3 minute read

PORTRAITS

Next Article
Focus

Focus

Aline Falco

Advertisement

ENLUMINEUSE

Par Tatiana Geiselmann / Photos Klara Beck

Soigneusement rangées sur des étagères en bois, des dizaines de flacons de verre à l’étiquette vieillie s’alignent: gomme arabique, bolus arménien, caséine, fiel de bœuf. Dans un coin de la pièce, l’œil est attiré par un arc-en-ciel de poudres de toutes les couleurs. Aux murs, d’anciennes planches d’herboristerie à l’écriture gothique, de grandes affiches aux inspirations persanes, de petits médaillons d’animaux en tout genre. Bienvenue dans l’atelier d’Aline Falco, enlumineuse depuis plus de 20 ans. De la pointe de sa plume et de ses pinceaux, cette Strasbourgeoise de tout juste 40 ans crée des dessins et des lettrages sur du parchemin apprêté. Une pratique héritée des temps médiévaux et utilisée autrefois pour illustrer les manuscrits. « Enluminer, ça veut dire mettre en lumière, explique la quadragénaire. Ça vient de la feuille d’or qu’on applique sur certaines parties du dessin.» De l’or 23,75 carats (l’or le plus pur!), que la jeune Alsacienne appose sur ses esquisses selon les méthodes traditionnelles.

Une fois la poudre d’or posée sur le parchemin, place à la peinture, là encore dans le respect des techniques anciennes. Toutes les couleurs utilisées sont issues de pigments naturels, des pigments minéraux comme le lapis lazuli pour le bleu outremer, des pigments végétaux comme le rouge un peu rosé de la laque de garance, et des pigments animaux comme le pourpre du murex. «Pour le liant, je prépare un mélange de gomme arabique, miel, fiel de bœuf et clou de girofle», une potion moyenâgeuse spécifique à l’enluminure et au parchemin, cette peau animale qui, contrairement au papier, n’absorbe pas les couleurs. Toutes ces recettes et ces techniques, Aline Falco les a apprises par elle-même, en écumant les anciens traités d’art et en tâtonnant pendant des années jusqu’à atteindre la parfaite mixture. Aujourd’hui, l’artiste a à cœur de transmettre son métier centenaire. Membre de la Fremaa et des Ateliers d’art de France, elle anime régulièrement des stages au sein de son atelier strasbourgeois ou lors de salons, et donne des cours à l’université populaire de Strasbourg. Aline Falco Enluminures 21, rue des Ormes à Strasbourg alinefalco-enluminures.com

Yves Willmann

TAPISSIER-DÉCORATEUR

Par Emmanuelle Schneider / Photos Thomas Lang

À l’image des voltaires, crapauds, bergères et autres commodités de la conversation qu’il restaure, Yves Willmann recèle d’histoires à raconter. À quatorze ans, inspiré par son oncle tapissier-décorateur et soucieux de gagner son pain, il arrête ses études afin de débuter un apprentissage auprès de Rémy Schneider, maître-tapissier Meilleur ouvrier de France installé rue des Frères. « J’ai été à une école très dure et rigoureuse, mais c’était un bon maître. Il ne sortait que des bons éléments.» À une époque où le métier a le vent en poupe, Yves sort premier de sa promo et se voit embaucher par la maison Blanchard, tapissier par excellence rue des Juifs. À 19 ans, il se lance à son compte, achète une camionnette à trois francs six sous « il pleuvait à l’intérieur» et fait le tour des antiquaires qui lui fournissent du travail. «Adolescent, j’ai eu une machine à coudre avant d’avoir une mobylette. Mais grâce à cette machine j’ai pu m’offrir beaucoup plus», confie-t-il. Au fil du temps, Yves roule sa bosse, les sillons sur ses paumes en témoignent, il a travaillé dur pour en arriver là. Depuis 1998, sa boutique-atelier Palissandre apparaît comme le fruit d’un parcours où huile de coude, débrouillardise et talent n’ont jamais cessé d’être. Dans un vaste espace lumineux, Hélène, responsable et décoratrice offre un conseil personnalisé, dévoilant une sélection de lins, mailles, filets, satins et velours unis ou à motifs, de la gamme londonienne Designers Guild et allemande JAB. Au fond du magasin, Yves s’affaire dans son atelier, confectionnant des rideaux sur-mesure ou redonnant vie à des héritages du passé. Attaché à l’art et aux techniques traditionnelles de garnitures, il manie avec dextérité carcasses, crin de cheval, sangles et ressorts. Un savoir-faire qui lui a valu de travailler pour le musée Grévin et le Palais Rohan. «C’est un métier magnifique lié à l’histoire de France, une vie entière à apprendre, à se remettre en question.» Fort d’une expérience de 45 ans, Yves transmet à son tour le métier à de jeunes apprenti(e)s, avec l’espoir de pérenniser un art ancestral qui a illustré toute sa vie. Maison Palissandre 26, rue des Bouchers à Strasbourg Instagram: @palissandrestrasbourg

This article is from: