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I- LE RÉGIONALISME CRITIQUE : UNE LONGUE APPROCHE

I- LE RÉGIONALISME CRITIQUE :

UNE LONGUE APPROCHE

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En quoi le régionalisme critique est une démarche intéressante dans l’équilibre et le compromis architectural ? À travers la défnition du régionalisme critique, nous expliquerons ses spécifcités, ses origines et causes, ainsi que l’approche sensible et complexe qu’il

permet.

FIG 1 : DÉFINITION LINGUISTIQUE

REGION : Portion de territoire plus ou moins étendue et délimitée, formant une unité constituée soit par sa situation, son climat ou son paysage naturel, soit par son économie, soit par son histoire et ses caractères humains ou ethnologiques. Cette unité est largement reconnue par les habitants, d’une part, et par les étrangers à ce territoire, d’autre part. Il peut aussi s’agir d’un espace qui est revendiqué comme tel par des acteurs politiques. REGIONALISME : Tendance à conserver ou à cultiver les traits originaux d’une région, d’une province. REGIONALISATION : Fait par lequel un pays centralisé transfère aux régions des pouvoirs administratifs, économiques et politiques. Synon. Décentralisation.

REGIONALISME CRITIQUE :

Néologisme théorisé par Alexander Tzonis et Lefaivre en 1981. Alliant à la fois la dimension régionaliste comme outil d’analyse, mais aussi le terme « critique » emprunté aux idées du philosophe Kant. Cette notion détermine une approche qui privilégie le particulier (l’identité du lieu) face aux dogmes universels.

Sources : le Centre National de Ressources textuelles et lexicales

I.1 Une notion polysémique et polymorphe

Le régionalisme critique (FIG 1) est tout d’abord, une approche, une démarche et non un style architectural. Les éléments esthétiques ne peuvent suffre à le défnir. Il est donc diffcile d’identifer visuellement un projet suivant ce courant. Néanmoins, cette notion est apparue après la domination de différents langages architecturaux, son évolution est un aspect important à sa compréhension.

À la fois régionaliste et critique, cette démarche souligne la présence d’esprit des architectes vis-à-vis de leurs productions en s’inscrivant à la fois dans une réalité spatiale, mais également spirituelle. Le terme d’abord utilisé par Alexander Tzonis et Liane Lefaivre, à la fn des années 70 et début des années 80, est développé par Kenneth Frampton(2) pendant cette période. D’abord en réaction au modernisme et au postmodernisme, le régionalisme critique a émergé comme une approche fondée sur des principes modernes utilisant une relation plus importante au lieu (3). Cette approche est donc apparue en contestation aux styles encourageant une mondialisation architecturale faisant table rase du lieu. Après une industrialisation rapide et la mise en place d’un style universel, les architectes tentent de retrouver un équilibre entre la modernité mondiale et la culture traditionnelle locale. Afn de saisir pleinement la signifcation du régionalisme critique, il est très important de comprendre les éléments qui ont provoqué son émergence. Dans l’introduction de leur livre « Le régionalisme critique » (3), Alexander Tzonis et Liane Lefaivre expliquent les débuts et les événements historiques qui ont rendu cette notion pertinente. Selon eux, les fondements de cette manière de penser sont ancrés depuis des siècles dans les mœurs, voire même à l’époque de Vitruve. La prouesse technique des ordres ioniques, dorique ou encore corinthien, marque les territoires et le paysage ; affrmant ainsi la présence et la domination romaine sur les autres (FIG 2). Vitruve déclarait dans son traité : « De Re Architectura » que la forme architecturale doit résulter des causes naturelles et de la rationalité humaine. Pour lui, l’architecture régionale est directement confrontée aux contraintes physiques internes et externes.

Ainsi, le climat infuence les conditions physiques de l’Homme et de ce fait l’architecture qu’il produit pour s’en protéger ou encore en tirer proft.

FIG 2 - ORDRES ARCHITECTURAUX VITRUVE

(2) FRAMPTON, Kenneth. «Le régionalisme dans l’architecture contemporaine», ARQ, 14. Août 1983.

(3) Liane Lefaivre et Alexander Tzonis, Critical Regionalism : Architecture and Identitity in a Globalized World (Munich : Prestel Verlag, 2003). (Architecture et identité dans un monde mondialisé.)

FIG 3 - TABLEAU CLAUDE LORRAIN, LONDRES, 1824

Le Régionalisme est donc un aspect ancien qui impacte les pensées humaines et architecturales au cours des siècles. Celui-ci prend diverses formes depuis l’époque de Vitruve, passant d’un régionalisme de contexte physique (climat, matériaux locaux…) à un régionalisme romantique (pittoresque, naturel, nostalgique…).

Au XVIIe siècle, un mouvement régionaliste réactionnaire naît en Europe, issu du mouvement artistique « pittoresque » initié en Angleterre. Ce mouvement redéfnit la vision de l’art par des paysages mélancoliques, s’abstrayant de volonté politique. Le site est ainsi présenté tel qu’il est, avec ses anomalies, ses irrégularités, ses ruines… Le paysage n’est donc pas magnifé, l’artiste cherche à faire ressortir la vérité du lieu, synonyme parfois d’imperfection (FIG 3). En Angleterre, William Temple (1628-1699) et Anthony Earl of Shaftesbury (1621-1683) marquent la naissance de ce régionalisme britannique. Temple fait l’apologie d’une approche stylistique anti-universelle, anti-classique en publiant de nombreux essais. Anthony Earl, quant à lui, étant plus engagé à travers son manifeste Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times(4), affrme sa croyance en un ordre naturel issu d’un régionalisme topographique. En prenant une position totalement radicale par rapport à la philosophie de l’époque, ils rejettent l’ordre qui régit la société dans laquelle ils vivent, en prônant ainsi la Nature et son imperfection.

Ce régionalisme romantique comme le défnit Tzonis inclut pour la première fois l’environnement pittoresque dans la façon de penser. Par la suite, Goethe fait prendre un tournant différent à ce romantisme, et le lie à un aspect plus nostalgique. Pour lui, l’architecture gothique germanique est supérieure à l’architecture classique française tant prisée à l’époque. Il introduit de ce fait un nouveau palier de lecture : une expérience temporelle relatant d’un passé et des pratiques architecturales d’une époque (types de matériaux, de construction…) Ainsi, pour lui, le spectateur doit entrer dans une relation fusionnelle avec le bâtiment et prendre conscience du caractère qu’il dégage. Au cours du XIXe siècle, les idées reçues sur le régionalisme romantique vont aboutir à des études cherchant à défnir et différencier les régions et leurs caractéristiques (matériaux, rapport au site, organisation spatiale, détails…). Face à cette recherche de spécifcité, certains se servent du régionalisme à des fns économique et politique. Comme nous le verrons plus tard dans le cas du Maroc, où le Roi Hassan II avait promu une démarche identitaire après l’indépendance.

(4) Anthony Earl of Shaftesbury, Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times, ed. Douglas den Uyl, 1711

FIG 4: VILLAGE ORIENTAL, EXPOSITION UNIVERSELLE DE CHICAGO 1893

FIG 5 : UNE REPRÉSENTATION IDENTITAIRE EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE, 1931

Ce type de régionalisme est parfois même trop « transparent » : il donne à voir ce qu’on est venu chercher, abusant ainsi de la naïveté de l’Homme. Il ne renferme donc aucune subtilité dans sa composition spatiale ou spirituelle, donnant lieu à une façade d’apparat (FIG 4). Dans un contexte colonial, cet aspect superfciel est restitué lors des expositions universelles, important « un bout » d’un pays pour en faire la pub. Aujourd’hui, cette question de subterfuge publicitaire se pose encore, en l’occurrence lors de l’exposition universelle du Maroc en 2014, qui a internationalisé une image innovante et intéressante, que nous analyserons plus tard. Cette période de forte colonisation exporte les cultures et les architectures occidentales, accentuant ainsi l’universalisation du monde. De plus en plus unifées, les différences locales commencent à s’estomper. Face à cette perte, le concept de « l’Heimat » (le chez-soi) est apparu en Allemagne. Ce terme a été plus tard utilisé par Maiken Umbach et Bernd Hüppauf dans leur livre : « Modernisme vernaculaire », pour décrire la particularité du contexte (5). Illustrant ainsi l’importance du vernaculaire dans une approche moderne de l’architecture, « l’Heimat » était pour eux une des caractéristiques essentielles du lieu. Ce mouvement régionaliste est né en réaction à l’américanisation du pays dans un intérêt croissant pour la tradition locale. Contrairement au terme utilisé par Umbach et Hüppauf, le sens de « l’Heimat » durant cette époque était simplement nationaliste et nostalgique (6) (FIG 5). Ce régionalisme économique utilisé à des fns politiques a par la suite abouti à une nuance plus négative, favorisant une race sur l’autre infuençant les pensées nazies. Utilisant un attrait nationaliste fort, donnant plus de valeur à une région qu’une autre, le régionalisme d’avant-guerre perd ainsi de son audience. Résultant des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, cette position négative est fortement rejetée par la suite. Depuis, et pendant une longue période, le monde est essentiellement tourné vers la modernité et l’évolution afn de ne plus reproduire les erreurs du passé. Ainsi, le postmodernisme universalise de plus en plus le monde en se concentrant principalement sur une pensée dictée et infuencée par le CIAM. Malgré une prédominance de la modernité, le régionalisme est resté un sujet de discussion majeur. Le régionalisme d’après-guerre se différencie de celui d’avant-guerre, puisqu’il s’agit dans ce cas de créer une architecture moderne s’adaptant au contexte : on passe progressivement d’un régionalisme vers un régionalisme critique. Ce changement est un important, puisqu’il remet en question la singularité architecturale au proft d’une pertinence adaptée et en relation au lieu.

(5) Maiken Umbach et Bernd Hüppauf, Vernacular Modernism : Heimat, Globalization and the Built Environment (California: Standford University Press, 2005).

(6) Liane Lefaivre et Alexander Tzonis, Architecture of regionalism in the age of globalization: peaks and valleys in the fat world (Routledge, 2012). P. 96.

FIG 6 - OSCAR NIEMEYER, BRASILIA.

I.2 Du Régionalisme vers le « Régionalisme critique »

Face à ce naufrage du régionalisme économique, et à la montée du style international qui a marqué le début de la route vers la modernisation, un jeune américain : Lewis Mumford(7) tente de sauver cette notion en défnissant un nouveau type de régionalisme contemporain. Suite aux abus économiques et politiques que le régionalisme avait connus à cette période, il cherche à lui redonner une réelle valeur à la fois économique et environnementale en accord avec les mœurs de la société. Il est ainsi le premier à requestionner clairement la position du régionalisme, qui ne serait pas un retour au régionalisme pittoresque ou romantique traditionnel à la recherche du « primitif », du « purement local », ou encore de « l’autonome ». Ne s’opposant pas à l’aspect « universel » de l’architecture, la question primordiale à laquelle doit répondre le régionalisme selon lui est : Comment vivre dans un monde fait de particularités sans les

sacrifer et sans pour autant que l’Homme soit sacrifé au proft de

celles-ci ?. En d’autres termes, comment poursuivre l’évolution moderne du monde tout en gardant sa diversité ? Pour lui, modernisme et régionalisme sont donc deux synonymes, il décrète que le régionalisme doit surmonter le « fossé profond et infranchissable entre les peuples de la Terre » en les aidant à être en accord avec les «conditions réelles de la vie» et les faire «se sentir chez eux» (7) . Ses réfexions critiques sur le régionalisme ont permis un nouveau regard sur ce terme permettant un lien entre la modernité de la mondialisation et les traditions locales qui ne doivent plus être antagonistes. Il plaide donc pour un travail commun de ces deux notions opposées, afn de réduire l’écart créé au fl des années. Il s’agit donc de réinterpréter dans le contexte actuel, les réalisations passées au lieu de les mimer. En d’autres termes, il ne faut pas forcément chercher à utiliser des matériaux ou typologies locaux si ceux-ci ne sont pas adaptés aux fonctionnalités du bâtiment ou ne lui sont pas favorables. Pour se protéger des fausses interprétations historiques, il va jusqu’à dire qu’il vaut mieux abandonner l’histoire si celle-ci n’est pas utile pour les problématiques actuelles. Le courant régionaliste s’accroît suite à cette nouvelle interprétation suscitant un plus grand intérêt pour l’architecture vernaculaire reconnue comme étant durable. Particulièrement marqué par l’architecture brésilienne, le mode de pensée régionaliste devient de plus en plus critique. Un large groupe d’architectes brésiliens tels que Niemeyer et Bobard ont développé un regard plus national en contradiction avec le mouvement moderne américain. En s’inspirant des typologies traditionnelles, sans les copier, ils tentent ainsi une nouvelle approche plus contemporaine. (FIG 6)

(7) Lewis Mumford, Sticks and stones, American Architecture and Civilization, 1924

FIG 7 - EXPOSITION MODERN ARCHITECTURE. MOMA NEW YORK. ETATS-UNIS. 1932

Cette posture, considérée comme mieux adaptée au contexte et au climat, marque la population américaine et devient de plus en plus populaire. En effet, cette tendance est perçue particulièrement au MoMa à New York, lors des expositions présentant les modes de pensée de l’architecture moderne et questionnant la place du régionalisme dans ce courant. À l’échelle internationale, le modernisme perdait sa place face au régionalisme. L’exposition « que se passe-t-il dans l’architecture moderne ? » organisée par le MoMa marque donc son déclin. Au cours de celle-ci, plusieurs architectes de l’après-guerre ont été invités à parler de l’avenir de l’architecture moderne et comment le régionalisme devenait une menace pour son développement. Elizabeth Mock(8), organisatrice d’événement au MoMa traite de l’importance de l’approche régionaliste en architecture. (FIG 7)

Pour elle, la réutilisation des aspects traditionnels n’est pas nécessaire, mais la relation avec le climat et l’utilisation des procédés de construction locaux sont essentiels pour créer de l’architecture appropriée au contexte. Néanmoins, cette opinion reste principalement moderne, l’esthétique de la tradition et de l’identité locales n’est pas le centre d’intérêt, puisque l’accent est mis sur l’adaptation au climat et donc sur la durabilité environnementale. Le régionalisme n’était pas seulement responsable de changer les façons de faire en architecture, mais il a également aidé les architectes à développer de nouveaux procédés afn de s’adapter au contexte. Entre inspiration régionaliste et hybridation, l’architecture moderne devient de plus en plus régionaliste critique.

(8) Lefaivre et Tzonis, Architecture of regionalism in the age of globalization: peaks and valleys in the fat world: Elizabeth Mock, introduction, « built in the USA since 1932 »

FIG 8: LOUIS KAHN, CONSULAT DES ÉTATS-UNIS À LUANDA, ANGOLA 1961

FIG 9 : PRINCIPE DU BRISE-SOLEIL, UNITÉ D’HABITATION DE MARSEILLE, LE CORBUSIER

I.3 Entre inspiration et hybridation

Dans un contexte mondialisé, quasi postcolonial, le régionalisme critique apparaît comme une approche inévitable pour l’architecture. Entre déclin colonial et recherche identitaire, les occidentaux tentent pour une dernière fois de garder leurs marques en cherchant à retranscrire la localité à travers des réalisations modernes. Entre inspiration vernaculaire et hybridation innovante de l’architecture moderne et des typologies traditionnelles, les relations au contexte sont multiples. C’est donc dans cette optique d’apprendre du vernaculaire que Louis Kahn propose un consulat des États-Unis à Luanda, en Angola. Bien qu’il n’ait jamais été construit, Kahn tente d’intégrer la culture locale dans sa conception en se basant sur ses propres perceptions. Il a imaginé un système contrôlant le vent et le soleil, grâce à la mise en place de murs devant chaque ouverture, évitant les lumières directes permettant ainsi d’avoir des climats intérieurs confortables. Il s’inspire ainsi de ce système plus ou moins traditionnel non seulement pour répondre aux besoins des utilisateurs, mais aussi pour améliorer la durabilité environnementale et sociale. (FIG 8)

L’approche régionaliste critique n’a pas seulement suscité une inspiration et une sensibilité pour le vernaculaire, mais a changé les façons de concevoir l’architecture. Plusieurs architectes ont vu en cette démarche un prétexte pour développer de nouveaux procédés afn de s’adapter à un des aspects du contexte : le climat. C’est dans ce sens que Le Corbusier a été l’un des principaux architectes à se servir du brise-soleil. Introduit plus tard dans différents continents, celui-ci est utilisé comme un système améliorant le confort intérieur des bâtiments (9). En apportant cet effet durable, les persiennes protègent certes du soleil, mais ne fournissent aucun apport critique sur le lieu. Elles pourraient être insérées n’importe où. (FIG 9)

Dans la même optique, l’architecte indien Charles Correa intégrait dans ses projets des concepts traditionnels. En s’inspirant du vernaculaire, il a cherché à innover en expérimentant des architectures novatrices. Au cours de l’histoire, ces deux notions (tradition et innovation) n’ont pas toujours très bien fonctionné ensemble, mais ont eu le même objectif : créer de l’architecture adaptée au climat local.

(9) Lefaivre et Tzonis, Architecture of regionalism in the age of globalization: peaks and valleys in the fat world (p. 160).

FIG 10: « TUBE HOUSE » À AHMADABAD, 1962, CHARLES CORREA

FIG 11: IMMEUBLE NID D’ABEILLE AT-BAT AFRIQUE, AVANT/APRES

À Ahmadabad, Correa imagine la « Tube House » en 1964, avec un système innovant prévoyant des ouvertures dans la maison pour permettre à l’air chaud de s’écouler tout en refroidissant le bâtiment. La confguration est basée sur un modèle traditionnel : une mezzanine pour le coin nuit et une cuisine au centre. Les aspects traditionnels combinés aux moyens astucieux de Correa pour améliorer le climat intérieur, en font un projet régionaliste à la posture critique dont le processus pourrait être adapté ailleurs, en l’occurrence au Maroc. (FIG 10)

Au Maroc, les architectes infuencés par le CIAM ont eu l’opportunité de créer un substitut pour les bidonvilles de Casablanca. L’AT-BAT Afrique : Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods ont réalisé le projet Nid d’Abeille. Celui-ci né d’une hybridation entre le système des médinas fournissant des logements à haute densité, et la construction moderne industrielle. Utilisant ainsi un principe vernaculaire de patio, le bâtiment s’adapte au climat de manière économique. Les architectes proposent, en toute naïveté et avec une volonté bienveillante, des logements pour la population musulmane qui « aime vivre introvertie ». Mais au fl du temps, ce mélange a été chamboulé et métabolisé, les habitants ont commencé à adapter leur conception à leurs propres besoins. Même si les architectes ont conçu un type de logement censé s’intégrer aux modes de vie traditionnels de la majorité de la population musulmane marocaine, les logements ont toujours évolué en fonction des besoins des habitants. L’architecture marocaine n’a pas seulement été infuencée pendant la période coloniale, mais aussi après l’indépendance de manière plus complexe et ambiguë (10) . (FIG 11)

À la fn du XXe siècle, les organisations et les institutions mondiales manifestent une idée forte d’universalisation, et re-questionnent l’approche du régionalisme critique. Contrairement aux précédents architectes, l’aspect vernaculaire n’est plus le point d’intérêt central. En effet, le développement technologique élevé permettrait de s’abstraire des méthodes traditionnelles en créant des architectures innovantes utilisant le vent la lumière et la végétation (10). De cet élan créateur, plusieurs architectes de l’époque ont imaginé des constructions novatrices et hybrides, telles que le gratte-ciel bioclimatique de Ken Yeang ou encore les projets de Renzo Piano.

(10) Duanfang Lu, Introduction: Architecture, modernity and identity in the Third World (Routledge, 2011). P. 16

Le régionalisme a eu une grande popularité avant et après la Seconde Guerre mondiale, en réaction à l’universalisation de la construction. Étant plus axé sur les aspects positifs du régionalisme, le régionalisme critique tente de garder la diversité tout en permettant la modernité. Ce dernier, n’est pas seulement une approche architecturale, mais une symbiose avec l’environnement, permettant de dialoguer avec le site sans le nuire. Cette relation peut être interprétée de différentes manières, commencer de la méthode traditionnelle en l’appliquant de façon contemporaine, ou encore utiliser la technique pour adapter le projet au site. Elles ont toutes les deux en commun une volonté d’adaptation à la fois locale, mais aussi contemporaine sur l’avancement de l’humanité.

La question du régionalisme critique pourrait être posée aujourd’hui dans un contexte de plus en plus mondialisé. Elle est d’autant plus pertinente face au déf environnemental du développement durable. Même si le régionalisme critique paraît avoir perdu de son audience au XXIe siècle, on peut penser l’inverse : puisque l’approche est tellement ouverte qu’elle pourrait englober toutes les productions cherchant à s’adapter à un environnement donné, et ce avant même la défnition du terme. De ce fait la remise d’actualité de cette démarche est imminente et même nécessaire pour l’avenir.

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