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DOSSIER
from Zut Hors-série — L'artisanat dans l'Eurométropole de Strasbourg et en Alsace #4
by Zut Magazine
DOSSIER Réinventer les traditions
Par Corinne Maix
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En Alsace du Nord, deux savoir-faire s’entremêlent: la poterie et le verre. Si les deux disciplines n’ont pas grand-chose à voir et relèvent de visions et contraintes différentes, la même préoccupation semble les traverser: comment faire perdurer ces gestes et traditions? Comment les transmettre voire les remettre au goût du jour?
Potiers d’Alsace L’art et la matière
Le goût du fait maison et des consommateurs plus attentifs aux produits locaux remplissent à nouveau les carnets de commande des potiers alsaciens. Avec l’homologation de l’Indication Géographique Protégée, un ambitieux projet de Cité de la poterie et une génération de potiers ouverts aux collaborations créatives, la poterie alsacienne reprendrait-elle enfin des couleurs?
Une terre argileuse, un pionnier venu de Rhénanie et des générations de potiers ont fait naître en Alsace un savoir-faire ancré dans les villages de Betschdorf et Soufflenheim. « Les potiers ont longtemps exploité les gisements d’argile le long de la Sauer et dans le village de Soufflenheim », explique Astrid Wolfer, conteuse de l’épopée des potiers en Alsace, au Musée de Betschdorf. Des 60 ateliers d’antan, ne subsistent plus que douze entreprises de poterie, qui emploient une centaine de salariés et produisent 600 000 pièces par an. Parmi ces irréductibles potiers, on trouve aujourd’hui des artisans assez différents. Les plus traditionnels tournent encore l’argile locale et travaillent, seul ou à deux, de petites séries. D’autres ont parfois plus de quinze salariés et ont donné un tour plus industriel à leur production, tout en restant fidèles aux modèles traditionnels. «Il y a de la place pour tout le monde. Chacun doit avoir sa propre identité et son expression », martèle Pierre Siegfried, président des Potiers d’Alsace. Courts circuits Pour écouler leur production, les potiers mixent le plus souvent plusieurs circuits de vente : directement dans leur atelier, chez des revendeurs, parfois en grande distribution. Les produits les plus qualitatifs sont plébiscités par les plus grands chefs du monde. Jean-Louis Ernewein-Haas est fier de travailler pour 25 étoilés, amoureux de ses poteries qui durent une vie. Certains potiers écoulent sur les salons des gammes dédiées à la restauration ou aux amoureux de beaux objets. L’exportation, elle, est plutôt en berne et nécessiterait de chasser en meute, ce qui n’est pas dans la pratique des potiers. Tous ont trouvé une planche de salut dans la vente en ligne, surtout pendant la crise Covid, et un surplus de visibilité sur les réseaux sociaux. «Après le premier confinement, je me suis sentie très isolée et j’ai compris la nécessité d’investir dans une boutique en ligne», confie Peggy Wehrling, qui produit une poterie très inspirée de l’art populaire. « C’est comme gérer une deuxième boutique, mais je ne
Au musée de la poterie à Betschdorf, en juin 2019. Photo: Alexis Delon / Preview Dans l’atelier de la poterie Fortuné Schmitter, en juin 2019. Photo: Alexis Delon / Preview
reviendrais pas en arrière. Du travail de la boule de terre, en passant par les photos, jusqu’au dernier bout de scotch sur le colis, je suis sur tous les fronts. » Active sur les réseaux sociaux, elle rajeunit sa clientèle, à coup de publications soignées sur Instagram. «Cela me donne de la visibilité, génère des réservations et redonne même l’habitude à certains clients de venir sur place. » Les sœurs Lehmann, elles, ont fait le choix d’ouvrir leur propre boutique à Strasbourg. Elles y vendent leurs créations ornées de pois ou cerclées de décors floraux, mais aussi les poteries d’autres artisans des deux villages, qui proposent un style différent. « Nous avons repris la boutique de la rue des Frères il y a 3 ans. En termes de visibilité, c’est important de sortir de nos ateliers!»
Il y a une volonté forte de pérenniser le savoir-faire potier pour préserver un artisanat emblématique.
Christelle Isselé, conseillère d’Alsace du canton de Bischwiller
Enfin, une IGP pour les potiers d’Alsace Un peu piégée par les goûts des touristes, la poterie alsacienne s’est parfois enfermée dans une production qui s’est banalisée. Cigognes, bretzels, alsaciens en costumes décorent de nombreuses terrines, pas toujours fabriquées localement. Le «Made in Alsace» a beaucoup souffert de la contrefaçon asiatique, évaluée à quelque 50 millions d’euros par an. «Certains revendeurs et grossistes ont sali notre image et cassé notre marché, en vendant à prix très bas de piètres contrefaçons», se révolte le président des Potiers d’Alsace. Depuis 2015,
il a porté la réflexion engagée avec Alsace Qualité sur une protection de ce patrimoine. Ils ont toqué à toutes les portes: les douanes, la répression des fraudes, l’INPI, les politiques... «En mars, nous avons enfin obtenu gain de cause, avec la nouvelle indication géographique « Poteries d’Alsace Soufflenheim / Betschdorf. » Désormais, les Chinois ne pourront plus produire les motifs emblématiques de l’Alsace. «Ce qui est protégé ne peut être importé. Sinon, les produits seront retirés de la vente et l’infraction sanctionnée!»
L’indispensable soutien politique Cette dernière décennie, la fermeture d’ateliers de potiers faute de repreneurs a sonné l’alerte d’une possible disparition de cet artisanat ancestral. La Communauté Européenne d’Alsace, très attachée à l’identité régionale, a constitué un groupe de travail pour réfléchir aux soutiens à apporter au secteur. Christelle Isselé, l’élue référente de ce territoire, suit ce projet qui lui tient particulièrement à cœur, puisqu’elle habite Soufflenheim. « Il y a une volonté forte de pérenniser le savoir-faire potier pour préserver un artisanat emblématique.» Après l’organisation d’un marché des potiers à Strasbourg en 2019, à Colmar en 2021, la collectivité mettra à nouveau sa logistique au service d’un marché de 2 jours en 2022. «Cela permet de capter à nouveau la clientèle locale, qui a perdu l’habitude de se rendre dans les deux villages. » Un fonds d’innovation territoriale, le financement d’études, des outils de communication digitale illustrent différentes facettes de ce soutien à l’artisanat potier. D’autres institutions se mobilisent aussi en lançant par exemple des appels à projets. C’est le cas du Parc naturel régional des Vosges du Nord qui faisait le pari en 2018 de nouer un dialogue entre un artisan, un designer et un musée pour créer une collection de dix objets inédits à vendre dans ses musées.
Innover avec des designers Sonia Verguet a créé pour l’occasion son pichet Métis, une poterie du quotidien, à la croisée de la porcelaine bourgeoise et de la vaisselle rurale. L’objet représente un beau succès commercial pour cette designer culinaire, très attachée à l’usage des objets et à l’évolution des traditions. Autrice du livre 100 Coolglofs qui propose 100 recettes originales pour utiliser autrement son moule à kouglof, elle milite pour tous les décloisonnements. « Toutes les familles alsaciennes ont un moule à kouglof ou une terrine à baeckeoffe dans leurs placards. Pour leur redonner envie de les utiliser, il
De gauche à droite:
— Pierre Siegfried, potier et président des Potiers d’Alsace. Document remis.
— La potière de Peggy
Wehrling. Photo: Cyrille
Fleckinger
faut inventer de nouvelles recettes, faire des pas de côté. » Mais derrière ces moules, il y a des potiers très attachés à leurs traditions, qui rechignent parfois à remettre en question l’esthétique et les usages de leur produits. «Le manque de temps, le manque d’envie et les difficultés de rapprochement entre artisans et designers freinent la remise au goût du jour de la poterie traditionnelle alsacienne», regrette Sonia. Avec l’association IDeE et une quinzaine de designers, elle essaie de faire bouger les lignes pour construire des ponts entre artisans, industriels et designers. Lors de deux workshops annuels, ils planchent sur un objet ou un matériau local. Leur premier projet en 2007, baptisé Koug, avait donné naissance à 10 moules revisités. «Un seul potier, Pierre Siegfried, a accepté de produire le MiniKoug de Jean-Luc Weimar, qui a connu un grand succès commercial. » Depuis, il reste très ouvert à ces collaborations et a même fabriqué un lombricomposteur en poterie avec Ferdinand Fraulob, récompensé par une bourse Tango & Scan, qui soutient des porteurs de projet issus du secteur créatif. Mais alors où sont les freins à ces rapprochements entre artisans et designers ? «Quand un potier sort de sa gamme esthétique habituelle, il a l’impression de ne pas connaître la clientèle, ni le réseau de distribution, explique Sonia Verguet. Pour que le dialogue s’engage et que la relation fonctionne, soit le potier se positionne comme fournisseur avec un cahier des charges précis, soit le travail est vraiment engagé à quatre mains. Là, la collaboration peut être énergisante pour les deux, elle permet à chacun de faire son métier de manière joyeuse, de ne pas s’ennuyer.»
La série Koug, initiée par l’association IDeE. Photo: Jésus S. Baptista
Harmonie Begon, Jean-Louis et Jonathan Ernewein-Haas. Photos: Christophe Urbain
Une belle façon de faire projet Harmonie Begon partage, elle aussi, une belle histoire avec la poterie ErneweinHaas. Formée à la HEAR, elle a une vision « politique » de l’artisanat et du design et il était hors de question d’instaurer une relation hiérarchique entre le designer qui pense et l’artisan qui fait. «L’artisanat est une alternative locale, raisonnée et créative à une production d’objets standardisés. En tant que designers, nous sommes des outils pour aider à revisiter la tradition, avoir un impact sur de beaux objets et trouver des nouvelles clientèles. » Après sa rencontre avec Jean-Louis et son fils Jonathan, elle a travaillé à l’atelier de poterie, un peu comme une ethnologue, pour documenter toutes les étapes du travail. «C’est une poterie rurale, traditionnelle, utilitaire, qui se façonne avec de la terre locale. La poterie de Soufflenheim excelle en cuisine. Il faut la réintégrer à notre quotidien, pour faire perdurer le savoir-faire.» Avec sa vision très humble du travail de designer, qui se met au service du potier, elle a d’abord travaillé un mois à leurs côtés comme ouvrière potière. « Harmonie a de bonnes idées, elle a piqué ma curiosité. J’aime travailler avec elle, car elle sait prendre son temps, elle n’est pas arrivée avec des idées préconçues», explique Jean-Louis. Ensemble, ils ont décroché un financement Tango&Scan de 15 000 €, et mis en place une collaboration éthique, qui rémunère l’apport de chacun, en tenant compte des contraintes de coûts et de production du potier. Sous la marque À demain Maurice, Harmonie autoédite des produits en petites séries, qu’elle achète à la poterie Ernewein-Haas à tarif négocié, puis elle gère elle-même la commercialisation de sa gamme. Elle travaille à partir de moules existants et apporte ses idées sur les décors, les couleurs, la forme d’une anse. «Nous avons trouvé un équilibre, une relation de confiance, qui nous satisfaits tous les deux.» Deux modèles de cocottes, des plats à gratin, des bols, des tasses et sa dernière création, les pichets parlants, séduisent une nouvelle clientèle dans quelques boutiques choisies. «Je cherche des revendeurs qui ont des valeurs et du sens, tels la Nouvelle Douane (pour sa proximité avec la cuisine), la Droguerie du Cygne (pour les beaux produits locaux), la boutique du Musée alsacien (pour le renouveau de la tradition)...» Riche de cette belle expérience humaine et professionnelle, Harmonie rêve de voir naître d’autres collaborations. « De telles initiatives doivent émerger d’un travail de terrain et pour qu’elles soient pertinentes, il faut demander aux artisans comment ils ont envie de travailler. Même si ça prend du temps!»
Ne pas tourner autour du pot Pierre Siegfried, le président des potiers d’Alsace, est aujourd’hui assez optimiste sur l’avenir. On parle d’une Cité de la Poterie, qui pourrait voir le jour à Soufflenheim d’ici fin 2025/2026. À ce stade de la réflexion, le projet est protéiforme et toutes les pistes sont sur la table avec des ateliers de poterie pour les particuliers et les scolaires, un centre de formation initiale et continue pour les potiers, un lieu de résidence d’artistes, un espace ressources avec une collection de poteries, d’outils et d’ouvrages, un espace de restauration pour boire et manger, une ouverture 7 jours sur 7 pour inscrire Soufflenheim dans les itinéraires touristiques… Cette vitrine de l’artisanat potier saura-t-elle répondre à tous les enjeux qui questionnent l’avenir de la poterie en Alsace: visibilité, débouchés et formation? Sur le terrain, la réalité reste entachée par des fermetures d’ateliers, qui ne trouvent pas repreneurs. Ils ne sont plus que deux à Betschdorf. Il faudra rapidement se pencher sur cette question de la transmission des entreprises et des savoir-faire. Peggy Wehrling a connu ce poids sur ses épaules, quand elle a repris à 27 ans l’atelier de son père. «Je n’ai aucune envie d’imposer ça à mes enfants. Parce que c’est un métier où on travaille sans relâche. Il faut de la passion pour reprendre ce flambeau. Quand l’heure d’arrêter aura sonné, je n’aurai aucun frein à céder mon atelier à un jeune potier de talent, d’où qu’il soit.» Le dynamisme actuel qui agite le monde de la céramique, avec de jeunes créateurs qui n’hésitent pas à partager leur savoir-faire à des amateurs ou à des personnes en reconversion, pourrait faire naître des vocations et de beaux lendemains. L’association potiers-alsace.com
IDeE designers.alsace
Tango & Scan Lancé par l’Eurométropole de Strasbourg et porté par Creaccro creaccro.eu
Poterie Siegfried Burger et fils siegfriedburger.fr
Poterie G. Wehrling et fille poterie-wehrling.alsace
La boutique des soeurs Lehmann 3, rue des Frères à Strasbourg
Poterie Ernewein-Haas alsace-poterie.fr
Sonia Verguet soniaverguet.com
La marque d’Harmonie Begon ademainmaurice.fr
Grès au sel VS terre cuite Exposition au Musée de la Poterie à Betschdorf, jusqu’au 26.06.2022
Verre et cristal Le souffle et la taille
Photos: Christoph de Barry
Autre tradition, même territoire. Dans les Vosges du Nord, l’univers du verre et du cristal fait aussi légion à travers, notamment, la Manufacture Lalique à Wingen-sur-Moder qui fête ses 100 ans.
Penser transmission et pérennisation, c’est aussi parler d’échange. À la Manufacture Lalique, on invite notamment des collégiens à découvrir sur place les métiers du verre, et on mise sur une présence dans les lieux d’apprentissage, comme le lycée Labroise de Sarrebourg. Lalique donne aussi sa chance à des jeunes sans qualification à la recherche d’une voie professionnelle, pour recruter chaque année une quinzaine de personnes et trois ou quatre alternants. En interne, l’école Lalique leur propose un parcours professionnel attractif pour fidéliser les futurs talents. Mentorés et tutorés par leurs ainés, ils deviendront peut-être de futurs Meilleurs Ouvriers de France (MOF). Lalique en compte sept dans ses rangs, un signe d’excellence rare.
Jean-Claude Hertrich, 42 ans de carrière, fait partie de cette génération, où la passion du verre se transmettait en famille. «Mon père était souffleur de verre et il était toujours dans son travail, même à la maison. À 9 ans, il m’a emmené en cachette à l’usine et j’ai eu le coup de foudre pour le verre en fusion. C’est ce métier que je voulais faire! Avec trois de mes frères, qui sont aussi devenus verriers, nous nous entraînions à la maison avec du miel et une aiguille à tricoter pour reproduire les gestes du souffleur. J’ai
De gauche à droite:
— Sablage du décor
«Fougères» réalisé grâce à un cache de sablage spécifique pour ce flacon. © Karine Faby
— Opération de sciage horizontal pour retirer la calotte de la carafe
Wingen / © Karine Faby
— Opération de retouche sur un vase Bacchantes incolore
commencé à 14 ans sur un rythme d’alternance entre école et manufacture. J’ai appris sur le tas, avec les verriers et j’apprends encore tous les jours!» Dans ce métier, c’est un état d’esprit de se transmettre entre verriers les gestes de porteur, de cueilleur et de souffleur de verre. Même si la pénibilité du travail tend à s’alléger, la tâche reste physique, et les rares femmes sont cantonnées aux pièces moins lourdes. Les gestes, eux, sont ancestraux, emprunts de grâce tandis que leur succession dessine un ballet, éclairé par le feu. « C’est une vraie difficulté de remplacer ceux qui vont partir en retraite, car on ne peut pas mettre un jeune verrier à la place d’un autre qui a 40 ans d’expérience. Atteindre le rang de souffleur de verre ne s’acquiert qu’après de longues années et après avoir exercé tous les autres métiers.» D’expérience, Jean-Claude sait détecter très vite un futur verrier. « Sa façon de regarder le verre, la précision de ses gestes, la persévérance sont des signes infaillibles. Mais c’est la passion qui fait tout!» déclare celui qui a remporté en 2000 le concours de MOF dans la classe Verrerie Cristallerie / option Verre Chaud. «J’avais envie d’aller plus haut dans mon métier, de voir si j’étais capable de décrocher ce titre. Durant un an et demi, je n’ai pensé qu’à mon œuvre, c’était un engagement de tous les jours, weekends compris. Cela m’a ouvert des portes pour évoluer au sein de la manufacture. Aujourd’hui, je suis technicien process verre chaud. Je travaille avec le Studio Design Lalique, pour étudier la faisabilité des nouveaux modèles. J’ai un attachement fort à la marque Lalique et à son exigence de qualité. Elle correspond bien à ma vision de ce métier magnifique! D’une matière liquide, on crée des formes sublimes!»
Matthieu Muller, 40 ans, a décroché son titre de MOF en 2015, dans la classe Verrerie Cristallerie / option gravure-sculpture. Sa spécialité, c’est le verre froid et des pièces de cristal qui peuvent nécessiter jusqu’à 35 étapes. Pour lui aussi, ce métier est une histoire de famille. Son père était déjà tailleur sur cristaux. Après son CAP arts et techniques du verre au lycée artisanal de Bitche, il est embauché chez Lalique en 1998, où il apprend le métier de sculpteur sur cristaux. «Pour exercer ce métier, il faut une bonne vision, une bonne projection en 3D, une gestuelle précise, de la concentration, mais surtout la passion pour cette matière vivante : ça sonne, ça résonne, ça vibre ! » Il a consacré 600 heures à son chef-d’œuvre, pour transformer un bloc de cristal de cristal de 40 kg en une sculpture de renard de 4 kg.
Au quotidien, il interprète les patrons (modèles) des designers Lalique. « Il faut être en osmose avec eux, comprendre et respecter leurs critères visuels, l’expression d’un visage, des formes très précises. Chaque pièce est unique et nécessite de choisir les bons outils.»
Sur son établi défilent des pièces d’art, des bijoux, des pieds de tables, des luminaires… Aucun jour ne se ressemble, d’autant que la maison Lalique se renouvelle sans cesse avec deux collections annuelles pour suivre les tendances en matière de formes et de couleurs et aller toujours le plus loin possible pour se démarquer des autres cristalleries. Dans ce métier, la formation dure toute la vie, avec une transmission des gestes par les aînés pour acquérir le savoir-faire propre à la manufacture. «Il faut a minima 3 ans d’apprentissage pour être au niveau. L’époque où les écoles avaient des contrats avec les manufactures, qui assuraient un recrutement dès la sortie de l’école, n’est pas si éloignée. Mais aujourd’hui, on est aussi ouvert à des profils plus variés. Il n’y a pas d’âge ni de profil type pour faire un bon graveur et l’engouement actuel pour les métiers d’art, permet d’être optimiste sur le renouveau de la profession.»
lalique.com
100 ans de Lalique en Alsace du 18 juin au 6 novembre 2022 au musée Lalique musee-lalique.com
De gauche à droite:
— Jean-Claude Hertrich — Matthieu Muller
Travail de taille sur une petite panthère Zeila réalisée par Nicolas Lalluet.
Un nouveau souffle pour Lalique
Sous l’impulsion de Silvio Denz, qui rachète l’entreprise en 2008, Lalique a trouvé un nouveau souffle. Ses investissements industriels en Alsace ont modernisé la production, entièrement rapatriée à Wingensur-Moder. L’embauche de jeunes formés par Lalique assure la relève des savoir-faire. Des collaborations avec des grands noms de l’art contemporain, tels Yves Klein, Damien Hirst, Zaha Hadid, Anish Kapoor, Terry Rodgers ou James Turrell, apportent un positionnement nouveau et un style singulier dicté par le directeur artistique Marc Larminaux. La diversification des activités de la Maison fait aussi partie de la stratégie, avec un retour aux fondamentaux et à l’univers de l’art de vivre cher à René Lalique. Lalique s’appuie aujourd’hui sur six piliers dans l’univers du luxe: les objets décoratifs, l’art, le design d’intérieur, l’hôtellerierestauration, la parfumerie la joaillerie, qui attirent une clientèle plus jeune. Une stratégie payante, puisque la production de Wingen-sur-Moder s’exporte aujourd’hui dans 80 pays, avec 250 points de vente dont 34 boutiques en propre. 90% du chiffre d’affaires est réalisé à l’export, notamment aux ÉtatsUnis, en Angleterre et en Asie.
OPTIQUE DE LA LICORNE
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