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Manque de personnel ? Des solutions !

Il est clair que les budgets de la Défense devront encore augmenter. Certains préconisent déjà l’achat massif d’encore plus de systèmes d’armes. Ils feraient mieux de se demander comment trouver les militaires nécessaires à leur emploi.

L’ACMP-CGPM sait quoi faire de ces nouveaux moyens…

Notre pays va devoir augmenter ses investissements dans la Défense. La trajectoire menant à 1,54% du PIB en 2030 prônée par le gouvernement n’est plus tenable face aux exigences de nos alliés, pour qui 2% du PIB sont maintenant considérés comme un minimum. On parle d’une augmentation substantielle, en plus des différents plans déjà engagés par notre pays. Si la Belgique appliquait immédiatement les critères de l’Otan, comme l’Allemagne semble vouloir le faire dès l’année prochaine, notre budget devrait passer à 9,5 milliards, soit un bond de presque 4,5 milliards (!).

Dans le camp politique, deux sons de cloche s’opposent. Les uns disent qu’on a déjà fait beaucoup et que des montants aussi élevés sont impossibles à dépenser de façon raisonnable. D’autres balaient l’argument : cet argent sera vite dépensé. Dans leur panier d’achats, on trouve plein de munitions, des bataillons de chars, davantage d’avions de combat, des missiles antiaériens, …

Il est navrant de constater que dans toute cette histoire, personne ne pense à régler le problème principal auquel l’armée est aujourd’hui confrontée : le manque de militaires. Car à quoi bon acheter plus de navires, de blindés ou d’avions si on n’a ni marins, ni canonniers, ni aviateurs ?

Et les militaires ?

Il est bon de rappeler que la récente revalorisation salariale n’a requis aucun budget supplémentaire pour la Défense. La ministre Ludivine Dedonder a dégagé les moyens nécessaires au sein de l’enveloppe budgétaire existante. Il est probable que le gouvernement n’aurait jamais donné son feu vert s’il avait fallu puiser dans les caisses de l’État. Pour plus d’armes et de services, c’est bien plus simple, les milliards coulent facilement vers l’industrie. Si demain notre pays est ‘contraint et forcé’ d’investir encore plus dans l’armée, nos politiciens mettront la main sur un vrai pactole. Que vont-ils en faire ? Nous craignons qu’ils l’emploient pour ‘arroser’ encore plus le secteur privé. Car de tous temps les budgets militaires ont été considérés comme une ‘vache à lait’ qu’on peut traire au profit de ses ‘amis’, sous la forme de juteux contrats : équipement, logiciels, infrastructure, logistique, services, … en négligeant le personnel, car dans ce domaine il est difficile d’écrémer quoi que ce soit.

Un métier passionnant

Le syndicat militaire ACMP-CGPM n’a pas besoin de chercher bien longtemps comment employer des moyens additionnels…

Dès 2024, les salaires des militaires seront alignés sur ceux des policiers. Le salaire n’est cependant qu’une partie de la motivation des militaires. Pour attirer et garder du personnel, d’autres pistes doivent être reconnues. À commencer pas de solides garanties d’emploi. Finis les statuts précaires qui coûtent une fortune en formations parce que la majorité des recrues s’en vont après quelques années. Cette seule mesure permettrait de contrer le manque d’instructeurs, qui travaillent actuellement en grande partie ‘pour rien’. En effet, le rendement dans les unités d’un militaire ‘de carrière’ est bien meilleur, tant en termes de durée que de qualité. Il ne faut pas pour autant sacrifier les formules modernes de flexibilité dans la carrière et promouvoir les trajets mixtes ou à la carte, en partenariat avec l’industrie et le privé. D’autres mesures simples peuvent aussi convaincre les jeunes Belges à s’engager et à rester à l’armée :

- L’accès au logement dès la nomination, via des locations et des prêts avantageux pour l’acquisition et la rénovation du domicile. Le militaire pourrait par exemple bénéficier automatiquement d’une sorte de prêt social financé par la Défense.

- Des soins de santé vraiment gratuits et sans tracasseries administratives pour les militaires et leurs proches.

- Une priorité à l’emploi pour les conjoints non militaires, comme civil à la Défense ou auprès de partenaires.

- Une aide à la mobilité, par exemple la prise en charge de la TVA pour l’achat d’un véhicule électrique et la gratuité de la recharge sur le lieu de travail.

- Plus de crèches, garderies, camps et animations pour les enfants des militaires, même dans les petites garnisons.

- Des avantages et réductions exclusives pour les militaires, à l’image de ce qui se faisait pour les Forces Belges en Allemagne.

- Une mobilité garantie vers la

Fonction publique pour les militaires devant quitter la Défense suite à des soucis de santé ou qui choisissent de terminer leur carrière en-dehors de l’armée.

- La revalorisation de l’image des militaires par des campagnes dans les écoles, auprès de la population et surtout de nos dirigeants.

On peut aussi rendre le métier plus attrayant en améliorant le contenu du travail. Sous la forme d’exercices encore plus réalistes par exemple, surtout pendant la formation. Il est d’ailleurs affligeant que nos écoles ne reçoivent toujours pas de moyens suffisants et modernes. Comment motiver les recrues si on les ‘droppe’ d’un camion, au lieu d’un hélicoptère ? Si elles n’ont jamais vu un char de près ? Si les cours sont projetés sur le mur, faute d’écran ?

La Défense pourrait en outre donner à chacun la possibilité de suivre des formations de qualité en milieu militaire ou civil. On peut également favoriser les échanges avec nos alliés et minimiser les périodes d’inaction, car beaucoup de jeunes militaires se plaignent de l’ennui entre deux missions, voire pendant les déploiements ! Le métier des armes doit redevenir passionnant et le rester pendant toute la carrière.

Des solutions éprouvées

Beaucoup de ces recettes ont prouvé leur efficacité pendant les années ’80, quand l’armée parvenait à motiver de nombreux jeunes à s’engager pour servir en Allemagne. Par ailleurs, leur coût peut souvent être assimilé à un investissement ou à une dépense de fonctionnement. C’est un critère important pour l’Otan et nos dirigeants politiques, pour qui augmenter la rémunération ou le budget dédié au personnel reste difficile. Il existe de nombreuses pistes pour contrer le manque de militaires. Aujourd’hui, il semble que des budgets seront débloqués. Reste à espérer que nos dirigeants en feront bon usage, pour que la Défense ne devienne pas un immense parking pour armement de pointe. 

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