-aujourd’hui)
Uchino Maiko est celle de Hiyori et Koharu, deux filles qui sont en première année de lycée (une autre caractéristique de l’intrigue couramment utilisée pour attirer les jeunes lecteurs). Elles se rencontrent pour la première fois sur une jetée où Hiyori pêche. Koharu ne semble pas connaître grand-chose à l’océan et Hiyori l’attrape littéralement avec une ligne de pêche juste avant qu’elle ne plonge dans la mer glaciale de l’hiver. Les deux s’entendent bien et deviennent rapidement de bonnes amies, mais elles sont surprises d’apprendre qu’elles sont sur le point de devenir demi-sœurs car la mère de Hiyori va épouser le père de Koharu.
Après avoir emménagé ensemble, elles se lient autour de la pêche. Elles vivent dans une ville au bord de la mer, et Hiyori connaît particulièrement bien la pêche, car elle a toujours vécu dans la région et pêche depuis son enfance, lorsqu’elle avait l’habitude d’attraper des poissons avec son père, aujourd’hui décédé. Hiyori est spécialisée dans la pêche à la mouche (une technique de pêche qui utilise un leurre ultra-léger appelé mouche artificielle, qui imite généralement de petits invertébrés tels que des insectes volants ou aquatiques pour attirer et attraper des poissons) et enseigne à Koharu tout ce qu’elle doit savoir sur sa passion. La pêche à la mouche n’ayant rien à voir avec les appâts vivants, c’est la technique idéale pour Hiyori qui déteste les insectes. En ce sens, Slow Loop est une lecture idéale pour ceux qui veulent se lancer dans ce type de pêche.
Koharu, quant à elle, n’est peut-être pas très expérimentée mais, en revanche, elle sait manier le poisson avec expertise et est douée pour la cuisine. En cuisinant les poissons qu’elles attrapent et en les servant à leur famille, elles apprennent également à mieux connaître leurs nouveaux parents et à créer un lien plus fort avec eux. Gianni simonE
ZOOM DOSSIER
CINÉ Miyazaki ou l'approche spirituelle
Pour le célèbre mangaka et réalisateur, le regard porté sur la nature a une dimension presque religieuse.
L’œuvre de Miyazaki Hayao est souvent définie comme la quintessence du Japon, en particulier dans la façon dont il dépeint la nature (voir aussi pp. 24-27). C’est certainement vrai, même s’il faut souligner que ses mangas et ses films présentent rarement des paysages d’une beauté traditionnelle, la seule exception étant probablement Mon voisin Totoro (Tonari no Totoro, 1988). Considérons la nature dépeinte par Miyazaki dans Nausicaä de la vallée du vent (Kaze no tani no Naushika, 19821994 pour le manga et 1984 pour l’anime), Mon voisin Totoro et Princesse Mononoké (Mononoke Hime, 1997).
Dans une interview accordée à des journalistes étrangers portant sur Princesse Mononoke, l’artiste a déclaré ce qui suit concernant la façon dont la nature est représentée dans ses films : “J’ai essayé de dépeindre non pas une forêt réaliste, mais une forêt qui existe dans le cœur des Japonais, une forêt qui existe depuis des temps immémoriaux”. La forêt “dans le cœur des Japonais” (Nihonjin no kokoro no naka) fait référence à la foi religieuse du Japon. Dans le numéro d’août 1997 du magazine Seiryu, il a ajouté que “les dieux japonais ne sont ni bons ni mauvais. Parfois, le même dieu devient violent, mais montre ensuite son côté calme et bienveillant. Les Japonais ont toujours eu ce type de foi. Même si nous vivons à l’ère moderne, nous avons toujours le sentiment que quelque part, au fin fond des montagnes où nous n’avons jamais mis les pieds, il existe un endroit de rêve avec des forêts profondes, une belle verdure et de l’eau pure. (...) Il s’agit peut-être d’une sorte de primitivité, mais avant même de parler de protection de l’environnement naturel, je considère qu’il s’agit là de notre caractère national. C’est quelque chose que nous ressentons profondément dans nos cœurs”. Il est intéressant de noter que des mots tels que “montagne”, “rivière”, “plante” et “arbre” sont utilisés depuis l’Antiquité, et que les fleurs et l’herbe figurent dans de nombreux poèmes waka et haïku. Cependant, jusqu’à une date relativement récente, aucun mot n’englobait l’ensemble des éléments naturels. Ce n’est que dans la seconde moitié du XIXe siècle, après que le Japon ait mis fin à son isolement international, que le mot “shizen” apparaît pour traduire le mot étranger “nature”. Ainsi, le mot que nous tenons pour acquis aujourd’hui provient en fait d’un contexte étranger.
Par conséquent, lorsqu’on regarde un film du Studio Ghibli, il est important de garder à l’esprit que les Japonais ont une vision de la nature très différente de celle des Occidentaux. Dans la culture occidentale, la nature correspond au monde extérieur, en contraste à sa propre existence. Par conséquent, notre vision est basée sur le dualisme entre le soi et l’autre. En revanche, les Japonais ne voient pas la nature en termes duel et conflictuel. Au contraire, les humains et la nature entretiennent une relation étroite, comme s’ils faisaient partie de la même grande famille, comme l’exprime l’expression
“Terre mère”. En d’autres termes, l’approche japonaise de la nature n’est pas basée sur l’opposition, mais sur la coexistence. Plus précisément, l’homme est autorisé à vivre dans la nature. Lorsque les Européens escaladent une haute montagne et en atteignent le sommet, ils disent qu’ils l’ont conquise et plantent leur drapeau sur le sommet. En revanche, un alpiniste japonais peut remercier le dieu de la montagne d’avoir atteint le sommet sans encombre et laisser de la nourriture en guise d’offrande. C’est parce qu’ils croient que les choses ont aussi une âme. Miyazaki Hayao a également déclaré qu’il fut
un temps au Japon où les forêts avaient une signification spirituelle. À l’époque, lorsqu’on entrait dans une forêt, on ressentait une sensation mystérieuse, comme si quelqu’un nous observait par derrière, ou on entendait un son venant de quelque part. Cette présence n’était rien d’autre que le signe que la nature était vivante, une manifestation de sa vitalité. La nature est un thème central dans les œuvres de l’artiste, Nausicaä de la vallée du vent, Mon voisin Totoro et Princesse Mononoké : des cavernes souterraines couvertes de cristaux bleus (Nausicaä), une forêt belle et paisible (Totoro), l’étang divinement brillant de l’Esprit de la forêt (Princesse Mononoké). Pour lui, ces images de nature pure restent profondément ancrées dans l’âme des Japonais, quelle que soit la prospérité économique ou l’avancée scientifique de leur pays. Dans Nausicaä de la vallée du vent, la surface du monde est envahie par la mer empoison-
née par la décomposition, qui tue lentement la terre. Le poison est ce qui reste d’une immense civilisation industrielle détruite par une guerre. Au plus profond de la mer se trouve le pays de la pureté bleue, une terre magnifique dotée d’une forêt vierge, d’une eau pure et d’un air pur. Nausicaä peut être considérée comme une vierge du sanctuaire qui gouverne le Pays de la Pureté Bleue. A propos de ce monde souterrain, Miyazaki Hayao estime que “dans la partie la plus reculée de notre pays, il existe un endroit très pur où les gens ne devraient pas mettre les pieds. L’eau y coule en abondance et protège une forêt profonde”. On peut dire qu’il a senti que la sensibilité japonaise à l’égard de la nature était en train de s’effondrer, et qu’il a voulu visualiser cette idée.
Dans Princesse Mononoké, cette idée de pureté prend la forme de la forêt du Dieu Lion. Lorsqu’Ashitaka se rend pour la première fois dans la
forêt, de nombreux échos se font entendre. Ces échos transparents incarnent la “présence de la vie” ressentie par les gens à l’époque où les forêts avaient une signification spirituelle. Quand Ashitaka est mortellement blessé, il est transporté dans la forêt et immergé dans les eaux de la source. Le Dieu Lion, qui contrôle la vie et la mort, le ressuscite alors et lui insuffle une nouvelle vie. L’auteur montre clairement que le Dieu Lion a deux facettes : la vie et la mort, la création et la destruction. De la même manière, la nature apporte des bénédictions aux humains, mais provoque aussi des catastrophes. La nature elle-même ne meurt jamais, car elle est la vie même, elle a le pouvoir de se régénérer, parfois en prenant une forme différente. Alors que dans les premiers exemples, la nature est dépeinte comme un royaume irréel et onirique, Mon voisin Totoro décrit un environnement plus familier, bien qu’idéalisé, qui est devenu progressivement plus difficile à trouver. Dans cette histoire, dès le début, lorsque la famille emménage dans sa nouvelle maison, il est montré à plusieurs reprises qu’il existe un monde invisible, parallèle au monde réel.. Voyons maintenant ce qu’est Totoro. Mei rencontre la créature géante pour la première fois lorsqu’elle tombe dans un grand sanctuaire en forme d’arbre. Totoro s’assoupit et Mei s’endort sur son ventre duveteux. Plus tard, Satsuki et son père essaient en vain de retrouver le chemin emprunté par Mei. Le père de Satsuki lui dit alors qu’elle ne peut pas toujours rencontrer Totoro. Plus tard, le père de Satsuki lui dit que l’emplacement de l’arbre coïncide avec le sanctuaire Suiten et que Totoro est propriétaire de l’arbre. Totoro peut donc être considéré comme l’esprit de l’arbre.
C’est dans les rêves de Mei et Satsuki que Totoro exerce tout son pouvoir d’esprit de l’arbre. Lorsqu’elles voient les Totoro pousser des noix, elles se précipitent dans le jardin. Là, elles prient pour faire pousser les plantes, et les jeunes pousses deviennent rapidement d’immenses arbres. Les deux sœurs s’envolent alors dans le ciel dans les bras de Totoro.
Mais l’épisode ne s’arrête pas là. Lorsqu’elles se réveillent le lendemain matin, elles constatent que les noix qu’elles ont plantées la veille ont germé. Leur rêve est devenu réalité. Submergées par la joie, les deux filles courent autour du parterre de fleurs en disant : “C’est un rêve, mais ce n’était pas un rêve”. Les mots qu’elles récitent sont la clé pour comprendre la pensée de Miyazaki : la réalité et les rêves correspondent. C’est pourquoi les rêves deviennent réalité. Dans un monde où la réalité et les rêves se chevauchent, les arbres ne sont pas seulement des entités matérielles, ils ont une vie et un esprit.
G. s
TÉLÉ Ishinomori, le défenseur acharné
Très populaire au Japon, le créateur de Kamen Rider reste méconnu en France. Une biographie lui rend hommage.
Originaire du Tôhoku, le nord-est de l’archipel, à l’instar de Yaguchi Takao (voir pp. 8-10) dont il fut très proche à la fin de sa vie, Ishinomori Shôtarô a toujours entretenu un rapport singulier avec sa région natale dont il a vécu la transformation des paysages au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En effet, la nécessité de nourrir la population dans un pays largement détruit a conduit les autorités à développer des rizières au détriment des forêts et des espaces sauvages qui prévalaient alors dans cette partie de la préfecture de Miyagi où le futur mangaka est né le 25 janvier 1938.
Malgré la disparition progressive des zones forestières où il passait de nombreuses heures à jouer avec ses amis, il les a gardées en mémoire et a su les restituer dans certaines de ses œuvres, notamment Ryûjinnuma [Le marais du dieu dragon, 1961], sans doute son premier chefd’œuvre. “Même s’il n’y a pas de marais de ce nom ici, le lieu qu’il a pris pour modèle a bel et bien existé. Il n’en reste plus aucune trace, mais à l’époque, à la place des rizières actuelles, il y avait une forêt dense appelée Yachi où nous allions, avec Shôtarô, “mener des expéditions dans la jungle”. Tout autour, il y avait aussi une zone marécageuse tandis que la forêt, avec ses grands arbres qui laissaient à peine passer la lumière, avait un côté effrayant dont Shôtarô s’est souvenu pour construire son histoire dans laquelle le personnage féminin n’est autre que sa sœur”, se souvient Satô Toshiaki, ami d’enfance du dessinateur, dans la biographie que Claude Leblanc lui consacre et que les Editions IMHO publient début février. Dans cet ouvrage qui fait suite à La Révolution Garo 1945-2002 paru en 2023 chez le même éditeur, le fondateur de Zoom Japon explore la vie de l’artiste à travers notamment le prisme de ses racines, lesquelles expliquent l’importance de la place donnée à la nature dans son œuvre. Tout au long de sa carrière de mangaka au cours de laquelle il publiera 770 séries pour un total de 128 000 pages, record jamais égalé et inscrit au Guinness Book, Ishinomori Shôtarô se montrera très vigilant sur les sujets liés à l’environnement, soulignant à la fois sa propre sensibilité et sa capacité à comprendre l’importance que cette thématique représentait pour les Japonais à une époque où la nature a été malmenée au nom de la croissance économique. Lorsqu’il en-
tame sa carrière de dessinateur dans la seconde moitié des années 1950, les Japonais découvrent les conséquences tragiques de certains choix industriels comme la maladie de Minamata dont les autorités reconnaissent officiellement l’existence en mai 1956. Qualifié d’abord de “maladie étrange” (kibyô), le mal, qui a d’abord frappé les chats avant de toucher les hommes, est finalement associé à la présence de mercure dans le poisson. Celui-ci a été rejeté dans la mer par une entreprise chimique locale, contaminant quelque 15 000 personnes. A côté du traumatisme que cette affaire de pollution industrielle
a provoqué chez une partie de la population, d’autres formes de dégradation de l’environnement mobilisent les Japonais, en particulier ceux qui vivent de plus en plus nombreux dans les centres urbains.
Ishinomori Shôtarô a lui-même quitté sa région natale pour s’installer à Tôkyô pour être plus proche des maisons d’édition. En 1964, alors que la capitale s’apprête à accueillir les Jeux olympiques, le mangaka crée le personnage d’Ecchan, une petite fille un peu rêveuse qui possède des dons particuliers comme celui de parler aux êtres vivants. En lui accordant un
ZOOM DOSSIER
accent prononcé du Tôhoku, il en fait un personnage très attachant à qui il arrive tout un tas d’aventures rocambolesques et drôles, mais qui se mobilise sur des sujets de première importance comme la défense de l’environnement. Publiée dans le magazine de prépublication Margaret (Shûeisha), cette série s’adresse à un public féminin qui n’avait pas l’habitude de ce type de contenu. Dans le neuvième épisode intitulé Naiteiru no maki [Celui où l’on pleure], Ecchan explique à ses amies que le cerisier en fleurs est en train de pleurer à cause des usines, de la circulation automobile et des travaux qui ne cessent de croître. La ville gagne du terrain et les bulldozers font reculer la nature. Bien décidée à la protéger avec ses amies, elle s’en prend à un chasseur avant d’aider une grand-mère à défendre sa maison traditionnelle contre les promoteurs, jusqu’au moment où la vieille dame accepte de la vendre contre une grosse somme d’argent. Si la petite fille se venge en soufflant sur les liasses de billets qui s’envolent, l’histoire met aussi en avant la cupidité des adultes qui favorise la dégradation de l’environnement. La manière humoristique dont Ishinomori Shôtarô aborde ce sujet ne doit pourtant pas faire oublier qu’à l’époque le Japon, en particulier Tôkyô, possède une qualité de l’air extrêmement mauvaise. Sa demande en énergie ayant été multipliée par sept depuis 1955, il en résulte une pollution de l’air sans précédent
qui conduit à une multiplication des maladies respiratoires tandis que d’autres conséquences néfastes sur l’environnement se manifestent, créant un phénomène de ras-le-bol. A l’époque, la situation au Japon suscite de nombreuses réactions dans le monde où l’on n’hésite plus à parler de “débâcle environnementale”
Le mangaka, qui a pu effectuer un voyage de trois mois à l’étranger quelques mois auparavant, a peut-être pris conscience de cette anomalie. Quoi qu’il en soit, il n’est pas insensible au sujet et participe à sa manière à maintenir la pression sur les autorités qui restent obnubilées par le développement industriel et la croissance économique à deux chiffres. Résultat, les concentrations de dioxyde de soufre dans l’atmosphère passent de .015 ppm en 1960 à .060 ppm cinq ans plus tard. Face à cette dérive, les citoyens se mobilisent et finissent par obtenir du gouvernement qu’il prenne le taureau par les cornes et légifère. En août 1967, une loi sur le contrôle sur la pollution est finalement passée, mais s’avère décevante. Cela pousse une partie de la population à poursuivre ses manifestations. L’élection de Minobe Ryôkichi au poste de gouverneur de Tôkyô soutenu par le Parti socialiste et le Parti communiste en lieu et place du candidat représentant le Parti libéral démocrate, au pouvoir, oblige les gestionnaires du pays à se montrer plus ambitieux dans la lutte contre la pollution.
Les choses ne vont sans doute pas assez vite pour Ishinomori Shôtarô qui conserve un intérêt soutenu pour la défense de l’environnement. Même si les choses s’améliorent, il semble déterminé à enfoncer le clou et à rappeler à son public que ce sujet doit demeurer une priorité. Lorsque la chaîne de télévision MBS lui demande, à l’été 1970, de réfléchir à la création d’un personnage d’une série à effets spéciaux qui sera également adaptée sous forme de manga, il finit par proposer un héros masqué dont la mission consistera à combattre Shocker, une organisation maléfique qui tente de prendre le contrôle du Japon. Dans sa biographie, Claude Leblanc revient en détail sur le processus qui finit par accoucher de Kamen Rider qui porte un masque inspiré de la sauterelle. “Toutes les destructions environnementales ont été créées par l’homme au nom du progrès de la civilisation. La crise alimentaire provoquée par l’augmentation de la population a été causée par l’homme lui-même. La propagation galopante de maladies étranges provoquées par des produits chimiques. […] Nous sommes menacés par des guerres commerciales, des guerres par procuration et des guerres nucléaires. La “civilisation” coûte cher à la nature et à l’humanité. […] La civilisation est censée être la cristallisation de la merveilleuse sagesse acquise par l’humanité. Il doit en être ainsi, et les efforts pour corriger immédiatement ces erreurs relèvent aussi de la sagesse.
Ce long préambule marque une rébellion de la nature contre cette “civilisation” (représentée par la technologie) qui s’est engagée dans une mau vaise voie. C’est pour nous alerter que Kamen Rider a été créé”, assure alors le mangaka pour justifier son choix. Kamen Rider est un cyborg, un être humain augmenté, qui se rebelle contre son créateur Shocker pour défendre la planète. Il doit affronter d’autres créatures envoyées par l’organisation pour l’empêcher d’imposer sa loi. Lorsqu’il se retrouve pour la première fois devant l’une d’elles, il lui adresse le message sui vant : “Pour vaincre vos ambitions de conquête de la Terre et préserver la paix de l’humanité… Je suis Kamen Rider, le guerrier justicier envoyé par Mère Nature”.
Si l’on a fini par retenir davantage les effets spéciaux développés pour la série télévisée que le message écologique lancé par Ishinomori Shôtarô dans Kamen Rider, dont le héros de viendra au fil des années l’un des plus popu laires du pays, il convient de saluer le travail du biographe qui remet en évidence l’engagement du mangaka vis-à-vis des questions environne mentales. Le fait qu’il en fasse un personnage fragile en dépit de sa force est aussi une manière de rappeler que la nature elle-même est souvent victime de l’homme même si elle peut se mon trer parfois destructrice. Bien qu’il n’ait pas connu directement de catastrophes naturelles d’envergure, le mangaka est né cinq ans après le terrible séisme de magnitude 8,4 sur l’échelle de Richter qui a ravagé le nord-est de l’archipel, faisant plus de 3 000 morts. Il est donc parfai tement conscient de ce paradoxe et son person nage en est une sorte d’incarnation. Lorsqu’il reprend pour une dernière fois, à l’automne 1987, son personnage dans la série intitulée Kamen Rider Black, publiée dans S nen Sunday, il joue à fond cette carte et adopte une vision assez pessimiste puisque, malgré sa victoire sur le mal, le monde est détruit par la guerre nucléaire et la pollution environ nementale, principal objet du combat mené par Kamen Rider depuis sa création en 1971. Claude Leblanc montre, dans Shôtarô Ishinomori, il était une fois le roi du manga, que l’artiste défend cette approche sombre parce qu’il reste très sensible à la transformation du pays et des paysages qu’il a connus. Alors qu’il approche de la fin de sa vie, en raison d’un mal qui va le ronger, il exprime plus ouvertement son attachement à sa région natale. “Il n’est pas bon que la campagne perde son caractère rural, un caractère dont elle peut être fière. Il serait triste que les routes soient pavées partout, que les voitures aillent et viennent en crachant de l’essence, et que l’eau fraîche des ruisseaux soit remplacée par l’odeur des égouts. Chaque fois que je pense à ma ville natale, je souhaite que l’amélioration de
ZOOM DOSSIER
Kamen Rider, l'homme-sauterelle est devenu un héros incontournable de la culture populaire nippone.
la vie à la campagne apporte l’odeur de la campagne au lieu de l’odeur de la ville”, déclare-t-il en 1992 alors qu’il s’engage dans des initiatives visant à revitaliser la région qui l’a vu naître. “Je pense que ce sont les rizières, les rivières et les montagnes qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. En d’autres termes, je crois que cette sorte de sensibilité est le produit de ma région natale”, ajoutera-t-il cinq ans plus tard, quelques mois avant que la maladie ait raison de lui. Bien que sa tombe se trouve à Tôkyô, shinomori
Shôtarô a laissé derrière lui, deux musées – le premier situé à Tôme à 40 km au nord d’Ishinomaki, le second dans la cité portuaire (voir Zoom
Japon n°52, juillet 2015) – où l’on peut mesurer l’importance qu’il a accordée à la nature et à la nécessité de la préserver du mieux que l’on peut. Avec cette biographie de celui qu’on a surnommé “le roi du manga” (manga no ôsama), le fondateur de Zoom Japon permet non seulement de mieux faire connaître cet auteur incontournable de l’histoire du manga, mais aussi d’en exposer une facette souvent négligée. odaira namihEi
Référence
Shôtarô Ishinomori, il était une fois le roi du manga, de Claude Leblanc, Editions IMHO, 2025, 24 €.
ZOOM CULTURE
POLAR Bizarre, vous avez dit bizarre
Dans ce roman en quatre chapitres, chacun centré sur des personnages et des dessins différents qui ajoutent une nouvelle dimension au mystère au fur et à mesure qu'il se dévoile, le lecteur se laisse emporter dans une enquête très prenante aux nombreuses ramifications. La façon dont le récit est construit l'incite à se mettre dans la peau des enquêteurs qui essaient de découvrir ce qui se cachent derrière ces “étranges images”.
Strange Pictures (Henna e), de Uketsu, traduit par Silvain Chupin, Seuil, 2025, 19,90 €.
ESSAI Le nucléaire au miroir du Japon
Ces dernières années, la question du nucléaire est revenue sur le devant de la scène, notamment après l'accident de Fukushima en 2011 et avec la question du réchauffement climatique. Face à ce dilemme, il n'est pas facile de trancher. Pierre Gras expose la généalogie de la catastrophe de Fukushima et propose une analyse de la relation du Japon au nucléaire grâce auxquelles le lecteur est mieux éclairé. Industrie nucléaire et démocratie : le cas du Japon, de Pierre Gras, Le Bord de l'eau, coll. Documents, 2024, 14 €.
ANIMATION Un chat qui nous fait ronronner
Depuis sa présentation à Cannes en mai dernier, Anzu, chat-fantôme a souvent été comparé au Voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi, 2002) de mIyazakI Hayao. Les deux films commencent par une jeune fille - ici Karin – qui est séparée de ses parents à un moment crucial de sa vie, pour ensuite errer dans un monde fantastique sauvage (mais résolument
réaliste) peuplé d'esprits qui la considèrent comme une nouveauté ou une nuisance. Pour autant, la comparaison doit s'arrêter là. En effet, le film de kuno Yôko et yamashIta Nobuhiro offre une autre approche à travers des personnages attachants qui procurent bien du plaisir.
Anzu, chat-fantôme (Bakeneko Anzu-chan), de Kuno Yôko et YamaShita Nobuhiro (2024). 97 mn. DVD et BluRay. 19,99 €.
N IHONGOTHÈQUE
Kaiwai
Kaiwai, il s’agit d’un terme classique qui signifie "alentours" ou "quartier" et désigne une zone géographique sans limites précises ni clairement définies. Les Japonais vivant en France utilisent souvent l’expression “Opera kaiwai” pour désigner le quartier de l’Opéra à Paris. Cette zone vague, appelée “quartier japonais”, permet, par exemple, de considérer que la librairie japonaise Junkudô fait partie d'Opera kaiwai, alors qu'elle se trouve plus proche du Louvre. Pratique. Lorsqu’un concept est pratique, on a tendance à en profiter pour aller plus loin. Depuis 2023, kaiwai est beaucoup employé sur les réseaux sociaux. Popularisé par la génération Z, le terme est utilisé pour désigner des communautés ou des milieux partageant un même intérêt, ainsi que les personnes qui y sont liées. Aujourd'hui, son usage est devenu très courant dans notre quotidien, tel qu'otaku kaiwai (les otakus et leur environnement), ou râmen kaiwai (la communauté des amoureux des nouilles en bouillon). Ce phénomène est probablement lié à un besoin d’appartenance à un groupe ou une communauté, dans une époque marquée par l’isolation due à la pandémie, mais aussi par la généralisation d'un mode de vie à distance. Mais kaiwai va encore plus loin. Par exemple, shizen kaiwai désigne les personnes qui pratiquent des activités de pleine nature. Cependant, sur les réseaux sociaux, ce terme peut également signifier une mise en scène volontairement instagrammable dans un cadre naturel, prenant ainsi une connotation ironique. Et cela ne s’arrête pas là. Citons furo kyanseru (bain annulé) kaiwai, autrement dit les gens qui ont la flemme de prendre un bain. Du grand n’importe quoi ! Mais l’idée reste compréhensible. Alors, passons à la pratique. Voici mes kaiwai comme un exemple : Je vis à Paris kaiwai, et mon boulot se trouve à St. Martin kaiwai, un kaiwai de plus en plus envahi par des bobo kaiwai. Mon métier concerne le Japon kaiwai, mais dans ma vie privée, je suis plutôt nihonjin (japonaise) kyanseru kaiwai ! #nihongothequekaiwai.
KoGa ritsuKo
ZOOM CULTURE
EXPOSITION Dans les fils de Shiota Chiharu
Le Grand Palais accueille, jusqu’au 19 mars, une rétrospective dédiée à l’artiste japonaise au fil des âmes.
Depuis décembre dernier, les réseaux sociaux regorgent de photos et vidéos immortalisant un univers spectaculaire de milliers de fils rouges enchevêtrés. Résolument “instagrammable”, cette installation se trouve au Grand Palais, au cœur de la rétrospective consacrée à Shiota Chiharu, The Soul Trembles (Les frémissements de l’âme). Conçue en 2019 pour le Mori Art Museum de Tokyo, cette exposition avait attiré plus de 660 000 visiteurs en seulement quatre mois, surpassant les records d’affluence des expositions de Kusama Yayoi ou Murakami Takashi. Et ce, malgré une notoriété moindre de l’artiste par rapport à ces figures monumentales de l’art contemporain. Une enquête menée par le musée révélait que plus de 54 % des visiteurs avaient été incités à découvrir le monde de Shiota grâce à la forte visibilité de ses œuvres sur les réseaux sociaux. Est-ce un succès pour un artiste ? Que devons-nous attendre d’une œuvre d’art contemporain ? Une réflexion ? Une émotion ? Ou simplement une attraction visuelle ? Après avoir traversé six pays d’Asie, cette rétrospective s’installe à Paris, occupant 1 200 m² du monument historique. Et le phénomène se répète : les plateformes de partage assurent une communication efficace, et les visiteurs réservent leurs billets des semaines à l’avance. Hautement photogénique, l’exposition ne déçoit pas et provoque régulièrement des exclamations admiratives.
Dès l’entrée, Where Are You Going ?, une installation de fils blancs suspendus dans une cage d’es-
calier, évoque des bateaux flottants dialoguant magnifiquement avec l’architecture datant de 1900. Réalisée initialement en 2017 Au Bon Marché, cette œuvre introduit l’emblématique Uncertain Journey (Voyage incertain), une installation immersive composée de 280 km de fils rouges tissés. L’intensité visuelle saisit immédiatement : “Waouh !” Le visiteur s’arrête pour capturer cet instant, souvent dans l’idée de le partager en ligne. Mais en s’attardant, une autre dimension se révèle. Ces fils, qui s’entrelacent et parfois se rompent, semblent incarner une entité vivante, en quête d’existence, sans destination finale claire. Immersive et troublante, l’œuvre fait émerger les émotions incertaines de l’artiste – ou celles de nous-même. C’est alors qu’une question se pose : qui est cette artiste ? La réponse attend dans les salles suivantes, où
sont retracés son parcours à travers des photographies, des vidéos, mais aussi des créations récentes marquées par le retour d’un cancer diagnostiqué en 2017. Malgré peu d’explications écrites, l’émotion imprègne chaque œuvre. Née en 1972 à Ôsaka, Shiota a étudié la peinture à l’huile à Kyôto avant d’élargir son expression artistique. En 1994, dans sa performance-installation From DNA to DNA, les fils rouges apparaissent pour la première fois, symbolisant le sang et les liens humains, en écho à une légende d’Asie de l’Est selon laquelle les âmes sœurs sont reliées par un fil rouge invisible. En 1996, elle s’installe à Berlin. Sept ans après la chute du mur, la ville, en pleine effervescence culturelle, attire de nombreux jeunes artistes, dont Shiota . Elle poursuit ses recherches auprès de Marina Abramović et Rebecca Horn, figures majeures qui influencent
profondément son travail en interrogeant les rapports entre le corps et le monde. Progressivement, le corps disparaît de ses œuvres, laissant place à des installations. En 2015, elle représente le Japon à la 56e Biennale de Venise.
Dans les espaces suivants de l’exposition, le rouge cède peu à peu la place à des œuvres où la mémoire et l’absence prédominent : un piano brûlé entouré de chaises enchevêtrées dans des fils noirs, des fenêtres usées de Berlin, une robe blanche enfermée dans une cage, des valises anciennes suspendues par des cordelettes rouges… Ces objets, dépourvus de propriétaires, semblent pourtant chargés d’histoires, réveillant des souvenirs enfouis, uniques à chacun, mais porteurs d’émotions universelles. Et c’est là toute la force de Shiota . En partant de ses expériences et émotions personnelles – l’inquiétude, l’incertitude face à la vie et à la mort, la quête des liens humains –, elle parvient à les transformer en une expérience universelle. Son art, à la fois intime et viscéral, touche à l’essence même de ce qui relie les êtres humains entre eux.
Alors, Shiota nous invite-t-elle à comprendre ? Pas vraiment. Son travail semble plutôt nous ramener à nos propres sensations, à ces émotions enfouies que ses œuvres font remonter à la surface. Il ne s’agit pas d’un discours intellectuel, mais d’une expérience qui dépasse les mots, laissant au spectateur une vibration intérieure. Et voilà, un “Waouh !” qui vient du cœur. Et après sa maladie et un tel succès, comment l’art de Shiota évoluera-t-il ? Plus elle sera sensible à la mortalité, plus ses œuvres pourraient refléter ce que nous ressentons face à la mort. Nous encourageront-elles, continueront-elles à susciter un “Waouh !” admiratif, ou deviendront-elles le miroir de ce que nous préférons ignorer ? KoGa ritsuKo
Informations pratiques
Chiharu Shiota, The Soul Trembles jusqu’au 19 mars 2025. 14€/11€ (TR). Grand Palais (porte H). www.grandpalais.fr/fr
ZOOM CULTURE
ZOOM CULTURE
LITTÉRATURE Un Murakami Haruki incertain
Avec son nouveau roman, l'auteur de 1Q84 ne parvient pas à retrouver la magie de ses œuvres précédentes.
Pour la parution du nouveau roman de Murakami Haruki (voir Zoom Japon n°13, septembre 2011), le premier depuis 6 ans, son éditeur français a fait les choses en grand, entourant l’œuvre d’un grand secret avec un embargo jusqu’à sa sortie en librairie. Si la publication d’un nouveau titre du “maître Murakami” est en soi un événement, la manière dont celui-ci a été annoncé permettait de croire que nous aurions affaire à un chef-d’œuvre. Mais ce n’est pas vraiment le cas. Et cela est peut-être lié à ses origines. La Cité aux murs incertains est né d’une tentative de retravailler un récit éponyme de 1980, publié à l’origine dans la revue littéraire Bungakukai, que l’auteur, insatisfait, n’a jamais autorisé à rééditer ou traduire. “Pourtant, dès le début, j’ai senti que l’histoire contenait des éléments d’une importance cruciale pour moi. Malheureusement, à l’époque, je n’avais pas la capacité littéraire de travailler à une élaboration de ces matériaux qui soit appropriée”, reconnaît-il dans la postface pour justifier sa propre conviction “que quelque chose en sortirait” le moment venu après avoir vainement tenté, dans la continuité de la sortie de son premier roman La Course au mouton sauvage, en 1982, de le reprendre. Ce n’est qu’en 2020, au moment de la crise sanitaire, qu’il trouvera les ressources de retravailler cette nouvelle pour en faire un long roman tripartite. S’il se sent “très soulagé d’avoir réussi à réécrire sous une forme nouvelle (ou à enfin achever) La Cité aux murs incertains”, le lecteur, pour sa part, peut ressentir une certaine frustration face à cette œuvre assez brumeuse et longue. Mura-
kami Haruki nous a habitués à des œuvres touffues, mais elles n’avaient pas cette dimension autoréférentielle qui rend son nouveau roman difficile à s’approprier. L’histoire est racontée par un homme d’un âge moyen indéterminé. Dans la première partie, il évoque son premier amour : une jeune fille qu’il a rencontrée à l’âge de 17 ans lors de la cérémonie de remise des prix d’un concours littéraire inter-écoles. Leur romance sans sophistication et dévorante se déroule au cours d’un été parfait entre Tôkyô et la ville côtière du narrateur. Les amants échangent des lettres et se retrouvent parfois sur des bancs publics pour s’embrasser et discuter. Lorsqu’elle commence à lui décrire une ville mystérieuse en-
tourée d’un haut mur, il est envoûté par la notion de ce lieu étrange. Cette ville fortifiée, dit-elle, est l’endroit où vit la “vraie elle”. Des mois plus tard, alors que la nouvelle année scolaire commence et que leurs rencontres se font de plus en plus rares, son amant disparaît sans explication. Cette histoire d’amour se déroule en courts chapitres qui alternent avec un second récit, situé dans la ville fortifiée imaginée par la jeune fille. On y retrouve le narrateur, bien que d’âge mûr, et la jeune femme. Il travaille dans une mystérieuse bibliothèque, et elle est son assistante. La relation entre les deux telle que le romancier la rapporte laisse le lecteur un peu sur sa faim alors que les chapitres consacrés à la cité sont passionnants. Il mélange le fantasque et le menaçant à la manière d’un Miyazaki Hayao avec qui il existe une proximité que l’essayiste Ôtsuka Eiji a étudiée dans un excellent essai paru en 2009 chez Kadokawa. C’est la meilleure partie du livre qui rappelle les meilleures pages de 1Q84. Ensuite, lorsque le narrateur parvient à s’échapper de la ville fortifiée et prend un travail de bibliothécaire dans une obscure ville de province, le roman se perd dans un style méandreux avec des situations répétitives qui ne servent pas le récit et finissent par lasser. A la différence d’autres de ses romans, Murakami Haruki ne parvient pas totalement à emporter le lecteur dans son élan. Mais si cela lui a permis d’être “soulagé” et de se libérer d’un poids, on peut espérer que son prochain roman sera grandiose.
GabriEl bErnard
Référence
La Cité aux murs incertains (Machi to sono futashikana kabe), de muraKami Haruki, trad. par Hélène Morita avec la collaboration d’Ôno Tomoko, Belfond, 2025, 25 €.
GOÛT La guerre du soja aura-t-elle lieu ?
Salée ou sucrée ? La sauce soja fait l'objet d'un vaste débat qui s'avère complexe et lié aux différents terroirs.
Ré cemment on a pu lire plusieurs articles sur la sauce soja commercialisée en France, plus sucrée que celle vendue plus communément au Japon. Les Français sont en train de découvrir que le goût de la sauce soja “standard” au Japon n’est pas forcément le même que celui qu’ils ont connu. Ils se mettent à dire que la sauce soja sucrée a été adaptée pour le palais des non-initiés. Vrai ou faux ?
C’est à la fois vrai et faux. Car chaque région a développé sa sauce comme pour le miso (voir Zoom Japon n°125, novembre 2022). Au Japon, il est des régions connues pour leur sauce soja plus sucrée, telles Kyûshû, ou dans plusieurs régions sur la côte de la Mer du Japon. Les Tokyoïtes peuvent se moquer de la sauce soja de Kagoshima en disant qu’il leur est impossible de manger le sashimi avec cette sauce sucrée, mais les habitants de Kyûshû pourraient tout aussi bien leur rétorquer que leur sauce soja est trop salée.
La différence vient du fait qu’elle répond au goût du terroir. A Kagoshima, au sud du Japon, les poissons plus gras se marient avec la sauce ronde. De même, historiquement, la sauce soja exportée de Nagasaki à l’époque d’Edo (16031868) était considérée comme une denrée de luxe, raison pour laquelle sans doute on y ajoutait du sucre, aliment tout aussi précieux mais qu’on pouvait se procurer à Nagasaki car importé de l’étranger, pour la mettre davantage en valeur.
Le quartier d’Ôno de la ville de Kanazawa regorge encore de quelques fabricants tradition-
À Kagoshima, le sashimi se déguste avec de la sauce soja sucrée, impensable pour les Tokyoïtes.
nels de sauce soja à l’instar de Yamamoto Kôhei, patron de Yamato Shôyu. “La sauce soja douce s’est développée ici parce que la région vivait beaucoup de la pêche. Dans les bateaux on ne peut pas faire de cuisine compliquée. Les pêcheurs, pour prendre les repas sur leur bateaux avec les poissons qu’ils venaient d’attraper, avaient besoin d’un condiment avec lequel ils pouvaient assaisonner le plus de plats possibles. Je pense que la sauce soja sucrée est ainsi née, plus comme un condiment à multi-usage, car avec cette sauce, on n’a pas besoin d’ajouter le mirin pour arrondir le goût, par exemple”, explique-t-il. D’ailleurs, encore aujourd’hui, les habitants de Kanazawa aiment cuisiner la chair blanche de poisson uniquement avec leur sauce soja et le saké. Si on le préparait de la sorte avec la sauce soja de Tôkyô,
il manquerait du goût et le poisson deviendrait trop salé. Il est possible que la sauce soja sucrée soit devenue la préférée des Français sans doute pour une raison similaire ; facile à utiliser aussi bien avec de la viande (qui contient le gras et qui se marie avec la sauce soja sucrée) qu’avec des légumes. Elle est idéale pour cuisiner des plats sans avoir besoin de se procurer divers condiments traditionnels japonais. Il est facile de rejeter la sauce soja disant que ce n’est pas traditionnel. Mais on peut dire aussi que si les Français ont adopté la sauce soja, ce n’est pas forcément parce que les non-initiés se sont fait duper ou que les Français aiment plus le goût sucré, mais que cette préférence répond à une certaine logique gustative. sEKiGuchi ryôKo
ZOOM GOURMAND
L A RECETTE DE HARUYO
Rôti de porc à la japonaise (Wafû pôku roti)
PRÉPARATION
01 - Laisser le porc à température ambiante pendant environ 30 minutes.
02 - Mijoter le porc dans l’eau bouillante pendant 30 minutes.
03 - Retirer du feu, couvrir, et laisser reposer pendant 1 heure.
04 - Placer le porc dans un sac de congélation à zip avec les ingrédients de la sauce.
05 - Immerger le sac dans un bol d’eau, retirer l’air, puis laisser mariner à température ambiante pendant 30 minutes.
06 - Chauffer une poêle avec de l’huile de sésame, puis saisir le porc sur ses 4 côtés.
07 - Ajouter le jus restant du sac dans la poêle et le faire réduire jusqu’à ce qu’il diminue de moitié.
08 - Laisser reposer le porc pendant au moins 10 minutes avant de le découper.
09 - Trancher le porc selon l’épaisseur souhaitée, puis le dresser avec les légumes de votre choix.
Astuce
Si vous aimez les arômes épicés, vous pouvez ajouter des ingrédients comme de l'anis étoilé, des clous de girofle ou un bâton de cannelle.
INGREDIENTS
(pour 4 personnes)
• 400 à 500 g d’échine de porc
Pour la sauce
• 3 cuillères à soupe de sauce soja
• 3 cuillères à soupe de mirin
• 3 cuillères à soupe de sucre
• 1 cuillère à café d’ail râpé
• 1 cuillère à café de gingembre râpé
• 1/2 cuillère à café de piment coupé en rondelle
• 1 cuillère à café d’huile de sésame
Fascinante cité d'art et d'histoire à deux pas d’Ôsaka
Implantée au sud d’Ôsaka sur un territoire hautement stratégique, la ville de Sakai dévoile un univers d'authenticité, de quiétude et de savoir-faire exceptionnel. Son vaste et séduisant parc Daizen abrite un rare ensemble de sépultures anciennes.
vec des étés chauds, des hivers relativement doux et des saisons intermédiaires agréables, Sakai attire toujours plus de visiteurs en quête de patrimoine historique, de culture, mais aussi d’une atmosphère détendue et de nature.
Très tôt, entre le iiie et vie siècle, la région devient un centre important du premier pouvoir central, établi au sud de Nara. À cette période, le choix de sépultures recouvertes de gigantesques tumulus pour enterrer les chefs de clans annonce l’arrivée de la centralisation politique et la création du tout premier État. Avec ses 486 m de longueur et 35,8 m de hauteur, le kofun Daisenryô (tombe de l'empereur Nintoku), attraction principale de la ville, est considéré comme l’un des plus grands sites funéraires au monde. Ce monument, ainsi que la centaine d’autres tumulus qui l’entourent, formant l’ensemble des kofun de MozuFuruichi, est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Accès
De Tôkyô à Ôsaka : Shinkansen de Tokyo à Shin-Osaka,
De Shin-Osaka à Sakai :
Environ 24 minutes - Train (JR Tokaido Main Line) de Shin-Osaka à Osaka, train (JR Kanku & Yamatoji Rapid Service) d'Osaka à Shin-Imamiya, train (Nankai Koya Line) de Shin-Imamiya à Sakai-higashi
Environ 27 minutes - Métro (Osaka Midosuji Line) de Shin-Osaka à Namba, train (Nankai Koya Line) de Namba à Sakai-higashi.
Il fascine par sa taille mais aussi par la végétation luxuriante qui le recouvre et les douves remplies d’eau qui le bordent.
Héritages culturels de Sakai
Pour approfondir leurs connaissances sur la période d’AzuchiMomoyama qui a vu s’achever l’unification du Japon au xvie siècle, les visiteurs franchiront les portes du Sakai Plaza of Rikyu & Akiko. Un bel écrin de verre et d’acier, qui se fond harmonieusement derrière le rideau d’arbres environnants, ce centre culturel offre une immersion captivante dans l’histoire de la ville. En hommage à Sen no Rikyû, grand sage du xvie siècle à l’origine de la cérémonie du thé, un pavillon accueille les néophytes et initiés afin de leur faire découvrir ce rituel de grande profondeur au travers de sa préparation, ses ustensiles (bols à thé de style raku) et ses pâtisseries. Le centre abrite également un musée dédié à Yosano Akiko, une grande figure littéraire et pionnière du féminisme japonais. Originaire du quartier de
Kaino-chô à Sakai, cette femme d’exception a notamment fondé la première école mixte du pays. À travers une scénographie réunissant photos, papiers, documents audio et objets personnels, l’exposition offre un aperçu captivant de sa vie et de son œuvre.
En remontant à pied vers la rivière Yamato, on rejoint facilement le Sakai Denshokan, situé à proximité du parc Francisco de Xavier. Ce musée de l'artisanat traditionnel de Sakai recense toutes les traditions artisanales locales dans une grande collection d’objets usuels. Il réunit au rez-de-chaussée un vaste espace de vente ainsi que des espaces de rencontre avec les artisans de la ville.
600 ans d'excellence en coutellerie japonaise Sakai demeure célèbre comme un des berceaux mondiaux de la coutellerie. Cet art incarne un savoir-faire ancestral alliant tradition et progrès technique. Dans le cadre de visites guidées d’ateliers de forge proposées sur place ou chez des partenaires locaux, on peut s’émerveiller en découvrant les différentes étapes du processus de fabrication des lames tranchantes : le choix de l’acier, le façonnage, le polissage, puis l’affûtage. Sous la supervision d'un artisan expérimenté, le visiteur peut, s’il le désire, participer à la fabrication de son propre couteau. De nombreux passionnés viennent pousser la porte du CUT Museum, ou musée du couteau japonais, situé à l’étage du Sakai Denshokan. Dans un espace nouvellement rénové, des œuvres rares de couteliers locaux datant de plusieurs siècles sont à contempler, ainsi qu’un vaste échantillon de tous les exemplaires utilisés quotidiennement dans le cadre de la cuisine japonaise. On pourra facilement y distinguer les couteaux polyvalents Gyuto et Santoku, le petit utilitaire Petty, le Honesuki servant à désosser, ainsi que le Yanagiba utilisé pour la préparation des sushis et sashimis.
Plus d'informations sur le site officiel du tourisme de Sakai https://www.sakai-tcb.or.jp/en/
De grands chefs ou de simples cuisiniers en devenir viennent à Sakai pour dénicher ou faire réparer leurs précieux outils de coutellerie fine. Ils y apprennent souvent que pour chaque geste, chaque préparation, il existe un couteau bien spécifique.
Un savoir-faire qui s’étend au cyclisme
Les forgerons de Sakai mettent également depuis le xxe siècle leur savoir-faire au service de la fabrication de pièces mécaniques pour les bicyclettes, ce qui leur vaut une réputation mondiale qui ne cesse de grandir. Pour leur rendre hommage, le musée du vélo Shimano réunit une collection impressionnante de cycles du monde entier, allant des tout premiers modèles en bois sans pédales aux derniers équipements de cyclistes professionnels.
A la rencontre de Totoro
L'âme écologique de Miyazaki Hayao a poussé le réalisateur à préserver la nature dont il s'est inspiré.
C’est dans l’inaka (campagne) vallonnée de Saitama que se trouve la vraie maison de Mei, Satsuki et, bien sûr, de Mon voisin Totoro (Tonari no Totoro, 1988). Le réalisateur Miyazaki Hayao s’est inspiré des collines de Sayama - également appelées Totoro no Mori (la forêt de Totoro) – pour réaliser son film, où Mei et Satsuki passent de longs après-midi à courir dans la nature et à se lier d’amitié avec des esprits (voir aussi pp. 11-12).
Ce lieu est situé au centre du plateau de Musashi-no, à environ 35 kilomètres du centre de Tôkyô, dans une zone chevauchant Saitama et la métropole tokyoïte. Il s’agit d’un espace vallonné et luxuriant, qui s’étend sur 3 500 hectares et d’une surface d’environ 11 kilomètres d’est en ouest et 4 kilomètres du nord au sud. Cette vaste zone boisée, qui comprend deux réservoirs, le lac Sayama et le lac Tama, conserve son charme d’antan. Vues du ciel, les collines ressemblent à une petite île verte au milieu de l’agglomération de Tôkyô.
Ici, les terres agricoles, les rizières et les zones humides, ainsi que les forêts environnantes, conservent l’aspect intemporel du passé. Ce
type d’habitat, mêlant nature sauvage et terres cultivées, est appelé satoyama et a pour objectif premier le développement de l’agriculture en symbiose avec l’environnement naturel. Dans les collines de Sayama, on a recensé 1 400 types de fougères et autres plantes à graines, 19 types de mammifères et plus de 200 espèces différentes d’oiseaux. En outre, 2 500 espèces d’insectes, de grenouilles, de serpents et de salamandres ont élu domicile dans cette région. L’homme habite la région depuis le paléolithique, il y a plus de 10 000 ans. 235 sites archéologiques ont été confirmés dans la région de Sayama, ce qui en fait des biens culturels de grande valeur.
Des efforts de préservation bioculturelle dans les collines de Sayama ont été déployés depuis les années 1970. En conséquence, la plupart des habitats naturels ont été protégés avec succès. Cependant, en raison du développement urbain et des installations de loisirs, la destruction de l’habitat naturel par la déforestation et les décharges illégales est clairement visible.
En avril 1990, le Totoro no Furusato kikin [Fonds pour la région natale de Totoro] a été créé dans le but de préserver la nature luxuriante des collines de Sayama pour les générations futures. Grâce aux efforts de cinq contributeurs initiaux, dont le réalisateur d’anime Miyazaki Hayao, les dons ont afflué de tout le Japon. Les collines de Sayama étant connues pour avoir inspiré le chef-d’œuvre d’animation du réalisateur, Mon voisin Totoro, le fonds a été baptisé en son honneur. En août 1991, la première acquisition de terrain, Totoro no Mori n°1, a été réalisée grâce aux fonds fournis par les premiers donateurs. Totoro no Mori n°2 a été acquis en avril 1996. Un mois plus tard, un système de club de membres permettant de financer et de soutenir l’activité de l’organisation a été mis en place. Parallèlement, la publication de la lettre d’information Totoro no Mori Kara [De la forêt de Totoro] a débuté.
En avril 1998, le Totoro no Furusato kikin est devenu la Fondation Totoro no Furusato. Au cours des années suivantes, jusqu’en octobre 2003, quatre autres acquisitions de terres ont été réalisées, portant le total à six. En 2002, la fondation s’est vue décerner le prix spécial du patrimoine forestier de l’Asahi Shimbun, le second quotidien japonais. Le prix, d’un montant d’un million de yens, a été utilisé pour acheter des équipements et du matériel pédagogique pour l’observation de la nature. La fondation a également lancé un programme de prêt de ce matériel aux écoles. En 2006, la fondation a reçu le prix de l’environnement de la ville de Kitakyûshû.
En avril 2019, le nombre de forêts achetées est passé à 49, pour une surface totale d’environ
Etes-vous prêt à rencontrer Totoro ?
89 689 m2. Dans le même temps, grâce à une publicité et une exposition médiatique accrues, le nombre de visiteurs a également augmenté rapidement, avec des personnes venant non seulement du Japon, mais aussi du monde entier. Comme nous l’avons déjà mentionné, Totoro no Mori est en fait composé de plusieurs forêts et bois plus petits. La plupart d’entre eux sont répartis dans la partie nord des collines de Sayama. Certains musées sont situés dans cette zone, ce qui permet à la fois de profiter de la nature et d’apprendre l’histoire et le folklore de la région. Ces forêts, musées et centres d’accueil sont reliés entre eux par des chemins ou des sentiers. Voyons quelques zones locales en détail.
La région de Yamaguchi est composée de 20 forêts, d’une superficie totale de 34 299 m2 (au 1er avril 2019). Vous y trouverez des temples, des jardins de thé et des maisons traditionnelles japonaises. Pour vous rendre à Yamaguchi, changez de train pour la ligne Seibu Sayama à la gare de Nishi-Tokorozawa et descendez à la gare de Shimo-Yamaguchi ou de Seibu-kyûjô-mae.
La forêt originale de Totoro, située dans la région de Yamaguchi, a été acquise en 1990 par le comité directeur des Fonds Totoro. Les principaux arbres qui y poussent sont des cèdres japonais, des chênes, des cerisiers de Sargent, des cloches à neige japonaises et des pins rouges. Toutes les zones sont reliées par des chemins et des marches. C’est un bon endroit pour se détendre.
Parmi les autres installations de la région, citons le centre d’interaction avec la flore et la faune des collines de Sayama à Tokorozawa et le parc naturel de Saitama Midori-no-mori à Iruma. Le premier est l’un des cinq centres gérés par la préfecture de Saitama pour étudier la nature. Le second, quant à lui, est un parc naturel de 85 hectares où vous trouverez des bosquets d’espèces d’arbres mixtes et des zones humides laissées dans leur état naturel pour l’observation en plein air.
Gianni simonE
S’y rendre
A cinq minutes à pied de l’arrêt de bus Takahashi sur la ligne Tokorozawa City Bus ou à 20 minutes de la station Seibu-kyûjô-mae sur la ligne Seibu Sayama.
Un centre d’accueil appelé Kurosuke no Ie (Maison de Kurosuke), une ancienne maison folklorique que le Fonds Totoro a acquise en 2004, est également situé dans cette zone. La maison permet d’accéder
facilement à 15 des 19 forêts. Dans cette partie des collines de Sayama, vous verrez également des jardins de thé, de petits ruisseaux, des bosquets de bambous et des forêts familiales.
Accès par le rail
Les lignes Seibu Ikebukuro et Seibu Shinjuku amènent chaque jour des visiteurs au cœur de la région de Sayama. La station Kotesashi de la ligne Seibu Ikebukuro se trouve à deux arrêts de la station Tokorozawa et assure la liaison avec les bus à destination de Waseda Daigaku et Miyadera-nishi. La Maison de Kurosuke se trouve à cinq minutes de marche de l’arrêt de bus Dainichi-dô.
Maison de Kurosuke
La maison de Kurosuke est ouverte de 10h à 15h les mardis, mercredis et samedis. Elle est fermée les jours fériés, les fêtes de fin d’année et les fêtes du Nouvel An. Vous pouvez y obtenir des cartes des sentiers, découvrir la flore indigène et apprendre l’influence de la forêt sur le film de miYazaKi
Publié par Ilyfunet Communication 12 rue de Nancy 75010 Paris
Tél: +33 (0)1 4700 1133 courrier@zoomjapon.info
Dépôt légal : à parution. ISSN : 2108-4483. Imprimé en France
Ont participé à ce numéro : Odaira Namihei, Gabriel Bernard, KOGA Ritsuko, Eric Rechsteiner, Gianni Simone, SEKIGUCHI Ryôko, MAEDA Haruyo
TAKACHI Yoshiyuki, KASHIO Gaku, TANIGUCHI Takako, MASUKO Miho, ETORI Shôko, Marie-Amélie Pringuey, Marie Varéon (maquette)
DVD- BluRay Typhoon Club de SOMAI Shinji (SUR VIVANCE)
Participation au tirage au sort : Envoyez par mail votre numéro d’abonné et la réponse à la question suivante : Quel musée du manga aimeriez-vous visiter lors de votre prochain voyage au Japon ?
ZOOM ANNONCES
• C'est Bon, le Japon ! Un salon dédié à la culture culinaire et au tourisme au Japon. Du ven. 14 au dim. 16 février 2025. Paris Montreuil Expo : 128 rue de Paris, 93100 Montreuil. Entrée 10 € / 7 € (TR) https://cestbonlejapon.com/fr/
• Folklore du Kyushu : textiles artisanaux et dorayaki. Expo-vente par deux groupes japonais, No name et quitococo du 25 février au 1er mars 2025. Espace Japon : 12 rue de Nancy 75010 Paris. Entrée libre de 13h à 19h. https://www.espacejapon.com/
• Espace Gohan recrute du personnel pour les services du midi, de mardi au vendredi, de 12h à 15h. 12 rue de Nancy 75010 Paris. Envoyez votre CV et une lettre motivation à espacegohan@gmail.com
Contact (fr / jp) : pub@zoomjapon.info ▼Zoom Japon maquette (fevrier2025)
La compagnie aérienne ANA recrute
Personnel du service aux passagers et Personnel de réservation
- poste basé à l’aéroport Roissy
Charles de Gaulle
- Possession d’un permis de travail français
plus d’information sur ovninavi.com/recruit
KINTARO Group, gère 10 restaurants dans le 1er et 2eme arrondissement de Paris et compte en ouvrir d’autres en 2024 (sushi, cuisine japonaise familiale, Izakaya, cuisine chinoise à la japonaise, takoyaki, etc…).
Dans le cadre de son développement KINTARO Group recrute : des cuisiniers, des commis, des responsables de salle, des serveurs, des pâtissiers et des boulangers. Vous êtes débutant ou vous avez un peu d’expérience l’essentiel c’est que vous soyez motivé. Envoyez votre CV à recrutement.kyujin.paris@gmail.com
Publiez vos petites annonces sur Zoom Japon !
• Guide-Fixeur à Kyôto pour les particuliers et pour les professionnels. Assistance et accompagnement pour réaliser vos envies et vos projets. https://fixeur.saelat.com
Club Zoom
Cabinet d’avocats en droit des affaires à Paris - conseils et accompagnements des chefs d’entreprises et ressortissants japonais en France
Expertises :
• Droit des sociétés
• Baux commerciaux
• Contentieux des affaires / négociations / transactions
• Arbitrage international
• Entreprises en difficulté
Les associés du cabinet sont également membres fondateurs de l’AAJ (Association des Avocats Japonophiles)
8, rue de l’Arcade 75008 Paris +33 (0)1 42 65 55 04 contact@komon-avocats.fr www.komon-avocats.fr
Tarif : annonce cours 19 lignes +cadre : 41,66€ht total 180€TTC remise de 50% dans soit un budget à l’année
La pâtisserie Tomo recrute à tous les postes : pâtisserie, service, barista, cuisine. Nous cherchons à faire de belles rencontres avec des personnes passionnées du Japon et de sa langue. L’énergie et l’esprit d’équipe sont deux qualités indispensablesEnvoyez votre CV ainsi que votre projet et vos disponibilités ici : contact.patisserietomo@gmail.com
Large choix* de COURS
DE JAPONAIS
Avec professeur diplomé et expérimenté
En groupe de 6 à 10 élèves
Méthode originale + CD audio
Cahier d’écriture
Accès à la plateforme de e-learning
Nos cours de japonais sont éligibles à la formation professionnelle et au CPF
*Cours collectifs/particuliers, formation professionnelle. Cours réguliers sur 6 niveaux, stages intentifs pour grands débutants / faux débutants, cours pour les enfants (4-11 ans) / ados (12-15 ans), stage d'initiation au japonais (10-15 ans), stages intensifs Objectif JLPT N3 - N5
Inscrivez-vous en ligne gratuitement !
Cours d’essai (45 min)
Achetez en ligne votre Japan R ail Pass et votre pocket wifi sur www.japanrailpass.fr
STAGES POUR LES ENFANTS PENDANT LES VACANCES D’HIVER
• Découver te du japonais
Ateliers culturels
Kintsugi, calligraphie, kokedama, ikebana, sashiko, kimono, origami, dessin-manga, estampe, soroban, furoshiki, etc
• Dessin-manga Nouveau
Fabrication de gamaguchi (porte-monnaies) !
Cours de cuisine
Râmen, bentô, sushi, udon, cuisine familiale, pâtisserie, sans gulten, végan, poisson, bao japonais, etc... Ateliers dégustation : thé, saké, whisky, etc.