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III- UNE INSPIRATION VERNACULAIRE : L’HABITAT
III- UNE INSPIRATION VERNACULAIRE :
L’HABITAT
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La crise de logement est forte dans ce pays en construction, et la majorité des réponses apportées ne sont pas adaptées : rapidement obsolètes et même destructrices. L’inspiration vernaculaire semble une approche intéressante, dans la recherche d’une architecture contextualisée et critique.
FIG 1 - TYPES D’HABITATS VERNACULAIRES AU MAROC
III.1 Un problème majeur de logement
Aujourd’hui, la question de l’habitat est au centre du questionnement architectural au Maroc. Le besoin croissant et l’obsolescence rapide des nouvelles interventions de logement ravivent la problématique. L’habitat populaire connaît plusieurs diffcultés, pour lesquels, les solutions modernes radicales n’ont pas étaient effcaces. Cette situation quasi universelle est encore plus conséquente dans les pays du tiers-monde. D’après UN habitat, 32,7 % de la population urbaine des pays en développement vivent dans des bidonvilles (1) . Face à l’insalubrité de ces interventions non réglementaires toujours présentes aujourd’hui, le gouvernement marocain entame une procédure d’éradication de ces taudis. Le programme « villes sans bidonvilles » lancé en 2004 a permis une réelle progression et une diminution de ce féau. En effet, 58 villes sur 85 ont été déclarées sans bidonvilles (2). En 2018. Certes, en voie de disparition, l’alternative de relogement proposée n’est pas toujours effcace. La construction de logements sociaux adéquats reste très insuffsante. « Il y a quinze ans, l’État était le plus gros promoteur, aujourd’hui, au moins cinq groupes produisent chacun plus de logements que lui (3) ». Les architectes interviennent peu sur le secteur social, ainsi les résidences destinées aux classes sociales inférieures sont négligées. La tendance est donc d’essayer de loger le maximum possible avec le moindre coût, en prétendant que ce sont des habitats transitoires avec le minimum de confort requis. Or, la plupart s’y retrouvent emprisonnés et n’ont pas les moyens d’accéder à un logement plus adéquat. Le logement social constitue ainsi moins de 20 % (4) de l’habitat au Maroc, et reste souvent attribué aux classes moyennes négligeant les plus démunies.
Par conséquent, la majorité réside dans la « maison marocaine » qui forme plus de 67 % (4) du parc de logement total. (FIG 1)
Ainsi, cette alternative quasi autoconstructive est de plus en plus importante et domine largement les villes. De ce fait, 9 constructions sur 10 au niveau national sont autopromues (4) ; la majorité de la population préfère ainsi bâtir leur propre maison et être propriétaire. Ces blocs d’appartement de masse nés après l’indépendance ont connu un développement rapide dans les années 70, et n’ont aucun lien avec la culture architecturale du pays ni avec les vraies maisons marocaines d’antan. À l’image d’une favela, cette forme d’habitat en R+2 construite en maçonnerie de béton résulte de la façon la plus économique qu’il soit de se loger, sans se soucier de la façade ni du contexte, voire presque parfois de la durabilité de l’édifce (nombreux logements sont insalubres, vacants, et souvent en ruines).
(1) Un-Habitat, World cities report, 2016.
(2) Ouchagour Leila, ministère de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, Al Omrane : Le programme « Villes sans bidonvilles » réalisé à hauteur de 83 %, Aujourd’hui. ma, février 2018
(3) Tarik Oualalou, Catherine Sabbah, Architecture contemporaine au Maroc, Architecture d’Aujourd’hui nº 408, P. 44
(4) « Enquête du ministère de l’habitat : tout sur le logement au Maroc » la vie-éco, le 1er février 2016.
FIG 2 - LA MAISON MAROCAINE, LOTISSEMENT ERRAHMA, CASABLANCA •SHAMA ATIF
FIG 3 - PROJET IMMOBILIER DE RÉSIDENCE FERMÉE, BOUSKOURA GOLF CITY •PRESTIGIA
Cet abri uniquement régit par le facteur économique, subi son espace, par faute de pauvreté et de manque d’intérêt à l’architecture et au milieu urbain. La « maison marocaine » aujourd’hui est le résultat d’une modernisation subite et soudaine, où l’habitat n’a pas eu assez de temps pour prendre une confguration justifée, dû à l’explosion démographique et à l’exode rural accru. Cette forme peut être rapprochée à la trame 8x8 d’Écochard, elle en serait même la résultante, mais d’une manière mal interprétée et non organisée. Déformée, densifée, patio supprimée, les qualités architecturales et sociales ont disparu pour laisser place à un habitat dénigrant le contexte voir même le faisant évaporer. (FIG 2) En effet, l’utilisation du béton fait progressivement disparaître le savoir-faire alternatif et vernaculaire au proft d’un dispositif universel. Cette pierre liquide reste aux yeux de la population et des pouvoirs publics le matériau paré de l’aura de la modernité, d’autant plus envié comme réussite sociale, refet du monde occidental et de richesse. « Il n’y a plus aucun maître maçon capable de construire en terre dans le village (5) ». Par ailleurs, comme les maisons en terre nécessitent d’être entretenu régulièrement, cette perte de technicité engendre la disparition de cet héritage et de ce patrimoine. Nombreuses constructions en terre sont réhabilitées en béton, voir même détruites pour être complètement reconstruites. Ces habitations réalisées à grande échelle forment la typologie essentielle au Maroc. Même si elles sont pour la plupart destinées aux classes les plus pauvres, elles restent basées sur le même principe lorsqu’il s’agit de faire des logements pour les riches ; seuls la fnition, l’ornement et la décoration diffèrent en fonction de la catégorie sociale. Financées par de grands promoteurs, les confgurations sont fréquemment basées sur les principes modernes du mode de vie occidental, sans réfexions sur le contexte, le climat, ou encore la société. De ce fait, le logement au Maroc, que ce soit pour les riches ou pour les pauvres, est un refet purement économique des catégories sociales ; élément qui diffère énormément des typologies ancestrales d’apparence extérieure identique. Dans ce cas, le logement est de plus en plus pensé comme un quartier-dortoir de « maison marocaine » pour les pauvres et de « résidences gardées » pour les plus riches. Ces deux dernières procèdent de la même manière, et n’ont presque aucun apport social, environnemental, ou ne serait-ce de confort. « Les immeubles modernes dans lesquels les jeunes familles marocaines souhaitent accéder à la propriété, loin des centres-villes populaires, pourraient être construits dans n’importe quelle grande ville (6) ». Aucune réfexion critique sur le contexte, le climat et les modes de vie n’est faite. Orientalisée de manière superfcielle, carburant à l’air conditionné, la réfexion de ces logements est abandonnée aux promoteurs immobiliers. (FIG 3)
(5) FARAZDAG Abdessamad, L’Habitat au Maroc, une réadaptation des matériaux locaux, 2016/2017.
(6) Catherine Sabbah, Architecture contemporaine au Maroc, Architecture d’Aujourd’hui nº 408, P. 44.
FIG 4 - TENTE NOMADE, MERZOUGA, MAROC •UNBLOG
FIG 5 - VILLA EN TERRE, AÏT BEN HADDOU •REDDIT
III.2 Une source d’inspiration : l’habitat non planifé
Au proft d’un monde plus « moderne » au modèle occidental de béton, la situation actuelle de l’habitat marocain délaisse le contexte et la localité. Se reconnecter au lieu semble donc nécessaire dans une optique régionaliste critique visant un développement durable. Ce lien passe par l’assimilation de la localité, et du vernaculaire. L’habitat non planifé, représente ainsi, une source d’inspiration cherchant à répondre aux besoins sociaux dans un contexte donné.
L’architecture vernaculaire au Maroc est plurielle, créée en fonction des modes de vie, elle est issue de plusieurs climats et plusieurs héritages culturels différents (cf.II.1.1). Deux types sont généralement liés à cette architecture : la tente nomade et la Casbah. Dans la première tradition, nomade, les femmes jouaient un rôle important puisqu’elles étaient responsables de la maison et en devenaient même les architectes. Ces types de constructions principalement appliqués au sud du Maroc, s’adaptaient au climat chaud et désertique de par une architecture textile, tendue à l’aide s’une structure légère et facilement transportable. (FIG 4)
Cette esthétique a notamment été reprise de manière plus contemporaine, lors de l’exposition à l’IMA à Paris (vue précédemment II.2.1) pour promouvoir la tradition marocaine en hommage aux tribus nomades du Sahara occidental. Ce choix n’est pas seulement esthétique, mais révèle une volonté politique d’ancrer en revendiquant la situation du Sahara au cœur de la culture et de l’entité marocaine. Par ailleurs, originellement berbère, la typologie ancestrale de « Kasbah » (ville fermée, et maison introvertie) met en valeur l’importance de la famille et de la tribu. Très répandue dans les montagnes de l’Atlas et proche des régions désertiques, cette catégorie sédentaire est plus dense et très souvent incrémentale au besoin des familles et des habitants. (FIG 5)
Par conséquent, ces formes tectoniques ne sont pas seulement une succession esthétique, mais témoignent d’une adaptation aux modes de vie, et à la culture locale ; aspect très souvent négligé au niveau de l’analyse régionale contemporaine. « L’architecture régionale, telle qu’elle se présente aujourd’hui, est souvent une superposition de formes, de matériaux et de techniques divers, supplantant une architecture originelle de plus en plus éparse et en voie de disparition (1) ». Le retour à une analyse critique des modes d’habitée non planifés (vernaculaires) est nécessaire voir presque fondamentale, pour une compréhension à la fois globale et locale de la société, de la culture ainsi que de ces besoins.
(1) M. Mansour Majid, Problématique d’habitat et évolution urbaine au Maroc, ENA, Rabat
FIG 6 - VUE AÉRIENNE DE LA MÉDINA DE CASABLANCA, JEAN-LOUIS COHEN, 1998
FIG 7 - PORTE DE LA CITÉ DES HABOUS, CASABLANCA •DELCAMPE
Avant l’arrivée des infuences coloniales, la population marocaine vivait principalement d’agriculture, dans des villages ; les villes étaient donc peu denses (8 % de la population totale[2]). Utilisant les matériaux disponibles l’habitat vernaculaire était principalement en terre, rigidifé parfois avec de la pierre ou encore du bois. Au style architectural musulman introverti, les maisons s’articulaient autour du patio devenant ainsi le point central et essentiel. Amenant la lumière et la fraîcheur par son rapport au ciel, il servait très souvent de carrefour de circulation, connectant ainsi les différentes pièces tout en respectant les aspects sociaux et religieux d’antan. Prônant une égalité sociale, les façades extérieures restaient sobres et identiques, seul l’espace intérieur et intime témoignait de la richesse de son hôte. La modernisation rapide entamée par le protectorat en 1912 (cf.II.1.1) a nécessité une grande main-d’œuvre venant du monde rural, résultant d’une densifcation accrue des villes (cf. II.1.1). De ce fait, la population urbaine est passée de 10 % en 1910 à 25 % en 1940 (3), traduisant ainsi une hausse extrêmement rapide en 30 ans ; à titre de comparaison, la population française a connu cette même hausse en 100 ans (de 1700 à 1800). Cet exode rural sans précèdent a engendré une surcharge des médinas. La population provenant du milieu rural s’installait dans la médina dont les remparts étaient limités par la ville coloniale (cf.II.11) entraînant un cadre de vie désagréable face à l’insalubrité et l’insécurité. Ce bouleversement marque l’imaginaire du peuple marocain jusqu’à présent, associant ainsi la Médina à une image péjorative et déroutante d’un monde négligé et délétère. (FIG 6)
Face à cela, les urbanistes français étaient conscients de la crise de logement que connaissait la population indigène à l’époque. Ils ont décidé de créer des quartiers dédiés à cette population perdue et mal-logée. En copiant le dispositif de la médina tout en l’ajustant de manière fonctionnaliste (largeur des voies de l’échelle piétonne à l’échelle de la voiture, organisation plus orthonormée et hygiéniste…), ces nouveaux quartiers appelés « Habous » émergent et sculptent les villes marocaines. (FIG 7)
Mais étant attribués aux grandes familles riches marocaines, le reste de la population issue de l’exode rural a été marginalisée engendrant la création d’habitats non réglementaires en périphérie. Construisant de ce fait, de grand quartier de bidonvilles souvent à proximité des zones industrielles (expliquant l’usage des matériaux industriels telle la tôle ondulée…).
(2) R. Escalier, La croissance urbaine au Maroc, Université de Nice, 1972.
(3) M. Mansour Majid, Problématique d’habitat et évolution urbaine au Maroc, ENA, Rabat
Basés sur les ressources disponibles immédiatement, ces bidonvilles étaient encore plus insalubres que les médinas. Ce type de construction vernaculaire spontanée, reste tout de même un tournant majeur à analyser de manière critique, puisqu’il révèle encore une fois, un besoin émanant de la société, cherchant des habitats économiques, fexibles, et surtout communautaires.
Même s’il est peu mentionné, cet habitat non planifé, plus contemporain, différent des typologies rurales et urbaines des cultures anciennes, demeure aussi intéressant. Contrairement à l’architecture ancestrale, les patios ne sont pas très communs dans ces habitations, puisqu’ils seraient plus chers à élaborer. Mais sa fonction ne disparaît pas ; elle est remplacée par les espaces extérieurs, entre chaque dispositif, amassant les activités qui se produisent normalement au sein du patio (desserte des pièces annexes, cuisines, regroupement de famille). (FIG 8)
Cet habitat de fortune reste cependant très précaire et ne fournit pas de solutions climatiques adaptées contrairement aux logements vernaculaires ancestraux. Cette alternative n’est donc pas inscrite dans la permanence et crée des espaces désagréables voir même dangereux, où la majorité y reste emprisonné voué à une déchéance sociale. C’est donc de cette conséquence qu’est né le mouvement régionaliste sensible et critique commencé par l’ATBATAfrique (immeuble Nid d’abeille cf. I.1.3) puis poursuivi par Écochard (trame 8x8 cf. II.1.3) ; afn d’offrir des logements décents pour tous, en appliquant des règles hygiénistes et fonctionnalistes modernes tout en s’imprégnant des modes de vie locaux. L’aspect vernaculaire prend de ce fait, un attrait important pour ces architectes qui retraduisent le principe de la maison à patio en immeuble (Nid d’abeille) ou encore en dispositif urbain ayant la capacité de créer une ville (Trame 8x8). Même si ces expérimentations ingénieuses et pleines de bonnes volontés ont résulté d’un tout autre projet aujourd’hui, après leur réappropriation, elles n’en demeurent pas moins intéressantes et une piste potentielle à saisir pour réinventer l’habitât.
FIG 8 BIDONVILLES À CASABLANCA •SHAMA ATIF
« L’architecture vernaculaire, née sur place, façonnée par les contraintes, est par défnition plus contextuelle. Sa force, en même temps que sa fragilité, vient du fait qu’elle se situe dans la permanence et non dans l’événement) »
Patrick Bouchain et Pierre A. Frey, « learning from vernacular », Actes Sud, 2010
FIG 9 - COUVERTE « LEARNING FROM VERNACULAR » ACTES SUD, 2010
III.3 Apprendre du vernaculaire
L’aspect vernaculaire permet d’analyser, de comprendre, et de s’inspirer du savoirfaire, de la culture et des modes de vie locaux des peuples. Cette permanence est d’autant plus enrichissante puisqu’elle représente une solution conçue par le peuple lui-même, qui devient souvent plus appropriée aux contraintes et aux besoins que les techniques de pointes, importées et mondialisées, négligent et délaissent. S’instruire et s’inspirer du vernaculaire devient donc nécessaire pour une approche adaptée et critique. Utilisé comme source d’inspiration et source d’information depuis toujours, comme nous avons pu le voir au premier chapitre ; cette infuence a permis la remise en question régionaliste voir critique du modernisme. Il a ainsi été étudié et problématisé pour déterminer le design des projets. En réaction au mouvement moderne, le mouvement régionaliste a émergé en s’instruisant du vernaculaire comme solution parfaite de l’ancrage contextuel.
L’architecture vernaculaire est une architecture créée par la société elle-même sans l’aide d’architecte, résultant ainsi d’années d’adaptations au contexte. L’habitat est au cœur des préoccupations humaines : se placer soi-même et mettre sa famille à l’abri fait partie du deuxième étage de la pyramide de Maslow(1). L’importance du vernaculaire est donc un aspect primordial, voire même inévitable, dans la réfexion sur l’habitat. « L’architecture vernaculaire, née sur place, façonnée par les contraintes, est par défnition plus contextuelle. Sa force, en même temps que sa fragilité, vient du fait qu’elle se situe dans la permanence et non dans l’événement (2) ». Avant l’ère industrielle, la majorité de la population vivait en milieu rural, dans laquelle elle cultivait, construisait et évoluait avec le contexte, usant de ce fait du bon sens pour adapter leurs besoins à leur mode de vie. Avec l’industrialisation, les villes qui étaient plus condensées, sont densifées et voient leurs limites s’étendre, évoluant d’une échelle piétonne vers une échelle automobile. L’exode rural et l’expansion post-industrielle de la ville ont donc considérablement modifé les formes d’habitats résultant de grands problèmes d’hygiène de bidonvilles et d’inégalités sociales. Même si le mouvement moderne paraissait comme solution pour ces défcits, il n’a pas permis de les éradiquer à long terme, comme nous l’avons vu précédemment. En quoi l’aspect vernaculaire permettrait de répondre à cette défaillance du logement ?
(1) Pyramide de Maslow, apparu dans l’article du psychologue Abraham MAASLOW, 1943
(2) Patrick Bouchain et Pierre A. Frey, « learning from vernacular », Actes Sud, 2010
FIG 10 «NEW GOURNA VILLAGE» HASSAN FATHY, «CONSTRUIRE AVEC LE PEUPLE», EGYPTE, 1952
Le vernaculaire et le modernisme sont très souvent mis en opposition, l’un fait référence à un aspect universel ; l’autre plus contextualisé émerge à partir du local et de la tradition, sans utiliser les progrès techniques (cf.I.1.1). Comme l’explique Frampton (cf.I.1.2), le vernaculaire doit être interprété de manière critique et réactualisé à l’ère actuelle. « Il est nécessaire de distinguer d’emblée le régionalisme critique et l’invocation simpliste d’un vernaculaire sentimental ou ironique. Je pense, bien sûr, à cette nostalgie de la langue vernaculaire qui est actuellement conçue comme un retour en retard à l’éthique d’une culture populaire (3) ».
Le vernaculaire est originellement régionaliste, lorsqu’il est utilisé à des fns purement nostalgiques et esthétiques, il perd ainsi toute sa valeur, et fni éventuellement par être cette architecture populaire et superfcielle que l’on craignait. (cf.II.2.1) Par conséquent, l’utilisation de l’analyse vernaculaire ne réside pas dans l’imitation de cette architecture ancestrale à l’époque actuelle, mais dans la réadaptation pour le meilleur résultat possible face aux contraintes d’aujourd’hui. Cela ne se traduit pas seulement à travers l’emploi de matériaux et d’esthétiques locaux, mais principalement dans l’adaptation sociale, climatique, et économique du projet au site. L’utilisation du vernaculaire au XXIe siècle doit ainsi se détacher du superfciel et se distinguer par une approche plus adaptée et innovante du projet (cf.II.2.3).
La situation critique que connaît l’habitat dans les pays du tiers-monde, a poussé plusieurs architectes à y puiser leur réfexion. En cherchant à proposer des solutions adaptées au contexte, ils analysent les aspects sociaux, économiques et écologiques pour une construction écodurable. « L’apport possible des solutions simples et traditionnelles à la technique de pointe montre, comme l’a fait également H. Fathy, que les matériaux ou les techniques traditionnels constituent souvent de meilleures réponses aux problèmes économiques (3) » l’exemple engagé et signifcatif de l’architecte égyptien, Hassan Fathy a infuencé plusieurs penseurs et architectes nationaux et internationaux. En s’inspirant des techniques de construction vernaculaire nubienne antique, il a créé des architectures et même un village adapté au climat et au moindre coût possible. « Le climat local et les bâtiments qui l’entourent façonnent le bâtiment, de sorte que, même si les aspects sociaux, culturels et économiques sont importants, il doit beaucoup sa forme à ces facteurs (4). ».
(3) Kenneth Frampton, « prospects for Critical Regionalism », P. 149.
(4) Amos Rapoport, « Pour une anthropologie de la maison », Durnod, 1983.
Sa démarche inclut le peuple à la fois dans la spécialisation de l’habitat (usages, et mode de vie), mais aussi dans la construction (sans technologies de chantier voir même autoconstruction). Il réinterprète ainsi l’architecture traditionnelle en montrant que l’on peut atteindre le meilleur confort possible seulement en utilisant les matériaux locaux. (FIG 10 & 11)
« Bien que l’architecture traditionnelle évolue constamment et continue d’absorber de nouveaux matériaux et concepts de design, les effets de tout matériau ou forme de substitution doivent être évalués avant d’être adoptés (5) ».
Même si sa construction n’a pas pris l’ampleur voulue, il redonne l’espoir d’exploiter les savoirs faire ancestraux, dans un monde de capitalisme excessif ; en créant un nouveau chemin de réfexion autour de l’habitat populaire. Fathy témoigne ainsi de l’importance du vernaculaire dans la recherche d’une approche critique. Même si cette approche n’est pas remise d’actualité de façon littérale, elle apporte une vision et des informations nécessaires à prendre en compte et à réinterpréter dans un langage contemporain et évolutif.
(5) Hassan Fathy, construire avec le peuple : histoire d’un village d’Égypte : Gourna, Sindbad, 1996.
FIG 11 ESCALIER ET TOIT, NEW GOURNA HASSAN FATHY •IKRAM NOSSHI 2011