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Tendance internationale

Des voitures électriques, mais à quel prix ?

Ce qui freine le développement des voitures électriques, c’est (entre autres) le prix. Même si les fl ottes utilisent toujours davantage le TCO pour « juger » du coût d’une voiture, force est de constater que les tarifs ont de quoi dissuader un marché. A la lumière d’une étude récente menée par JATO Dynamics (« EVs : a pricing challenge »), plongeons dans les arcanes de la percée (ou pas) de la voiture électrique dans le monde.

Grégory Livis – gregory.livis@eff ectivemedia.be

La Chine est bien connue pour être à l'avant-garde de l'adoption des voitures électriques (VE). Cela s’est fait à coups de programmes d’incitants. En 2010, le gouvernement chinois annonçait des incitants allant jusqu'à 60.000 yuans (près de 8.000 euros) pour l'achat privé de nouvelles voitures électriques à batterie. C'est ainsi qu'a débuté une période de dix ans de développement du plus grand marché de VE du monde. Aux États-Unis, après 2010, les VE ont pu bénéfi cier d'un crédit d'impôt de l'IRS allant de 3.500 à 7.500 dollars, plafonné à 200.000 véhicules rechargeables pour chaque constructeur. Ce crédit d'impôt a contribué à amorcer le marché des VE haut de gamme, mais il n'aide pas les acheteurs à faible revenu et n'a donc pas incité de nombreux constructeurs automobiles à s'aventurer hors de ce segment vers des voitures plus abordables. Si l'on se concentre sur les principaux marchés européens, l'agenda environnemental a incité de nombreux pays à développer des programmes d'incitant. Contrairement à d'autres pays européens, les incitants aux VE en Norvège – connue pour être en avance en matière d’adoption des VE - se concentrent sur les réductions d'impôts et les investissements importants dans les infrastructures publiques de recharge des VE, plutôt que sur les subventions. En 2011, les VE norvégiens étaient exonérés des taxes non récurrentes sur les véhicules, de la taxe de vente et de la taxe routière annuelle.

Des incitants au prix

Résultat de ces programmes : la Norvège est aujourd’hui le seul pays européen où le prix de détail moyen d'un VE est inférieur au prix moyen d'une voiture à moteur à combustion interne. Le prix moyen d'une voiture à moteur à combustion interne y est de 53.000 euros, alors qu'il est de 44.500 euros pour les VE.

Partout ailleurs en Europe, la diff érence de prix entre les véhicules à moteur à combustion traditionnel et les VE est en faveur des premiers. En Allemagne, l'écart entre les prix des véhicules à moteur à combustion interne et des VE a été réduit. Cette année, les VE n'étaient que 8% plus chers que le prix de détail moyen des voitures diesel/essence (39.755 euros contre 36.979 euros

En moyenne sur les cinq grands marchés européens, une voitures avec un moteur à combustion coûte 32.218 euros, contre 42.568 euros pour une voiture électrique.

En Europe, il faut au moins 15.740 euros pour acheter une voiture électrique, contre 3.700 en Chine et 24.800 aux Etats-Unis

En Belgique, une voiture électrique coûte en moyenne 92% plus cher qu’une voiture à moteur à combustion, selon une analyse de JATO Dynamics.

en moyenne). Au Royaume-Uni, en mai 2021, les VE étaient 52 % plus chers que le prix de détail moyen des voitures à moteur à combustion interne immatriculées. Malgré les eff orts du gouvernement, les VE deviennent également plus chers en France. En 2013, le prix de détail moyen en volume d'un VE était de 23.900 euros, et ce prix a bondi à 38.700 euros cette année. Les Pays-Bas ont fait des progrès signifi catifs en matière de tarifi cation des VE au cours des dernières années. Le prix moyen d'un VE y a baissé de 72.100 euros en 2017 à 48.200 euros cette année. Cependant, ces voitures sont encore 53% plus chères que le prix de détail moyen des voitures à moteur à combustion interne immatriculées aux Pays-Bas (31.200 euros). En Belgique, une voiture électrique coûte en moyenne 92% plus cher qu’une voiture à moteur à combustion.

La Chine en exemple ?

En fait, les prix de détail moyens des VE immatriculés en Europe ont bondi d'un minimum de 33.292 euros en 2012 à 42.568 euros en 2021, soit une augmentation de 28% en dix ans. Aux États-Unis, les prix ont fait un bond encore plus important, passant de 26.200 euros en 2011 à 36.200 euros en 2021, soit une augmentation de 38%. Et en Chine… c’est tout l’inverse. En 2011, le prix de détail moyen y était de 41.800 euros, et il a considérablement baissé pour atteindre seulement 22.100 euros cette année, ce qui représente une baisse considérable de 47%. Ces progrès de la Chine peuvent être largement attribués au fait qu'elle se concentre sur des voitures populaires à des prix abordables.

En Chine, cette année, 40% des VE vendus étaient des citadines, dont le prix de détail moyen était de 6.700 euros. Et les consommateurs peuvent acheter un véhicule électrique fl ambant neuf pour seulement 3.700 euros. En Europe, le prix est beaucoup plus élevé : il faut au moins 15.740 euros pour acheter un véhicule électrique. Aux États-Unis, c'est encore davantage : le minimum est de 24.800 euros.

Ces écarts de prix sont également infl uencés par la demande de VE et l'off re de modèles. En Europe, le marché est dominé par les SUV, et aux Etats-Unis par les berlines de taille moyenne, qui sont toutes deux plus chères que les citadines qui dominent le marché chinois des VE. Alors que l'industrie au sens large a mis l'accent sur le développement de meilleures technologies, de gammes plus élevées et de voitures haut de gamme, le marché chinois a fait les deux, adaptant les modèles à moteur à combustion interne en VE plus abordables. Cela a donné aux consommateurs de diff érents milieux socio-économiques la possibilité d'acheter un VE. l'occasion d'acheter un VE, élargissant ainsi de ventes pour les équipementiers.

Il faudra s’adapter

Malgré les eff orts déployés sur de nombreux marchés et par de nombreux constructeurs, les VE en Europe et aux États-Unis sont encore trop chers par rapport aux modèles à moteur à combustion interne. Il est urgent que l'industrie se concentre sur des modèles de VE abordables qui refl ètent la demande des consommateurs. Par exemple, l'année dernière, 44% de la demande mondiale de voitures particulières concernait les SUV, mais ces derniers ne représentaient que 25% des ventes combinées de VE particuliers en Chine, aux États-Unis et en Europe. Les usines occidentales étant conçues pour produire à grande échelle des véhicules du segment supérieur, il est peu probable que de nombreux constructeurs commencent bientôt à modifi er leurs plans pour produire des voitures d'entrée de gamme, à prix abordable, sans que la demande des consommateurs ne justifi e un changement de leurs modèles d'exploitation. Cependant, si les prix des VE ne sont pas réduits en priorité, les conséquences seront importantes pour l'ensemble de l'industrie automobile, car une grande partie de la population ne pourra jamais s'off rir de VE.

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