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2. Les architectures existantes
from PARIS RIVE GAUCHE : UNE ZAC D’EXCEPTIONS De Seine Rive Gauche à Paris Rive Gauche
by Léa Daumalle
Bien qu’il y ait un coté exceptionnel dans la rénovation d'un aussi grand patrimoine industriel, nous observons un paradoxe entre les deux types d’architectures contemporaines présentes sur le site : les architectures industrielles sont rénovées dans le respect et la continuité de l’architecture existante tandis que les nouvelles architectures se veulent spectaculaires. Nous devons ce paradoxe à leurs commanditaires. Majoritairement, les architectures industrielles font parties d’une opération de rénovation lancée par la commande publique. Ainsi elles sont plus sujettes à une critique de l’électorat. Dans le but de se promouvoir une belle image, les politiques restaurent ces emblèmes dans la plus grande considération de l'architecture initiale. Paris s’impose comme une capitale occidentale avec un fort patrimoine. Il est obligatoire de le conserver et de le mettre en valeur.
Pour autant cette considération pour le patrimoine industriel se limite aux grandes et belles industries. Nous comptons dans le secteur de la ZAC Paris Rive Gauche à peu près 27 établissements industriels35 (Annexe. 3). Pourtant l’opération de la ZAC s’est contentée d’en conserver sept d’entre eux (les bâtiments cités précédemment ainsi qu’un ancien bâtiment de la SNCF reconverti en théâtre). Une ancienne usine rénovée dans les années 80 n'a pas eu ce privilège. Reichen & Robert reconvertissent cet ancien bâtiment industriel en un atelier d’art nommé Cité des Arts. Seulement, dans les années 1990-2000, ce dernier est démoli et toute trace est effacée.
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Réutiliser le patrimoine industriel pour de nouveaux programmes publics, rénové par de grands noms de l’architecture, permet aux politiques de se démarquer, de conserver ce patrimoine cher à la ville tout en s’inscrivant dans le durable. Cette logique s’inscrit dans la démarche de construire autrement souhaitée par le ministère de l’environnement.
2. Les architectures existantes
En plus de la présence des friches industrielles se trouvent sur le site des logements et des équipements publics. Ces architectures témoignent d’époques de constructions bien distinctes.
Nous comptons parmi elles l’Hôtel Berlier. Situé au sud de la parcelle, entre le boulevard Masséna et le périphérique urbain, cet hôtel est un des emblèmes de l’architecture-symbole des années 80. Construit par Dominique Perrault, il est pensé dans une esthétique sobre, épurée, de verre et métal. Cette architecture bien que très séduisante, ne correspond pas à sa programmation. Ainsi, il subit une vague de critiques lors de son édification. De plus, il se trouve dans un secteur vide où sa hauteur dominait, précédemment, le paysage ; il rayonnait dans son secteur. Aujourd’hui, des tours d’une hauteur de 180m sont en construction, à côté de l’hôtel industriel. Ainsi, il se retrouve écrasé par ces géantes. Pour autant, les architectures, de 40 ans d’écart, sont concordantes. Nous retrouvons des façades rideaux de verre et métal avec une structure en béton. Si l’hôtel Berlier perd de sa prestance avec la construction des tours, son architecture se trouve projeté dans l’ère contemporaine. Mais ce bâtiment qui été perçu à l’époque comme un élément surdimensionné dans la ville se trouve être anodin aujourd’hui.
La Cité technique et administrative de la ville de Paris, dite Cité Kagan est une autre présence architecturale forte de ce secteur. Elle se situe après le périphérique urbain, au bord de la Seine. Cette architecture est conçue par Michel Kagan en 1991, en même temps que l’hôtel Berlier, cependant elle s’inscrit dans une architecture contradictoire. Elle est pensée en correspondance avec les échelles de la ville traditionnelle. Elle se compose de différents blocs blancs orientés autour d’une cour centrale. Bien qu’elle soit en tous points différente, cette architecture suscite la même critique que sa consœur. En 2005, l’architecte est rappelé pour y construire un immeuble universitaire dans la continuité de sa première œuvre. Récemment, l’ensemble a fait face à une menace de destruction. Finalement il est conservé mais est voué à s’effacer face aux projets de tours du secteur Bruneseau Nord. En effet une tour de 100m de haut doit venir compléter le programme. Cependant, le nouveau propriétaire va réinvestir ces espaces dans le but d’en faire à terme une cité artisanale et redonne un nouveau souffle à cet espace vide et délaissé.
La gare d’Austerlitz ouvre ses portes la première fois en 1840. Elle dessert la capitale dans le sud de l’Île-deFrance, de l’Orléanais, du Berry et de l’ouest du Massif central. Après deux agrandissements, la gare que nous connaissons actuellement est reconstruite entre 1862 et 1867, par l’architecte Pierre-Louis Renaud. Son environnement, lui procure un atout majeur : sa capacité d’agrandissement. L’architecte a ainsi pu multiplier par 2,5 sa surface initiale. Elle se compose d’une grande halle métallique d’une portée exceptionnelle de 51,25m et de 280m de long conçue par Ferdinand Mathieu. Elle est la seconde plus grande en France après celle de Bordeaux. La structure de la couverture est assurée par des fermes issues du système Polonceau. Elles font parties des plus belles construites. Ces éléments participent pleinement au patrimoine de la gare. Elis Robert, ajoute au bâtiment des allégories au décor de la gare. Malgré le nouvel aménagement et l’agrandissement, cette gare s’oublie dans le paysage. Elle se cache derrière un immeuble d’administration plus haut et plus imposant, et qui ne lui procure aucune visibilité depuis la place Valhubert. La gare ne se compose pas d’aménagements habituels comme d’autres grandes gares avec leurs parvis. Ainsi, ce bâtiment se perd dans son contexte urbain avec l’hôpital de la PitiéSalpêtrière, le jardin des plantes et la Bnf. Aujourd’hui le bâtiment du monde qui émerge s’ajoute à la liste. Bien que son architecture soit pensée en adéquation avec le patrimoine de la gare, il lui fait tout de même de l’ombre. Si sa position lui a permis d’être agrandie contrairement aux autres gares parisiennes, elle soulève de nombreuses interrogations. Bien qu’elle soit stratégique par sa proximité avec le port fluvial de Paris, la gare se trouve excentrée et isolée par rapport au reste de Paris. Elle se trouve dans un des anciens quartiers les plus pauvres de Paris, délaissé par les opérations d’aménagements du Baron Haussmann. Ainsi, de nombreux parisiens abandonnent cette gare. L’arrivée du métro et du RER en souterrain relancent cependant l’attraction. Mais c’est en 2011, avec l’aménagement de la ZAC, qu’une opération de rénovation est lancée en vue d’accroître le trafic et de lui redonner du dynamisme et de la centralité dans la ville. L’aménagement et l’organisation de la gare sont revus afin d’optimiser les espaces et d’en créer de nouveaux pour imaginer une nouvelle vie de quartier. Les bâtis historiques seront rénovés en vue d’améliorer leurs performances techniques. Ces rénovations permettent de restaurer les caractéristiques originelles : couleurs, architectures… Un autre aménagement se porte sur le parvis de gare, face à la Seine. Il s’agit de concevoir une marquise en
béton commune entre la gare et le bâtiment du monde. Dans la continuité de l’aménagement extérieur du bâtiment du monde, il va s’agir de créer un nouvel extérieur convivial qui ramène de l’attractivité sur le site. Au fil des années, l’isolement de la gare a primé sur ses qualités d’espaces et son activité. L’opération de la ZAC de Paris Rive Gauche est donc l’opportunité de redonner vie à ce hall ferroviaire. L’attractivité qu’il va engendrer notamment avec son quartier d'affaires amènera de nouveaux voyageurs tant bien à la gare qu’au métro et au RER. Dans les années 70, les capitales du monde renouvellent l’utilisation de la gare comme élément attrayant36 . Elles deviennent de nouveaux points d’attraction et le point de départ des nouveaux aménagements urbain, autour desquelles vont se succéder de nouvelles architectures. La gare et son moyen de locomotion ont pour but d'attirer toutes cibles d’usagers (employés, touristes, voyageurs d’affaire, habitants…). Dans cette dynamique, la rénovation de la gare prend d'autant plus d’importance.
L’îlot Fulton fait partie, à un moment donné, du projet de sauvegarde des constructions du site. Situé en bord de Seine dans le secteur d’Austerlitz, il est construit dans les années 1950. La parcelle se constitue de plusieurs constructions formant un ensemble d’une centaine de logements sociaux, pensés par l’architecte en charge, Daniel Michelin. En 1985, il subit une première rénovation. Lors de la conception de la ZAC une deuxième réhabilitation à neuf est alors envisagée en vue d’améliorer les logements. Seulement, les normes en vigueur et les exigences écologiques et thermiques remettent en cause ce projet et les politiques optent pour une opération de démolition-reconstruction. Ce nouveau projet permet notamment d’augmenter la surface constructible et de faire évoluer le programme pour tendre vers une mixité fonctionnelle. Les nouvelles études débutent alors en 2008 grâce à la collaboration entre la filiale HLM de la SNCF, la SEMAPA et la mairie du 13e arrondissement. Les locataires seront relogés et participent pleinement au projet de reconstruction. Ainsi, ce projet, initialement de rénovation urbaine, devient un projet de programmes neufs où l’architecture d’origine laisse place à de nouvelles architectures contemporaines et surprenantes. C’est notamment le cas du premier immeuble de logements, Résidence Fulton (inauguré en 2017) pensé par l’architecte bordelais Bernard Bülher, pour le maître d’ouvrage ICF la Sablière. Son architecture se repère grâce à ses garde-corps en verre dichroïque qui colorent l'environnement urbain (Annexe. 4 ; Fig. 3). Cependant, pour ne pas effacer la trace du passé, le fils de l'architecte Daniel Michelin, Nicolas Michelin, réalise une exposition retraçant l’œuvre de son père et l’histoire de l’architecture des années 50, au sein du bâtiment. Durant le mois d’octobre 2013, avant la construction de la résidence, la Galerie Itinérrance, avec l'aide de la mairie du 13e et du bailleur ICF la Sablière, envisage une exposition de street art au sein du bâtiment. Une centaine d’artistes internationaux se regroupent pour investir la totalité de la surface et des meubles restants (intérieur comme extérieur). Cette pratique artistique permet de marquer le site dans la mémoire des visiteurs et de le démolir à travers un nouveau processus : ce n’est plus un bâtiment qu’on détruit mais une œuvre d’art éphémère qui tend à disparaître. Le 8 avril 2014, la tour est détruite. Cette exposition s’intègre dans la logique de mise en valeur de l’art urbain au sein de la ZAC avec les Frigos mais également de l’arrondissement avec le « musée à ciel ouvert du street-art », comme qualifié par la grande presse, à