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b) Les architectures
from PARIS RIVE GAUCHE : UNE ZAC D’EXCEPTIONS De Seine Rive Gauche à Paris Rive Gauche
by Léa Daumalle
L’avenue de France tient un rôle central dans l’organisation et la conception de la ZAC de Paris Rive Gauche. Les concepteurs ont porté un soin particulier quant aux architectures qui bordent cette avenue. En effet, celle-ci joue le rôle d’une vitrine dans laquelle chaque architecture est mise en scène, comme exposée aux passants. Lors des études, au début des années 1990, Paul Andreu met en garde les architectes sur les « architecturesmonuments » qui ponctuent la ZAC. À cette époque nous comptons la Bnf en construction, le hall de la gare d’Austerlitz et le Ministère des Finances, sur la rive droite. Son dessin de l’avenue de France se base sur le respect des échelles de la ville de Paris. Comme expliqué précédemment, l’architecte coordinateur base son aménagement sur un croisement de la rue du XIXe et celle du XXIe. Ainsi il souhaite ne pas cumuler trop de bâtiments à l’architecture exceptionnelle pour ne pas rompre avec cette échelle classique de la ville parisienne. Cependant, nous constatons que l’évolution de l’architecture est à contre-sens avec cette pensée. En effet, si la commande publique est très regardée, peu de critiques sont émises sur la commande privée. Cette production architecturale est réservée aux sièges sociaux des multinationales. Ce phénomène de constructions reste cependant très ponctuel à l’échelle de la ville. Pour autant, à l’échelle de l’avenue de France, ce phénomène est très répandu, causant une incohérence dans le paysage urbain (Annexe. 4 ; Fig. 6, 7, 8, 10, 11, 15 et 16).
Si le PAZ fixe une hauteur de gabarit, il n’y a aucune réglementation concernant les façades des bâtiments. Nous observons un panel très divers de matériaux, de couleurs et de formes se distinguant les uns des autres. Aucun projet n’est pensé en cohérence avec ses voisins, impulsés par la logique du star-system. Nous allons voir à travers différents exemples comment se manifeste l’architecture sur l’avenue de France. La première architecture se trouve dans le secteur d’Austerlitz. Il s’agit du bâtiment Le Monde de Snøhetta (Annexe. 4 ; Fig. 1). Son architecture est pensée comme un bloc dans lequel des parties ont été soustraites afin de créer des espaces publics : en résulte un bâtiment pont. Sa forme et sa position géographique lui confèrent un rôle de porte d’entrée de l’avenue et donc du quartier. Les espaces soustraits sous le pont ont permis la création d’une place publique, divisée en deux. Une première partie fait face à l’avenue Pierre Mendes-France et à la Seine et permet l’accès à l’accueil, à l’entrée de l'auditorium ou à l'entrée du personnel. Des plafonds voûtés en voile de béton se répandent reliant le bâtiment du monde à la gare d’Austerlitz. Ils représentent le « flux transitoire d'informations comme les nuages ou les étoiles se déplaçant dans le ciel ». Cette installation doit permettre de créer un lien visuel entre les deux bâtiments en vue de redynamiser le parvis de la gare. Ainsi, il est escompté que l'attractivité des nouveaux espaces publics du bâtiment du journal Le Monde profite aussi à la gare. La seconde partie de l’espace public de l’architecture fait face aux voies ferrées. Elle reçoit plus de lumière directe du soleil. Son aménagement a donc été pensé en conséquent. Un café et un aménagement paysager plus intime, doté de sièges et d’espaces verts permettent aux usagers de profiter pleinement de cet espace et de ses atouts. Pour faire sortir ce bâtiment du commun, les architectes ont porté une grande réflexion à sa forme mais aussi à sa façade. Elle est formée par une mosaïque de carreaux de verre semblant représenter des pixels. Cet effet est amplifié par la translucidité variable du verre - de transparent à opaque. L’idée est de porter un double regard sur cette façade : de loin,
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elle semble être homogène, simple, sobre et lisse alors qu’en réalité, elle se trouve être beaucoup plus complexe et travaillée. La complexité du projet Aurore T5B de Kengo Kuma réside dans sa parcelle. Elle fait partie des architectures construites en surplomb des voies ferrées du secteur Tolbiac. Ce projet est réalisé en association avec Marchi architectes. Il se compose de deux bâtiments abritant des complexes hôteliers. Le premier est une auberge de jeunesse « Slo Living Hostel » de 44 chambres, composée de programmes annexes. Elle permet de répondre aux besoins de logements des startupers de la station F. Le deuxième bâtiment est un hôtel cinq étoiles de 140 chambres avec des programmes adjacents . Son architecture inspire une forme naturelle qui laisse 39 descendre le ciel à la rue. La façade est constituée de panneaux formant des écailles. Avec sa forme déstructurée, les architectes ont cherché à créer une confusion dans la lisibilité du bâtiment. La structure en bois du bâtiment est modulable. Ce matériau vient se marier et jouer avec les reflets des panneaux en acier inoxydable. Le bâtiment s’animera en fonction des heures de la journée et de la luminosité, créant des jeux d’ombres et de lumières avec les écailles. L’immeuble se veut être un poumon vert au sein du contexte dense de la ZAC. Cela permet de répondre à des exigences écologiques mais aussi de faire écho au jardin de la BnF situé en face. Au centre, se trouve un jardin public de plantes locales ainsi que de multiples terrasses suspendues qui renforcent aussi le lien avec la promenade verte Claude-Lévi-Strauss à l’ouest40. Ce projet a pour but de devenir une référence dans ce nouveau quartier de la capitale. L’Atelier Phileas se charge de la coordination d’un aménagement décisif dans la conception de la ZAC. Situé sur le lot T10, au-dessus des rails de chemin de fer, il s’agit de concevoir un ensemble de trois immeubles, permettant de recréer un lien entre l’ancien 13e et le nouveau. La parcelle se situe à la limite de la ZAC, en lien direct avec le tissu plus ancien du 13e. Pour répondre à ce défi, les architectes jouent avec un épannelage sur les façades et en toiture afin d’offrir des points de vue sur le tissu existant. Cela permet d’ouvrir la percée visuelle et de ne pas se placer en opposition au reste du 13e. Ils s’entourent de deux autres équipes : LA Architectures et Architecte Search. Ensemble, ils conçoivent un complexe avec des identités architecturales définies et distinctes pour chaque bâtiment mais avec des concepts transversaux qui permettent de garder une unification générale. Les bâtiments se développent autour de trois axes : des espaces de programmes définis et délimités en façade, une skyline assurant une transition entre les deux quartiers (avec des ouvertures laissant entrevoir des vues et passer la lumière) et enfin un fil conducteur vert. Des terrasses collectives et privatives, des jardins partagés, des jardinières et des toitures végétalisées seront mises en place dans le but de répondre à des exigences écologiques et de ramener la nature en ville tout en liant les bâtiments entre eux. Les façades blanches des bâtiments garantissent une lisibilité claire. Elles ne surchargent que très peu l’espace urbain. Par ailleurs, malgré son aspect élémentaire, l’ensemble se trouve être imposant dans ce contexte urbain aéré par les espaces publics et le dénivelé qui le borde. Rudy Ricciotti conçoit entre 2012 et 2014 un ensemble de bureaux/logements nommé le Nid (Annexe. 4 ; Fig. 9). C’est un des ouvrages emblèmes de la ZAC de Paris Rive Gauche. Il se situe au carrefour de l’avenue de France et de la rue de Tolbiac, les deux axes majeurs du quartier. Tout comme les architectures bordant l’avenue de France, il se situe au-dessus des voies ferrées. Adjacent à la Bibliothèque nationale de
« Projet Aurore -T5B Paris Rive Gauche - Paris (75) ».39 OTEIS. [en ligne] Consulté le 20/08/2020. URL : http://www.oteis.fr/ project/aurore-t5b-paris-rive-gauche-paris-75/
« Projet Aurore T5B Paris Rive gauche développé par la Compagnie de Phalsbourg et Station F ». Arcadis. [en ligne] Consulté le
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03/08/2020. URL : https://www.arcadis.com/fr/france/news/communiques-de-presse/2017/projet-aurore-t5b-paris-rive-gauchedeveloppe-par-la-compagnie-de-phalsbourg-et-station-f/
France, il s’impose dans une architecture à la fois élégante et raffinée mais tout autant spectaculaire. Il se décompose en deux parties : un immeuble de bureaux et un de logements, séparés par un cœur d’îlot. Les façades des bureaux sont vitrées et recouvertes d’une résille de bois symbolisant un nid d’oiseau. Celle-ci a une fonction technique puisqu’elle agit comme un brise soleil. L’immeuble de logements est totalement différent. Il se démarque par ses façades lisses, dues aux pierres sombres noires et vertes, même si les balcons rendent les façades anguleuses. Les deux bâtiments distincts sont liés grâce à un cœur d’îlot hors du commun. Il se compose d’un petit jardin et d’un plan d’eau. La végétation y est haute et dense. Si les façades sur rue restent très sobres et simples, au cœur de l’îlot, l’architecture se révèle. Les façades donnant sur le jardin et le plan d’eau sont en verre et ondulantes. La hauteur des immeubles est à peu près de 33m de haut. Le bâtiment Home construit par Hamonic + Masson & Associés et Comte Vollenweider (Annexe. 3 ; Fig. 13 & 14) se compose de la première tour d’habitation du quartier depuis les années 70. Elle marque définitivement le retour à la hauteur dans la capitale française. Haute de 50m, elle forme un ensemble de logements avec un immeuble d’une hauteur plus basse. La tour verticale se compose de strates horizontales, de différentes orientations. Cet effet procure mouvement et dynamisme au bâtiment qui semble s’élever au ciel. Cette composition formelle possède un autre atout pour les logements : les balcons pivotants les uns par rapport aux autres garantissent le meilleur ensoleillement. La forme de l’immeuble horizontal est dessinée grâce à des gradins rappelant des courbes topographiques. Cette forme permet de laisser pénétrer la lumière de la rue au sein de l’îlot. Ces gradins prennent leur accroche sur un socle commun qui relie les deux bâtiments entre eux. Ce socle mêle espace commercial et logements, surplombé par un jardin en toiture. Ce projet possède une structure innovante pour pallier aux problèmes liés aux infrastructures de transports sous l’avenue de France : 333 boîtes à ressorts sont mises en place entre l’infrastructure et la superstructure. Cela permet de protéger le bâtiment des vibrations du réseau ferré. Les façades sont habillées d’un bardage en métal doré et argenté, qui reflète la lumière donnant au bâtiment un aspect de bijou, sur la vitrine urbaine qu’est l’avenue de France.
Les architectures sont soumises à une concurrence permanente dans le but d’être la plus innovante. La ZAC et plus précisément l’avenue de France devient le nouveau terrain de jeu des architectes : un laboratoire d’expérimentation où les concepteurs n’ont pas de limites ; encouragés par les aménageurs, les investisseurs et les politiques. C’est la grande visibilité mondiale que possède cette avenue, dans ce tout nouveau quartier d’affaires, qui rend attrayantes les parcelles aux yeux des investisseurs. Pourtant, lors de la composition urbaine de l’avenue, les aménageurs tentent de trouver une équité entre les règles urbaines et la marge de liberté de création individuelle de chaque architecte afin de conserver une uniformité et une régularité dans le paysage urbain41 .
Si un bon nombre des constructions justifient leur design grâce à la logique de star-system, nous distinguons deux catégories. La première, durant les années 80, représente la naissance de cette logique de construction. La deuxième apparaît durant les années 2000. Les architectures son impulsées par la constante recherche de
« L'avenue de France ». 41 Paris Rive Gauche. [en ligne] Consulté le 01/03/2020. URL : http://www.parisrivegauche.com/Lesquartiers-et-leurs-projets/2-axes-de-circulation-majeurs/L-avenue-de-France 63