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Étude typologique du graffiti lyonnais

Cette étude est basée sur des observations de terrain et vise à créer des catégories de graffiti permettant de distinguer les œuvres les plus contestataires parmi celles qui sont à notre disposition, puis de déterminer s’il existe des liens entre elles. Puisqu’elle s’appuie sur l’analyse et la description de formes existant dans une réalité complexe que nous cherchons à classifier, nous parlerons d’étude typologique. Nous chercherons donc à établir un système de classement adapté aux données empiriques dont nous disposons dans le cadre de cette étude.

Les documents graphiques présentés dans les pages suivantes constituent deux portes d’entrée pour cette étude. La première est une carte de Lyon représentant la zone de prise de vue de chaque élément du corpus. D’office on peut constater la centralité des prises de vue dans la ville et l’hétérogénéité de la répartition de ces dernières selon les quartiers. Si cette carte permet de se faire une représentation du contexte urbain de chaque graffiti, l’axonométrie présentée sur la double page suivante a quant à elle pour but d’offrir une spatialisation de ces derniers. Tous les graffitis sont ici représentés dans un îlot fictif présentant les différents supports des graffitis du corpus, allant du mur aux éléments de mobilier urbain en passant par les artefacts temporaires nécessaires au bon fonctionnement de la ville. Le croisement de ces deux documents est à même d’offrir une grille de lecture plus complète des graffitis étudiés dans le tableau typologique présenté dans les pages suivantes.

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BILAN DE L’ÉTUDE TYPOLOGIQUE

Note : les confrontations au graffiti se font habituellement en milieu urbain, et leur contexte impacte grandement à la fois leur création et leur perception. Nous avons donné précédemment les localisations urbaines et spatiales des éléments constituant notre corpus afin d’aider le lecteur à se représenter les conditions de « rencontre » avec chaque œuvre. Par la suite, nous avons utilisé le tableau typologique pour décortiquer chaque élément en le séparant de son visuel. Pour continuer dans cette démarche, nous avons fait le choix de regrouper tous les éléments du corpus en annexe, entre les pages 78 et 113 de ce document.

Peu des exemples de graffitis relevés répondent positivement à tous les critères d’incarnation de la contre-culture que nous avons ciblés précédemment. D’après le tableau, nous pouvons en citer cinq, à savoir les numéros 2, 14, 18, 23 et 36. Nous allons maintenant déterminer s’ils ont des points communs en pointant tout d’abord les démarches semblant les motiver. Nous nous appuierons pour cela sur les définitions que nous avons établies précédemment. On rappelle que ces démarches sont identifiées comme suit : identitaire, artistique et assertive. La démarche identitaire est reconnaissable par une volonté de l’auteur de manifester sa trace en tant qu’individu, et requiert donc la présence d’un signe plus ou moins explicite et facilement reproductible permettant son identification. La pratique artistique dénote d’un propos global dépassant dans sa portée l’œuvre telle qu’elle est perçue en tant que telle. En plus de voir l’œuvre telle qu’elle apparaît plastiquement, sa compréhension

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demande donc de la relier à des notions abstraites et à une multiplicité de niveaux de lecture. La démarche assertive enfin est celle qui fait primer la lisibilité de son propos en cherchant à atteindre un public aussi large que possible. Elle se sépare de la graphie pour privilégier des lettrages clairs et intelligibles, exprimés dans la langue pratiquée par le locuteur. Après consultation du corpus, il apparaît rapidement qu’aucune des œuvres mises en avant pour leur qualité contestataire n’a été faite dans une optique dite identitaire. Le seul signe distinctif permettant d’identifier clairement un auteur est la mention du collectif « Collages féministes Lyon » pour l’œuvre numéro 18, qui utilise clairement ce nom pour renforcer la portée de ses messages politiques en renseignant son lectorat. Cette façon de véhiculer un propos de façon radicalement intelligible et sans ambiguïté dénote une démarche assertive, comme c’est le cas pour les éléments numéros 23 et 36. On note d’ailleurs une véritable similarité formelle entre les numéros 18 et 23 qui utilisent la même technique, bien que la signature soit absente dans le deuxième cas. Les numéros 2 et 14 présentent également une technique similaire puisqu’ils s’appuient sur une palette de couleurs restreinte et sont tous deux des pochoirs réalisés à la bombe aérosol. Leur communication est graphique et témoigne d’une démarche artistique dont ces œuvres ne seraient qu’un exemple ou un extrait. Si les démarches et les techniques diffèrent, c’est également le cas pour les outils utilisés ou l’insertion dans leur contexte spatial et urbain. Ces œuvres identifiées comme contestataire ont cependant un autre critère les reliant, celui du degré de complexité. Si les

pochoirs et les collages ont en commun le fait de nécessiter une préparation en amont, ils sont également choisis par les graffeurs pour la rapidité de leur mise en œuvre une fois sur le terrain. Les palettes de couleurs sont réduites dans les cas présents, et le temps de pose reste de l’ordre de la dizaine de minutes. De même façon et bien que cela puisse être moins flagrant on note que toutes ces œuvres se placent à hauteur d’œil ou à un niveau approchant (ce qui sous-entend un travail « à taille humaine » sans nécessité de structure d’appui), qu’elles sont de tailles assez réduites et qu’elles touchent donc leur public à l’échelle de la rue ou du trottoir, nous ramenant au niveau du corps évoluant dans l’espace plutôt que celui de la fresque monumentale typique du graffiti valorisé par les politiques de la ville.

Dans le corpus que nous avons réuni, seul cinq graffitis remplissent tous les critères de la contre-culture que nous avons défini en amont dans notre étude. Ces cinq œuvres partagent le fait d’être apposées sur des surfaces qui ne leur sont pas initialement dédiées, d’avoir une esthétique perturbant le milieu dans lequel elles s’insèrent en contrastant avec ce dernier, d’être générées sans volonté de valorisation du lieu ou de l’auteur et enfin de porter des propos explicitement revendicatifs. Ce qu’elles partagent aussi, c’est une simplicité dans la technique, une urgence dans le geste. Toutes ces œuvres pourraient avoir été réalisées rapidement étant donné leur palette chromatique restreinte ou les outils qu’elles mobilisent. Étant donné que ces œuvres sont réalisées dans des zones urbaines différentes, sur des supports différents et en utilisant des techniques différentes alors on peut penser que c’est aujourd’hui le geste à l’origine du graffiti qui incarne mieux la contestation que l’élément formel lui-même. Plus que la forme que le graffiti prend, c’est l’action de le tracer qui importe, et dans ce cas de le tracer vite.

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