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MÈRE COURAGE… ET ABUSIVE
Une Tunisienne espère toujours le retour de ses filles radicalisées et emprisonnées en Lybie. Dans ce documentaire hybride, Olfa Hamrouni raconte AUX CÔTÉS DE SON DOUBLE incarné par Hend Sabri les violences qu’elle a subies… et infligées.
« JE DÉTESTE LES FILLES ! » lance Olfa Hamrouni au début de ce vrai-faux documentaire. Elle en a pourtant eu quatre, dont deux sont enfermées depuis des années dans une prison libyenne après avoir cédé aux sirènes toxiques de l’État islamique… Son histoire avait été largement médiatisée en 2016 lorsqu’elle avait accusé le gouvernement tunisien de ne rien faire pour les rapatrier. En vain. Elle a donc accepté de se raconter devant la caméra de Kaouther Ben Hania [voir son interview en pp. 52-59], dans l’espoir de relancer son combat, mais aussi de comprendre comment sa famille en est arrivée là… Dans son premier long-métrage, Le Challah de Tunis (2014), la réalisatrice – qui a depuis été nommée aux Oscars en 2021 pour L’homme qui a vendu sa peau – mélangeait déjà fiction et réalité en enquêtant sur un agresseur de femmes. Ici, elle a fait appel à de jeunes comédiennes pour incarner les deux absentes aux côtés de leurs sœurs, mais aussi de Hend Sabri, qui joue Olfa dans les situations les plus traumatiques (violente première nuit de noces, disputes, coups…), reconstituées pour les caméras. Sont aussi filmées les discussions sur le tournage entre Olfa et son double, et entre les quatre filles et leur mère, alternant scènes écrites et improvisations. Superbement mis en lumière et en musique, ce dispositif hybride mélangeant théâtre, cinéma et thérapie embarque le spectateur dans la recherche d’une vérité difficile. Car Olfa le reconnaît : victime de la violence de son mari (incarné par Majd Mastoura [voir son interview en pp. 58-59], qui joue avec justesse tous les rôles masculins), elle l’avait également été de celle de ses parents, avant de devenir bourreau à son tour et de battre ses filles sous tous les prétextes. Peu à peu, pour les adolescentes, le hijab est devenu une protection, puis le niqab une solution, par jeu, par mode, puis par conviction pour deux d’entre elles, sous l’emprise d’un imam salafiste : « Un petit Daech à la maison », raconte l’une d’elles en riant. Car on sourit aussi. Et avec cette mise en scène pourtant artificielle, ce film radical ne triche jamais. « J’ai eu trop peur pour mes filles, je les ai perdues », constate Olfa. Courageux et captivant. ■ Jean-Marie Chazeau
LES FILLES D’OLFA (Tunisie-France), de Kaouther Ben Hania. Avec Hend Sabri, Olfa Hamrouni, Majd Mastoura. En salles.