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I. La Bibliothèque nationale de France : le point de départ de la ZAC

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Bibliographie

Bibliographie

Cette partie permet de mettre en évidence les différentes architectures qui résultent des choix émis par les acteurs du projet. C’est à travers celle-ci que nous allons dévoiler le caractère démesuré des architectures du site. La ZAC est pensée comme un quartier mixte et innovant, elle est d’une richesse architecturale sans précédent avec un paysage très hétéroclite témoignant des innombrables projets des acteurs. Ainsi, l’avenue de France au niveau de la BnF ne ressemble pas au secteur de la faculté de Paris Diderot, ni au secteur de la Halle Freyssinet, ni de l’avenue Pierre Mendes, ni au quartier Bruneseau. Ce dernier possède une grande diversité urbaine avec la Cité Kagan, l’hôtel industriel Berlier de Perrault, les Tours Duo en cours de construction et les Silos rénovés, en s’insérant dans un contexte historique fort : le Paris d’Haussmann, avec la rue de Tolbiac. Dès lors, la construction dans cette ZAC soulève plusieurs problématiques : il s’agit de composer avec des architectures issues d’époques variées dans un système économique où les concepteurs délaissent le paysage urbain au profit de l’objet architectural.

I. La Bibliothèque nationale de France : le point de départ de la ZAC

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Après sa réélection, François Mitterrand décide d'un dernier grand projet présidentiel. Ce projet a une vocation particulière. Premier président socialiste de la Ve république, il met en avant dans sa politique la culture. Avec ce projet, il souhaite marquer la capitale et son mandat. Il pense un nouveau projet en lien avec ses ambitions de son premier mandat ; c’est-à-dire offrir la culture aux citoyens en imaginant une architecture d’une ampleur nouvelle. Le projet découle du besoin d’agrandir et de moderniser la Bibliothèque nationale de France du site Richelieu. Le concours est lancé en 1989, en parallèle de la naissance du projet de la ZAC Paris Rive Gauche. François Mitterrand souhaite inaugurer son œuvre avant la fin de son mandat. Le délai est très court. Pourtant le pari est tenu et la bibliothèque est inaugurée en 1996. La Bibliothèque nationale de France découle des architectures issues de la politique mitterrandienne. Il s’agit d’une architecture symbole. Elle est à la fois le symbole du savoir : elle regroupe quelques milliers d’ouvrages dans tous les domaines du savoir, et un symbole politique : son accès est libre, ouvert à tous. Ainsi, il marque la ville et son époque. Le projet retenu est celui de Dominique Perrault. Jeune architecte à l’époque, il s’impose face aux agences Chaix et Morel, Jan Kaplicky & James Stirling. L'architecture imaginée par ce dernier fait écho à son architecture qu’il réalise quelques années auparavant pour le projet de l’hôtel Berlier, plus au sud dans la ZAC.

Le projet envisagé par le Président est d’une superficie extrêmement conséquente : 350 000 m² de plancher. Cela correspond à trois fois la surface du centre Pompidou. Ainsi pour ne pas créer un objet architectural trop massif, l’architecte décide d’enterrer une partie du projet. À cette période, il mène des recherches, avec des étudiants de l’école polytechnique de Lausanne, sur la question de « l’épaisseur du sol » et ce qu’il peut contenir comme programme en vue de dégager et d’alléger l’espace au-dessus.

Le bâtiment se compose d’un socle en bois, servant de parvis, sur lequel sont posées quatre tours de verre en équerres (Annexe. 4 ; Fig. 4). Elles permettent de signaler et de délimiter les angles de l’ouvrage enseveli 30 m sous l’esplanade30. Leur forme fait écho à des livres ouverts. Au centre du parvis, se trouve dans une excavation profonde variant de 2,5m à 3m dans laquelle loge un jardin, « un autre monde »31. Creusé dans de la roche calcaire, le jardin se compose de 126 pins sylvestres transférés de la forêt de Bord en Normandie. D’autre espèces comme le pin, le chêne, le bouleau, la jacinthe, le géranium ou la fougère complètent le sous-bois. Cette forêt recomposée est un atout pour la ville et l’éco-système. Son inaccessibilité à l’homme permet d’accueillir différentes espèces animales et végétales temporairement ou définitivement. Ainsi, ce jardin participe pleinement à l’expansion de la trame verte dans la ZAC et dans la capitale32 .

La bibliothèque est le premier bâtiment français à ne pas être clôturé et fermé au public. Son esplanade est pensée comme un lieu générateur de liens sociaux par ses concepteurs. Elle joue un rôle très important dans la ZAC puisqu’elle est un des rares espaces publics du projet urbain. L’esplanade est réalisée en bois d’ipé. En cas d’intempérie, ce bois exotique devient glissant, surtout dans les escaliers. Ainsi, il a été nécessaire d’intervenir pour réduire cet inconvénient en vue de sécuriser les usagers.

Les tours comprennent les espaces de bureaux réservés au personnel et les magasins de stockage des collections . 33 L’organisation des programmes ne correspond pas à la logique d’agencement d'une bibliothèque. Pour réduire le risque de surchauffe des magasins, il aurait été plus intéressant de les placer en sous-sol. Contrairement à cela, ce sont les espaces de lecture qui sont placés au sous-sol : ils se séparent en deux niveaux. Le premier comporte la bibliothèque de recherche en rez-de-jardin, qui permet de consulter les collections patrimoniales. Le deuxième niveau accueille la bibliothèque publique. Formellement, la bibliothèque s’inspire du cloître médiéval : un espace de déambulation vitré et agrémenté de mobiliers sépare les salles de lectures du jardin central. Cet espace est d’un grand calme rappelant celui des monastères. Cela est dû à la disposition des espaces autour. Toutes les salles sont ouvertes sur cette coursive. Ainsi, le bruit se répand facilement. La bibliothèque est donc plongée dans un silence constant pour le bien-être des usagers, cela incite une ambiance particulière.

Le projet se voulait simple, classique, minimaliste, monumentale mais complet. Ainsi, l’architecte a pensé le moindre détail du projet allant même jusqu’à concevoir l’agencement et le mobilier, ce qui est rare dans l’histoire de la commande publique française. À cette période, il était déjà question d’exploration et d’innovation, notamment pour les matériaux intérieurs. L’architecte utilise le métal tissé, une première dans l’architecture.

ROBERT, Jean-François et LE CHATELIER, Luc. « Rencontre avec le créateur de la BnF ». 30 Télérama n°3563. 25/01/18. [en ligne] Consulté le 04/06/2020. URL : http://www.perraultarchitecture.com/data/news_1dab7/fiche/ 2475/20180425_telerama_e3c45.pdf

« Bibliothèque Nationale de France ». Dominique Perrault Architecture. [en ligne] Consulté le 12/05/2020. URL : http://

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www.perraultarchitecture.com/fr/projets/2465-bibliotheque_nationale_de_france.html

BnF Le site François-Mitterrand. URL : https://www.bnf.fr/fr/le-site-francois-mitterrand#bnf-le-jardin-for-t

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« Bibliothèque Nationale de France ». Dominique Perrault Architecture. [en ligne] Consulté le 12/05/2020. URL : 33 http:// www.perraultarchitecture.com/fr/projets/2465-bibliotheque_nationale_de_france.html 46

Pour autant, si la façade de son architecture semble être simple, elle s’avère être en réalité d’une grande complexité. Elle a suscité un grand travail sur l’isolation, relevant de la prouesse technique. Les programmes au sein des tours doivent répondre à une bonne thermique afin que le verre ne crée pas de surchauffe. La conservation des livres dans les magasins de stockages répond à des normes strictes liées à la température et à l’hygrométrie. Ainsi l’architecte et les ingénieurs ont mis en place une nouvelle climatisation hors norme qui permet de réguler la totalité des bâtiments. Mais celle-ci est à l’origine de plusieurs problèmes de dysfonctionnement. Premièrement, très peu d’artisans sont assermentés pour réparer ce prototype. De plus l’attention portée à la plomberie a été négligée au profit de la machinerie, causant des dérèglements notamment dans la climatisation de certains espaces. S’ensuit un problème d’inondation. Les pentes des dalles permettant d’évacuer l’eau des placards de climatisations n’ont pas été réalisées dans le bon sens à certains étages. Ainsi, l’eau s’infiltre à travers le sol pour inonder les étages inférieurs34 . Le projet initial ne comportait pas de volet. La façade se devait être filtrante et transparente : une innovation supplémentaire pour le projet et la ZAC. Seulement, l’architecte s’est ravisé suite aux échecs de ses prototypes. Ne souhaitant pas revoir le concept de transparence de son projet en vue d’insérer des verres opaques, il décide d’ajouter des volets en bois. Les volets sont pivotants sur les premiers étages. Ils permettent aux usagers des bureaux de les incliner en fonction de leurs besoins. Pour les magasins, les volets sont fixes afin d’assurer une opacité constante pour la conservation. Si le projet initial se voulait transparent, avec cette double peau de bois, le concept perd sa force. D’autant plus que ce rajout vieilli mal : le bois collé sur des plaques métallique se détériore laissant entrevoir la structure. Enfin des incidents sont survenus notamment dans les salles de lectures, avec l’effondrement d’une plaque de faux-plafond en bois, ou d’une vitre des portes en verres extérieurs qui par le poids s'est brisée, et d’un problème avec une herse en métal qui s’est écroulée à la suite d’un défaut de fabrication. Ces problèmes ont provoqué une vague de critiques négatives sur ce nouvel édifice culturel, desservant sa notoriété. Des opposants de François Mitterrand dénoncent aussi le projet qualifié de trop couteux, trop imposant ou conçu par un architecte trop jeune. Le projet initial, livré en 1996, a connu des corrections en vue d’améliorer son fonctionnement. Ces modifications, essentielles pour un bon accueil du public, ont mené au déclin de la qualité architecturale du bâtiment.

Si l’architecture possède de belles qualités architecturales notamment dans ses salles de lecture, elle correspond mal à son programme. Un des objectifs de ce projet était de donner à Paris un nouvel emblème symbolisant la modernité de la ville. Le choix de ce site pour implanter la grande bibliothèque n’est pas anodin : sa vocation à devenir un quartier international correspond avec les orientations souhaitées par le président. Ainsi, avec sa mise en scène au bord de la Seine et la hauteur de ses tours, elle culmine dans le quartier et devient visible à travers la capitale. Elle s’insère dans la continuité d’un tissu de places de renommées historiques et mondiales : la Concorde, le Champ de Mars et les Invalides. Ainsi, la bibliothèque est placée comme une œuvre d’art urbaine, une nouvelle place emblématique de Paris. La nouvelle place du XXe siècle.

« La véritable histoire de la Grande Bibliothèque », 34 L’Express, publié le 01/09/2002, [en ligne] Consulté le 10/12/2020. URL https://www.google.fr/amp/s/www.lexpress.fr/culture/livre/la-veritable-histoire-de-la-grande-bibliotheque_806736.amp.html 47

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