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LES ENJEUX DU PRO/DCE À L’APPEL D’OFFRE
son expérience et sa perspicacité, se doit de détecter à temps les impasses des contractants. En somme, prévenir plutôt que guérir.
LES ENJEUX DU PRO/DCE À L’APPEL D’OFFRE
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En effet, les éléments de mission se situant entre la fin des missions d’étude et le début des missions d’exécution sont cruciaux pour aborder le chantier de manière optimale. Cette phase d’entre deux se décline en deux missions principales :
• Mission PRO / DCE : La mission PRO qui vient juste après la mission APD consiste à préciser à l’aide de plans, coupes et élévations, les formes des différents éléments de la construction, la nature et les caractéristiques des matériaux et les conditions de leur mise en œuvre. C’est une étape essentielle permettant d’établir un coût prévisionnel des travaux décomposés par corps d’état (DPGF) sur la base d’un avant métré. Cette évaluation permet par la suite au maître de l’ouvrage, d’arrêter le coût prévisionnel de la réalisation de l’ouvrage et, par ailleurs, d’estimer les coûts de son exploitation. L’APD et le
PRO servent de base à la mise en concurrence des entreprises. À cela vient s’ajouter les pièces administratives (RICT, CCAG, CCAP, CCTP, planning prévisionnel, contrats d’assurances etc.) qui dans son ensemble vient constituer le Dossier de Consultation des Entreprises (DCE).
• Mission ACT : L’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation du ou des contrats de travaux a pour objet de préparer la consultation des entreprises en fonction du mode de passation des marchés que nous aborderons plus tard. L’ACT a également pour objet de sélectionner les candidats qui répondront à l’appel d’offres, d’analyser les différentes offres permettant par la suite la passation du ou des contrats de travaux par le maître d’ouvrage.
Ces éléments de missions constituent un enjeu déterminant pour l’architecte en vue de la bonne réussite du projet. Il convient donc, avec l’aide des autres entités composant la maîtrise d’œuvre (BET, bureau de contrôle, CSPS, CSSI…) de détailler le projet le plus possible à l’aide de plans, coupes, élévations et détails techniques dans le dossier PRO. Afin d’éviter certaines déconvenues lors du chantier, il est également très utile que la maîtrise d’œuvre réalise précisément le métré de chaque élément du projet afin de constituer elle-même la Décomposition du Prix Global et
Forfaitaire. Cela permet à l’architecte d’avoir une vision précise et globale de tous les éléments décomposés par lots pour le suivi du chantier mais surtout, cela permet d’estimer les coûts prévisionnels du projet, de permettre aux entreprises de chiffrer sur une même base pour la cohérence de l’appel d’offres et enfin, cela permet par la suite dans le cas de TS, de vérifier plus facilement si les travaux en question étaient compris ou non dans le marché de base.
Vient ensuite la phase d’Assistance à la passation des marchés de travaux qui est essentiellement un devoir de conseil qu’exerce l’architecte pour le compte du Maître d’ouvrage. Il faudra dans un premier temps convenir de la stratégie de l’allotissement des marchés, c’est à dire, définir si les marchés travaux seront passés par corps d’état séparés ou entreprise générale. Chaque type d’allotissement de marché a ses avantages et ses inconvénients comme décrit dans le tableau cidessous.
Corps d’état séparés
Entreprise Générale Avantages
- Meilleur contrôle du choix des entreprises. - Le maître d’œuvre pilote directement les entreprises, d’où une meilleure qualité de travaux. - Coûts inférieurs
- Travaux supplémentaires moins nombreux grâce aux interfaces moindres. - Le maître d’ouvrage peut normalement se dispenser d’un
OPC. - Meilleure tenue des délais (en théorie). - Gestion du chantier plus simple pour le maître d’œuvre car il n’y a souvent qu’un seul interlocuteur coté entreprise. Inconvénients
- Travaux supplémentaires plus nombreux du fait des limites de prestations entre lots. - Nécessité d’un OPC
- Risque de désignation d’entreprises sous-traitantes peu qualifiées par l’entreprise générale, les délais serrés limitant les possibilités de refus par la MOA ou la MOE. - Risque de moins bonne qualité des travaux car les instructions du maître d’œuvre sont parfois déformées par le mandataire lors de leur transmission aux sous-traitants. - Coût supérieur du marché.
Suivant le constat de Léonard Hamburger, on peut retenir que « si la qualité des travaux est prioritaire, les corps d’état séparés sont préférables ; si le respect des
délais est prioritaire, l’entreprise générale est préférable. »15 . Le conseil de l’architecte vis à vis du maître d’ouvrage peut donc se baser sur ces critères afin d’aider le choix de ce dernier mais ce ne peut être le seul élément de décision. En fonction de la taille, des spécificités programmatiques, et de la complexité du projet, il sera plus intéressant de choisir un type d’allotissement de marché plutôt qu’un autre. En effet, un marché de travaux passé en corps d’état séparés demandera à la maitrise d’ouvrage un investissement et une organisation plus conséquente et rigoureuse mais aboutira à une plus grande qualité de finition. Le corps d’état séparé se prêtera donc bien à des projets à petite échelle tels que des maisons individuelles, des magasins, restaurants, aménagements intérieurs ou certains projets de réhabilitation / restauration. En revanche pour des projets de plus grande ampleur, il sera plus simple pour la maîtrise d’œuvre de traiter avec des entreprises générales. Néanmoins, le Code de la Commande Publique prévoit les corps d’état séparés comme étant la solution de référence, dans le but de favoriser l’accès des PME à la commande publique « l’acheteur public qui décide de ne pas allotir doit motiver son choix »16 .
Une fois l’allotissement des marchés choisi par la maîtrise d’ouvrage, il faudra convenir du type de marché pour l’appel d’offre, à savoir, un marché global et forfaitaire ou un marché à prix unitaire. Comme vu précédemment cela pourra, par la suite, avoir un impact en cas de travaux supplémentaires lors de la phase chantier.
Enfin lors de la constitution des pièces administratives, il conviendra d’y incorporer les clauses administratives particulières (CCAP), sous ce nom ou sous un autre nom. Le maître d’ouvrage pouvant s’il le souhaite, utiliser le CCAG type proposé par la norme volontaire NF P03-001, et le modifier par un CCAP de son cru. Cette norme volontaire ne s’applique, bien entendu, qu’aux marchés qui la citent explicitement comme une pièce contractuelle. Afin de se prémunir de certains aléas lors de la phase chantier, il sera important d’y préciser les seuils de tolérance, les pénalités de retards, les responsabilités contractuelles ainsi que les niveaux de sous traitance tolérés. En effet, ce dernier point sur la sous-traitance est un élément important à prendre en compte s’il on veut pouvoir régler les conflits entre les différents corps d’état sur un chantier : moins il y aura de sous-traitants, plus l’organisation sera simplifiée et moins il y aura de conflits entre les différents compagnons. Par ailleurs, comme le souligne Xavier Fabre, « de plus en plus de chantiers sont confrontés à l’emploi de travailleurs intermédiaires, qui sont parfois sous-équipés et sous-
15 HAMBURGER Léonard, Maître d’œuvre bâtiment, Eyrolles, 2021, p.485. 16 Cf. Article R2113-2 du Code de la commande publique, consultable sur http://www.code-commande-publique.com
expérimentés, mal encadrés et peu intégrés à l’entreprise. (…) Il faut donc d’autant plus faire vivre ces procédures de précautions, en bonne intelligence avec la qualité de réalisation des ouvrages, c’est à dire en expliquant et en appliquant strictement la loi. »17
Ce faisant, il faudra par la suite analyser les offres de chaque entreprise lors de l’appel d’offre. Pour les comparer il sera utile de créer un tableau en comparant le prix de chaque entreprise pour chaque lot afin d’établir une valeur médiane permettant d’indiquer aux entreprises les lots qui ne sont pas cohérents par rapport à leur concurrents afin de leur permettre de les ajuster pour une offre révisée. Si l’un des lots est beaucoup moins cher que celui des concurrents c’est qu’il y a probablement une erreur sur les quantités et il faudra donc s’attendre à des TS. En revanche si le prix est beaucoup plus cher que celui des concurrents cela peut être dû à une difficulté à chiffrer le lot, gonflant donc volontairement les prix pour être sûr de rentrer dans ses frais. Une fois les offres révisées et une seconde fois analysées, le maître d’ouvrage pourra alors juger quelle entreprise a été la plus sérieuse et la plus cohérente lors de l’ensemble de l’appel d’offre.
Tableau de comparaison des offres des trois entreprises sélectionnées pour l’appel d’offres
Enfin, une fois le marché signé, l’architecte devra, s’il y en a, analyser et valider les demandes d’agréments des sous-traitants, en vérifiant, les assurances (RC et décennale si besoin), l’attestation URSSAF, l’attestation caisse de congés payés, l’extrait K-BIS, l’attestation relative au travail illégal, le chiffre d’affaires de l’entreprise
17 FABRE Xavier, Profession architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau, Eyrolles, 2020, p.560.