

ZOOM ACTU
ĂDITO MĂšre nature

Le premier numĂ©ro de lâannĂ©e 2025 est placĂ© sous le signe de la nature Ă travers plusieurs articles qui mettent en Ă©vidence sa puissance et sa force dâattraction. Sa puissance, tout dâabord, avec un reportage exceptionnel rĂ©alisĂ© par notre photographe, Eric Rechsteiner, qui sâest rendu une nouvelle fois dans la pĂ©ninsule de Noto pour rencontrer les habitants que nous avions dĂ©jĂ interviewĂ©s lâan passĂ© aprĂšs le terrible sĂ©isme du 1er janvier 2024. Sa force dâattraction, ensuite, parce quâelle constitue un sujet dâintĂ©rĂȘt pour de nombreux auteurs de mangas et quâelle nous offre de magnifiques lieux oĂč lâon peut se perdre avec dĂ©lectation. Comme toujours, Zoom Japon tente de vous offrir un regard variĂ© et diffĂ©rent sur lâarchipel. Profitez-en.
La rédaction courrier@zoomjapon.info
3,4
millions de personnes ont visité le Japon en décembre 2024, un record absolu pour un mois donné. Ce chiffre est en adéquation avec les 36,87 millions de touristes accueillis dans l'archipel l'année écoulée. Un record puisqu'il s'agit d'une augmentation de 47,1 % par rapport à 2023, celui-ci dépassant les 33,4 millions de visiteurs qui s'étaient rendus dans le pays en 2019 avant la crise sanitaire.
L E REGARD DâERIC RECHSTEINER
Gare de Nanao, préfecture d'Ishikawa

Comme l'illustre ce train en gare de Nanao qui fait la promotion de la série animée Hanasaku Iroha, les héros de la culture populaire ont aussi envahi l'univers ferroviaire. Cela permet à la fois d'attirer une clientÚle de fans et d'associer les personnages présentés à la région. Dans certaines préfectures qui abritent des musées dédiés à des mangakas, il n'est pas rare que des trains soient à l'effigie des héros créés par l'artiste local. C'est le cas par exemple dans la préfecture de Miyagi avec IshInomorI ShÎtarÎ (voir pp. 13-15) ou dans celle de Tottori avec mIzukI Shigeru.
SCIENCE Les risques d'un séisme géant
La probabilitĂ© d'un âmĂ©ga-sĂ©ismeâ au cours des 30 prochaines annĂ©es a lĂ©gĂšrement augmentĂ©, avec un risque se situant entre 75 et 82 % de chances qu'il se produise. Selon les experts, une telle secousse pourrait avoir une magnitude dĂ©vastatrice de 8 Ă 9, dĂ©clencher des tsunamis, tuer plusieurs centaines de milliers de personnes et causer des milliards de dollars de dĂ©gĂąts.
ĂCONOMIE Un regain de croissance en 2025
L'économie japonaise devrait croßtre de plus de 1 % au cours de l'année fiscale 2025 qui commencera le 1er avril. Les économistes estiment que les augmentations de salaires donneront un coup de fouet aux dépenses de consommation. Ils prévoient une croissance réelle moyenne de 1,1 %. Cette prévision est plus optimiste que celle de 2024, qui était de 0,4 %.


Année dramatique à Noto
Nous leur avions fait une promesse. Zoom Japon est retourné voir les habitants de la péninsule.
La ligne de train Nanao, endommagĂ©e par le violent sĂ©isme de magnitude 7,6 qui a dĂ©vastĂ© la pĂ©ninsule de Noto le 1er janvier 2024, a repris du service. OpĂ©rĂ©e par les Chemins de Fer de Noto, elle longe la cĂŽte dĂ©coupĂ©e jusquâĂ Anamizu et traverse de pittoresques paysages recouverts dâune fine couche de neige. Vue du train, la rĂ©gion semble inhabitĂ©e, seules les bĂąches bleues en plastique qui recouvrent de nombreux toits et pierres tombales rappellent quâune catastrophe sâest produite. Puis, Ă mesure que lâon pĂ©nĂštre dans la pĂ©ninsule, des quartiers rectilignes de petites maisons prĂ©fabriquĂ©es apparaissent, ce sont des hĂ©bergements provisoires
bĂątis Ă la hĂąte pour les rescapĂ©s du tremblement de terre qui a fait prĂšs de 500 victimes. AprĂšs le train, seule la route permet dâatteindre le fin fond des vallĂ©es de lâOku-Noto. Alors que la rĂ©gion souffrait du manque de neige lâannĂ©e derniĂšre, câest le trop plein cette annĂ©e, dâune neige Ă©tonnamment lourde et humide, au point que les arbres sâĂ©croulent sous son poids. La famille de ShĂ»den Katsuyoshi, 71 ans, riziculteur dans le village de TĂŽme, qui sâĂ©tait retrouvĂ©e terrifiĂ©e par les violentes secousses de janvier (voir Zoom Japon n°139, avril 2024), nâa pas osĂ© se rĂ©unir cette annĂ©e dans la grande demeure familiale. LâannĂ©e a donc dĂ©butĂ© avec des fĂȘtes du Nouvel an rĂ©duites au strict minimum, seul son fils aĂźnĂ© est venu passer une nuit dans la ferme centenaire.
A TÎme, le riz est cultivé depuis les temps anciens dans des riziÚres en terrasses, bùties
au fond des vallĂ©es, en utilisant lâeau qui jaillit des montagnes (voir Zoom Japon n°114, octobre 2021). Les importants dĂ©gĂąts causĂ©s dans les riziĂšres par le tremblement de terre de janvier 2024 avait, dans un premier temps, donnĂ© lâimpression aux agriculteurs quâil serait impossible de planter au printemps suivant mais, grĂące au soutien de nombreux volontaires et au temps clĂ©ment, ils avaient pu surmonter cette Ă©preuve. Cependant, alors que le riz Ă©tait juste sur le point dâĂȘtre rĂ©coltĂ©, les pluies torrentielles des 21 et 22 septembre ont Ă nouveau provoquĂ© des glissements de terrains, plus importants encore, qui ont enseveli les riziĂšres en terrasses sous des montagnes de terre, de sable et de pierres.
Au moment oĂč les riziculteurs semblaient enfin pouvoir se remettre du sĂ©isme, ces pluies diluviennes les ont pris au dĂ©pourvu. Les sols
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fragilisĂ©s par les secousses sismiques ont en effet cĂ©dĂ© sous les trombes dâeau, il est tombĂ© entre le 21 et le 22 septembre 500 mm de pluie. Alors que six mois avaient suffit pour rĂ©parer les dĂ© gĂąts causĂ©s par le tremblement de terre, il faudra au moins entre deux et trois ans pour remettre en Ă©tat les riziĂšres englouties par des torrents dâarbres, de pierres et de sable. Les habitants de cette rĂ©gion au climat rude, pourtant rĂ©sistants de nature, sont gagnĂ©s par le dĂ©sespoir. Il nây a aucune chance que les riziĂšres puissent ĂȘtre re construites rapidement, ni quâil soit possible dây planter du riz. Le village de TĂŽme, et ses rizicul teurs sans riziĂšres, risquent donc la disparition de ce qui a Ă©tĂ© leur fonction premiĂšre, et leur raison dâĂȘtre depuis des siĂšcles, la culture du riz. ShĂ»den Katsuyoshi nâa pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©, 85 de ses riziĂšres ont Ă©tĂ© dĂ©truites. âMais, expliquet-il, ce sont les personnes dont la maison a Ă©tĂ© dĂ©vastĂ©e qui sont les plus affectĂ©es, elles nâont pas la force de reconstruire ou de sâengager dans la re mise en Ă©tat des parties communes du village et se replient sur elles-mĂȘmes.â La population de TĂŽme est en forte chute, sur 70 familles prĂ©sentes avant les deux catastrophes, seules 45 demeurent. Certaines personnes patientent dans des logements provisoires, dâautres sont parties en maison de retraite, dâautres encore ont rejoint leur famille en ville. Un tiers des riziculteurs de cette petite communautĂ© a dĂ©jĂ pris la lourde dĂ©cision dâabandonner leur travail.


Ainsi Hoshiba Ieyoshi, 80 ans, un Ăąge raisonnable pour la retraite, mĂȘme au Japon, aurait bien aimĂ© poursuivre son activitĂ©, mais il a dĂ» renoncer. Sa maison a Ă©tĂ© trĂšs endommagĂ©e par le sĂ©isme, puis ses riziĂšres dĂ©truites par les pluies diluviennes et les glissements de terrains quâelles
ont provoquĂ©s. HĂ©bergĂ© avec son Ă©pouse dans un logement provisoire, il rĂ©siste aux appels de sa famille de rejoindre la ville, Kanazawa, le chef-lieu de la prĂ©fecture dâIshikawa, et aimerait pouvoir continuer Ă vivre dans le village. âLes inondations ont Ă©tĂ© pires que le sĂ©ismeâ, affirme-t-il sans hĂ©siter. âLes tremblements de terre, on a lâhabitude Ă Noto, mais de telles pluies, on ne pensait pas que cela pourrait arriver ici.â Si les critiques fusent parfois quant Ă lâaction des pouvoirs publics, notamment les prioritĂ©s de la reconstruction, tous sâaccordent pour louer lâĂ©lan de solidaritĂ© de la sociĂ©tĂ© civile. Pas moins dâune dizaine de groupes de volontaires
se sont succĂ©dĂ©s Ă TĂŽme. Des groupes religieux, bouddhistes comme le taĂŻwanais Tzu Chi, ou la religion japonaise TenrikyĂŽ mais aussi chrĂ©tiens. Ou encore des volontaires dâĂsaka venus prĂȘter main-forte pour rĂ©parer les riziĂšres, et des Ă©tudiants de lâuniversitĂ© de Kanazawa venus porter soins aux rescapĂ©s.
Les problĂšmes de ce petit village de Noto sont ceux dâune grande partie des zones rurales du Japon : vieillissement de la population, exode rural, isolement, dĂ©sintĂ©rĂȘt des jeunes pour le travail agricole. Ces sujets sont connus de longue date, mais les deux catastrophes naturelles les ont fortement amplifiĂ©s.



A dĂ©faut de jeunes dĂ©sireux de sâinstaller dans cette rĂ©gion reculĂ©e, les villageois espĂšrent au moins attirer les gens de passage. Et comme il nây a plus de lieu dâhĂ©bergement disponible, il a Ă©tĂ© dĂ©truit par le sĂ©isme, ils envisagent de rĂ©habiliter le temple GyĂŽnen et son kuri, le bĂątiment adjacent au hall principal, autrefois utilisĂ© comme rĂ©sidence pour le moine supĂ©rieur, afin dây crĂ©er une maison dâhĂŽte pour les visiteurs. La grande bĂątisse classĂ©e, et construite il y a plus de deux siĂšcles, nĂ©cessite dâimportants travaux de rĂ©novation. Il a donc Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de lancer un appel au financement participatif afin de tenter de rĂ©unir les quelque 300 000 euros nĂ©cessaires Ă la rĂ©habilitation complĂšte du bĂątiment. Ne pouvant plus produire de riz, les agriculteurs de TĂŽme se sont lancĂ©s dans ce projet comme celui de la derniĂšre chance. Le texte dâappel aux contributions financiĂšres explique ainsi : âSymbole du rĂ©tablissement aprĂšs la double catastrophe, nous aimerions poursuivre dans lâesprit de nos prĂ©dĂ©cesseurs, qui avaient autrefois renforcĂ© les liens de la communautĂ© en reconstruisant le temple GyĂŽnen, en faisant revivre son annexe et en crĂ©ant un lieu dâĂ©change avec de nombreuses personnes et une lumiĂšre dâespoir pour les habitants de la rĂ©gion.â
A Wajima, capitale de la laque et principale ville de la pĂ©ninsule, souffle un vent violent et glacial qui rend la marche difficile, les rues sont dĂ©sertĂ©es, de nombreuses enseignes sont fermĂ©es depuis le sĂ©isme et ne rouvriront probablement jamais. MalgrĂ© les efforts de nettoyage des autoritĂ©s, les traces du tremblement de terre sont encore visibles Ă chaque coin de rue. Certaines maisons ont Ă©tĂ© dĂ©blayĂ©es aux frais de lâEtat dâautres, bancales ou Ă©ventrĂ©es, attendent encore
leur sort. Les trĂšs fortes crues de septembre ont fait une dizaine de victimes dans la commune et neuf complexes dâhĂ©bergement temporaire pour les rescapĂ©s du tremblement de terre ont Ă©tĂ© inondĂ©s au-dessus du niveau du sol ; de nombreuses personnes Ă©vacuĂ©es Ă la suite du sĂ©isme ont Ă©tĂ© forcĂ©es de se rĂ©fugier dans dâautres abris. Hamaguchi Yukio, 73 ans, professeur dâhistoire de lâart Ă la retraite, que Zoom Japon avait rencontrĂ© il y a un an alors quâil photographiait mĂ©thodiquement les restes calcinĂ©s du marchĂ© de Wajima (voir Zoom Japon n°139, avril 2024), sâestime trĂšs chanceux. Sa maison avait certes Ă©tĂ© endommagĂ©e par le sĂ©isme, mais beaucoup moins que celles, entiĂšrement dĂ©truites, de ses voisins, et surtout il a pu emmĂ©nager dans une nouvelle demeure plus vaste et solide que la prĂ©cĂ©dente. âJe suis bien conscient de ma chance mais nâoublie pas un seul instant le malheur des autresâ, confie-t-il. Les chiffres sont cruels pour Wajima. 40 % de la population, environ 2 000 familles, a dĂ©jĂ quittĂ© la ville et lâexode risque de se poursuivre. Les crues, dans une ville qui se remettait Ă peine des blessures du sĂ©isme, semblent avoir portĂ© le coup de grĂące. Les habitants de Wajima ont certes envie de reconstruire le fameux marchĂ© emportĂ© par les flammes, et faire ainsi revivre une tradition millĂ©naire, mais ils nâont pas encore rĂ©ussi Ă sâentendre sur la nouvelle forme quâil devrait prendre.
Comme le site du marché, dont Hamaguchi Yukio a accumulé des milliers de clichés, a été entiÚrement déblayé, il pointe désormais son appareil vers les nombreuses bùches de plastique bleues disposées sur les toits et murs endommagés de son voisinage, un quartier dont la plupart des maisons sont à terre. Il les photographie sous


hamaguchi Yukio et les bĂąches bleues de l'espoir.
tous les angles pour une raison bien simple : âOn ne met pas une bĂąche sur un bĂątiment que lâon a lâintention dâabandonnerâ, explique-t-il. âElles sont donc un signe dâespoir !â
Eric rEchstEinEr
Financement participatif
Si vous souhaitez soutenir le projet des habitants de TĂŽme visant Ă rĂ©habiliter lâun des bĂątiments du temple GyĂŽnen pour en faire un lieu dâaccueil des visiteurs, vous pouvez faire un don en suivant ce lien : https://readyfor.jp/projects/148425?sns_ share_token=34b8eb1fcaeea4ba9fa6.

Manga et nature, le bon trait
Parmi les nombreux mangas oĂč il est question de la nature, ceux consacrĂ©s Ă la pĂȘche figurent en bonne place.
Dans le monde de la bande dessinĂ©e japonaise, les Ă©diteurs, toujours trĂšs occupĂ©s, sont constamment Ă la recherche de sujets intĂ©ressants Ă transformer en best-sellers potentiels. Tous les sujets sont bons Ă prendre, et la nature ne fait pas exception Ă la rĂšgle. Au cĆur des prĂ©occupations des Japonais, elle est devenue une thĂ©matique importante pour les mangakas qui ont multipliĂ© les Ćuvres sâintĂ©ressant Ă cette problĂ©matique. Dans un pays oĂč on ne compte plus le nombre de personnes qui aiment taquiner le goujon (voir Zoom Japon n°142, juillet-aoĂ»t 2024), la pĂȘche est depuis longtemps un sujet de prĂ©dilection pour les mangas. Les annĂ©es 1970 sont considĂ©-
rĂ©es comme lâĂąge dâor des mangas de pĂȘche, tandis que, plus rĂ©cemment, de nombreuses nouvelles bandes dessinĂ©es ont fait leur apparition dans les rayons des librairies. La liste suivante nâest quâune petite sĂ©lection dâanciennes et de nouvelles bandes dessinĂ©es sur la pĂȘche, prĂ©sentĂ©es par ordre chronologique.
Tsurikichi Sanpei (1973-1983, 2001-2010, 2018-2020)
Connu sous le nom de Paul le pĂȘcheur en France, ce nâest pas seulement le parrain des bandes dessinĂ©es sur la pĂȘche, mais aussi le plus accompli dâun point de vue artistique. Lâauteur Yaguchi
Takao (voir Zoom Japon n°137, fĂ©vrier 2024) Ă©tait un artiste qui a magnifiquement dĂ©peint les dĂ©cors naturels de ses histoires. La premiĂšre publication de ce manga dans le magazine ShĂŽnen Jump connut un tel succĂšs quâelle dĂ©clencha un essor de la pĂȘche dans tout le pays dans les
années 1970 et 1980.
Le protagoniste, un garçon nommĂ© Mihira Sanpei, est un gĂ©nie de la pĂȘche. Son grand-pĂšre Ă©tait un maĂźtre fabricant de cannes Ă pĂȘche. Lâhistoire tourne autour de son inĂ©puisable soif de pĂȘche. Ses premiĂšres aventures se dĂ©roulent dans la rĂ©gion du TĂŽhoku, câest-Ă -dire le nordest de lâarchipel, oĂč Sanpei vit ( Yaguchi Ă©tait lui-mĂȘme originaire de la prĂ©fecture dâAkita et ses souvenirs dâenfance constituent la base de ses premiĂšres histoires), mais par la suite, il entraĂźne les lecteurs dans tout le Japon, des zones humides de Kushiro Ă HokkaidĂŽ (voir Zoom Japon n°78, mars 2018), oĂč Sanpei essaie dâattraper un poisson mythique, aux battures de la mer dâAriake Ă KyĂ»shĂ», oĂč il attrape des mudskippers sur un traĂźneau de boue. Sanpei se rend mĂȘme au Canada et Ă HawaĂŻ pour pĂȘcher de gros poissons comme le saumon et le marlin. Comme Sanpei met constamment Ă lâĂ©preuve
ses talents de pĂȘcheur, il voyage dans tout le pays pour affronter des poissons Ă©tranges et lĂ©gendaires. Lâune des histoires les plus populaires lâoppose au takitarĂŽ, un poisson gĂ©ant qui vivrait dans lâĂ©tang dâOtoriike, dans la prĂ©fecture de Yamagata, mais que personne nâa jamais rĂ©ussi Ă attraper. Le takitarĂŽ est en fait classĂ© parmi les animaux mystĂ©rieux non identifiĂ©s, ce qui signifie quâil pourrait appartenir au domaine de la fantaisie. Tsurikichi Sanpei a la particularitĂ© de comporter un âYaguchi Fishing Cornerâ dans lequel lâauteur lui-mĂȘme commente le contenu de son Ćuvre et explique les dĂ©tails techniques des aventures de pĂȘche de Sanpei.
Tsuribaka nisshi (1979-aujourdâhui) âLe Journal dâun dingue de pĂȘcheâ, si lâon traduit littĂ©ralement son titre, est lâautre best-seller de longue date dans le domaine de la pĂȘche et, contrairement Ă Tsurikichi Sanpei, il est toujours publiĂ© en sĂ©rie dans le magazine Big Comic Original. Fruit du travail de Yamazaki JĂ»zĂŽ (scĂ©nario) et Kitami Kenâichi (dessins), ce manga a mĂȘme transcendĂ© le monde de la bande dessinĂ©e et le fandom de la pĂȘche puisquâil a Ă©tĂ© transformĂ© en une sĂ©rie de films populaires qui a durĂ© 22 Ă©pisodes entre 1988 et 2009 dont le scĂ©nario a Ă©tĂ© Ă©crit par Yamada YĂŽji (voir Zoom Japon n°49, avril 2015).
Hamasaki Densuke, Ă©galement connu sous le nom de Hama-chan, est un salariĂ© ordinaire qui nâa aucune ambition professionnelle. Sa femme le pousse Ă se lancer dans un hobby pour impressionner son patron et progresser. Il se met donc Ă la pĂȘche Ă contrecĆur⊠et finit par en devenir dĂ©pendant. En consĂ©quence, il sâĂ©loigne de plus en plus de toute idĂ©e dâavancement dans la hiĂ©rarchie de son entreprise. âAprĂšs tout, dit-il, si je suis promu, jâaurai moins de temps pour pĂȘcher.â Un jour, Hama-chan invite un vieil homme nommĂ© Su-san, quâil a rencontrĂ© par hasard, Ă aller pĂȘcher. Or, Su-san nâest autre que le prĂ©sident de lâentreprise pour laquelle travaille Hama-chan. Cette Ćuvre est un peu un poisson Ă©trange dans cette sĂ©lection, car, bien que la pĂȘche joue un rĂŽle central, le vĂ©ritable cĆur de lâhistoire est lâĂ©trange amitiĂ© de Hama-chan avec Su-san et les problĂšmes que son fanatisme cause dans sa vie professionnelle. En effet, cette sĂ©rie est populaire en tant que manga dĂ©crivant le quotidien du travail autant quâen tant que saga de pĂȘche.
Mr. Tsuridoren (1996-2002)
Le manga de Toda Katsuyuki raconte lâhistoire lĂ©gĂšre de lycĂ©ens qui sont accros Ă la pĂȘche Ă lâachigan. Le personnage principal sâappelle Hiwa KĂŽichi, un lycĂ©en de premiĂšre annĂ©e qui veut rejoindre le club de basket-ball de lâĂ©cole, mais qui sâinscrit par erreur au club de pĂȘche. LĂ , il se lie dâamitiĂ© avec ChĂŽta, un pĂȘcheur ex-
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pert qui prend KĂŽichi sous son aile. Ce manga est sorti alors que la mode de la pĂȘche Ă lâachigan nâĂ©tait pas encore retombĂ©e et il constitue un bon point dâentrĂ©e pour les dĂ©butants. Il comporte Ă©galement de nombreuses parodies de cĂ©lĂ©britĂ©s populaires Ă lâĂ©poque, comme Sametaku (Sameura Takuya), qui sâinspire de Kimura Takuya, membre de l'ancien groupe dâidoles ultra-cool SMAP. Une rĂ©fĂ©rence plus obscure est GyĂŽrai Misa, une pĂȘcheuse spĂ©cialisĂ©e dans les poissons Ă tĂȘte de serpent, qui est en fait un hommage Ă Kuroi Misa, le personnage principal du manga dâhorreur classique Eko Eko Azarak des annĂ©es 1970 de Koga Shinâichi. Dâailleurs, le titre du manga, Mr. Tsuridoren, est un jeu de mots entre le terme tsuri (pĂȘche) et le groupe pop-rock populaire M. Children. Bien quâil sâagisse dâune Ćuvre Ă forte teneur comique, Toda prend la pĂȘche trĂšs au sĂ©rieux. Les informations sur la pĂȘche au bar sont prĂ©sentĂ©es de maniĂšre professionnelle, clairement illustrĂ©es et faciles Ă comprendre, mĂȘme pour les dĂ©butants.
Okazu ga nakereba, sakana o tsureba ii janai (2016)
InĂ©dit en français, âSi vous nâavez pas de plat dâaccompagnement, il suffit dâattraper un poissonâ est la devise de ce manga autobiographique rĂ©alisĂ© par Morikoshi Hamu. Dessinatrice et illustratrice de mangas, Morikoshi et son mari salariĂ© sont de parfaits dĂ©butants et lâhistoire raconte leurs luttes et leurs erreurs pour devenir de bons pĂȘcheurs. Il leur faut six mois pour attraper quelques poissons, mais ils finissent par dĂ©couvrir la pĂȘche au sabiki, une mĂ©thode relativement facile qui permet dâattraper des poissons bleus tels que les sardines et les maquereaux Ă lâaide de plusieurs hameçons et dâun petit panier en plastique rempli dâappĂąts. Ces petits poissons sont souvent capturĂ©s Ă partir de la digue, ce qui rend la pĂȘche au sabiki trĂšs populaire auprĂšs des familles et des dĂ©butants. Le style de Morikoshi a une touche kawaii qui rend ses histoires faciles Ă comprendre. De plus, comme le suggĂšre le titre, ce manga va au-delĂ de la pĂȘche et prĂ©sente des instructions dĂ©taillĂ©es sur la façon de cuisiner des plats maison simples, comme des sashimis trempĂ©s dans des sauces aromatisĂ©es aux prunes ou au sĂ©same. Dans dâautres Ă©pisodes, la mangaka explique comment faire face aux poissons venimeux tels que les raies, parle des merveilles du poisson-lime, un poisson agrĂ©able au toucher, et de la situation des toilettes pour les femmes sur les lieux de pĂȘche.
HĂŽkago teibĂŽ nisshi (2017-aujourdâhui)
Le manga de Kosaka Yasuyuki, dont le titre
signifie Journal du brise-lames aprĂšs lâĂ©cole, raconte lâhistoire de Tsurugi Hina, une jeune fille qui dĂ©mĂ©nage de TĂŽkyĂŽ Ă la ville natale de son pĂšre dans la prĂ©fecture de Kumamoto (voir Zoom Japon n°88, mars 2019) juste avant dâentrer au lycĂ©e. Un jour, alors quâelle se promĂšne le long de la mer, elle rencontre une autre lycĂ©enne, Kuroiwa Yuki, qui pĂȘche sur le brise-lames. AprĂšs lui avoir empruntĂ© son matĂ©riel de pĂȘche, Hina, qui est Ă sa premiĂšre expĂ©rience, rĂ©ussit Ă attraper un poulpe qui atterrit sur ses jambes. Cependant, Hina souffre dâichtyophobie (peur de toucher du poisson cru). Yuki lui retire la pieuvre, mais pas avant de lui avoir fait promettre quâelle rejoindrait le Club du brise-lames. Celui-ci est composĂ© de quatre membres, et le manga dĂ©crit non seulement leurs activitĂ©s de pĂȘche, mais aussi la façon dont ils manipulent et cuisinent le poisson. De la fabrication dâappĂąts de pĂȘche Ă partir dâinsectes Ă©crasĂ©s au nettoyage dâune pieuvre, chaque Ă©pisode prĂ©sente des techniques et des mĂ©thodes de cuisson pour chaque type de poisson. Au fur et Ă mesure que lâhistoire progresse, lâĂ©ventail des activitĂ©s des filles sâĂ©largit, comme lorsquâelles profitent de leurs vacances dâĂ©tĂ© pour aller pĂȘcher dans les Ăźles GotĂŽ (voir Zoom Japon n°121, juin 2022), un archipel isolĂ© de la prĂ©fecture de Nagasaki.
Ohitsuri-sama (2017-présent)
Kamij Seira est une employĂ©e de bureau de 24 ans qui est populaire dans son entreprise en raison de son apparence, de son Ă©thique de travail et de sa personnalitĂ©. Câest une beautĂ© talentueuse mais plutĂŽt froide qui ne montre pas beaucoup dâĂ©motions. Cependant, en dehors du bureau, câest une fille un peu excentrique qui pense toujours Ă la pĂȘche. Elle est trĂšs indĂ©pendante dâesprit et va toujours pĂȘcher seule (le titre du manga est un jeu de mots sur tsuri (pĂȘche) et ohitori-sama, câest-Ă -dire les personnes qui aiment ĂȘtre seules).
Ayant grandi dans une famille oĂč tout le monde, Ă lâexception de sa mĂšre, Ă©tait passionnĂ© de pĂȘche, lâhĂ©roĂŻne connaĂźt ce loisir depuis son plus jeune Ăąge. Elle est tellement douĂ©e quâelle est enregistrĂ©e comme dĂ©tentrice dâun record dans le magasin de matĂ©riel de pĂȘche quâelle frĂ©quente. Comme elle prĂ©fĂšre pĂȘcher seule, la plupart des scĂšnes de pĂȘche de Seira consistent en des monologues qui se dĂ©roulent dans sa tĂȘte. Ces monologues constituent dâailleurs lâun des points forts de lâĆuvre.
Seira nâest pas du tout une pĂȘcheuse difficile et va nâimporte oĂč pour attraper du poisson, y compris en rejoignant des couples et dâautres employĂ©s de bureau Ă lâĂ©tang de pĂȘche local et en jetant des leurres dans les cours dâeau Ă cĂŽtĂ© des riziĂšres - oĂč il nây a pas dâautres pĂȘcheurs en vue - pour attraper des poissons-chats.
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Miss Cast (2017)
Iiyama Kazuo est un mangaka qui a Ă©crit plusieurs titres sur le thĂšme de la pĂȘche, et Miss Cast est un autre exemple de la rĂ©cente tendance Ă associer la pĂȘche Ă de jolies filles, ce qui est toujours un moyen sĂ»r dâattirer lâattention des lecteurs otaku. LâhĂ©roĂŻne de cette histoire est Mizukawa Makoto, une talento (personnalitĂ© de la tĂ©lĂ©vision) de 26 ans qui est sur le point dâĂȘtre renvoyĂ©e de son agence de divertissement en raison dâun manque de travail. Son manager lui trouve un emploi dans une Ă©mission de pĂȘche, et bien quâelle ne soit pas du tout intĂ©ressĂ©e par la pĂȘche, elle accepte en dĂ©sespoir de cause. Inutile de dire que Makoto devient peu Ă peu accro au plaisir de la pĂȘche.
Au dĂ©but, lâhistoire tourne autour de la pĂȘche aux leurres dans des lieux de pĂȘche artificiellement amĂ©nagĂ©s dans des Ă©tangs et des riviĂšres, mais aprĂšs le volume 2, lorsque Makoto sâest habituĂ©e Ă pĂȘcher, le champ de ses activitĂ©s sâĂ©largit considĂ©rablement. En effet, le producteur de lâĂ©mission de pĂȘche, sentant son pouvoir de vente, envoie Makoto Ă travers le pays et la jette dans des lieux et des situations toujours diffĂ©rents, pour lesquels elle nâa absolument aucune expĂ©rience. Ainsi, Makoto se retrouve Ă pĂȘcher le bar Ă lâaide de leurres sur le rivage et Ă essayer dâattraper des sĂ©bastes. Dans le troisiĂšme tome, Makoto obtient un permis de bateau et part pĂȘcher seule.
Ce qui est amusant avec Makoto, câest que
mĂȘme si elle est accro Ă la pĂȘche, elle ne cesse de rĂ©pĂ©ter quâelle prĂ©fĂ©rerait faire autre chose. AssociĂ©e Ă sa force dâesprit digne dâune cĂ©lĂ©britĂ©, elle devient un type de protagoniste que lâon ne retrouve pas dans les autres mangas de pĂȘche.
Tsuribito seikatsu (2017)
Encore un autre manga de pĂȘche publiĂ© en 2017 (une annĂ©e faste pour le genre), âLa Vie du pĂȘcheurâ, si lâon traduit littĂ©ralement, de SatĂŽ Terushi est similaire Ă Okazu ga nakereba, sakana o tsureba ii janai en ce quâil traite de la vie de pĂȘche intense et dĂ©vorante dâun vĂ©tĂ©ran du manga.
Comme tous les dessinateurs de bandes dessinĂ©es japonais Ă succĂšs, SatĂŽ mĂšne une vie quotidienne trĂ©pidante, essayant toujours de battre la date limite hebdomadaire. Cependant, mĂȘme lorsquâil termine un nouveau manuscrit Ă 2 heures du matin, il saute dans sa voiture pour aller pĂȘcher avec son Ă©diteur tout aussi fatiguĂ©. La description authentique de la pĂȘche se dĂ©roule principalement Ă Katsuyama, sur la cĂŽte de la prĂ©fecture de Chiba, oĂč le mangaka pĂȘche la dorade noire. Cette mĂ©thode, qui consiste Ă utiliser une canne Ă pĂȘche courte Ă partir dâun radeau ou dâun petit bateau, est particuliĂšrement populaire dans la rĂ©gion du Kansai (Ăsaka et sa rĂ©gion), tandis que dans la rĂ©gion du KantĂŽ (TĂŽkyĂŽ et sa rĂ©gion), il nây a que quelques bons endroits Ă Chiba et Ă Kanagawa. LâintĂ©rĂȘt de Tsuribito seikatsu est quâil relate fidĂšlement les aventures de SatĂŽ,
quâelles soient bonnes ou mauvaises. Alors que sa cible principale est la dorade noire, il doit souvent se contenter de maquereaux et dâautres petits poissons de ce type. Une autre fois, aprĂšs ĂȘtre descendu du bateau, il tente dâattraper des calmars bleus sur la digue, mais il rentre bredouille et subit les moqueries impitoyables de sa famille. Bien quâil soit facile Ă lire, ce manga est extrĂȘmement riche en informations sur les techniques de pĂȘche et les lieux de pĂȘche de la rĂ©gion de KantĂŽ. Une autre caractĂ©ristique attrayante est quâen plus des visages familiers habituels tels que les rĂ©dacteurs et les assisva parfois pĂȘcher avec dâautres cĂ©lĂ©britĂ©s passionnĂ©es de pĂȘche telles que TakaYĂŽichi, cĂ©lĂšbre auteur dâOlive et Tom
(2018-aujourdâhui)
Uchino Maiko est celle de Hiyori et Koharu, deux filles qui sont en premiĂšre annĂ©e de lycĂ©e (une autre caractĂ©ristique de lâintrigue couramment utilisĂ©e pour attirer les jeunes lecteurs). Elles se rencontrent pour la premiĂšre fois sur une jetĂ©e oĂč Hiyori pĂȘche. Koharu ne semble pas connaĂźtre grand-chose Ă lâocĂ©an et Hiyori lâattrape littĂ©ralement avec une ligne de pĂȘche juste avant quâelle ne plonge dans la mer glaciale de lâhiver. Les deux sâentendent bien et deviennent rapidement de bonnes amies, mais elles sont surprises dâapprendre quâelles sont sur le point de devenir demi-sĆurs car la mĂšre de Hiyori va Ă©pouser le pĂšre de Koharu.
AprĂšs avoir emmĂ©nagĂ© ensemble, elles se lient autour de la pĂȘche. Elles vivent dans une ville au bord de la mer, et Hiyori connaĂźt particuliĂšrement bien la pĂȘche, car elle a toujours vĂ©cu dans la rĂ©gion et pĂȘche depuis son enfance, lorsquâelle avait lâhabitude dâattraper des poissons avec son pĂšre, aujourdâhui dĂ©cĂ©dĂ©. Hiyori est spĂ©cialisĂ©e dans la pĂȘche Ă la mouche (une technique de pĂȘche qui utilise un leurre ultra-lĂ©ger appelĂ© mouche artificielle, qui imite gĂ©nĂ©ralement de petits invertĂ©brĂ©s tels que des insectes volants ou aquatiques pour attirer et attraper des poissons) et enseigne Ă Koharu tout ce quâelle doit savoir sur sa passion. La pĂȘche Ă la mouche nâayant rien Ă voir avec les appĂąts vivants, câest la technique idĂ©ale pour Hiyori qui dĂ©teste les insectes. En ce sens, Slow Loop est une lecture idĂ©ale pour ceux qui veulent se lancer dans ce type de pĂȘche.
Koharu, quant Ă elle, nâest peut-ĂȘtre pas trĂšs expĂ©rimentĂ©e mais, en revanche, elle sait manier le poisson avec expertise et est douĂ©e pour la cuisine. En cuisinant les poissons quâelles attrapent et en les servant Ă leur famille, elles apprennent Ă©galement Ă mieux connaĂźtre leurs nouveaux parents et Ă crĂ©er un lien plus fort avec eux. Gianni simonE
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CINĂ Miyazaki ou l'approche spirituelle
Pour le célÚbre mangaka et réalisateur, le regard porté sur la nature a une dimension presque religieuse.
LâĆuvre de Miyazaki Hayao est souvent dĂ©finie comme la quintessence du Japon, en particulier dans la façon dont il dĂ©peint la nature (voir aussi pp. 24-27). Câest certainement vrai, mĂȘme sâil faut souligner que ses mangas et ses films prĂ©sentent rarement des paysages dâune beautĂ© traditionnelle, la seule exception Ă©tant probablement Mon voisin Totoro (Tonari no Totoro, 1988). ConsidĂ©rons la nature dĂ©peinte par Miyazaki dans NausicaĂ€ de la vallĂ©e du vent (Kaze no tani no Naushika, 19821994 pour le manga et 1984 pour lâanime), Mon voisin Totoro et Princesse MononokĂ© (Mononoke Hime, 1997).
Dans une interview accordĂ©e Ă des journalistes Ă©trangers portant sur Princesse Mononoke, lâartiste a dĂ©clarĂ© ce qui suit concernant la façon dont la nature est reprĂ©sentĂ©e dans ses films : âJâai essayĂ© de dĂ©peindre non pas une forĂȘt rĂ©aliste, mais une forĂȘt qui existe dans le cĆur des Japonais, une forĂȘt qui existe depuis des temps immĂ©moriauxâ. La forĂȘt âdans le cĆur des Japonaisâ (Nihonjin no kokoro no naka) fait rĂ©fĂ©rence Ă la foi religieuse du Japon. Dans le numĂ©ro dâaoĂ»t 1997 du magazine Seiryu, il a ajoutĂ© que âles dieux japonais ne sont ni bons ni mauvais. Parfois, le mĂȘme dieu devient violent, mais montre ensuite son cĂŽtĂ© calme et bienveillant. Les Japonais ont toujours eu ce type de foi. MĂȘme si nous vivons Ă lâĂšre moderne, nous avons toujours le sentiment que quelque part, au fin fond des montagnes oĂč nous nâavons jamais mis les pieds, il existe un endroit de rĂȘve avec des forĂȘts profondes, une belle verdure et de lâeau pure. (...) Il sâagit peut-ĂȘtre dâune sorte de primitivitĂ©, mais avant mĂȘme de parler de protection de lâenvironnement naturel, je considĂšre quâil sâagit lĂ de notre caractĂšre national. Câest quelque chose que nous ressentons profondĂ©ment dans nos cĆursâ. Il est intĂ©ressant de noter que des mots tels que âmontagneâ, âriviĂšreâ, âplanteâ et âarbreâ sont utilisĂ©s depuis lâAntiquitĂ©, et que les fleurs et lâherbe figurent dans de nombreux poĂšmes waka et haĂŻku. Cependant, jusquâĂ une date relativement rĂ©cente, aucun mot nâenglobait lâensemble des Ă©lĂ©ments naturels. Ce nâest que dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle, aprĂšs que le Japon ait mis fin Ă son isolement international, que le mot âshizenâ apparaĂźt pour traduire le mot Ă©tranger ânatureâ. Ainsi, le mot que nous tenons pour acquis aujourdâhui provient en fait dâun contexte Ă©tranger.

Par consĂ©quent, lorsquâon regarde un film du Studio Ghibli, il est important de garder Ă lâesprit que les Japonais ont une vision de la nature trĂšs diffĂ©rente de celle des Occidentaux. Dans la culture occidentale, la nature correspond au monde extĂ©rieur, en contraste Ă sa propre existence. Par consĂ©quent, notre vision est basĂ©e sur le dualisme entre le soi et lâautre. En revanche, les Japonais ne voient pas la nature en termes duel et conflictuel. Au contraire, les humains et la nature entretiennent une relation Ă©troite, comme sâils faisaient partie de la mĂȘme grande famille, comme lâexprime lâexpression
âTerre mĂšreâ. En dâautres termes, lâapproche japonaise de la nature nâest pas basĂ©e sur lâopposition, mais sur la coexistence. Plus prĂ©cisĂ©ment, lâhomme est autorisĂ© Ă vivre dans la nature. Lorsque les EuropĂ©ens escaladent une haute montagne et en atteignent le sommet, ils disent quâils lâont conquise et plantent leur drapeau sur le sommet. En revanche, un alpiniste japonais peut remercier le dieu de la montagne dâavoir atteint le sommet sans encombre et laisser de la nourriture en guise dâoffrande. Câest parce quâils croient que les choses ont aussi une Ăąme. Miyazaki Hayao a Ă©galement dĂ©clarĂ© quâil fut


un temps au Japon oĂč les forĂȘts avaient une signification spirituelle. Ă lâĂ©poque, lorsquâon entrait dans une forĂȘt, on ressentait une sensation mystĂ©rieuse, comme si quelquâun nous observait par derriĂšre, ou on entendait un son venant de quelque part. Cette prĂ©sence nâĂ©tait rien dâautre que le signe que la nature Ă©tait vivante, une manifestation de sa vitalitĂ©. La nature est un thĂšme central dans les Ćuvres de lâartiste, NausicaĂ€ de la vallĂ©e du vent, Mon voisin Totoro et Princesse MononokĂ©Â : des cavernes souterraines couvertes de cristaux bleus (NausicaĂ€), une forĂȘt belle et paisible (Totoro), lâĂ©tang divinement brillant de lâEsprit de la forĂȘt (Princesse MononokĂ©). Pour lui, ces images de nature pure restent profondĂ©ment ancrĂ©es dans lâĂąme des Japonais, quelle que soit la prospĂ©ritĂ© Ă©conomique ou lâavancĂ©e scientifique de leur pays. Dans NausicaĂ€ de la vallĂ©e du vent, la surface du monde est envahie par la mer empoison-
nĂ©e par la dĂ©composition, qui tue lentement la terre. Le poison est ce qui reste dâune immense civilisation industrielle dĂ©truite par une guerre. Au plus profond de la mer se trouve le pays de la puretĂ© bleue, une terre magnifique dotĂ©e dâune forĂȘt vierge, dâune eau pure et dâun air pur. NausicaĂ€ peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une vierge du sanctuaire qui gouverne le Pays de la PuretĂ© Bleue. A propos de ce monde souterrain, Miyazaki Hayao estime que âdans la partie la plus reculĂ©e de notre pays, il existe un endroit trĂšs pur oĂč les gens ne devraient pas mettre les pieds. Lâeau y coule en abondance et protĂšge une forĂȘt profondeâ. On peut dire quâil a senti que la sensibilitĂ© japonaise Ă lâĂ©gard de la nature Ă©tait en train de sâeffondrer, et quâil a voulu visualiser cette idĂ©e.
Dans Princesse MononokĂ©, cette idĂ©e de puretĂ© prend la forme de la forĂȘt du Dieu Lion. LorsquâAshitaka se rend pour la premiĂšre fois dans la
forĂȘt, de nombreux Ă©chos se font entendre. Ces Ă©chos transparents incarnent la âprĂ©sence de la vieâ ressentie par les gens Ă lâĂ©poque oĂč les forĂȘts avaient une signification spirituelle. Quand Ashitaka est mortellement blessĂ©, il est transportĂ© dans la forĂȘt et immergĂ© dans les eaux de la source. Le Dieu Lion, qui contrĂŽle la vie et la mort, le ressuscite alors et lui insuffle une nouvelle vie. Lâauteur montre clairement que le Dieu Lion a deux facettes : la vie et la mort, la crĂ©ation et la destruction. De la mĂȘme maniĂšre, la nature apporte des bĂ©nĂ©dictions aux humains, mais provoque aussi des catastrophes. La nature elle-mĂȘme ne meurt jamais, car elle est la vie mĂȘme, elle a le pouvoir de se rĂ©gĂ©nĂ©rer, parfois en prenant une forme diffĂ©rente. Alors que dans les premiers exemples, la nature est dĂ©peinte comme un royaume irrĂ©el et onirique, Mon voisin Totoro dĂ©crit un environnement plus familier, bien quâidĂ©alisĂ©, qui est devenu progressivement plus difficile Ă trouver. Dans cette histoire, dĂšs le dĂ©but, lorsque la famille emmĂ©nage dans sa nouvelle maison, il est montrĂ© Ă plusieurs reprises quâil existe un monde invisible, parallĂšle au monde rĂ©el.. Voyons maintenant ce quâest Totoro. Mei rencontre la crĂ©ature gĂ©ante pour la premiĂšre fois lorsquâelle tombe dans un grand sanctuaire en forme dâarbre. Totoro sâassoupit et Mei sâendort sur son ventre duveteux. Plus tard, Satsuki et son pĂšre essaient en vain de retrouver le chemin empruntĂ© par Mei. Le pĂšre de Satsuki lui dit alors quâelle ne peut pas toujours rencontrer Totoro. Plus tard, le pĂšre de Satsuki lui dit que lâemplacement de lâarbre coĂŻncide avec le sanctuaire Suiten et que Totoro est propriĂ©taire de lâarbre. Totoro peut donc ĂȘtre considĂ©rĂ© comme lâesprit de lâarbre.
Câest dans les rĂȘves de Mei et Satsuki que Totoro exerce tout son pouvoir dâesprit de lâarbre. Lorsquâelles voient les Totoro pousser des noix, elles se prĂ©cipitent dans le jardin. LĂ , elles prient pour faire pousser les plantes, et les jeunes pousses deviennent rapidement dâimmenses arbres. Les deux sĆurs sâenvolent alors dans le ciel dans les bras de Totoro.
Mais lâĂ©pisode ne sâarrĂȘte pas lĂ . Lorsquâelles se rĂ©veillent le lendemain matin, elles constatent que les noix quâelles ont plantĂ©es la veille ont germĂ©. Leur rĂȘve est devenu rĂ©alitĂ©. SubmergĂ©es par la joie, les deux filles courent autour du parterre de fleurs en disant : âCâest un rĂȘve, mais ce nâĂ©tait pas un rĂȘveâ. Les mots quâelles rĂ©citent sont la clĂ© pour comprendre la pensĂ©e de Miyazaki : la rĂ©alitĂ© et les rĂȘves correspondent. Câest pourquoi les rĂȘves deviennent rĂ©alitĂ©. Dans un monde oĂč la rĂ©alitĂ© et les rĂȘves se chevauchent, les arbres ne sont pas seulement des entitĂ©s matĂ©rielles, ils ont une vie et un esprit.
G. s
TĂLĂ Ishinomori, le dĂ©fenseur acharnĂ©
TrÚs populaire au Japon, le créateur de Kamen Rider reste méconnu en France. Une biographie lui rend hommage.
Originaire du TĂŽhoku, le nord-est de lâarchipel, Ă lâinstar de Yaguchi Takao (voir pp. 8-10) dont il fut trĂšs proche Ă la fin de sa vie, Ishinomori ShĂŽtarĂŽ a toujours entretenu un rapport singulier avec sa rĂ©gion natale dont il a vĂ©cu la transformation des paysages au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En effet, la nĂ©cessitĂ© de nourrir la population dans un pays largement dĂ©truit a conduit les autoritĂ©s Ă dĂ©velopper des riziĂšres au dĂ©triment des forĂȘts et des espaces sauvages qui prĂ©valaient alors dans cette partie de la prĂ©fecture de Miyagi oĂč le futur mangaka est nĂ© le 25 janvier 1938.
MalgrĂ© la disparition progressive des zones forestiĂšres oĂč il passait de nombreuses heures Ă jouer avec ses amis, il les a gardĂ©es en mĂ©moire et a su les restituer dans certaines de ses Ćuvres, notamment RyĂ»jinnuma [Le marais du dieu dragon, 1961], sans doute son premier chefdâĆuvre. âMĂȘme sâil nây a pas de marais de ce nom ici, le lieu quâil a pris pour modĂšle a bel et bien existĂ©. Il nâen reste plus aucune trace, mais Ă lâĂ©poque, Ă la place des riziĂšres actuelles, il y avait une forĂȘt dense appelĂ©e Yachi oĂč nous allions, avec ShĂŽtarĂŽ, âmener des expĂ©ditions dans la jungleâ. Tout autour, il y avait aussi une zone marĂ©cageuse tandis que la forĂȘt, avec ses grands arbres qui laissaient Ă peine passer la lumiĂšre, avait un cĂŽtĂ© effrayant dont ShĂŽtarĂŽ sâest souvenu pour construire son histoire dans laquelle le personnage fĂ©minin nâest autre que sa sĆurâ, se souvient SatĂŽ Toshiaki, ami dâenfance du dessinateur, dans la biographie que Claude Leblanc lui consacre et que les Editions IMHO publient dĂ©but fĂ©vrier. Dans cet ouvrage qui fait suite Ă La RĂ©volution Garo 1945-2002 paru en 2023 chez le mĂȘme Ă©diteur, le fondateur de Zoom Japon explore la vie de lâartiste Ă travers notamment le prisme de ses racines, lesquelles expliquent lâimportance de la place donnĂ©e Ă la nature dans son Ćuvre. Tout au long de sa carriĂšre de mangaka au cours de laquelle il publiera 770 sĂ©ries pour un total de 128 000 pages, record jamais Ă©galĂ© et inscrit au Guinness Book, Ishinomori ShĂŽtarĂŽ se montrera trĂšs vigilant sur les sujets liĂ©s Ă lâenvironnement, soulignant Ă la fois sa propre sensibilitĂ© et sa capacitĂ© Ă comprendre lâimportance que cette thĂ©matique reprĂ©sentait pour les Japonais Ă une Ă©poque oĂč la nature a Ă©tĂ© malmenĂ©e au nom de la croissance Ă©conomique. Lorsquâil en-

tame sa carriĂšre de dessinateur dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1950, les Japonais dĂ©couvrent les consĂ©quences tragiques de certains choix industriels comme la maladie de Minamata dont les autoritĂ©s reconnaissent officiellement lâexistence en mai 1956. QualifiĂ© dâabord de âmaladie Ă©trangeâ (kibyĂŽ), le mal, qui a dâabord frappĂ© les chats avant de toucher les hommes, est finalement associĂ© Ă la prĂ©sence de mercure dans le poisson. Celui-ci a Ă©tĂ© rejetĂ© dans la mer par une entreprise chimique locale, contaminant quelque 15 000 personnes. A cĂŽtĂ© du traumatisme que cette affaire de pollution industrielle
a provoquĂ© chez une partie de la population, dâautres formes de dĂ©gradation de lâenvironnement mobilisent les Japonais, en particulier ceux qui vivent de plus en plus nombreux dans les centres urbains.
Ishinomori ShĂŽtarĂŽ a lui-mĂȘme quittĂ© sa rĂ©gion natale pour sâinstaller Ă TĂŽkyĂŽ pour ĂȘtre plus proche des maisons dâĂ©dition. En 1964, alors que la capitale sâapprĂȘte Ă accueillir les Jeux olympiques, le mangaka crĂ©e le personnage dâEcchan, une petite fille un peu rĂȘveuse qui possĂšde des dons particuliers comme celui de parler aux ĂȘtres vivants. En lui accordant un
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accent prononcĂ© du TĂŽhoku, il en fait un personnage trĂšs attachant Ă qui il arrive tout un tas dâaventures rocambolesques et drĂŽles, mais qui se mobilise sur des sujets de premiĂšre importance comme la dĂ©fense de lâenvironnement. PubliĂ©e dans le magazine de prĂ©publication Margaret (ShĂ»eisha), cette sĂ©rie sâadresse Ă un public fĂ©minin qui nâavait pas lâhabitude de ce type de contenu. Dans le neuviĂšme Ă©pisode intitulĂ© Naiteiru no maki [Celui oĂč lâon pleure], Ecchan explique Ă ses amies que le cerisier en fleurs est en train de pleurer Ă cause des usines, de la circulation automobile et des travaux qui ne cessent de croĂźtre. La ville gagne du terrain et les bulldozers font reculer la nature. Bien dĂ©cidĂ©e Ă la protĂ©ger avec ses amies, elle sâen prend Ă un chasseur avant dâaider une grand-mĂšre Ă dĂ©fendre sa maison traditionnelle contre les promoteurs, jusquâau moment oĂč la vieille dame accepte de la vendre contre une grosse somme dâargent. Si la petite fille se venge en soufflant sur les liasses de billets qui sâenvolent, lâhistoire met aussi en avant la cupiditĂ© des adultes qui favorise la dĂ©gradation de lâenvironnement. La maniĂšre humoristique dont Ishinomori ShĂŽtarĂŽ aborde ce sujet ne doit pourtant pas faire oublier quâĂ lâĂ©poque le Japon, en particulier TĂŽkyĂŽ, possĂšde une qualitĂ© de lâair extrĂȘmement mauvaise. Sa demande en Ă©nergie ayant Ă©tĂ© multipliĂ©e par sept depuis 1955, il en rĂ©sulte une pollution de lâair sans prĂ©cĂ©dent
qui conduit Ă une multiplication des maladies respiratoires tandis que dâautres consĂ©quences nĂ©fastes sur lâenvironnement se manifestent, crĂ©ant un phĂ©nomĂšne de ras-le-bol. A lâĂ©poque, la situation au Japon suscite de nombreuses rĂ©actions dans le monde oĂč lâon nâhĂ©site plus Ă parler de âdĂ©bĂącle environnementaleâ
Le mangaka, qui a pu effectuer un voyage de trois mois Ă lâĂ©tranger quelques mois auparavant, a peut-ĂȘtre pris conscience de cette anomalie. Quoi quâil en soit, il nâest pas insensible au sujet et participe Ă sa maniĂšre Ă maintenir la pression sur les autoritĂ©s qui restent obnubilĂ©es par le dĂ©veloppement industriel et la croissance Ă©conomique Ă deux chiffres. RĂ©sultat, les concentrations de dioxyde de soufre dans lâatmosphĂšre passent de .015 ppm en 1960 Ă .060 ppm cinq ans plus tard. Face Ă cette dĂ©rive, les citoyens se mobilisent et finissent par obtenir du gouvernement quâil prenne le taureau par les cornes et lĂ©gifĂšre. En aoĂ»t 1967, une loi sur le contrĂŽle sur la pollution est finalement passĂ©e, mais sâavĂšre dĂ©cevante. Cela pousse une partie de la population Ă poursuivre ses manifestations. LâĂ©lection de Minobe RyĂŽkichi au poste de gouverneur de TĂŽkyĂŽ soutenu par le Parti socialiste et le Parti communiste en lieu et place du candidat reprĂ©sentant le Parti libĂ©ral dĂ©mocrate, au pouvoir, oblige les gestionnaires du pays Ă se montrer plus ambitieux dans la lutte contre la pollution.
Les choses ne vont sans doute pas assez vite pour Ishinomori ShĂŽtarĂŽ qui conserve un intĂ©rĂȘt soutenu pour la dĂ©fense de lâenvironnement. MĂȘme si les choses sâamĂ©liorent, il semble dĂ©terminĂ© Ă enfoncer le clou et Ă rappeler Ă son public que ce sujet doit demeurer une prioritĂ©. Lorsque la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision MBS lui demande, Ă lâĂ©tĂ© 1970, de rĂ©flĂ©chir Ă la crĂ©ation dâun personnage dâune sĂ©rie Ă effets spĂ©ciaux qui sera Ă©galement adaptĂ©e sous forme de manga, il finit par proposer un hĂ©ros masquĂ© dont la mission consistera Ă combattre Shocker, une organisation malĂ©fique qui tente de prendre le contrĂŽle du Japon. Dans sa biographie, Claude Leblanc revient en dĂ©tail sur le processus qui finit par accoucher de Kamen Rider qui porte un masque inspirĂ© de la sauterelle. âToutes les destructions environnementales ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es par lâhomme au nom du progrĂšs de la civilisation. La crise alimentaire provoquĂ©e par lâaugmentation de la population a Ă©tĂ© causĂ©e par lâhomme lui-mĂȘme. La propagation galopante de maladies Ă©tranges provoquĂ©es par des produits chimiques. [âŠ] Nous sommes menacĂ©s par des guerres commerciales, des guerres par procuration et des guerres nuclĂ©aires. La âcivilisationâ coĂ»te cher Ă la nature et Ă lâhumanitĂ©. [âŠ] La civilisation est censĂ©e ĂȘtre la cristallisation de la merveilleuse sagesse acquise par lâhumanitĂ©. Il doit en ĂȘtre ainsi, et les efforts pour corriger immĂ©diatement ces erreurs relĂšvent aussi de la sagesse.

Ce long prĂ©ambule marque une rĂ©bellion de la nature contre cette âcivilisationâ (reprĂ©sentĂ©e par la technologie) qui sâest engagĂ©e dans une mau vaise voie. Câest pour nous alerter que Kamen Rider a Ă©tĂ© crĂ©Ă©â, assure alors le mangaka pour justifier son choix. Kamen Rider est un cyborg, un ĂȘtre humain augmentĂ©, qui se rebelle contre son crĂ©ateur Shocker pour dĂ©fendre la planĂšte. Il doit affronter dâautres crĂ©atures envoyĂ©es par lâorganisation pour lâempĂȘcher dâimposer sa loi. Lorsquâil se retrouve pour la premiĂšre fois devant lâune dâelles, il lui adresse le message sui vant : âPour vaincre vos ambitions de conquĂȘte de la Terre et prĂ©server la paix de lâhumanité⊠Je suis Kamen Rider, le guerrier justicier envoyĂ© par MĂšre Natureâ.
Si lâon a fini par retenir davantage les effets spĂ©ciaux dĂ©veloppĂ©s pour la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e que le message Ă©cologique lancĂ© par Ishinomori ShĂŽtarĂŽ dans Kamen Rider, dont le hĂ©ros de viendra au fil des annĂ©es lâun des plus popu laires du pays, il convient de saluer le travail du biographe qui remet en Ă©vidence lâengagement du mangaka vis-Ă -vis des questions environne mentales. Le fait quâil en fasse un personnage fragile en dĂ©pit de sa force est aussi une maniĂšre de rappeler que la nature elle-mĂȘme est souvent victime de lâhomme mĂȘme si elle peut se mon trer parfois destructrice. Bien quâil nâait pas connu directement de catastrophes naturelles dâenvergure, le mangaka est nĂ© cinq ans aprĂšs le terrible sĂ©isme de magnitude 8,4 sur lâĂ©chelle de Richter qui a ravagĂ© le nord-est de lâarchipel, faisant plus de 3 000 morts. Il est donc parfai tement conscient de ce paradoxe et son person nage en est une sorte dâincarnation. Lorsquâil reprend pour une derniĂšre fois, Ă lâautomne 1987, son personnage dans la sĂ©rie intitulĂ©e Kamen Rider Black, publiĂ©e dans S nen Sunday, il joue Ă fond cette carte et adopte une vision assez pessimiste puisque, malgrĂ© sa victoire sur le mal, le monde est dĂ©truit par la guerre nuclĂ©aire et la pollution environ nementale, principal objet du combat menĂ© par Kamen Rider depuis sa crĂ©ation en 1971. Claude Leblanc montre, dans ShĂŽtarĂŽ Ishinomori, il Ă©tait une fois le roi du manga, que lâartiste dĂ©fend cette approche sombre parce quâil reste trĂšs sensible Ă la transformation du pays et des paysages quâil a connus. Alors quâil approche de la fin de sa vie, en raison dâun mal qui va le ronger, il exprime plus ouvertement son attachement Ă sa rĂ©gion natale. âIl nâest pas bon que la campagne perde son caractĂšre rural, un caractĂšre dont elle peut ĂȘtre fiĂšre. Il serait triste que les routes soient pavĂ©es partout, que les voitures aillent et viennent en crachant de lâessence, et que lâeau fraĂźche des ruisseaux soit remplacĂ©e par lâodeur des Ă©gouts. Chaque fois que je pense Ă ma ville natale, je souhaite que lâamĂ©lioration de
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Kamen Rider, l'homme-sauterelle est devenu un héros incontournable de la culture populaire nippone.
la vie Ă la campagne apporte lâodeur de la campagne au lieu de lâodeur de la villeâ, dĂ©clare-t-il en 1992 alors quâil sâengage dans des initiatives visant Ă revitaliser la rĂ©gion qui lâa vu naĂźtre. âJe pense que ce sont les riziĂšres, les riviĂšres et les montagnes qui ont fait de moi ce que je suis aujourdâhui. En dâautres termes, je crois que cette sorte de sensibilitĂ© est le produit de ma rĂ©gion nataleâ, ajoutera-t-il cinq ans plus tard, quelques mois avant que la maladie ait raison de lui. Bien que sa tombe se trouve Ă TĂŽkyĂŽ, shinomori
ShĂŽtarĂŽ a laissĂ© derriĂšre lui, deux musĂ©es â le premier situĂ© Ă TĂŽme Ă 40 km au nord dâIshinomaki, le second dans la citĂ© portuaire (voir Zoom
Japon n°52, juillet 2015) â oĂč lâon peut mesurer lâimportance quâil a accordĂ©e Ă la nature et Ă la nĂ©cessitĂ© de la prĂ©server du mieux que lâon peut. Avec cette biographie de celui quâon a surnommĂ© âle roi du mangaâ (manga no ĂŽsama), le fondateur de Zoom Japon permet non seulement de mieux faire connaĂźtre cet auteur incontournable de lâhistoire du manga, mais aussi dâen exposer une facette souvent nĂ©gligĂ©e. odaira namihEi
Référence
ShĂŽtarĂŽ Ishinomori, il Ă©tait une fois le roi du manga, de Claude Leblanc, Editions IMHO, 2025, 24 âŹ.
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POLAR Bizarre, vous avez dit bizarre

Dans ce roman en quatre chapitres, chacun centrĂ© sur des personnages et des dessins diffĂ©rents qui ajoutent une nouvelle dimension au mystĂšre au fur et Ă mesure qu'il se dĂ©voile, le lecteur se laisse emporter dans une enquĂȘte trĂšs prenante aux nombreuses ramifications. La façon dont le rĂ©cit est construit l'incite Ă se mettre dans la peau des enquĂȘteurs qui essaient de dĂ©couvrir ce qui se cachent derriĂšre ces âĂ©tranges imagesâ.
Strange Pictures (Henna e), de Uketsu, traduit par Silvain Chupin, Seuil, 2025, 19,90 âŹ.
ESSAI Le nucléaire au miroir du Japon

Ces derniĂšres annĂ©es, la question du nuclĂ©aire est revenue sur le devant de la scĂšne, notamment aprĂšs l'accident de Fukushima en 2011 et avec la question du rĂ©chauffement climatique. Face Ă ce dilemme, il n'est pas facile de trancher. Pierre Gras expose la gĂ©nĂ©alogie de la catastrophe de Fukushima et propose une analyse de la relation du Japon au nuclĂ©aire grĂące auxquelles le lecteur est mieux Ă©clairĂ©. Industrie nuclĂ©aire et dĂ©mocratie : le cas du Japon, de Pierre Gras, Le Bord de l'eau, coll. Documents, 2024, 14 âŹ.
ANIMATION Un chat qui nous fait ronronner
Depuis sa prĂ©sentation Ă Cannes en mai dernier, Anzu, chat-fantĂŽme a souvent Ă©tĂ© comparĂ© au Voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi, 2002) de mIyazakI Hayao. Les deux films commencent par une jeune fille - ici Karin â qui est sĂ©parĂ©e de ses parents Ă un moment crucial de sa vie, pour ensuite errer dans un monde fantastique sauvage (mais rĂ©solument

rĂ©aliste) peuplĂ© d'esprits qui la considĂšrent comme une nouveautĂ© ou une nuisance. Pour autant, la comparaison doit s'arrĂȘter lĂ . En effet, le film de kuno YĂŽko et yamashIta Nobuhiro offre une autre approche Ă travers des personnages attachants qui procurent bien du plaisir.
Anzu, chat-fantĂŽme (Bakeneko Anzu-chan), de Kuno YĂŽko et YamaShita Nobuhiro (2024). 97 mn. DVD et BluRay. 19,99 âŹ.
N IHONGOTHĂQUE
Kaiwai
Kaiwai, il sâagit dâun terme classique qui signifie "alentours" ou "quartier" et dĂ©signe une zone gĂ©ographique sans limites prĂ©cises ni clairement dĂ©finies. Les Japonais vivant en France utilisent souvent lâexpression âOpera kaiwaiâ pour dĂ©signer le quartier de lâOpĂ©ra Ă Paris. Cette zone vague, appelĂ©e âquartier japonaisâ, permet, par exemple, de considĂ©rer que la librairie japonaise JunkudĂŽ fait partie d'Opera kaiwai, alors qu'elle se trouve plus proche du Louvre. Pratique. Lorsquâun concept est pratique, on a tendance Ă en profiter pour aller plus loin. Depuis 2023, kaiwai est beaucoup employĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. PopularisĂ© par la gĂ©nĂ©ration Z, le terme est utilisĂ© pour dĂ©signer des communautĂ©s ou des milieux partageant un mĂȘme intĂ©rĂȘt, ainsi que les personnes qui y sont liĂ©es. Aujourd'hui, son usage est devenu trĂšs courant dans notre quotidien, tel qu'otaku kaiwai (les otakus et leur environnement), ou rĂąmen kaiwai (la communautĂ© des amoureux des nouilles en bouillon). Ce phĂ©nomĂšne est probablement liĂ© Ă un besoin dâappartenance Ă un groupe ou une communautĂ©, dans une Ă©poque marquĂ©e par lâisolation due Ă la pandĂ©mie, mais aussi par la gĂ©nĂ©ralisation d'un mode de vie Ă distance. Mais kaiwai va encore plus loin. Par exemple, shizen kaiwai dĂ©signe les personnes qui pratiquent des activitĂ©s de pleine nature. Cependant, sur les rĂ©seaux sociaux, ce terme peut Ă©galement signifier une mise en scĂšne volontairement instagrammable dans un cadre naturel, prenant ainsi une connotation ironique. Et cela ne sâarrĂȘte pas lĂ . Citons furo kyanseru (bain annulĂ©) kaiwai, autrement dit les gens qui ont la flemme de prendre un bain. Du grand nâimporte quoi ! Mais lâidĂ©e reste comprĂ©hensible. Alors, passons Ă la pratique. Voici mes kaiwai comme un exemple : Je vis Ă Paris kaiwai, et mon boulot se trouve Ă St. Martin kaiwai, un kaiwai de plus en plus envahi par des bobo kaiwai. Mon mĂ©tier concerne le Japon kaiwai, mais dans ma vie privĂ©e, je suis plutĂŽt nihonjin (japonaise) kyanseru kaiwai ! #nihongothequekaiwai.



KoGa ritsuKo
















































































































ZOOM CULTURE
EXPOSITION Dans les fils de Shiota Chiharu
Le Grand Palais accueille, jusquâau 19 mars, une rĂ©trospective dĂ©diĂ©e Ă lâartiste japonaise au fil des Ăąmes.
Depuis dĂ©cembre dernier, les rĂ©seaux sociaux regorgent de photos et vidĂ©os immortalisant un univers spectaculaire de milliers de fils rouges enchevĂȘtrĂ©s. RĂ©solument âinstagrammableâ, cette installation se trouve au Grand Palais, au cĆur de la rĂ©trospective consacrĂ©e Ă Shiota Chiharu, The Soul Trembles (Les frĂ©missements de lâĂąme). Conçue en 2019 pour le Mori Art Museum de Tokyo, cette exposition avait attirĂ© plus de 660 000 visiteurs en seulement quatre mois, surpassant les records dâaffluence des expositions de Kusama Yayoi ou Murakami Takashi. Et ce, malgrĂ© une notoriĂ©tĂ© moindre de lâartiste par rapport Ă ces figures monumentales de lâart contemporain. Une enquĂȘte menĂ©e par le musĂ©e rĂ©vĂ©lait que plus de 54 % des visiteurs avaient Ă©tĂ© incitĂ©s Ă dĂ©couvrir le monde de Shiota grĂące Ă la forte visibilitĂ© de ses Ćuvres sur les rĂ©seaux sociaux. Est-ce un succĂšs pour un artiste ? Que devons-nous attendre dâune Ćuvre dâart contemporain ? Une rĂ©flexion ? Une Ă©motion ? Ou simplement une attraction visuelle ? AprĂšs avoir traversĂ© six pays dâAsie, cette rĂ©trospective sâinstalle Ă Paris, occupant 1 200 mÂČ du monument historique. Et le phĂ©nomĂšne se rĂ©pĂšte : les plateformes de partage assurent une communication efficace, et les visiteurs rĂ©servent leurs billets des semaines Ă lâavance. Hautement photogĂ©nique, lâexposition ne déçoit pas et provoque rĂ©guliĂšrement des exclamations admiratives.
DĂšs lâentrĂ©e, Where Are You Going ?, une installation de fils blancs suspendus dans une cage dâes-

calier, Ă©voque des bateaux flottants dialoguant magnifiquement avec lâarchitecture datant de 1900. RĂ©alisĂ©e initialement en 2017 Au Bon MarchĂ©, cette Ćuvre introduit lâemblĂ©matique Uncertain Journey (Voyage incertain), une installation immersive composĂ©e de 280 km de fils rouges tissĂ©s. LâintensitĂ© visuelle saisit immĂ©diatement : âWaouh !â Le visiteur sâarrĂȘte pour capturer cet instant, souvent dans lâidĂ©e de le partager en ligne. Mais en sâattardant, une autre dimension se rĂ©vĂšle. Ces fils, qui sâentrelacent et parfois se rompent, semblent incarner une entitĂ© vivante, en quĂȘte dâexistence, sans destination finale claire. Immersive et troublante, lâĆuvre fait Ă©merger les Ă©motions incertaines de lâartiste â ou celles de nous-mĂȘme. Câest alors quâune question se pose : qui est cette artiste ? La rĂ©ponse attend dans les salles suivantes, oĂč
sont retracĂ©s son parcours Ă travers des photographies, des vidĂ©os, mais aussi des crĂ©ations rĂ©centes marquĂ©es par le retour dâun cancer diagnostiquĂ© en 2017. MalgrĂ© peu dâexplications Ă©crites, lâĂ©motion imprĂšgne chaque Ćuvre. NĂ©e en 1972 Ă Ăsaka, Shiota a Ă©tudiĂ© la peinture Ă lâhuile Ă KyĂŽto avant dâĂ©largir son expression artistique. En 1994, dans sa performance-installation From DNA to DNA, les fils rouges apparaissent pour la premiĂšre fois, symbolisant le sang et les liens humains, en Ă©cho Ă une lĂ©gende dâAsie de lâEst selon laquelle les Ăąmes sĆurs sont reliĂ©es par un fil rouge invisible. En 1996, elle sâinstalle Ă Berlin. Sept ans aprĂšs la chute du mur, la ville, en pleine effervescence culturelle, attire de nombreux jeunes artistes, dont Shiota . Elle poursuit ses recherches auprĂšs de Marina AbramoviÄ et Rebecca Horn, figures majeures qui influencent
profondĂ©ment son travail en interrogeant les rapports entre le corps et le monde. Progressivement, le corps disparaĂźt de ses Ćuvres, laissant place Ă des installations. En 2015, elle reprĂ©sente le Japon Ă la 56e Biennale de Venise.
Dans les espaces suivants de lâexposition, le rouge cĂšde peu Ă peu la place Ă des Ćuvres oĂč la mĂ©moire et lâabsence prĂ©dominent : un piano brĂ»lĂ© entourĂ© de chaises enchevĂȘtrĂ©es dans des fils noirs, des fenĂȘtres usĂ©es de Berlin, une robe blanche enfermĂ©e dans une cage, des valises anciennes suspendues par des cordelettes rouges⊠Ces objets, dĂ©pourvus de propriĂ©taires, semblent pourtant chargĂ©s dâhistoires, rĂ©veillant des souvenirs enfouis, uniques Ă chacun, mais porteurs dâĂ©motions universelles. Et câest lĂ toute la force de Shiota . En partant de ses expĂ©riences et Ă©motions personnelles â lâinquiĂ©tude, lâincertitude face Ă la vie et Ă la mort, la quĂȘte des liens humains â, elle parvient Ă les transformer en une expĂ©rience universelle. Son art, Ă la fois intime et viscĂ©ral, touche Ă lâessence mĂȘme de ce qui relie les ĂȘtres humains entre eux.
Alors, Shiota nous invite-t-elle Ă comprendre ? Pas vraiment. Son travail semble plutĂŽt nous ramener Ă nos propres sensations, Ă ces Ă©motions enfouies que ses Ćuvres font remonter Ă la surface. Il ne sâagit pas dâun discours intellectuel, mais dâune expĂ©rience qui dĂ©passe les mots, laissant au spectateur une vibration intĂ©rieure. Et voilĂ , un âWaouh !â qui vient du cĆur. Et aprĂšs sa maladie et un tel succĂšs, comment lâart de Shiota Ă©voluera-t-il ? Plus elle sera sensible Ă la mortalitĂ©, plus ses Ćuvres pourraient reflĂ©ter ce que nous ressentons face Ă la mort. Nous encourageront-elles, continueront-elles Ă susciter un âWaouh !â admiratif, ou deviendront-elles le miroir de ce que nous prĂ©fĂ©rons ignorer ? KoGa ritsuKo
Informations pratiques
Chiharu Shiota, The Soul Trembles jusquâau 19 mars 2025. 14âŹ/11⏠(TR). Grand Palais (porte H). www.grandpalais.fr/fr
ZOOM CULTURE

ZOOM CULTURE
LITTĂRATURE Un Murakami Haruki incertain
Avec son nouveau roman, l'auteur de 1Q84 ne parvient pas Ă retrouver la magie de ses Ćuvres prĂ©cĂ©dentes.
Pour la parution du nouveau roman de Murakami Haruki (voir Zoom Japon n°13, septembre 2011), le premier depuis 6 ans, son Ă©diteur français a fait les choses en grand, entourant lâĆuvre dâun grand secret avec un embargo jusquâĂ sa sortie en librairie. Si la publication dâun nouveau titre du âmaĂźtre Murakamiâ est en soi un Ă©vĂ©nement, la maniĂšre dont celui-ci a Ă©tĂ© annoncĂ© permettait de croire que nous aurions affaire Ă un chef-dâĆuvre. Mais ce nâest pas vraiment le cas. Et cela est peut-ĂȘtre liĂ© Ă ses origines. La CitĂ© aux murs incertains est nĂ© dâune tentative de retravailler un rĂ©cit Ă©ponyme de 1980, publiĂ© Ă lâorigine dans la revue littĂ©raire Bungakukai, que lâauteur, insatisfait, nâa jamais autorisĂ© Ă rĂ©Ă©diter ou traduire. âPourtant, dĂšs le dĂ©but, jâai senti que lâhistoire contenait des Ă©lĂ©ments dâune importance cruciale pour moi. Malheureusement, Ă lâĂ©poque, je nâavais pas la capacitĂ© littĂ©raire de travailler Ă une Ă©laboration de ces matĂ©riaux qui soit appropriĂ©eâ, reconnaĂźt-il dans la postface pour justifier sa propre conviction âque quelque chose en sortiraitâ le moment venu aprĂšs avoir vainement tentĂ©, dans la continuitĂ© de la sortie de son premier roman La Course au mouton sauvage, en 1982, de le reprendre. Ce nâest quâen 2020, au moment de la crise sanitaire, quâil trouvera les ressources de retravailler cette nouvelle pour en faire un long roman tripartite. Sâil se sent âtrĂšs soulagĂ© dâavoir rĂ©ussi Ă rĂ©Ă©crire sous une forme nouvelle (ou Ă enfin achever) La CitĂ© aux murs incertainsâ, le lecteur, pour sa part, peut ressentir une certaine frustration face Ă cette Ćuvre assez brumeuse et longue. Mura-

kami Haruki nous a habituĂ©s Ă des Ćuvres touffues, mais elles nâavaient pas cette dimension autorĂ©fĂ©rentielle qui rend son nouveau roman difficile Ă sâapproprier. Lâhistoire est racontĂ©e par un homme dâun Ăąge moyen indĂ©terminĂ©. Dans la premiĂšre partie, il Ă©voque son premier amour : une jeune fille quâil a rencontrĂ©e Ă lâĂąge de 17 ans lors de la cĂ©rĂ©monie de remise des prix dâun concours littĂ©raire inter-Ă©coles. Leur romance sans sophistication et dĂ©vorante se dĂ©roule au cours dâun Ă©tĂ© parfait entre TĂŽkyĂŽ et la ville cĂŽtiĂšre du narrateur. Les amants Ă©changent des lettres et se retrouvent parfois sur des bancs publics pour sâembrasser et discuter. Lorsquâelle commence Ă lui dĂ©crire une ville mystĂ©rieuse en-
tourĂ©e dâun haut mur, il est envoĂ»tĂ© par la notion de ce lieu Ă©trange. Cette ville fortifiĂ©e, dit-elle, est lâendroit oĂč vit la âvraie elleâ. Des mois plus tard, alors que la nouvelle annĂ©e scolaire commence et que leurs rencontres se font de plus en plus rares, son amant disparaĂźt sans explication. Cette histoire dâamour se dĂ©roule en courts chapitres qui alternent avec un second rĂ©cit, situĂ© dans la ville fortifiĂ©e imaginĂ©e par la jeune fille. On y retrouve le narrateur, bien que dâĂąge mĂ»r, et la jeune femme. Il travaille dans une mystĂ©rieuse bibliothĂšque, et elle est son assistante. La relation entre les deux telle que le romancier la rapporte laisse le lecteur un peu sur sa faim alors que les chapitres consacrĂ©s Ă la citĂ© sont passionnants. Il mĂ©lange le fantasque et le menaçant Ă la maniĂšre dâun Miyazaki Hayao avec qui il existe une proximitĂ© que lâessayiste Ătsuka Eiji a Ă©tudiĂ©e dans un excellent essai paru en 2009 chez Kadokawa. Câest la meilleure partie du livre qui rappelle les meilleures pages de 1Q84. Ensuite, lorsque le narrateur parvient Ă sâĂ©chapper de la ville fortifiĂ©e et prend un travail de bibliothĂ©caire dans une obscure ville de province, le roman se perd dans un style mĂ©andreux avec des situations rĂ©pĂ©titives qui ne servent pas le rĂ©cit et finissent par lasser. A la diffĂ©rence dâautres de ses romans, Murakami Haruki ne parvient pas totalement Ă emporter le lecteur dans son Ă©lan. Mais si cela lui a permis dâĂȘtre âsoulagĂ©â et de se libĂ©rer dâun poids, on peut espĂ©rer que son prochain roman sera grandiose.
GabriEl bErnard
Référence
La CitĂ© aux murs incertains (Machi to sono futashikana kabe), de muraKami Haruki, trad. par HĂ©lĂšne Morita avec la collaboration dâĂno Tomoko, Belfond, 2025, 25 âŹ.

















GOĂT La guerre du soja aura-t-elle lieu ?
Salée ou sucrée ? La sauce soja fait l'objet d'un vaste débat qui s'avÚre complexe et lié aux différents terroirs.
RĂ© cemment on a pu lire plusieurs articles sur la sauce soja commercialisĂ©e en France, plus sucrĂ©e que celle vendue plus communĂ©ment au Japon. Les Français sont en train de dĂ©couvrir que le goĂ»t de la sauce soja âstandardâ au Japon nâest pas forcĂ©ment le mĂȘme que celui quâils ont connu. Ils se mettent Ă dire que la sauce soja sucrĂ©e a Ă©tĂ© adaptĂ©e pour le palais des non-initiĂ©s. Vrai ou faux ?
Câest Ă la fois vrai et faux. Car chaque rĂ©gion a dĂ©veloppĂ© sa sauce comme pour le miso (voir Zoom Japon n°125, novembre 2022). Au Japon, il est des rĂ©gions connues pour leur sauce soja plus sucrĂ©e, telles KyĂ»shĂ», ou dans plusieurs rĂ©gions sur la cĂŽte de la Mer du Japon. Les TokyoĂŻtes peuvent se moquer de la sauce soja de Kagoshima en disant quâil leur est impossible de manger le sashimi avec cette sauce sucrĂ©e, mais les habitants de KyĂ»shĂ» pourraient tout aussi bien leur rĂ©torquer que leur sauce soja est trop salĂ©e.
La diffĂ©rence vient du fait quâelle rĂ©pond au goĂ»t du terroir. A Kagoshima, au sud du Japon, les poissons plus gras se marient avec la sauce ronde. De mĂȘme, historiquement, la sauce soja exportĂ©e de Nagasaki Ă lâĂ©poque dâEdo (16031868) Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une denrĂ©e de luxe, raison pour laquelle sans doute on y ajoutait du sucre, aliment tout aussi prĂ©cieux mais quâon pouvait se procurer Ă Nagasaki car importĂ© de lâĂ©tranger, pour la mettre davantage en valeur.
Le quartier dâĂno de la ville de Kanazawa regorge encore de quelques fabricants tradition-






à Kagoshima, le sashimi se déguste avec de la sauce soja sucrée, impensable pour les Tokyoïtes.
nels de sauce soja Ă lâinstar de Yamamoto KĂŽhei, patron de Yamato ShĂŽyu. âLa sauce soja douce sâest dĂ©veloppĂ©e ici parce que la rĂ©gion vivait beaucoup de la pĂȘche. Dans les bateaux on ne peut pas faire de cuisine compliquĂ©e. Les pĂȘcheurs, pour prendre les repas sur leur bateaux avec les poissons quâils venaient dâattraper, avaient besoin dâun condiment avec lequel ils pouvaient assaisonner le plus de plats possibles. Je pense que la sauce soja sucrĂ©e est ainsi nĂ©e, plus comme un condiment Ă multi-usage, car avec cette sauce, on nâa pas besoin dâajouter le mirin pour arrondir le goĂ»t, par exempleâ, explique-t-il. Dâailleurs, encore aujourdâhui, les habitants de Kanazawa aiment cuisiner la chair blanche de poisson uniquement avec leur sauce soja et le sakĂ©. Si on le prĂ©parait de la sorte avec la sauce soja de TĂŽkyĂŽ,






il manquerait du goĂ»t et le poisson deviendrait trop salĂ©. Il est possible que la sauce soja sucrĂ©e soit devenue la prĂ©fĂ©rĂ©e des Français sans doute pour une raison similaire ; facile Ă utiliser aussi bien avec de la viande (qui contient le gras et qui se marie avec la sauce soja sucrĂ©e) quâavec des lĂ©gumes. Elle est idĂ©ale pour cuisiner des plats sans avoir besoin de se procurer divers condiments traditionnels japonais. Il est facile de rejeter la sauce soja disant que ce nâest pas traditionnel. Mais on peut dire aussi que si les Français ont adoptĂ© la sauce soja, ce nâest pas forcĂ©ment parce que les non-initiĂ©s se sont fait duper ou que les Français aiment plus le goĂ»t sucrĂ©, mais que cette prĂ©fĂ©rence rĂ©pond Ă une certaine logique gustative. sEKiGuchi ryĂŽKo
ZOOM GOURMAND
L A RECETTE DE HARUYO
RĂŽti de porc Ă la japonaise (WafĂ» pĂŽku roti)
PRĂPARATION

01 - Laisser le porc à température ambiante pendant environ 30 minutes.
02 - Mijoter le porc dans lâeau bouillante pendant 30 minutes.
03 - Retirer du feu, couvrir, et laisser reposer pendant 1 heure.
04 - Placer le porc dans un sac de congélation à zip avec les ingrédients de la sauce.
05 - Immerger le sac dans un bol dâeau, retirer lâair, puis laisser mariner Ă tempĂ©rature ambiante pendant 30 minutes.
06 - Chauffer une poĂȘle avec de lâhuile de sĂ©same, puis saisir le porc sur ses 4 cĂŽtĂ©s.
07 - Ajouter le jus restant du sac dans la poĂȘle et le faire rĂ©duire jusquâĂ ce quâil diminue de moitiĂ©.
08 - Laisser reposer le porc pendant au moins 10 minutes avant de le découper.
09 - Trancher le porc selon lâĂ©paisseur souhaitĂ©e, puis le dresser avec les lĂ©gumes de votre choix.
Astuce
Si vous aimez les arÎmes épicés, vous pouvez ajouter des ingrédients comme de l'anis étoilé, des clous de girofle ou un bùton de cannelle.
INGREDIENTS
(pour 4 personnes)
âą 400 Ă 500 g dâĂ©chine de porc
Pour la sauce
âą 3 cuillĂšres Ă soupe de sauce soja
âą 3 cuillĂšres Ă soupe de mirin
âą 3 cuillĂšres Ă soupe de sucre
âą 1 cuillĂšre Ă cafĂ© dâail rĂąpĂ©
⹠1 cuillÚre à café de gingembre rùpé
⹠1/2 cuillÚre à café de piment coupé en rondelle
âą 1 cuillĂšre Ă cafĂ© dâhuile de sĂ©same












Fascinante citĂ© d'art et d'histoire Ă deux pas dâĂsaka
ImplantĂ©e au sud dâĂsaka sur un territoire hautement stratĂ©gique, la ville de Sakai dĂ©voile un univers d'authenticitĂ©, de quiĂ©tude et de savoir-faire exceptionnel. Son vaste et sĂ©duisant parc Daizen abrite un rare ensemble de sĂ©pultures anciennes.

vec des Ă©tĂ©s chauds, des hivers relativement doux et des saisons intermĂ©diaires agrĂ©ables, Sakai attire toujours plus de visiteurs en quĂȘte de patrimoine historique, de culture, mais aussi dâune atmosphĂšre dĂ©tendue et de nature.
TrĂšs tĂŽt, entre le iiie et vie siĂšcle, la rĂ©gion devient un centre important du premier pouvoir central, Ă©tabli au sud de Nara. Ă cette pĂ©riode, le choix de sĂ©pultures recouvertes de gigantesques tumulus pour enterrer les chefs de clans annonce lâarrivĂ©e de la centralisation politique et la crĂ©ation du tout premier Ătat. Avec ses 486 m de longueur et 35,8 m de hauteur, le kofun DaisenryĂŽ (tombe de l'empereur Nintoku), attraction principale de la ville, est considĂ©rĂ© comme lâun des plus grands sites funĂ©raires au monde. Ce monument, ainsi que la centaine dâautres tumulus qui lâentourent, formant lâensemble des kofun de MozuFuruichi, est inscrit au patrimoine mondial de lâUNESCO.
AccĂšs
De TĂŽkyĂŽ Ă Ăsaka : Shinkansen de Tokyo Ă Shin-Osaka,
De Shin-Osaka Ă Sakai :
Environ 24 minutes - Train (JR Tokaido Main Line) de Shin-Osaka Ă Osaka, train (JR Kanku & Yamatoji Rapid Service) d'Osaka Ă Shin-Imamiya, train (Nankai Koya Line) de Shin-Imamiya Ă Sakai-higashi
Environ 27 minutes - MĂ©tro (Osaka Midosuji Line) de Shin-Osaka Ă Namba, train (Nankai Koya Line) de Namba Ă Sakai-higashi.
Il fascine par sa taille mais aussi par la vĂ©gĂ©tation luxuriante qui le recouvre et les douves remplies dâeau qui le bordent.
HĂ©ritages culturels de Sakai
Pour approfondir leurs connaissances sur la pĂ©riode dâAzuchiMomoyama qui a vu sâachever lâunification du Japon au xvie siĂšcle, les visiteurs franchiront les portes du Sakai Plaza of Rikyu & Akiko. Un bel Ă©crin de verre et dâacier, qui se fond harmonieusement derriĂšre le rideau dâarbres environnants, ce centre culturel offre une immersion captivante dans lâhistoire de la ville. En hommage Ă Sen no RikyĂ», grand sage du xvie siĂšcle Ă lâorigine de la cĂ©rĂ©monie du thĂ©, un pavillon accueille les nĂ©ophytes et initiĂ©s afin de leur faire dĂ©couvrir ce rituel de grande profondeur au travers de sa prĂ©paration, ses ustensiles (bols Ă thĂ© de style raku) et ses pĂątisseries. Le centre abrite Ă©galement un musĂ©e dĂ©diĂ© Ă Yosano Akiko, une grande figure littĂ©raire et pionniĂšre du fĂ©minisme japonais. Originaire du quartier de




Kaino-chĂŽ Ă Sakai, cette femme dâexception a notamment fondĂ© la premiĂšre Ă©cole mixte du pays. Ă travers une scĂ©nographie rĂ©unissant photos, papiers, documents audio et objets personnels, lâexposition offre un aperçu captivant de sa vie et de son Ćuvre.
En remontant Ă pied vers la riviĂšre Yamato, on rejoint facilement le Sakai Denshokan, situĂ© Ă proximitĂ© du parc Francisco de Xavier. Ce musĂ©e de l'artisanat traditionnel de Sakai recense toutes les traditions artisanales locales dans une grande collection dâobjets usuels. Il rĂ©unit au rez-de-chaussĂ©e un vaste espace de vente ainsi que des espaces de rencontre avec les artisans de la ville.
600 ans d'excellence en coutellerie japonaise Sakai demeure cĂ©lĂšbre comme un des berceaux mondiaux de la coutellerie. Cet art incarne un savoir-faire ancestral alliant tradition et progrĂšs technique. Dans le cadre de visites guidĂ©es dâateliers de forge proposĂ©es sur place ou chez des partenaires locaux, on peut sâĂ©merveiller en dĂ©couvrant les diffĂ©rentes Ă©tapes du processus de fabrication des lames tranchantes : le choix de lâacier, le façonnage, le polissage, puis lâaffĂ»tage. Sous la supervision d'un artisan expĂ©rimentĂ©, le visiteur peut, sâil le dĂ©sire, participer Ă la fabrication de son propre couteau. De nombreux passionnĂ©s viennent pousser la porte du CUT Museum, ou musĂ©e du couteau japonais, situĂ© Ă lâĂ©tage du Sakai Denshokan. Dans un espace nouvellement rĂ©novĂ©, des Ćuvres rares de couteliers locaux datant de plusieurs siĂšcles sont Ă contempler, ainsi quâun vaste Ă©chantillon de tous les exemplaires utilisĂ©s quotidiennement dans le cadre de la cuisine japonaise. On pourra facilement y distinguer les couteaux polyvalents Gyuto et Santoku, le petit utilitaire Petty, le Honesuki servant Ă dĂ©sosser, ainsi que le Yanagiba utilisĂ© pour la prĂ©paration des sushis et sashimis.


Plus d'informations sur le site officiel du tourisme de Sakai https://www.sakai-tcb.or.jp/en/
De grands chefs ou de simples cuisiniers en devenir viennent à Sakai pour dénicher ou faire réparer leurs précieux outils de coutellerie fine. Ils y apprennent souvent que pour chaque geste, chaque préparation, il existe un couteau bien spécifique.
Un savoir-faire qui sâĂ©tend au cyclisme
Les forgerons de Sakai mettent également depuis le xxe siÚcle leur savoir-faire au service de la fabrication de piÚces mécaniques pour les bicyclettes, ce qui leur vaut une réputation mondiale qui ne cesse de grandir. Pour leur rendre hommage, le musée du vélo Shimano réunit une collection impressionnante de cycles du monde entier, allant des tout premiers modÚles en bois sans pédales aux derniers équipements de cyclistes professionnels.


A la rencontre de Totoro
L'ùme écologique de Miyazaki Hayao a poussé le réalisateur à préserver la nature dont il s'est inspiré.
Câest dans lâinaka (campagne) vallonnĂ©e de Saitama que se trouve la vraie maison de Mei, Satsuki et, bien sĂ»r, de Mon voisin Totoro (Tonari no Totoro, 1988). Le rĂ©alisateur Miyazaki Hayao sâest inspirĂ© des collines de Sayama - Ă©galement appelĂ©es Totoro no Mori (la forĂȘt de Totoro) â pour rĂ©aliser son film, oĂč Mei et Satsuki passent de longs aprĂšs-midi Ă courir dans la nature et Ă se lier dâamitiĂ© avec des esprits (voir aussi pp. 11-12).
Ce lieu est situĂ© au centre du plateau de Musashi-no, Ă environ 35 kilomĂštres du centre de TĂŽkyĂŽ, dans une zone chevauchant Saitama et la mĂ©tropole tokyoĂŻte. Il sâagit dâun espace vallonnĂ© et luxuriant, qui sâĂ©tend sur 3 500 hectares et dâune surface dâenviron 11 kilomĂštres dâest en ouest et 4 kilomĂštres du nord au sud. Cette vaste zone boisĂ©e, qui comprend deux rĂ©servoirs, le lac Sayama et le lac Tama, conserve son charme dâantan. Vues du ciel, les collines ressemblent Ă une petite Ăźle verte au milieu de lâagglomĂ©ration de TĂŽkyĂŽ.
Ici, les terres agricoles, les riziĂšres et les zones humides, ainsi que les forĂȘts environnantes, conservent lâaspect intemporel du passĂ©. Ce


type dâhabitat, mĂȘlant nature sauvage et terres cultivĂ©es, est appelĂ© satoyama et a pour objectif premier le dĂ©veloppement de lâagriculture en symbiose avec lâenvironnement naturel. Dans les collines de Sayama, on a recensĂ© 1 400 types de fougĂšres et autres plantes Ă graines, 19 types de mammifĂšres et plus de 200 espĂšces diffĂ©rentes dâoiseaux. En outre, 2 500 espĂšces dâinsectes, de grenouilles, de serpents et de salamandres ont Ă©lu domicile dans cette rĂ©gion. Lâhomme habite la rĂ©gion depuis le palĂ©olithique, il y a plus de 10 000 ans. 235 sites archĂ©ologiques ont Ă©tĂ© confirmĂ©s dans la rĂ©gion de Sayama, ce qui en fait des biens culturels de grande valeur.

Des efforts de prĂ©servation bioculturelle dans les collines de Sayama ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©s depuis les annĂ©es 1970. En consĂ©quence, la plupart des habitats naturels ont Ă©tĂ© protĂ©gĂ©s avec succĂšs. Cependant, en raison du dĂ©veloppement urbain et des installations de loisirs, la destruction de lâhabitat naturel par la dĂ©forestation et les dĂ©charges illĂ©gales est clairement visible.
En avril 1990, le Totoro no Furusato kikin [Fonds pour la rĂ©gion natale de Totoro] a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans le but de prĂ©server la nature luxuriante des collines de Sayama pour les gĂ©nĂ©rations futures. GrĂące aux efforts de cinq contributeurs initiaux, dont le rĂ©alisateur dâanime Miyazaki Hayao, les dons ont affluĂ© de tout le Japon. Les collines de Sayama Ă©tant connues pour avoir inspirĂ© le chef-dâĆuvre dâanimation du rĂ©alisateur, Mon voisin Totoro, le fonds a Ă©tĂ© baptisĂ© en son honneur. En aoĂ»t 1991, la premiĂšre acquisition de terrain, Totoro no Mori n°1, a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e grĂące aux fonds fournis par les premiers donateurs. Totoro no Mori n°2 a Ă©tĂ© acquis en avril 1996. Un mois plus tard, un systĂšme de club de membres permettant de financer et de soutenir lâactivitĂ© de lâorganisation a Ă©tĂ© mis en place. ParallĂšlement, la publication de la lettre dâinformation Totoro no Mori Kara [De la forĂȘt de Totoro] a dĂ©butĂ©.
En avril 1998, le Totoro no Furusato kikin est devenu la Fondation Totoro no Furusato. Au cours des annĂ©es suivantes, jusquâen octobre 2003, quatre autres acquisitions de terres ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es, portant le total Ă six. En 2002, la fondation sâest vue dĂ©cerner le prix spĂ©cial du patrimoine forestier de lâAsahi Shimbun, le second quotidien japonais. Le prix, dâun montant dâun million de yens, a Ă©tĂ© utilisĂ© pour acheter des Ă©quipements et du matĂ©riel pĂ©dagogique pour lâobservation de la nature. La fondation a Ă©galement lancĂ© un programme de prĂȘt de ce matĂ©riel aux Ă©coles. En 2006, la fondation a reçu le prix de lâenvironnement de la ville de KitakyĂ»shĂ».
En avril 2019, le nombre de forĂȘts achetĂ©es est passĂ© Ă 49, pour une surface totale dâenviron








Etes-vous prĂȘt Ă rencontrer Totoro ?
89 689 m2. Dans le mĂȘme temps, grĂące Ă une publicitĂ© et une exposition mĂ©diatique accrues, le nombre de visiteurs a Ă©galement augmentĂ© rapidement, avec des personnes venant non seulement du Japon, mais aussi du monde entier. Comme nous lâavons dĂ©jĂ mentionnĂ©, Totoro no Mori est en fait composĂ© de plusieurs forĂȘts et bois plus petits. La plupart dâentre eux sont rĂ©partis dans la partie nord des collines de Sayama. Certains musĂ©es sont situĂ©s dans cette zone, ce qui permet Ă la fois de profiter de la nature et dâapprendre lâhistoire et le folklore de la rĂ©gion. Ces forĂȘts, musĂ©es et centres dâaccueil sont reliĂ©s entre eux par des chemins ou des sentiers. Voyons quelques zones locales en dĂ©tail.
La rĂ©gion de Yamaguchi est composĂ©e de 20 forĂȘts, dâune superficie totale de 34 299 m2 (au 1er avril 2019). Vous y trouverez des temples, des jardins de thĂ© et des maisons traditionnelles japonaises. Pour vous rendre Ă Yamaguchi, changez de train pour la ligne Seibu Sayama Ă la gare de Nishi-Tokorozawa et descendez Ă la gare de Shimo-Yamaguchi ou de Seibu-kyĂ»jĂŽ-mae.
La forĂȘt originale de Totoro, situĂ©e dans la rĂ©gion de Yamaguchi, a Ă©tĂ© acquise en 1990 par le comitĂ© directeur des Fonds Totoro. Les principaux arbres qui y poussent sont des cĂšdres japonais, des chĂȘnes, des cerisiers de Sargent, des cloches Ă neige japonaises et des pins rouges. Toutes les zones sont reliĂ©es par des chemins et des marches. Câest un bon endroit pour se dĂ©tendre.

Parmi les autres installations de la rĂ©gion, citons le centre dâinteraction avec la flore et la faune des collines de Sayama Ă Tokorozawa et le parc naturel de Saitama Midori-no-mori Ă Iruma. Le premier est lâun des cinq centres gĂ©rĂ©s par la prĂ©fecture de Saitama pour Ă©tudier la nature. Le second, quant Ă lui, est un parc naturel de 85 hectares oĂč vous trouverez des bosquets dâespĂšces dâarbres mixtes et des zones humides laissĂ©es dans leur Ă©tat naturel pour lâobservation en plein air.
Gianni simonE
Sây rendre
A cinq minutes Ă pied de lâarrĂȘt de bus Takahashi sur la ligne Tokorozawa City Bus ou Ă 20 minutes de la station Seibu-kyĂ»jĂŽ-mae sur la ligne Seibu Sayama.
Un centre dâaccueil appelĂ© Kurosuke no Ie (Maison de Kurosuke), une ancienne maison folklorique que le Fonds Totoro a acquise en 2004, est Ă©galement situĂ© dans cette zone. La maison permet dâaccĂ©der
facilement Ă 15 des 19 forĂȘts. Dans cette partie des collines de Sayama, vous verrez Ă©galement des jardins de thĂ©, de petits ruisseaux, des bosquets de bambous et des forĂȘts familiales.
AccĂšs par le rail
Les lignes Seibu Ikebukuro et Seibu Shinjuku amĂšnent chaque jour des visiteurs au cĆur de la rĂ©gion de Sayama. La station Kotesashi de la ligne Seibu Ikebukuro se trouve Ă deux arrĂȘts de la station Tokorozawa et assure la liaison avec les bus Ă destination de Waseda Daigaku et Miyadera-nishi. La Maison de Kurosuke se trouve Ă cinq minutes de marche de lâarrĂȘt de bus Dainichi-dĂŽ.
Maison de Kurosuke
La maison de Kurosuke est ouverte de 10h Ă 15h les mardis, mercredis et samedis. Elle est fermĂ©e les jours fĂ©riĂ©s, les fĂȘtes de fin dâannĂ©e et les fĂȘtes du Nouvel An. Vous pouvez y obtenir des cartes des sentiers, dĂ©couvrir la flore indigĂšne et apprendre lâinfluence de la forĂȘt sur le film de miYazaKi
Publié par Ilyfunet Communication 12 rue de Nancy 75010 Paris
TĂ©l: +33 (0)1 4700 1133 courrier@zoomjapon.info
DépÎt légal : à parution. ISSN : 2108-4483. Imprimé en France
Ont participé à ce numéro : Odaira Namihei, Gabriel Bernard, KOGA Ritsuko, Eric Rechsteiner, Gianni Simone, SEKIGUCHI RyÎko, MAEDA Haruyo
TAKACHI Yoshiyuki, KASHIO Gaku, TANIGUCHI Takako, MASUKO Miho, ETORI ShÎko, Marie-Amélie Pringuey, Marie Varéon (maquette)
DVD- BluRay Typhoon Club de SOMAI Shinji (SUR VIVANCE)
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