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Cinéma – Le Mans 66

LE MANS 66

Historique, le tiercé Ford aux 24 Heures du Mans 1966 constitue certainement un des grands épisodes qui ont construit la légende de la plus célèbre course d’endurance du monde. Retranscrire l’histoire de cet extraordinaire duel, opposant le géant Ford à l’artisan Ferrari au travers d’un film, le plus long soit-il, représente un formidable challenge qu’a accompli avec succès James Mangold. Avec son «Mans 66», le réalisateur ajoute une nouvelle pépite aux incontournables, Le Mans de Lee H Katzin, Rush de Ron Howard et

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bien sûr Grand Prix de John Frankenheimer. Par Gérard Vallat

HISTOIRE D’HOMMES

Bien loin des fastes du sport automobile actuel, l’ambiance de la période entourant les 24 Heures du Mans 1966 résume parfaitement les conditions dans lesquelles évoluaient les acteurs de cette époque. Disposant de moyens souvent limités, les constructeurs engagés, Matra, Chaparral, Alpine, Porsche et bien entendu Ferrari n’avaient pas la dimension et la surface financière du géant américain. Pourtant, au cœur de ces années soixante, les Italiens de la petite officine Ferrari faisaient main basse sur les courses d’endurance en accroissant leur notoriété. En marge, un bras de fer avait déjà commencé en GT avec le match opposant la Ferrari 250 GTO à la Cobra Daytona développée par Carroll Shelby. Décidé à rafraîchir l’image et dynamiser par le sport la marque créée

Leo Beebe – Carroll Shelby et tout à droite Ken Miles.

LA DREAM TEAM

En vue de ce débarquement yankee au Mans, une véritable armée était levée, avec à sa tête Carroll Shelby, l’ingénieur Phil Remington et Ken Miles. Pour relever le défi de battre Ferrari, il fallait revoir les GT40 précédemment engagée depuis 1964. En ce sens, les équipes de Shelby American Inc. commencèrent par implanter le moteur big bloc de 7 litres au cœur de la machine, avant de revoir des freins à la boîte de vitesses cette voiture décidemment trop perfectible les deux années précédentes. Mettant les bouchées doubles, travaillant jour et nuit, multipliant les essais, la dream team était fine prête à l’aube de la fameuse année 1966.

Suite, page 12

par son grand-père, Henri Ford II envoie ses émissaires en Europe pour convaincre Enzo Ferrari de lui vendre le «cheval cabré». Heureusement pour l’histoire, l’affaire ne s’est pas conclue. Vexé de ce refus, Henri Ford décidait de se donner les moyens de créer une armada capable de vaincre sur tous les circuits du monde, mais surtout au Mans, jusque-là chasse gardée de Ferrari. Les premières tentatives de 1964 et 65 tournants à la débâcle, il fallait urgemment trouver une solution aux problèmes de fiabilité des Ford. Pour cela, Leo Beebe, l’homme nommé par Henri Ford pour gérer l’offensive, donna carte blanche à Carroll Shelby. Seul pilote Américain à avoir remporté les 24 Heures du Mans (1959 sur Aston-Martin avec Roy Salvadori), devenu créateur de la GT qui faisait déjà trembler la marque italienne, le Texan Carroll Shelby sera l’homme que Ford adoubera pour terrasser les troupes du commendatore Enzo Ferrari.

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CARROLL SHELBY

Texan pure souche né en 1923, Carroll Shelby a été pilote d’avion durant la deuxième guerre mondiale. A la fin des hostilités, revenu aux Etats-Unis il s’est éparpillé dans différents domaines professionnels, dont l’élevage de poulets, avant de se consacrer entièrement à l’automobile. Pilote talentueux, il a pris part aux plus importantes épreuves européennes et américaines, avec une victoire aux 24 Heures du Mans 1959. Retiré de la compétition suite à des troubles cardiaques, il a été le créateur de la mythique Cobra, avant de devenir l’homme fort de l’armada Ford.

KEN MILES

Anglais au caractère bien trempé, dont la nationalité était soulignée par son surnom de Teddy Teabag, pour sa forte consommation de thé, Ken Miles s’est installé aux Etats-Unis en 1952, après avoir servi dans l’armée britannique et participé au débarquement de Normandie. Devenu garagiste, préparateur de voitures de course et pilote, sa petite entreprise souffrit de difficultés financière l’amenant à la faillite. C’est à cette époque qu’il rejoint officiellement les rangs de l’offensive américaine au Mans, en devenant le pilote d’essais et développement de la Ford GT40 MKII. Au volant de cette voiture il remporta les 24 heures de Daytona et les 12 heures de Sebring 1966, de magnifiques performances qui auraient été magnifiées par la victoire des 24 Heures du Mans qui lui fut «volée» par le marketing de Ford et surtout le règlement de l’épreuve. A peine digérée cette injustice, le malheureux Ken Miles s’est tué en essais sur le circuit de Riverside.

PHIL REMINGTON

L’origine de la Ford GT40 se situe en Angleterre, lorsque l’ingénieur Roy Lunn a repris pour Ford le châssis qu’avait construit Lola. Rapatrié aux USA, ce projet se développera pour devenir la Ford GT40. C’est à partir de ce moment que l’ingénieur Phil Remington, un des pères de la Cobra avec Carroll Shelby, entre en scène. Il sera un des moteurs du développement de la GT40 MK2 et MK4 qui s’imposera en 1967

LA COURSE

Avec treize exemplaires alignés, Ford a fait une formidable démonstration de puissance au Mans 1966. Avant le départ, la messe était bel et bien dite, face à Ferrari dont les voitures peinaient à suivre le rythme des GT40. Pourtant, rien n’a été si facile, tant la rivalité des équipes Shelby et Holman&Moody était rugueuse. Arrêté au stand dès la fin du premier tour pour refermer une porte baladeuse, Ken Miles avait du retard sur Dan Gurney. Un retard qu’il compensait à force de records du tour, jusqu’à reprendre la tête de la course. On trouvait alors trois Ford MKII en tête, ce qui va donner l’occasion d’assister à l’arrivée la plus serrée de l’histoire des 24 Heures du Mans. Ford décidait que les trois GT40 passeraient la ligne d’arrivée ensemble. Regroupées en fin de course, les trois Ford passaient la ligne avec la N°1 de Ken Miles, suivie de très près par la N°2 de Amon/McLaren et la N°5 de Bucknum/Hutcherson. Ken Miles et Dennis Hulme croient avoir gagné, mais la direction de course brise le rêve en arguant d’un point du règlement qui prévoit, en cas d’égalité sur la ligne d’arrivée, de compter la distance parcourue. En conséquence, il apparaît que la Ford N°2 a parcouru huit mètres de plus que la N°1, ce qui lui donne la victoire. Une énorme déception pour Ken Miles, mais Ford a accompli sa mission de vaincre Ferrari au Mans. Par la suite, Ford s’imposera encore en 1967/68 et 69, tandis que Ferrari ne retrouvera jamais la victoire dans la Sarthe.

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J’AVAIS RETROUVÉ LA SÉRÉNITÉ POUR SAVOURER PLEINEMENT, ET AVEC RESPECT CETTE ÉNORME CHANCE.

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GRAND TÉMOIN !

Inconditionnel de Ford par formation, collectionneur, mais aussi pilote sur des épreuves historiques, Claude Nahum s’est récemment séparé de la GT40 châssis 1016 qui portait le N°5, soit la troisième Ford du triplé des 24 Heures du Mans 1966. Avec cette voiture, il a pris part à plusieurs éditions du «Mans Classic», ce qui lui a permis de se glisser dans le baquet des héros ayant participé au fameux exploit du constructeur de Détroit.

Quelle est l’origine de votre passion pour Ford?

Claude Nahum : C’est une histoire de famille qui remonte aux années au cours desquelles mon père a amené Ford en Turquie, et créé une usine de la marque. Alors naturellement, lorsque j’étais enfant, j’avais des jouets Ford, des catalogues Ford, tout était Ford et nous nous déplaçions en Ford. Dans ces conditions, comment échapper à un attachement avec la marque. Lorsque j’ai commencé à conduire et débuté mes études d’ingénieur en automobiles, nous étions au milieu des années soixante, en plein dans cette histoire de Ford au Mans. Je me souviens que ma première voiture, une Anadol, était peinte en blanc avec deux lignes bleues, comme une GT40. Quant à ma passion pour le Mans, elle est née lorsque j’étais à l’université. A cette époque, les Américains n’avaient pas vraiment une connaissance très étendue de la technologie du sport automobile européen. Une lacune sur laquelle ils ont énormément travaillé pour combler leur retard, avant d’ouvrir de nouvelles voies, telles notamment celle du développement des suspensions et d’autres organes mécaniques par ordinateur, mais aussi la modélisation de circuits, à commencer par celui du Mans. A ce sujet, dans le film, on voit Carroll Shelby jeter des instruments de mesure pour coller des brins de laine sur la carrosserie de la GT40. C’est une des petites erreurs du film, mais il y en a peu et elles ne dénaturent pas l’histoire. Pour revenir à l’origine de ces fils de laine, c’est Ken Miles qui en avait été l’auteur, sur une Cobra Daytona. Concernant l’aérodynamique et la dynamique de la GT40, c’est bien avec les premiers ordinateurs placés à bord que Ford a travaillé ces points.

Vous avez piloté sur le circuit du Mans la Ford GT40 qui a terminé 3e en 1966?

En effet, c’est une grande chance d’avoir eu la possibilité de piloter cette voiture mythique sur un circuit qui ne l’est pas moins. J’avais toujours rêvé de me retrouver à cette place, derrière le volant d’une GT40. La première fois, en 2002, j’étais littéralement terrorisé avant de prendre la piste. La dose d’émotions était si forte que j’avais de la peine à réaliser que je me trouvais bien au volant de l’une des Ford GT40 du triplé de 1966. Par la suite, j’ai eu la grande chance de piloter cette voiture sur plusieurs autres événements de voitures historiques, dont quelques autres participations au Mans Classic. Au cours de celles-ci, j’avais retrouvé la sérénité pour savourer pleinement, et avec respect cette énorme chance.

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1 Le triplé historique. 2 Ferrari P3.

3 ClaudeNahum et l’exemplaire de la

Ford 101 qu’il a fait reconstruire. 4 Reproduction de l’arrivée en 2016 avec les voitures originales. 5 Claude Nahum devant la Ford de

Miles/Hulme au Mans Classic 2016.

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