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3. Un site riche d’histoire
from PARIS RIVE GAUCHE : UNE ZAC D’EXCEPTIONS De Seine Rive Gauche à Paris Rive Gauche
by Léa Daumalle
bas, et l’avenue de France est brutale : des escaliers permettent la transition entre les deux niveaux (Annexe. 1 ; Fig. 2). En outre, les travaux de rehaussement engagés dans la ZAC permettent de limiter le risque d'inondation. Originellement, les quais se trouvaient entre 30m et 33m NVP. Lors de la crue centennale (1910), le niveau de l'eau est monté jusqu’à 34,5m NVP, débordant ainsi sur le site.
3. Un site riche d’histoire
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Le 13e est un des derniers arrondissements de Paris à s’être développé. Il est créé début 1860, lors de l’extension de la capitale jusqu’aux fortifications de Thiers, annexant en partie ou en totalité les communes avoisinantes. Il regroupe notamment quelques parties de l’ancien 12e arrondissement de Paris, d’Ivry (PetitIvry) et de Gentilly (Petit-Gentilly). Ancien quartier industriel et artisanal, il accueille la première usine automobile créée par Panhard et Levassor, l’usine à air comprimé SUDAC mais aussi la raffinerie de sucre Say, la chocolaterie Lombart, des ateliers de constructions, de menuiseries, de tanneries et bien d’autres. Sa population est majoritairement ouvrière jusque dans les années 1950. À cette période, seulement un tiers du quartier est construit. Les besoins engendrés par l’après-guerre, le baby-boom et la permanence après-guerre des îlots insalubres définis à Paris en 1904 , poussent les dirigeants français à mettre en place une politique de grands ensembles 8 en vue de répondre à la nécessité de relogement. L’industrialisation naissante permet d’innover dans les modes de constructions : construire vite et moins cher. C’est sous l’impulsion de la IVe République que naissent les grands ensembles. Après la délocalisation des usines dans la banlieue sud de Paris, Charles de Gaulle lance, en 1960 dans le 13e arrondissement, une grande opération de table rase et de reconstruction urbaine nommée Italie 13. L’opération se base sur le principe des villes à l’américaine étudié par Michel Holley, collaborateur de l’architecte en charge Raymond Lopez. Elle se compose de trois secteurs d’urbanisation ainsi que de quelques tours isolées. En 1959, les politiques rédigent le PUD, plan d’urbanisation directeur, appliqué dès 1961. Après avoir testé la véracité de ce modèle d’architecture, le PUD est validé en 1967. L’opération des Olympiades en est le symbole. Elle débute en 1969. Cette même année, Georges Pompidou, ancien Premier ministre de De Gaulle, lui succède à la présidence. De droite gaulliste tout comme son prédécesseur, il poursuit les orientations d’urbanisation engagées sous l’ancien septennat. L’architecture de cette période est portée par la forte croissance économique mondiale de 1946-1975, appelée Trente glorieuses. Seulement, en 1973, le choc pétrolier vient ralentir l’économie mondiale, et donc, l’économie française. Les constructions engagées sont freinées et des contestations apparaissent face à cette architecture « de points et de lignes », qualifiée d’inhumaine. Tandis que certains pointent le manque d’équipement, d’autres rejettent le changement de population, car si à travers les Olympiades et ses logements sociaux, les politiques souhaitent instaurer une mixité sociale dans le quartier, les autres opérations de logement sont privées. L’exode des
classes populaires et moyennes, n’ayant plus les moyens d’habiter le quartier, engendre à moyen terme une gentrification du quartier fortement critiquée. En 1974, Valéry Giscard d’Estaing, politiquement de centre-droit libéral, remporte les élections présidentielles et passe au pouvoir. Il fonde sa politique sur une plus grande écoute de la population. Il s’inspire notamment de la circulaire du 6 avril 1973 d’Olivier Guichard, ministre de l'équipement et du logement du gouvernement antérieur, « ni tours ni barres » et met un terme aux constructions de grandes 9 hauteurs en vue d’un retour à une ville classique traditionnelle du paysage parisien. Le PUD a permis de s’émanciper des réglementations traditionnelles. Dans cette ère de rénovation urbaine, les architectes reprennent le pouvoir sur leurs créations et entraînent une rupture brutale avec l’environnement parisien. Cependant, le retour à la ville imposé par Giscard d’Estaing marque un premier bouleversement politique et architectural. Dans les années 70, le PUD est revu en POS, Plan d’orientation des sols. Ce changement de nom renforce le changement de courant politique. Dans la même année, Valery Giscard d’Estaing réinstalle la mairie de Paris et en 1977, Jacques Chirac, son ancien Premier ministre est élu à la tête de l’Hôtel de Ville. En 1976, il crée l’entité administrative de Paris et la nomme Région Île-de-France. Désormais, les projets architecturaux sont gérés par la région et la municipalité et non plus par l’Etat. En 1977, la mairie de Paris crée le SDAU, schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, afin de définir les orientations d’urbanisme de la ville de Paris. Il est élaboré par l’APUR, Atelier Parisien d’urbanisme, fondé le 3 juillet 1967 par le Conseil de Paris. L’APUR va notamment réfléchir à un nouvel aménagement du 13e arrondissement dans le but de redynamiser le secteur. Dans cette logique, un premier aménagement rassemblant les rives du 12e et du 13e arrondissement est envisagé par les politiques. Cette opération portera le nom de réaménagement de l’Est parisien. Seulement, si les terrains de part et d’autre de la Seine appartiennent à la SNCF, seuls ceux sur la rive droite seront légués à l’Etat. Ainsi, les deux zones se sont développées inégalement. Tandis que le 12e arrondissement voit la ZAC de Bercy se construire, le 13e arrondissement se contente de petites opérations urbaines isolées. C’est en 1981, après l’élection de François Mitterrand, premier président de gauche de la Ve République, que l’aménagement de la rive gauche du 13e arrondissement va prendre une nouvelle tournure. Celui-ci met en avant dans sa politique la culture. Ainsi, il propose en 1981 la candidature de Paris à une exposition universelle pour 1989 . Seulement, Jacques Chirac, maire de Paris et adversaire de François Mitterrand, va 10 s’y opposer, son coût serait trop élevé et causerait trop de perturbations pour la ville. En parallèle, l’APUR travaille sur un plan d’aménagement de l’Est de Paris. Il est proposé en 1983. Cependant, en 1984, l’Etat tente de présenter la candidature de Paris pour les Jeux olympiques de 1992, mais celle-ci est refusée. Après cet échec, l’APUR lance, en 1987, une consultation pour l’aménagement du secteur Rive Gauche puis une nouvelle en 1988, après la fermeture de l’usine SERNAM. Cette même année, la SNCF cède des terrains qui vont agrandir le secteur d’Austerlitz. La ville de Paris imagine alors un « super » quartier d’affaires. Il aura
GUICHARD, Olivier. « Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d'urbanisation dites « grands ensembles» et à la lutte contre 9 la ségrégation sociale par l’habitat. » Journal Officiel, le 5 avril 1973.
PATIES, Félix. « L'exposition universelle à Paris pour 1989 annulée », François Mitterand – 10 Le verbe et l’image, INA. [en ligne] Consulté le 23/04/2020, URL : https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00305/l-exposition-universelle-a-paris-pour-1989annulee.html
pour enjeu de placer Paris au rang de l’économie mondiale. En parallèle, la municipalité cède 7 hectares de terrain pour édifier un pôle culturel souhaité par Mitterrand : la Très Grande Bibliothèque. En 1989, une nouvelle consultation est lancée par l’APUR. C’est durant cette année que le projet de Paris Rive Gauche, nommé Seine Rive Gauche voit le jour. Un an après, les grandes orientations sont fixées et en 1991, le projet de la ZAC est accepté par le Conseil de Paris et la SEMAPA est désignée comme aménageur. Depuis l’annexion de ses terrains à la ville de Paris en 1860, le 13e arrondissement représente une réserve foncière des plus importantes pour le développement de la capitale. Ses terrains inexploités ont permis d’envisager des plans d’urbanisation de grandes ampleurs. Pourtant, les intentions architecturales n’ont pas toujours été comprises. Ainsi, suite aux changements et conflits politiques dix-sept années ont été nécessaires à la ville de Paris pour élaborer un nouveau plan d’aménagement. À travers le projet de Paris Rive Gauche, Paris espère se redonner une image moderne et imposante pour entrer dans la course des villes internationales. Pour autant, ce projet qui se voulait en adéquation avec le paysage urbain et l’héritage du patrimoine parisien va prendre une orientation différente. Les architectures et les proportions démesurées procurent à cette ZAC un caractère théâtral et unique en rupture avec le reste de la ville.
Depuis sa création le 13e arrondissement connait de fortes transformations. Cependant le secteur de la ZAC connait des évolutions mineures qui tendent à le domestiquer. Ce n'est que dans les années 90 que les constructions s’accélèrent. Originairement, le site est rural. Seul l’hôpital de la Salpêtrière, construit en 1656 en retrait des rives dû au caractère inondable, compose le paysage. C’est durant le XIXe siècle qu'il se densifie. Avant 1789, les parcelles étaient la propriété des abbayes de Saint-Victor et de Saint-Marcel . Seulement, la 11 Révolution Française amène la vente des terrains au titre de biens nationaux à des paysans pour combler les dettes de l’Etat, en vertu du décret du 2 novembre 178912 . En 1830, l’Etat projette l'enceinte des Thiers (opération débutée en 1841). Dans ce contexte, le secteur intègre la ville de Paris et en 1840 l’entreprise des chemins de fer d’Orléans acquiert les terrains. Cet achat génère une forte industrialisation sur les parcelles vides : en une vingtaine d’années, les terrains voient se construire la grande halle d’Austerlitz, la gare de Tolbiac, les magasins généraux, la SERNAM et la Halle aux marchandises . Ces installations poussent les pouvoirs publics à aménager des voies de circulation et 13 des ponts pour fluidifier les déplacements. Se succèdent de nouvelles usines comme la SUDAC. Le site continue de s'industrialiser mais les secteurs de l'industrie se diversifient. Seulement, au cours du XXe siècle, le territoire est en déclin : les industries se délocalisent dans la banlieue Sud de Paris. C’est dans ce contexte que les politiques envisagent à partir des années 70 un plan 14 d’aménagement en vue de redynamiser le secteur.
Au nord de la ZAC, au niveau de la gare d'Austerlitz se trouve l’empreinte de l’ancien lit de la Bièvre. Au début du XIXe, cette dernière se jette dans la Seine au niveau de la première gare d’Austerlitz édifiée en
11 PAZ 2003 p.30
« Décret des biens du clergé mis à la disposition de la Nation ». Wikipédia. [en ligne] Consulté le 07/02/2021. URL : 12 https:// fr.wikipedia.org/wiki/Décret_des_biens_du_clergé_mis_à_la_disposition_de_la_Nation
PAZ 2003 p.3013
BASTIÉ, Jean. 14 La croissance de la banlieue parisienne. Presses universitaires de France, 1964. p.624. 24