1 | Introduction et contexte
Contexte historique Le bidonville : histoire et traitement par les politiques publiques Le terme « bidonville » désigne à la fois une forme singulière d’habitat et une catégorie de l’action publique. Pour donner quelques repères historiques sur les bidonvilles en France et l’action publique associée à son « traitement », nous nous attacherons à retracer l’emploi de son terme au sein des politiques publiques, comme révélatrice des représentations qui y sont associées.
Du « bidonville » au « campement illicite » Apparu à Casablanca dans les années 80 pour désigner une forme d’habitat insalubre au Maroc, le bidonville désigne « en Afrique du Nord, et par extens, dans d’autres contrées, des quartiers urbains ou suburbains, parfois importants, constitués de cabanes faites de matériaux de récupération, en particulier de métaux provenant de vieux bidons »1. Son emploi dans les documents administratifs est associé à la misère et la pauvreté et corrobore des politiques publiques concernant son « traitement », qu’il s’agisse de son « éradication », ou de sa « résorption ». La loi Debré du 14 décembre 1964, dite de « suppression des bidonvilles », autorise l’expropriation de terrains occupés par des bidonvilles pour la réalisation de logements. En 1966, un plan national de « résorption des bidonvilles » est lancé, suivi dès 1967 par les politiques de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI)
1. Définition du Grand Larousse Encyclopédique de 1930
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qui visent au relogement de toutes les personnes vivant en habitats dégradés. La « suppression » officielle du dernier bidonville est marquée par l’évacuation définitive du bidonville de Nice, le 16 mars 1976. Depuis cette date, le mot disparaît des politiques publiques, et avec lui, la mémoire du bidonville comme forme urbaine présente en France. Dans les années 1990, une forte migration en provenance d’Europe Orientale et des Balkans s’accompagne de la réapparition dans le paysage français d’ensembles de baraquements, similaires à ceux qu’on a pu observer dans les années 1960. Pourtant, ceux-ci ne sont plus désignés comme « bidonvilles » mais comme « campements illicites » par les médias et politiciens. Ce terme, comme plus tard à Calais celui de « jungle »2 , dans son ambiguïté contribue à la marginalisation des populations concernées. La seule qualification d’illicite, c’est-à-dire par opposition au « licite »,
2. « djangle » étant à l’origine une appellation endogène donné par les habitant·e·s eux·ellesmêmes signifiant « forêt »