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Équipages à distance
Le premier de nos six navires de lutte contre les mines a été mis à flot en mars. Ce géant de 83 mètres, bardé de drones dignes de la science-fiction, n’est que la partie émergée des ambitions navales de notre pays. Pour construire la base de son incroyable iceberg, la Marine compte sur des solutions ‘exotiques’, surtout sur le plan du personnel.
Le sobriquet de ‘Tupperware’ donné à nos anciens chasseurs de mines ne s’appliquera pas à leurs remplaçants. Jugez-en vousmême : avec un déplacement de 2.900 tonnes, un seul des nouveaux navires pèsera autant que les cinq chasseurs de notre flotte actuelle ! La classe ‘City’ doit propulser notre Marine au top mondial de la technologie navale. Nous serons ainsi les premiers à entreprendre un engagement contre les mines totalement ‘stand-off’, dans lequel l’équipage et le navire délèguent les actions opérationnelles à des robots sous, sur et au-dessus de la surface.
Trois frégates
Cette évolution est déjà fort ambitieuse mais dans une récente interview pour la Revue Militaire Belge, l’amiral De Beurme, ancien ‘patron’ de notre Marine, met la barre encore plus loin : « La décision de n’acquérir que deux navires, en ce qui concerne à la fois les frégates et les patrouilleurs, ne tient pas compte de l’approche à trois volets (formation/opération/entretien) et a pour conséquence qu’un navire n’est pas toujours disponible. D’où la nécessité d’un troisième patrouilleur. Une troisième frégate devrait également être envisagée. En outre, la Marine […] doit accorder plus d’attention à sa capacité de s’inscrire dans la durée […]. En effet, les stocks de munitions sont insuffisants et la chaîne d’approvisionnement n’est pas assurée. Il est urgent d’y travailler en coopération avec d’autres nations et avec l’industrie. »
L’infrastructure de la Marine doit elle aussi être entièrement renouvelée. Parce que les bâtiments actuels ont plus de cinquante ans et qu’ils ne répondent plus aux nouvelles réalités opérationnelles. Selon l’amiral, il faudra également créer de toutes pièces une solide capacité dans les domaines des communications, ‘Cyber’ et ‘Space’.
Seabed Warfare
« Nous devons commencer par mettre en place un centre d'opérations maritimes (MOC). L'équipe qui en sera chargée est déjà opérationnelle. Nous espérons pouvoir bientôt accueillir ce personnel dans un nouveau bâtiment à Zeebruges. Il s'agit maintenant de disposer d'outils informatiques et de communication sécurisés pour la transmission et le traitement des données de lutte contre les mines. C'est là qu'il est important d'acquérir une expertise interne. Ainsi, dès la création du Cyber
Command au sein de la Défense, nous avons immédiatement affecté des personnels de la Marine à ce service ainsi qu'au Space Service qui sera créé au sein de la Composante Air. »
L’amiral De Beurme entend en outre créer un nouveau Corps : « Nous n'avons plus de défense portuaire digne de ce nom. Nous souhaitons donc reconstituer un régiment de Fusiliers marins et recruter 500 nouveaux militaires d'active ou de réserve. Ils seront chargés de la protection des installations portuaires à terre et sur l'eau. La ‘Seabed Warfare’ (guerre sur les fonds marins) requiert également une attention particulière : nous devons réfléchir à la manière de protéger les infrastructures critiques situées plus loin en mer, telles que les pipelines, les câbles de données et les câbles électriques. »
Pour le personnel, l’amiral avance des solutions pour le moins ‘exotiques’ : « Nous pouvons recruter nos ingénieurs par l'intermédiaire de l'École Royale Militaire (ERM) mais en tout état de cause il n'y aura pas assez de personnel techniquement qualifié disponible […] à bord des navires. L'opérateur sera donc désormais responsable du suivi technique du système. […] Cela ne sera possible que si le soutien technique est assuré à partir du MOC - c'est-à-dire à distance - pour effectuer l'entretien et les réparations à bord. Ce qui n'est pas faisable à bord devra être fait après coup dans l'industrie. »
En d’autres termes, les spécialistes du MOC dirigeront les marins depuis la Belgique pour pallier le manque de personnel navigant. Un peu comme les dizaines de techniciens de la NASA qui 'pilotent' depuis Houston les actions d'une poignée d'astronautes en orbite. Pour alimenter les ‘équipages à quai’, l’amiral a aussi une solution : « La mise en commun de la maind’œuvre avec l’industrie […] est l’avenir, répond aux besoins de mobilité et de flexibilité des jeunes et nous permet, ainsi qu’à l’industrie, d’employer ces compétences rares de manière appropriée. »
Question subsidiaire
À ce stade, ce concept de ‘Workforce Sharing’ n‘existe pas plus que les budgets nécessaires pour réaliser les ambitions de l’amiral. La Marine a perdu 5% de ses effectifs en 2022. Elle compte aujourd’hui à peine 1.500 militaires pour 8.600 tonnes de navires. Question subsidiaire : même si les nouveaux vaisseaux seront partiellement automatisés, combien de marins seraient nécessaires pour évoluer vers une flotte de 38.000 tonnes à l’horizon 2035 ? L’amiral De Beurme affiche un optimisme qu’on pourrait qualifier d’insubmersible…
Navire de lutte contre les mines de classe ‘City’
Dimensions : 83 x 17m, 2.900 tonnes
Équipage : 29 au minimum pour manœuvrer, une soixantaine en opération et 92 places au maximum
Armement : Canon Bofors 40mm, 2x 12,7mm FN
Herstal Sea deFNder, 4x 7,62mm MAG, 2x canons à eau, 2x armes acoustiques LRAD
Capteurs : Radars Terma Scanter 6002, Thales NS54 et 2x de navigation. 2x caméras Chess Dynamics Sea
Eagle FCEO, conduite de tir, pilotage UAV, iXblue Mine avoidance sonar
Systèmes embarqués : 2x drones aériens Skeldar
Pour l’ACMP-CGPM il est clair qu’au lieu d’ajouter des navires et des systèmes d’armes toujours plus grands, plus complexes et plus coûteux dans le ‘panier d’achats ‘ de la Défense, il faudrait s’inquiéter d’abord de trouver, former et garder les militaires devant servir à leur bord. Car ce ne sont pas les navires qui combattent l’ennemi, mais les marins.
V-200, drones marins USV Inspector 125, Seascan ROV pour l’identification des mines, K-STER C ROV pour l’élimination des mines, drone autonome A18-M AUV, drone tracté T18-M, drone dragueur de mines Patria Sonac ACS, plongeurs, 2x embarcations SOLAS Viking RHIB de 7m.
Pour en savoir plus, consultez (en néerlandais) : https://marineschepen.nl/schepen/vlissingen.html