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Une brique dans le ventre
C’est bien connu, le Belge a une brique dans le ventre. Les militaires aussi, sauf que faute de moyens, au cours du demi-siècle passé, on leur a servi des WC bouchés et des containers définitivement temporaires. L’infrastructure s’est décomposée, à l’image de tout le reste. Une tendance désormais inversée, comme l’indique le dernier rapport de la DG MR.
Si l’armée utilisait des ‘smileys’, la ‘brique’ virtuelle de 50MB publiée par la DG MR C&I-Infra en serait farcie. Il faut dire que les collègues de ce service n’ont pas chômé
. Dès les premières pages, on sent un vent de renouveau, voire d’euphorie. Prenons ce graphique illustrant l’évolution des investissements dans le patrimoine existant. On apprend qu’ils sont passés de 14 millions d’euros en 2015 à 139 millions l’année passée �� . Il est vrai qu’à l’armée, la grande majorité des bâtiments et quartiers datent de la Guerre froide et ne sont plus du tout aux normes de sécurité, d’hygiène ou d’ergonomie. Aujourd’hui, pour la première fois on parle même sérieusement de critères environnementaux et de neutralité carbone ; on croit rêver ! En ce qui concerne les nouveaux projets, 2022 est l’année des superlatifs, avec 1,2 milliards �� engagés principalement dans l’infrastructure F-35 à Florennes et Kleine-Brogel ainsi que dans le nouvel état-major de la Défense à Evere.
Un EM qu’on peut montrer
Ces dernières années, celui qui avait le malheur de travailler ou de simplement se rendre à l’état-major d’Evere ne pouvait se défaire d’un sentiment de délabrement. Le Centre des Opérations (COps), avec ses murs décrépits, ses sanitaires en panne et ses plafonds bancals faisait ainsi partie de ces endroits honteux qu’on évitait de montrer aux visiteurs étrangers. Bon, après il ne faut pas non plus recevoir ces éminences à bord d’un yacht de luxe mais le Bloc H était quand même devenu un peu craignos, même dans les hautes sphères. C’est donc avec des étoiles plein les yeux �� qu’on découvre les plans du nouveau QG, avec ses grandes baies vitrées et ses nombreux espaces verts stratégiquement plantés face aux arches de l’Otan, de l’autre côté du boulevard. Le marché a été attribué pour un montant de 499 millions à un groupement d’entrepreneurs belges dénommé logiquement ‘Be Defence’, selon le principe ‘DBM’. ‘Design, Build and Maintain’ désigne une forme de contrat dans lequel le partenaire privé se charge de la conception, de la construction mais aussi de l'entretien de l'infrastructure. De cette façon, pas de risque de voir les nouvelles installations pourrir sur place faute d’entretien, comme ce fut trop souvent le cas auparavant. Le projet comprend la réalisation d’un nouveau site hautement sécurisé composé de différents bâtiments, pouvant accueillir près de 4.000 employés de la Défense. Le bâtiment principal abritera 2.800 postes de travail pour les services de l’état-major, le Service Général du Renseignement et de la Sécurité (SGRS) et le Cyber Command. Le quartier prévoit aussi un centre de conférence accessible au public ainsi qu’un bâtiment séparé avec une crèche et les bureaux de l’OCASC. Le rapport ne dit pas si la Défense aura encore assez de militaires pour remplir cet écrin fin 2027 lors de son inauguration, mais ça, c’est une autre histoire…
Pas de doute en revanche en ce qui concerne l’arrivée des F-35. En 2022, la Défense a signé un contrat ‘DBM’ (593 millions d'euros d'investissement) pour deux complexes F-35 quasi-identiques : l’un à Florennes, l’autre à Kleine-Brogel. Chaque nouveau site comprendra l'infrastructure opérationnelle, logistique et administrative nécessaire à la mise en œuvre des nouveaux chasseurs-bombardiers. Dans chaque cas, cela inclut un espace pour quatre simulateurs de vol, un hangar de maintenance pour 6 avions et une ligne de vol avec 16 abris. Livraison partielle prévue en 2024 (Florennes) et 2026 (Kleine-Brogel). La base de Florennes accueillera en outre les drones MQ-9B, avec entre autres deux stations de contrôle au sol, le simulateur de vol ainsi qu'un hangar. ��
Le rapport ne dit pas où la Défense trouvera les techniciens et le personnel spécialisé qui doivent occuper les nouvelles bases, mais ça, c’est une autre histoire…
Adduction
À côté de ces projets phares, la DG MR énumère une kirielle de nouvelles constructions inaugurées en 2022, en cours ou en voie de construction : 6 millions à Brasschaat, 12 à Beauvechain, 36 à Marche-en-Famenne, 15 à Saffraanberg, 7 à Marche-les-Dames, …
Citons encore la rénovation des pistes de Beauvechain, la mise à jour de nombreuses facilités sportives partout dans le pays et un mystérieux projet de 11,4 millions financé par l’Otan et les USA à Kleine-Brogel et dénomé ‘MUNNS Ops Center and Security Control Center’. On vous laisse deviner à quoi il servira. ��
Côté Horeca aussi nous serons gâtés, avec presque 20 millions investis dans le nouveau mess de Peutie, 11 pour celui de Beauvechain et 15 à Marche-en-Famenne ��. Bourg-Leopold ne sera pas en reste puisque les travaux de renouvellement de tout le réseau d’adduction (conduites et évacuation des eaux) ont débuté, pour une durée de cinq ans en 11 phases successives (22,5 millions tout de même !) ��. Ah, il y a aussi un gros demi-million pour enfin rénover la résidence de l’amiral à Den Helder. Merci pour lui ! Les chantiers poussent donc comme des champignons dans de nombreuses casernes, à notre plus grande satisfaction. En effet, le syndicat militaire ACMP-CGPM revendique depuis de très nombreuses années un environnement de travail et d’hébergement décent et sécurisé pour le personnel, en particulier les candidats-militaires. Hé oui, même la tristement célèbre salle de cinéma de Saffraanberg, avec ses sanitaires à l’abandon et son toit percé, sera totalement rénovée (pour 3,5 millions d’euros).
Logements, bureaux, classes, mess, ateliers, … tout cela devrait être terminé dans les cinq à dix ans. Sans parler des tout nouveaux ‘quartiers du futur’, qui doivent encore sortir de terre à Charleroi et Geraardsbergen. Cerise sur le gâteau, on parle maintenant d’une seconde école des sous-officiers, à Tournai, pour un montant de 63 millions ! Le rapport ne dit pas où la Défense trouvera les recrues pour occuper ces superbes constructions, mais ça bien sûr, c’est une autre histoire…