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CONSTAT DES DIFFÉRENTES RAISONS D’UN DÉPASSEMENT BUDGÉTAIRE

complication, la situation peut être dramatique et conduire à la ruine du maître d'ouvrage, car ni la garantie d'achèvement, ni celle de l'assurance dommageouvrages (si elles existent !) ne rentreront toujours et totalement en application. »4

De ce fait, on entre dans une spirale d'extinction qui écarte le recours à l'architecte et le met de plus en plus hors du circuit des projets de construction (grands et petits).

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« Plus les architectes sont condamnés, plus chère est leur intervention en raison des coûts d'assurance et de la difficulté de leur travail. Plus compliquée est leur intervention, plus le risque de mise en cause est grand, plus contraignantes sont leurs demandes. Plus les maîtres d'ouvrage se passent de leur service et de leur expérience, moins qualitatives sont les constructions et plus il y a de sinistres. Plus il y a de sinistres sans architecte et moins les usagers ont de garanties. »5

Pour résumer, on constate deux phénomènes, d’une part les architectes s’éloignent de plus en plus des missions d’exécution en raison de la complexité de ces dernières et des contraintes de coût et de temps et d’autre part, une mise à l’écart des architectes par la maîtrise d’ouvrage en raison de l’alourdissent des démarches qu’il devra réaliser afin d’assurer aux deux parties une certaine sécurisation à l’inverse des constructeurs qui fourniront au maître d’ouvrage un projet clé en main encourant ainsi le risque de nombreux litiges et sinistres.

Actant de ce constat, nous allons pour la suite, partir du principe que l’architecte maître d’œuvre est en charge d’une mission complète et nous allons tenter d’identifier les différentes raisons d’un dépassement budgétaire d’un ouvrage et quels sont les méthodes et outils pour palier à ces problèmes de coûts.

CONSTAT DES DIFFÉRENTES RAISONS D’UN DÉPASSEMENT BUDGÉTAIRE

Lors de l’exécution d’un chantier, la contrainte budgétaire est omniprésente et il est quasiment systématique de devoir réaliser des travaux supplémentaires causant ainsi un dépassement du budget initial. Les travaux supplémentaires (TS) se résument pour les maîtres d’ouvrage, le maître d’œuvre et les entreprises par une équation simple : « le montant du marché exécuté est supérieur au montant du marché notifié. Le montant des travaux supplémentaires ainsi réalisés n'étant pas

4 CHAUMON Régis, Article paru dans Le Moniteur, 2018. 5 Cf. op. cit.

couvert par le prix du contrat de base, la question se pose de leur indemnisation, que ces travaux aient été décidés par le maître d'ouvrage et notifiés à l'entrepreneur, ou qu'ils aient été exécutés par ce dernier, à son initiative, en raison de leur caractère indispensable à l'exécution de l’ouvrage. »6 . En d’autres termes, les travaux supplémentaires se définissent comme des travaux non prévus au marché initial.

Ainsi, ces travaux supplémentaires représentent un vrai point noir dans l’exécution d’un chantier et demandent au maître d’œuvre un travail considérable dans l’analyse, la vérification et la justification des coûts supplémentaires qu’ils engendreront. Dans un premier temps, l’analyse que devra faire l’architecte consiste à discerner clairement la ou les raisons des travaux supplémentaires. Il existe quatre raisons principales de modification lors d’un chantier :

• Demande du maître d’ouvrage : « Il s’agit soit des modifications de programme ou de prestations réellement demandées par le maître d’ouvrage, soit des propositions d’améliorations faites par le maître d’œuvre et validées par le maître d’ouvrage, soit des demandes du contrôleur technique ou SPS qui vont au-delà de la réglementation ou qui sont différentes des accords donnés précédemment. »7 Si cela concerne une demande supplémentaire du maître d’ouvrage, l’architecte peut alors être amené à réaliser un chiffrage prévisionnel afin que le maître d’ouvrage puisse prendre sa décision. Bien entendu, s ’il s’agit d’une demande supplémentaire de la maîtrise d’ouvrage, les couts des TS seront à sa charge.

• Négligence du maître d’œuvre : « Dans le dossier marché, il peut exister des erreurs, des oublis ou des incohérences entre les différentes pièces du marché. »8 En effet, l’erreur étant humaine, il n’est pas rare de constater certaines négligences de la part des maîtres d’œuvre notamment pour des projets de grande ampleur et cela peut coûter relativement cher à l’architecte. En marché public, pour les contrats soumis au Code de la Commande Publique (CCP), il existe souvent une notion de taux de tolérance pour le chantier qui permet au maître d’œuvre d’avoir une certaine marge d’erreur possible sans qu’il ait à couvrir de lui-même les frais des travaux supplémentaires. En revanche, en marché privé, si le maître d’œuvre n’a pas négocié avec le maître d’ouvrage un certain taux de tolérance dans les

6 BERBARI Mireille, Article paru dans Le Moniteur, 1998. 7 FORGUE Michel & CHANCEAULME Renaud, Profession Architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau, Eyrolles, 2020, p.580. 8 FORGUE Michel & CHANCEAULME Renaud, Profession Architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau, Eyrolles, 2020, p.580.

clauses du contrat, alors, le maître d’ouvrage peut lui demander de prendre à sa charge les coûts des travaux supplémentaires qui seront imputés à ses honoraires.

• Négligence du constructeur de l’ouvrage : Il est également possible que la ou les entreprises mandatées pour la réalisation des travaux commettent des erreurs lors de la remise de leurs offres et s’en rendent compte au moment de l’exécution. Dans ce cas soit l’entreprise est transparente en communiquant à l’architecte leur erreur de chiffrage et qu’elle en assume les frais supplémentaires, soit elle décide d’occulter cette ou ces erreurs afin que le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre en assument les frais. Dans ce dernier cas, la tâche de l’architecte dans la vérification et la compréhension des travaux supplémentaires peut devenir un véritable casse-tête en fonction du type de marché, s’il a été conclu sur un prix forfaitaire ou sur un prix unitaire. « Dans un marché à prix unitaire, l’entreprise est réglée en fonction des quantités réellement mises en œuvre. »9 Il est alors relativement simple pour l’architecte de constater où se trouve l’erreur en se référant au détail de chaque prix à l’unité. En revanche, « dans un marché à prix forfaitaire, l’entreprise s’engage sur un montant forfaitaire qui doit lui permettre de réaliser l’ouvrage dessiné et décrit dans les pièces du marché »10 rendant la vérification pour l’architecte presque impossible. C’est effectivement une question de bonne foi. Malheureusement il est assez fréquent, et pour certaines entreprises, c’est même devenu un « sport » en rendant la plusvalue toujours plus chiche et en renvoyant la faute sur l’architecte.

L’entreprise se justifiera alors par le fait que les pièces graphiques n’étaient pas suffisamment claires ou pas suffisamment décrites. Cela conduit à de gros conflits que l’architecte se doit de manier avec agilité mais cela entraine à coup sûr une dégradation considérable des relations entre les parties et une coûteuse perte de temps et d’énergie pour l’architecte.

• Aléas et évènements extérieurs imprévus : « Par exemple, on peut rencontrer sur le terrain une nature de sol que les sondages n’ont pas permis de mettre en évidence, ou une canalisation non repérée, ou bien en réhabilitation une structure ne correspondant pas aux relevés effectués avant le curage du bâtiment. »11 Dans ce cas, l’architecte devra se demander si ces aléas aurait

9 FORGUE Michel & CHANCEAULME Renaud, Profession Architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau, Eyrolles, 2020, p.576. 10 Cf, Op, Cit. 11 FORGUE Michel & CHANCEAULME Renaud, Profession Architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau, Eyrolles, 2020, p.580.

pu être détectés dans le cadre des études préliminaires normalement diligentées et si oui, à qui revient la responsabilité des sondages et diagnostiques afin de convenir à qui devra revenir les frais des travaux supplémentaires en question.

La question de l’analyse et des raisons des travaux supplémentaires étant faite, il convient par la suite d’en informer la maîtrise d’ouvrage. En effet, nous pouvons rappeler le Code de la déontologie des architectes qui stipule : « l’architecte doit s’abstenir de prendre toute décision ou de donner tous ordres pouvant entrainer une dépense non prévue ou qui n’a pas été préalablement approuvée par le maître d’ouvrage »12 . L’analyse du maître d’œuvre se présente généralement sous la forme d’un tableau avec une colonne « prix entreprise » et une colonne « prix maître d’œuvre ». Après accord du maître d’ouvrage sur les raisons, sur le coût, sur l’impact du planning travaux et sur la nécessité de réaliser ces travaux supplémentaires, il conviendra de réaliser des ordres de service destinés aux entreprises qui devront être signés par la MOE et par la MOA. « L’ordre de service (…), ou un autre ordre de service intervenant au plus tard quinze jours après, notifie au titulaire les prix proposés pour le règlement des travaux nouveaux ou modificatifs. Ces prix qui ne sont pas fixés définitivement, sont arrêtés par le maître d’œuvre après consultation du titulaire. »13 . Il est fréquent sur les chantiers de voir des entreprises qui commencent, et parfois terminent, la réalisation des travaux supplémentaires sans avoir encore reçu du maître d’œuvre l’ordre de service notifiant l’accord sur leur réalisation. Comme l’explique Léonard Hamburger, « cette pratique est à éviter, car elle provoque couramment des différents ultérieurs avec les entreprises. Les travaux supplémentaires doivent être précédés d’un ordre de service, tant sur les petits chantiers que sur les grands »14 .

Les travaux supplémentaires lors d’un chantier sont malheureusement pratiquement inévitables et comme nous avons pu le voir plus tôt, cela entraîne des dépassements budgétaires et par la même occasion, cela est synonyme de retards de chantier. Néanmoins, le rôle de l’architecte est de les limiter le plus possible et surtout d’éviter que les TS apparaissent par sa faute. Cela se joue principalement entre la fin de la phase d’étude et le démarrage du chantier, ou l’architecte, de par

12 Cf. Code de déontologie des architectes, consultable sur http://www.architectes.org 13 Cf. Article 14, Arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales, Consultable sur http://www.legifrance.gouv.fr 14 HAMBURGER Léonard, Maître d’œuvre bâtiment, Eyrolles, 2021, p.499.

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