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Histoire
octobre/novembre
2019 - no142
Pierre Poivre,
précurseur de l'écologie Expositions, conférences, spectacles, publications, émission de timbres, l’année 2019 restera marquée par la célébration de Pierre Poivre et sa juste commémoration menée par la Société Royale des Arts et Sciences (SRAS).
Aublet pour s’acclimater sur l’île. Une expérience qui rencontra un succès très limité. De retour à Lyon en 1758, il consacrera beaucoup de temps à l’expérimentation agricole et à l’amélioration de ses compétences botaniques. En 1766, Poivre est nommé intendant ou administrateur civil des Isles de France et de Bourbon (île de la Réunion). Il débarque à l’Isle de France en 1767 avec deux missions principales. La première consistait à restaurer la capacité du port de Port-Louis, fief militaire stratégique de l’océan Indien, à recevoir une flotte et des forces militaires françaises et à transformer la colonie en entrepôt commercial et fief contre les Britanniques. Tâche qu’il confiera au chevalier de Tromelin. « Le véritable objet de cette Colonie devait être une Colonie nourricière et de force… cette île, qui devait être le point d’appui de nos comptoirs dans les Indes, qui devait y assurer notre commerce et fournir une ressource abondante à nos escadres, s’est vue affamée et comme anéantie par ces mêmes escadres », déclare-t-il.
« Des hommes avides et ignorants, ne pensant que pour eux-mêmes, ont ravagé l’île, en détruisant les bois par le feu… La deuxième mission était d’assurer l’autosuffisance agricole et alimentaire de la colonie pour laquelle il devait développer et faire croître une agriculture très en retard. « Des hommes avides et ignorants, ne pensant que pour eux-mêmes, ont ravagé l’île, en détruisant les bois par le feu… La nature a tout fait pour l’Isle de France : les hommes y ont tout détruit. Les forêts magnifiques qui couvraient le sol, ébranlaient autrefois par leurs mouvements les nuages passagers, et les déterminaient à se résoudre en une pluie féconde. Les terres qui sont encore en friche, n’ont pas cessé d’éprouver les mêmes faveurs de la nature ; mais les plaines qui furent les premières défrichées, et qui le furent par le feu, sans aucune réserve de bois, pour conserver au moins de l’abri aux récoltes, et une communication avec les forêts, sont aujourd’hui d’une aridité surprenante, et par conséquent beaucoup moins fertiles ; les rivières mêmes, considérablement diminuées, ne suffisent pas toute l’année à abreuver leurs rives altérées ; le Ciel, en leur refusant les pluies abondantes ailleurs, semble y venger les outrages faits à la nature et à la raison », déclare-t-il aux habitants en 1767, marquant sa fibre précurseur de l’écologie. L’année suivante, il introduisit deux concepts majeurs, l’endémisme et la menace des espèces envahissantes nuisibles. Devant le constat des dégâts, il met en place une série de mesures, écrit Pierre de Boucherville Baissac de la SRAS, pour
I
l y a 300 ans, le 23 août 1719, naissait Pierre Poivre à Lyon. L’histoire voudrait que l’on se souvienne de lui comme le célèbre intendant des Isles de France et de Bourbon. Mais il était bien plus que laisse supposer cette fonction : philosophe, naturaliste, voyageur infatigable, économiste physiocrate, encyclopédiste, botaniste, scientifique. Destiné à la prêtrise, Poivre est envoyé en Chine en 1741 comme séminariste pour évangéliser l’Orient. Mais il s’intéresse plutôt aux pratiques agricoles performantes du pays et est renvoyé par ses supérieurs. Il connut des déboires lors de son voyage retour, perdant son bras droit lors de l’attaque de son bateau par un navire britannique et se faisant ensuite emprisonner à Batavia (actuelle Djakarta) qui est alors un centre important de l’exploitation des épices. Libéré en 1746, il s’arrête à Pondichéry où il fait la connaissance de Mahé de Labourdonnais. Ils se rendirent ensemble à l’Isle de France (île Maurice) où Poivre comprit que l’île était idéale pour l’acclimatation des arbres à épices. À son retour en France, il persuade donc la Compagnie des Indes Orientales des avantages économiques de développer l’industrie et le commerce des épices. Après les avoir convaincus du bien-fondé de ce projet, Poivre fut renvoyé en Extrême-Orient d’où il voyagea pour l’Isle de France avec des graines de muscade, des graines de girofle et des plantes qu’il laisse sous les soins de Fusée-
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