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Instant Flash
from Zut Strasbourg n°49
by Zut Magazine
Un apéro avec Alex Lutz
Metteur en scène, comédien, auteur et réalisateur préoccupé par l’humain.
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Par Cécile Becker Photo Jésus s. Baptista
Il a bu
Une limonade
La journaliste a bu
Un vin blanc catalan : Xarel·lo vermell, Tanca Els Ulls, domaine Celler del Cesc, 2020
Qui a réglé la note
L’UGC Ciné Cité
Propos recueillis le 1er avril au Cafoutche, dans le cadre de l’avant-première d’À l’ombre des filles d’Étienne Comar, à l’UGC Ciné Cité Ça vous évoque quoi d’être ici, au bar du Théâtre national de Strasbourg ?
Les fois où j’y suis allé à l’époque de Martinelli [Jean-Louis, directeur du TNS de 1993 à 2000], avec des acteurs qui m’ont formé en tant que spectateur : Sylvie Milhaud, Alain Fromager, Charles Berling… L’année des treize lunes est le premier spectacle que je suis venu voir. Je me souviens de l’Andromaque avec Sylvie Milhaud, à se damner, d’un concours loupé avec brio. Je n’ai jamais réussi l’ombre d’un concours – comme j’avais déjà ma compagnie, je montais déjà des projets, les autres choses arrivaient en bout de course…
Arrivez-vous toujours à être spectateur ?
C’est une question très intéressante parce que c’est fondamental. Plus vous avancez dans un métier qui vous passionne, plus il est chronophage, et plus on est de mauvais élèves. Même si j’essaye, il y a beaucoup de choses qui m’échappent. Je rêverais de me dégager un an pour faire des expos et me plonger dans toutes les lectures laissées de côté.
Dans tout ce que vous faites, il y a un attachement au côté « social ». Vous sentez-vous du côté du peuple ?
Je me sens du peuple, tout le monde est du peuple, je ne crois pas que des gens n’y soient pas. C’est le grand malentendu de l’humanité… L’oligarque, pour citer un mot à la mode, comme celui qui est en bas de l’échelle, peinent à se réconcilier : c’est le grand sujet du théâtre et du cinéma. Je suis un être humain avec sa grille de défauts, de malentendus, de trébuchements, d’erreurs, de certitudes et d’incertitudes. Le grand malheur, c’est que tout le monde essaye en permanence de s’extraire de cette humanité pour être autre chose, pour échapper à ce qu’il est ou à ce qu’il doit devenir, parce qu’elle est lourde cette humanité, elle est merveilleuse mais c’est dur. Je me situerais plus du côté de l’universalisme, avec conscience. Mais j’aime notre espèce.
Sans réserve ?
Je suis fatigué, agacé mais pas misanthrope. La guerre en Ukraine, les femmes violées, les populations déplacées, les frontières… on en est toujours là. Notre espèce est incroyable : le beau et le mal incarnés. Ce que j’aime c’est l’inutilité qui devient utile : faire une pièce, un film, créer... Je suis émerveillé que dans une grotte il y ait eu des dessins alors que le premier souci était de ne pas se faire bouffer par des trucs avec des dents aussi grosses que tes jambes… Il y a du beau, il faut faire l’effort de le voir.
Ce sont les nuances qui vous intéressent ?
Si je dois incarner un salopard, je vais aller chercher ce que je peux y mettre de secrets constituants une casserole probable. On est tous constitués de ça, de paradoxes.
Et cet hymne prononcé à tout-va : s’affirmer, être une meilleure version de soi, vous en pensez quoi ?
C’est ce que je déteste dans cette époque, ce leurre très américain… Leur rapport à la psychanalyse mélange Lacan, ma belle-sœur et le yoga… Ce truc de « toi, toi, toi, affirme-toi », c’est pas comme ça qu’on vit avec les autres. Être avec l’autre suppose des compromis, et ce n’est pas forcément une annulation de soi. C’est un effort, de l’attention. Je m’en suis rendu compte lors d’une crise d’angoisse énorme sur scène. Un trou insurmontable, grosse fatigue, palpitations. Je sors de scène, blanc comme un cul avec des idées convoquées autour du moi, moi, moi. Et puis, alors que le pompier me tendait du sucre et que ça ne servait à rien, j’ai pensé au public : deux bonnes femmes devant qui ont payé 75€ chacune, d’autres qui ont fait 25 bornes, un anniversaire, ça m’a décentré et fait remonter sur scène.
L’empathie pour bien faire votre métier ?
J’aime beaucoup cette phrase de Françoise Sagan, que j’adore, sur l’imagination, où elle dit que c’est pour elle la plus grande vertu. Dans son bégaiement habituel, elle explique : « Avec de l’imagination, je peux me dire : « il avait une voix bizarre tout à l’heure, il lui est peut-être arrivé quelque chose, je vais lui téléphoner. » Ça, ça me rétame la gueule d’émotion. C’est d’une simplicité absolue mais nos métiers nécessitent au moins ça. Il est méchant, ben pourquoi ? C’est l’exercice qu’on doit faire sur scène : mettre de l’imagination, de la complexité, de l’asymétrie, de la couleur et de la nuance. C’est tout ce qu’on a à faire.
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