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Tribune

TRANSITION VERS LA CONTINUITÉ

Par Éric Albisser / Photo Martin Reisch Éric Albisser est architecte et Maître de conférences en Théories et pratiques de la conception architecturale et urbaine.

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Tandis que la prise de conscience des risques climatiques et écologiques prend de l’ampleur, que les causes sont identifiées et que des solutions se profilent, nos comportements et actions ne changent guère. Que les glaciers continuent de fondre et les icebergs de se détacher on ne peut que le subir, il s’agit de cycles amorcés, sans prise directe. Mais que les formes d’urbanisation les plus mercantiles et spéculatives, lotissements et zones commerciales, continuent de perméabiliser vergers et prés à grand coût d’énergie grise, c’est énervant, trop absurde, on sait comment faire autrement. Les macro-politiques industrielles et agricoles saupoudrées de vert sont orientées obstinément vers les mêmes impasses productivistes, biocides, farcies de technologies éternellement nouvelles. C’est décevant, c’est révoltant. Et que le consumérisme ingurgite tant de quantité en se contentant de si peu de qualité, c’est écœurant. Business as usual, Comédie humaine, Same old shit!

Pour préserver une forme de confort et des avantages somme toute aliénants, le refoulement de l’idée de catastrophe est supérieur à la volonté de bouger les lignes. La transition est un long fleuve presque tranquille alors que les sirènes et clignotants imposent une réaction immédiate, une détermination mobilisatrice, une volonté radicale d’identifier et d’appliquer des solutions adaptées, et davantage encore que la fois précédente…

Inquiétude, naïveté, imbécilité, carriérisme, immoralité, orgueil, religiosité du progrès, pensée magique… C’est vieux comme le monde, nos faiblesses s’entremêlent confusément et fabriquent notre impuissance collective, notre impotence à reconfigurer les économies et les systèmes de production, même sous les formes les moins pires. Le monde des affaires, antédiluvien aussi, constitue un écueil redoutable, un obstacle total, tant il est multiforme, puissant et enraciné dans nos réalités, voire en nos adn. Nos imaginaires colonisés, la crainte ou le découragement refoulent le désir de s’opposer à ce moloch aux bras armés ou caressants. Empêchés ainsi d’admettre que rien de déterminant ne changera tant que le contrôle de la production et de ses moyens ne sera pas concerté. Tant que les flux financiers seront arbitrairement captés et répartis, pour une lucrative et éternelle croissance sans maturité.

Dans la continuité de la lutte immémoriale pour s’extraire de la bêtise et de la force arbitraire, voici aujourd’hui la lutte pour changer le jeu des marchands du temple, pour le passage d’une économie capitaliste néolibérale à une économie solidaire inscrite dans son milieu naturel, afin que chacun puisse s’accomplir sans nuire. Commençons par admettre qu’il faut vraiment se retrousser les neurones ensemble. Identifier les verrous et imaginer des formes de profond renouvellement de nos pratiques et modes de vie, sans attendre une issue miraculeuse ou un effondrement. Et sans transition…

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