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Introduction
from PARIS RIVE GAUCHE : UNE ZAC D’EXCEPTIONS De Seine Rive Gauche à Paris Rive Gauche
by Léa Daumalle
« Un univers hybride et hétéroclite1 »,
« Un monde de l’entre deux, celui de l’entre Paris et sa banlieue et de l’entre enceinte des fermiers généraux et de Thiers, aux marges du Paris haussmannien . » 2
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Le 13e arrondissementse forme en 1860 lors de l’extension de la ville par le projet de l’enceinte des thiers. Il est alors un des derniers arrondissements de la capitale à se développer. Sa vocation est essentiellement industrielle jusque dans les années 1950, où les activités se délocalisent dans la banlieue Sud de Paris. Alors, le quartier devient le théâtre du nouvel aménagement parisien. Seulement un tiers de ses parcelles sont construites et les terrains que les industries cèdent représentent une ressource foncière indéniable pour un aménagement d’envergure. Dans ce contexte, 1950 marque le début d’une nouvelle ère de construction : deux grandes périodes de travaux se succèdent le métamorphosant en un nouveau quartier important. Le conflit de la Seconde Guerre mondiale provoque en France une insuffisance considérable de logements. Cette déficience s’accroit avec le recensement des îlots insalubres et le baby-boom. C’est dans ce cadre que les grands ensembles émergent. Ils marquent le début du renouvellement urbain de Paris. Cette période de construction débute dans les années 1950 et se poursuit de nos jours avec la construction de nombreuses ZAC. Le 13e arrondissement de Paris se trouve au cœur de ce renouvellement. Dans les années 1960, le Président de la République Charles de Gaulle lance une grande opération urbaine nommée Italie 13. Elle se constitue de trois réalisations ponctuelles de grands ensembles dont celle des Olympiades, ainsi que de tours isolées. Cette urbanisation est portée par la forte croissance économique de 1946-1975 dénommée Trente Glorieuses. Seulement, le choc pétrolier de 1973 ralentit l’économie mondiale et freine les constructions. Parallèlement, des critiques sur les grands ensembles émergent allant jusqu’au rejet des tours et des barres. C’est dans ce contexte que s’éteint la première phase de renouvellement du 13e arrondissement. Après son élection Valery Giscard d’Estaing met un terme aux constructions modernes en vue d’un retour à la ville classique, traditionnelle du paysage parisien. Les années 70 marquent une rupture brutale dans la manière de concevoir et de penser la ville. Une phase de transition s’installe. Elle perdure pendant une vingtaine d’années durant lesquelles les politiques tentent d’imaginer un nouvel aménagement pour le 13e. Les opérations précédentes se concentrent au centre de l’arrondissement. Dès lors, les rives de ce dernier sont délaissées de tout aménagement et ce secteur se place à l’écart de la ville. Dans les années 80, avec l’arrivée du premier Président de la République de gauche, l’État projette un nouveau genre de projets basés sur la culture : parmi eux des candidatures pour l’accueil d’expositions universelles et des jeux olympiques. C’est dans ce contexte culturel que François Mitterrand lance la construction d’un édifice majeur : la très grande bibliothèque. Malgré le changement
MOIROUX, Françoise. « Les tours du 13e », Le Moniteur1 , Dossier, 1er mars 2006.
politique nous remarquons une continuité dans les objectifs : tous les aménagements envisagés sont projetés en vue de redonner dynamisme et grandeur au 13e arrondissement. En 1989, après 20 ans d’études, une consultation aboutie et lance le projet d’aménagement Seine Rive Gauche en 1991. Cette année marque l’origine de la deuxième phase d’aménagement. Ce nouveau projet urbain inscrit profondément la capitale dans le XXIe siècle. Nous assistons à la naissance d’un nouveau Paris qui diffère du Paris d’Haussmann, apparu au XIXe siècle ou encore du Paris des grands ensembles, de la seconde moitié du XXe siècle. Ce projet met en évidence les principaux critères qui déterminent la pensée de la ville de Paris au XXIe siècle. Il questionne les usages de la ville : avec l’évolution de notre société, la pratique de la ville ne se fait plus comme par le passé. Construire une ZAC est un moyen de pouvoir repenser les espaces en fonction des nouveaux usages et permettre ainsi de la faire évoluer. La considération du patrimoine historique prend une autre ampleur également. Les friches industrielles présentent sur le site sont conservées dans le but d’expérimenter un nouveau genre d’architecture. Les orientations prises pour la ZAC de Paris Rives Gauche se traduisent à travers des politiques urbaines. Ces politiques évoluent en parallèle de notre société. Elles ne sont pas figées même si certaines orientations peuvent persister. Ainsi, elles correspondent à des périodes données de notre histoire. Les politiques urbaines reflètent les décisions prises par les gouvernants dans le domaine des transformations urbaines. Ainsi, le 13e arrondissement représente à lui seul plusieurs modèles urbains issus de différentes politiques urbaines. Elles permettent de diriger et d’instaurer une stratégie de développement sur un territoire précis. Pour cela elles sont régies par des outils administratifs. Nous convenons donc que les politiques urbaines sont des éléments fondateurs du projet urbain de la ZAC de Paris Rive Gauche. À travers le projet de Paris Rive Gauche, Paris espère se redonner une image moderne et imposante pour entrer dans la course des villes internationales. Les métropoles mondiales sont en pleine expansion. Le renouvellement urbain, lancé dans les années 50, est une opportunité pour lancer des constructions s’inscrivant dans l’époque actuelle et par conséquent faire évoluer la métropole parisienne à travers son temps. Pour autant, ce projet qui se voulait en adéquation avec le paysage urbain et l’héritage du patrimoine parisien prend une orientation différente. Les architectures et les proportions démesurées procurent à cette ZAC un caractère théâtral et unique, en rupture avec le reste de la ville. En effet, Paris connaît depuis plusieurs décennies un changement de paysage urbain fort, faisant varier les échelles de la ville. Cependant, les gabarits proposés dans Paris Rive Gauche se démarquent encore du reste de la ville, alors pourtant voulu en écho. Paris est une capitale influente mais Paris reste Paris dans ses proportions et les architectes ne peuvent concevoir en harmonie sans prendre en compte cette caractéristique.
À travers cet exposé, nous allons développer par quoi et comment se manifeste ce caractère exceptionnel. Pour cela, nous certifierons que la marge de création de l’architecte dans le projet est en relation avec l’administration et ses programmes ainsi que les règlements mais qu'elle possède aussi des dérogations aux règlements génériques. Ensuite, nous constaterons que l’hétérogénéité des architectures et des gabarits découlent de différents mouvements architecturaux, de différentes orientations urbaines et de l’implication des maîtrises d’ouvrage privées dans la création architecturale.
Enfin, en sachant que la ZAC de Paris Rive Gauche se développe sur une superficie inouïe et dans une temporalité longue, nous affirmerons que ces deux critères favorisent une conception séquencée et antagoniste.
Ainsi, à travers ce mémoire, nous allons démontrer à quoi est due l’exemplarité de la ZAC de Paris Rive Gauche en abordant son montage et ses acteurs. Cela nous mène à nous interroger en quoi les éléments analysés permettent, ou non, de mettre en évidence les spécificités qui font d’elle une ZAC exceptionnelle.
Cette problématique générale soulève des sous-questions qui guident notre raisonnement. Avant de développer ses questions, il est nécessaire de bien distinguer trois termes - exceptionnalité, démesure et exceptions - qui conduisent cette réflexion. L’« exceptionnalité » relève du caractère exceptionnel, c’est-à-dire de la dérogation d’une règle ou d’une procédure standard. La « démesure » se traduit par la disproportion des architectures et l’outrance des styles architecturaux dans un secteur par rapport à ses alentours. Par « exceptions » nous entendons les objets architecturaux dans leur totalité : de part la manière dont il est pensé par ses concepteurs, la manière dont il est articulé dans son espace urbain mais aussi la manière dont il est régi par des lois et des documents urbains.
Dans un premier axe, il est nécessaire de comprendre ce qui fait l’exceptionnalité de la ZAC. Pour cela, nous allons aborder en quoi et comment la ZAC de Paris Rive Gauche déroge aux règles architecturales et urbaines de la capitale, mais aussi le degré d’implication de l’administration dans la conception. En effet, le montage de la ZAC débouche sur la création d’une chaîne entre les acteurs où chacun n’a pas la même importance. Ainsi, nous nous questionnerons sur la manière dont les Hommes politiques et les politiques publiques envisagent l’aménagement de cette ZAC, quelles ont été les lignes directrices, les points de départ des constructions et comment sont articulées les architectures entre-elles. Enfin, nous nous interrogerons sur la manière dont la temporalité de la ZAC a joué un rôle particulier dans l’évolution et la démesure de celleci. Le deuxième volet du travail porte sur la démesure de Paris Rive Gauche. Nous constatons que les villes d’aujourd’hui sont construites sous l’impulsion du système néo-libéral. La maîtrise d’ouvrage privée possède une part beaucoup plus importante dans la réalisation des projets urbains. Ainsi, les architectures qui en découlent semblent être plus influencées par les capitaux privés que par les orientations et les objectifs fixés par les aménageurs. De cette façon, cela nous conduit à penser le rapport entre architectures, architectes, politiques et capitaux privés. La concurrence induite par ce système capitaliste pousse les architectes à concevoir des œuvres en adéquation avec l’évolution de notre société, des avancées technologiques et des problèmes climatiques. Cette nouvelle manière de penser l’architecture se place en opposition avec la ville patrimoniale et historique qu’est Paris. En effet, la démesure de cette ZAC peut s’expliquer tant par le manque de cohérence entre la ville de Paris et ses gabarits que par l’innovation architecturale des œuvres de la ZAC. Cela implique de comprendre comment est assurée la transition urbaine et paysagère. Ce nouveau système de pensée exclut la prise en compte du site dans la conception des architectures et questionne sur le
rapport au site et à son patrimoine. Paris est une ville forte et de caractère, et les dirigeants doivent défendre une relation avec l’environnement du site pour ne pas perdre l’identité de la ville. La ZAC de Paris Rive Gauche apparaît comme une opération constituée d’exceptions dans un contexte parisien homogène et cohérent. Pourtant si le 13e est une réserve foncière extraordinaire pour concevoir un projet d’une telle ampleur, d’autres ZAC ont vu le jour dernièrement. Mais qu’en est-il pour les autres ZAC parisiennes et leur schéma de conception (programmation, montage et architectures) ? Répondre à cette interrogation permettra de révéler si la superficie et la temporalité de la ZAC de Paris Rive Gauche sont les seuls vecteurs de l’exceptionnalité et de la démesure de l’aménagement, de mettre en évidence les éléments qui rendent la ZAC plus propice à ce type d’aménagement urbain.
Ces questionnements dessinent un plan général en trois axes et en adéquation avec les interrogations soulevées. Ainsi, nous allons définir comment se caractérise la ZAC de Paris Rive Gauche en tant qu’entité administrative. Pour cela, nous concentrerons notre recherche sur son histoire, sa position mais aussi son fonctionnement et son organisation. Dans un second temps, nous allons opérer un travail sur tous les types d’architectures qui la composent. Pour finir, nous analyserons trois autres exemples de ZAC parisiennes, qui nous permettront d’affirmer les résultats obtenus.
Le cloisonnement de ce sujet était primordial dans la compréhension globale. Le premier axe était de traiter de la ZAC de Paris Rive Gauche et de son hétérogénéité en nous appuyant sur l’ouvrage réalisé par Soline Nivet, Paris Rive Gauche3. C'est à travers un large dépouillement d’archives que l’auteur réalise un inventaire sur 30 ans de documents concernant l’aménagement de la ZAC de Paris Rive Gauche. Il nous renseigne sur l’opération urbaine des années 1985 jusqu’en 2016 à travers différents types de documents : concertations architecturales, publicités, grande presse, médias, politiques publiques,… Ainsi, il permet de comprendre le plus largement possible les enjeux de cette ZAC, les problèmes liés aux oppositions et à la conception ainsi que le déroulement des opérations. Un des intérêts majeurs de cet ouvrage est le panorama très large qu’offrent les documents. En effet, nous découvrons les points de vue d’un maximum d’acteurs concernés par cette ZAC et la manière dont ont été partagées les informations avec l’électorat français. En 2019, le Pavillon de l’Arsenal organise une exposition pour célébrer les trente ans du projet de Paris Rive Gauche. Celle-ci expose et met en avant le travail effectué par Soline Nivet dans son ouvrage. L’opportunité et la chance de cette visite à deux reprises dont une fois avec Antonella Casellato, ancienne directrice du centre de documentation du Pavillon de l’Arsenal, m’ont permis de mesurer l’ampleur de ce travail. Les architectes-coordinateurs ont un rôle majeur ; ils définissent les grandes orientations du projet et donc la cohérence finale. C’est au travers du mémoire de Lim Yoo-Kyoung, « Coordinations architecturales dans les ZAC parisiennes - la régularité urbaine et la liberté architecturale » que j’ai pu approfondir le sujet de la 4 coordination architecturale dans les ZAC. À travers ce mémoire, il était traité la question du rôle du
NIVET, Soline. 3 Paris Rive Gauche. Vol. 1. 1 vol., Paris, Editions du Pavillon de l’Arsenal, 2016.
YOO-KYOUNG, Lim. Coordinations architecturales dans les ZAC parisiennes - la régularité urbaine et la liberté architecturale4 . MES, Paris : Ecole d’architecture de Paris-Belleville, 2007.
coordinateur dans une ZAC et l’influence qu’il possède à l’intérieur de cette dernière. Pour répondre à sa problématique, l’auteur détermine des grilles analytiques et effectue une analyse de documents graphiques. Cette méthode permet de mettre en avant la responsabilité du coordinateur dans la cohérence générale d’une ZAC. Ce dernier se charge de la coordination d’un secteur qui lui est attribué, il pense l’aménagement des îlots, des voiries et des gabarits généraux et créé le plan. Afin de l’élaborer, le coordinateur se base sur des orientations prédéfinies par le PAZ, Plan d’Aménagements des Zones, ou le PLU, Plan Local d’Urbanisme, mis en place par les politiques. Ce document administratif permet de maintenir une orientation générale et une homogénéité entre les différents secteurs qui composent les ZAC. Dans ce mémoire basé sur les ZAC Parisiennes, et où l’exemple de la ZAC Paris Rive Gauche est traité, nous comprenons que son hétérogénéité est due à la souplesse du PAZ qui ne permet pas de maintenir une homogénéité entre les différents secteurs. Ainsi, les orientations architecturales envisagées provoquent des bouleversements architecturaux. Pour autant, si cet élément explique les différences entre les trames urbaines et les gabarits, cela ne permet pas de comprendre le caractère exceptionnel et démesuré de l’architecture. Un article de Donatien Senly « Paris Rive Gauche. Images, réseaux et financement de l’aménagement. »5 paru dans Les échelles de la ville, développe cette idée. À l’aide de différents articles de presses issus de la revue Le journal de Seine Rive Gauche et d’autres plus généraux, Donatien Senly nous retrace l’histoire de la ZAC. L’auteur nous explique profondément les choix émis par les décideurs du projet, de manière séquencée et thématique. Ainsi, nous explorons tous les aspects du projet, que ce soit son intégration urbaine, sa praticabilité ou son architecture. Dans son article, il fait notamment référence au PAZ établi pour cette ZAC et en fait ressortir cette question des échelles et du dimensionnement de la ZAC et donc sa démesure. À travers cet article qui date de 1999, cette immensité a déjà été relevée, mais reste inexpliquée.
Le sujet de mon travail porte sur les bouleversements architecturaux du 13e arrondissement et plus spécifiquement sur la ZAC de Paris Rive Gauche. Je cherche à comprendre qu’est ce qui fait de cette ZAC un aménagement urbain exceptionnel. Pour répondre à cette question, mon corpus se compose d’une typologie documentaire variée : il englobe autant des architectures réalisées, que des dessins, des illustrations et des textes. Après avoir établi des critères, notamment de localisation et d’impact du projet sur la ZAC, j’ai sélectionné une liste non-exhaustive d’architectures appuyant mes propos. La Bibliothèque Nationale de France est le point de départ des constructions de la ZAC Paris Rive Gauche. Le projet découle de l’envie de François Mitterrand d’ériger un dernier grand projet présidentiel. Dominique Perrault conçoit une architecture-objet en verre, simple et minimaliste mais monumentale. Ainsi ses tours rappelant un livre ouvert, se dressent dans le paysage urbain comme des totems. Le projet Aurore T5B de Kengo Kuma se développe en surplomb du réseau ferré dans le secteur de Tolbiac. L’immeuble se veut être un poumon vert au sein du contexte dense de la ZAC. Il a pour but de devenir une référence dans ce nouveau quartier de la capitale. Les industries présentent initialement seront conservées et réhabilitées comme la halle aux farines ou l’usine SUDAC qui accueillent le nouveau pôle universitaire.
SENLY, Donatien. « Paris Rive Gauche. Images, réseaux et financement de l5 ’aménagement. » Les échelles de la ville, Les Annales de la recherche urbaine, [en ligne] 1982, mars, no 82@0180-930X, 1, no 82 (1999): 25-35. Consulté le 14/10/2020. https://doi.org/ 10.3406/aru.1999.2220.
Le Monde de Snøhetta, bâtiment pont à la façade très travaillée, s’impose dans son environnement. Les dimensions et le détail de son architecture, le travail de liaison entre la gare et celui-ci et sa position stratégique au début de l’avenue Pierre Mendès-France, lui procure une prestance indéniable et surprenante. Home, le projet de Hamonic + Masson & Associés et Comte Vollenweider, est la première tour d’habitation, d’une hauteur de 50 m, construite à Paris depuis les années 1970. La Tour de la biodiversité — M6B2, de Édouard Francois possède une architecture étonnante. Sa façade verte est englobée d’une résille de végétation, qui grâce aux vents et à la hauteur de la tour, se sème dans l’environnement proche. Ainsi elle participe pleinement à l’aménagement paysager du quartier et s’inscrit dans le projet écologique de la ville de Paris. Les tours Duo de Jean Nouvel sont l’un des projets les plus exceptionnel et emblématique de la ZAC. D’une hauteur de 125m pour Duo 2 et 180m pour Duo 1, elles domineront la skyline parisienne. Leurs façades en verre et leurs inclinaisons permettront de réfléchir leur environnement et de créer du dynamisme au point d’orgue de l’avenue de France. Le projet du lot T10, coordonné par l’Atelier Phileas, se compose de trois bâtiments. L’enjeu de ce projet était de créer une couture entre l’ancien 13e et la ZAC. Si chaque bâtiment possède son identité architecturale, les architectes coordinateurs ont défini des critères afin d’unifier le projet global et ainsi réussir la transition entre les deux secteurs. En parallèle mon corpus se compose de règlements d’urbanisme qui ont permis de coordonner la conception et les constructions dans les secteurs de la ZAC. La ZAC de Paris Rive Gauche est découpée en quatre secteurs, redivisés pour un total de 9 sous-secteurs. Pour chacun des secteurs, des prescriptions architecturales et urbaines ont été établies par des architectes coordinateurs différents. Pour coordonner la conception de ces différents secteurs, des plans d’aménagement de zone se sont succédés. Nous comptons trois variantes du PAZ initial, qui ont vu le jour suite à de contestations ou à de nouvelles lois. À travers l’ensemble des plans de 1991, 1993, 1996 et de 2003, nous étudierons les orientations architecturales et urbaines prises pour l’ensemble de la ZAC, mais aussi les évolutions législatives rencontrées au fil des années. C’est à partir de cette source que les architectes coordinateurs ont pu concevoir leurs plans d’aménagement et en conséquent que la ZAC a pu voir le jour.
Mon travail va se porter sur la compréhension de l’aménagement et de la position de la ZAC Paris Rive Gauche par rapport à la ville. Pour se faire, je vais travailler sur différents aspects : administratif, juridique, sémantique, social, historique et architectural. Dans un premier temps, il va s’agir d’effectuer une analyse historique de la ZAC. Long de 31 ans, le projet a connu des changements majeurs au fil des années. En plus de retracer la chronologie de la ZAC, ce travail va permettre de décomposer le projet en étape afin de travailler plus précisément sur des points. Cette analyse va aussi permettre de restituer le contexte politique, économique et social tout au long de la construction. Pour cela, je vais me baser sur le dépouillement de la presse (internet et archives), mais aussi sur des ouvrages et des travaux scientifiques ainsi qu’une exposition au Pavillon de l’Arsenal, Paris Rive Gauche.
Histoires et actualités d’un quartier . Une étude photographique va aussi permettre de comprendre les 6 évolutions du chantier de la ZAC Paris Rive Gauche. Par la suite, il va s’agir de comprendre le fonctionnement de la ZAC sous deux angles : architectural et économique / administratif. Pour comprendre les architectures de cette ZAC, je vais effectuer une analyse typo-morphologique. C’est au travers des concours, des documents techniques d’architecture, de revues spécialisées, des maisons de projets et d’une analyse sur site que je vais pouvoir obtenir les informations indispensables. Cela va me permettre de connaître les caractéristiques et les spécificités des architectures, la volonté des architectes, mais aussi la demande des commanditaires. Une d’étude de terrain sera aussi nécessaire pour s’imprégner des lieux et comprendre visuellement le fonctionnement de cette ZAC, seule, par rapport au 13e arrondissement, à la banlieue proche : Ivry-SurSeine, à la ville de Paris et à d’autres projets d’aménagement étrangers. Le fonctionnement économique et administratif de la ZAC sera analysé à travers des documents émis par la société d’aménagement et les politiques territoriales. Cela va nous dévoiler les singularités qui font de la ZAC un aménagement démesuré et exceptionnel. Après avoir déterminé les modes de fonctionnement de la ZAC, il va s’agir de comprendre d’un point de vue plus général les origines d’une telle évolution de l’architecture, qui seront observées à travers des travaux scientifiques et des articles. Ces architectures et l’aménagement de cette ZAC sont régis par des lois et des documents juridiques généraux. Une partie de mon travail consistera donc en l’analyse de ceux-ci. Que les documents soient locaux ou nationaux, leurs impacts ne sont pas moindres sur cette ZAC. L’analyse de ces documents et leurs contextes nous amèneront à comprendre les raisons de ces décisions et les conséquences sur le projet de la ZAC et son esthétique. Ce travail sera donc effectué en parallèle de l’analyse historique ; ces deux points étant liés. Le projet Paris Rive Gauche se doit de plaire. Suite à l’échec des opérations de grands ensembles, les acteurs du projet ont porté une attention particulière quant à l’acceptation du projet par les habitants. La presse va jouer un grand rôle dans la retranscription des actualités de la ZAC pour le public. Il s’agit de comprendre les points de vue et les positions des différentes presses pour exposer les évolutions et les décisions. Cette analyse sera complétée par un travail de recherche sur les associations suivant le projet, leurs positions et leurs revendications. Le but étant de comprendre le point de vue des habitants sur le projet, et les différentes manières de communiquer les informations notamment à travers les concertations. Enfin, je vais utiliser la méthode de l’analyse typo-morphologique dans d’autres projets urbains que je vais croiser par la suite avec la ZAC de Paris Rive Gauche et ainsi déterminer des points de convergence et de divergence. La première étude sera effectuée à l’échelle internationale. Elle permettra de comprendre le positionnement de la ville de Paris par rapport à d’autres villes mondiales et leurs quartiers d’affaire. Le premier d’entre eux se trouve à Londres, il s’agit de La City. Bien plus qu’un quartier d’affaires, elle représente le cœur historique de la ville. Ce cas d’étude permet de montrer comment une ville a su se développer internationalement en convoitant architectures patrimoniales et architectures cosmopolites. La deuxième
étude de cas se trouve à Barcelone dans le quartier mythique du Poblenou et se nomme le 22@. Cette opération s’installe dans un contexte similaire à celle de Paris Rive Gauche. Ces terrains anciennement à vocation industrielle sont aménagés en vue de projeter Barcelone au rang mondial. Mon troisième choix s’est porté sur une ville française en pleine expansion. Il s’agit de la ZAC Bordeaux Saint Jean Belcier issue de l’opération Euratlantique. La ville ne porte pas la même renommée et les mêmes ambitions de développement que Paris, bien que celle-ci soit classée à l’UNESCO. Cependant, nous observons que les architectures qui en découlent et les problématiques suggérées sont semblables à celles de Paris Rive Gauche. Cela nous amène à nous questionner sur l’influence de la France dans les constructions. Enfin le dernier secteur étudié est la Business Bay à Dubaï. Les Émirats Arabes Unis sont en plein essor suite à un développement tardif (fin du XXe). Dépourvus de patrimoine, avec des ressources économiques importantes, les Émirats Arabes Unis et surtout Dubaï se lancent dans une course internationale de constructions où il n’y a pas de limite. La ville semble s’opposer en tout point à Paris, pourtant nous allons voir que certains points de convergences existent. La deuxième étude sera effectuée sur d’autres ZAC parisiennes présentant des similarités ou des intérêts communs avec la ZAC de Paris Rive Gauche. La première ZAC se situe dans le 17e arrondissement de la capitale. Nommée Clichy-Batignolles, elle s’impose dans la ville en finesse mais a su par ailleurs se démarquer avec l’accueil du nouveau Palais de Justice parisien. La deuxième opération se compose de deux ZAC. Il s’agit des aménagements lancés parallèlement sur la ville de Paris dans le 12e arrondissement et à Charenton-le-Pont. Ces opérations se placent sur la rive droite de la Seine, en face de la ZAC de Paris Rive Gauche. Ainsi, les aménagements sont envisagés dans la continuité de notre opération. La dernière ZAC se trouve dans la banlieue parisienne, à Boulogne-Billancourt. Il s’agit de la ZAC Île Seguin Rive de Seine. C’est une des premières ZAC qui innove dans la gestion de ses parcelles en utilisant le système du macro-lot. Les opérations sélectionnées, qu’elles soient internationales ou parisiennes, possèdent des caractéristiques qui leur sont propres et d’autres qu’elles partagent. Ainsi, à travers cette analyse croisée, nous allons tenter de comprendre qu’elles sont les composantes qui guident les projets et qu’elles sont les répercussions sur le paysage. Dans un dernier temps, il sera intéressant d’effectuer une analyse sur les photographies et les films mettant en avant la ZAC. Ils nous permettront de comprendre la représentation de la ZAC, de voir quels sont les éléments mis en valeur et caractéristiques de cette opération. Enfin, avec une approche marketing, comment et qu’est-ce que la ZAC permet de vendre ou de représenter.
Ainsi, cette étude permettra de mettre en évidence que la société néo-libérale influence considérablement nos constructions depuis le début du XXIe siècle. Dorénavant les architectures agissent comme des symboles publicitaires qui mettent en avant un parti pris ou un aménageur. Les opérations s’émancipent des mises en gardes des coordinateurs de l’époque pour former un nouveau paysage urbain en écho avec notre société, ressemblant à ceux des opérations voisines mais exceptionnelles face à la ville historique et patrimoniale qu’est Paris.