2 minute read

Le Kenya au régime des lourdes taxes

Moins d’un an après l’élection de William Ruto, la pression fiscale exaspère la population. Un impératif pour rétablir les finances publiques.

Entré en fonction en septembre 2022 après une élection sur le fil, William Ruto entend multiplier les taxes pour accroître les recettes publiques. Le Kenya est en effet affecté par les conséquences de la guerre en Ukraine et par une sécheresse historique, alors que les finances publiques sont plombées par 65 milliards de dollars de dettes, en partie contractées par le précédent président, Uhuru Kenyatta (2013-2022), pour bâtir des infrastructures. Le 12 mai, l’agence de notation Moody a dégradé de B3 à B2 la note du poids lourd économique d’Afrique de l’Est. Le projet de loi de finances 2023 prévoit des taxes sur des produits de base (les pâtes alimentaires, le sucre, le poisson importé…), mais également sur les cryptomonnaies (que plus de 8 % des Kenyans utilisent), et même sur les revenus des influenceurs (à hauteur de 15 %).

Un projet de taxe de 3 % sur l’ensemble des salaires concentre particulièrement la colère des fonctionnaires, du personnel soignant, ainsi que les critiques de l’opposition, comme de certains députés de la majorité présidentielle. Le président Ruto justifie cette contribution en parlant de « situation gagnant-gagnant » : cette taxe permettrait de « bâtir jusqu’à 200 000 logements par an », dans un pays où manquent, selon la Banque mondiale, 2 millions d’habitations. Leur construction entraînera « des opportunités d’emploi à

1 ou 2 millions de jeunes ». « Je ne vois pas pourquoi quiconque a le privilège d’avoir un travail salarié [alors que l’économie est majoritairement informelle, ndlr] aurait un problème à contribuer à un plan national pour aider les moins favorisés. », a-t-il estimé. Lors de sa campagne électorale, William Ruto se présentait justement comme le candidat des « débrouillards », c’est-à-dire de tous les microentrepreneurs de l’économie informelle africaine, face aux « élites » Dans sa jeunesse, l’homme avait effectivement été vendeur de rue, avant de faire rapidement carrière dans la politique (aidé par ses indéniables compétences de meneur et d’orateur), puis de faire fortune [voir Afrique Magazine n° 433]

Face à la contestation grandissante, le chef d’État s’en prend également aux fonctionnaires du fisc, la Kenya Revenue Authority (KRA), l’accusant de corruption et de collusion avec les fraudeurs, ainsi que de sabrer les efforts du gouvernement pour accroître les recettes fiscales. Ruto reproche par exemple à l’organisme public de ralentir les récents efforts de digitalisation de la collecte des impôts qui, en réduisant l’usage des formulaires papiers, rendent par conséquent les malversations plus difficiles.

Raila Odinga, candidat malheureux lors des élections de 2022, dénonce un « tsunami de taxes » f rappant une population déjà paupérisée par l’inflation. Le leader de l’opposition organise régulièrement des manifestations de contestation, dont certaines ont tourné à l’émeute, occasionnant plusieurs décès. Si elle est adoptée, la loi de finances 2023 entrera en vigueur le 1er septembre prochain.

This article is from: