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IIb RÉSUMÉ DES PRINCIPALES ÉTUDES SUR L’UBROGÉPANT

Extension des études ACHIEVE I et ACHIEVE II - 202111

Analyse post hoc des études ACHIEVE I et II)

Recrutement de septembre

2016 à août 2018

52 semaines n = 1230

Majoritairement des femmes (90 %)

Âge moyen : 41 ans

Critères d’inclusion : n Possibilité de traiter jusqu’à 8 crises par mois (peu importe la gravité), avec possibilité d’une dose additionnelle après 2 heures

2 groupes à l’étude contre placébo

1. ubrogépant 50 mg

2. ubrogépant 100 mg

La comparaison au traitement standard était seulement utilisée dans le cas de problèmes hépatiques, évalués par un comité indépendant

Effets indésirables les plus communs

(≥2 %) : infection des voies respiratoires supérieures, rhinopharyngite, sinusite, infection des voies urinaires, influenza

Arrêt de traitement à cause d’un effet indésirable :

UBRO 50 mg : 2,2 %

UBRO 100 mg : 2,7 %

Forces n Données d’innocuité sur 1 an d’utilisation n Données encourageantes quant au maintien de l’efficacité après plusieurs prises

Faiblesses n Patients avec antécédents cardiovasculaires ou vasculaires cérébraux étaient exclus n Aucune comparaison directe avec d’autres traitements (comme les triptans)

Efficacité, tolérabilité et sécurité de l’ubrogépant en contexte populationnel - 202113

Étude de cohorte postcommercialisation dans la Mayo Clinic Arizona

Recrutement de janvier à juin 2020

Suivi fait de 1 à 3 mois après la prescription n = 106

Majoritairement des femmes (80,2 %)

Âge moyen: 46,3 ans

Critère d’inclusion : n Avec ou sans aura ayant pris au moins 1 dose et répondu à au moins 3 questions

Questionnaire standardisé à remplir par les patients recevant une nouvelle prescription d’ubrogépant (50 mg ou 100 mg)

Absence complète de migraine à 2 heures pour ≥75 % des crises : 19,0 %

Soulagement des migraines à 2 heures pour ≥75 % des crises : 47,6 %

Incidence des effets indésirables : 39,6 % mais aucun effet indésirable grave

Forces n Non financée par l’industrie n Population réelle (incluant patients avec antécédents cardiovasculaires ou vasculaires cérébraux, en combinaison avec les anticorps du CGRP en prophylaxie et ayant tenté plusieurs traitements et préventions dans le passé)

Faiblesses n Courte durée de suivi n Petit échantillon n Rétrospectif sans double-aveugle

Indications et essais cliniques

L’ubrogépant a été approuvé pour le traitement aigu de la migraine avec ou sans aura par Santé Canada en novembre 2022. Les États-Unis l’avaient approuvé en décembre 2019 pour la même indication. Le tableau II présente les études de phase III et leur extension qui ont mené à la commercialisation de l’ubrogépant, de même qu’une étude de cohorte post-commercialisation et une méta-analyse en réseau. Il est important de noter que plus de 80 % des patients à l’étude étaient des femmes d’origine caucasienne.

Étude ACHIEVE I 9

L’étude ACHIEVE I, réalisée par Dodick et coll. (2019), est un essai randomisé contrôlé multicentrique, mené en double aveugle. Le but était d’évaluer l’efficacité de l’ubrogépant à des doses de 50 mg et 100 mg lors d’une seule crise de migraine, comparé à un placébo par une randomisation 1:1:1. La population étudiée était des patients âgés de 18 à 75 ans ayant des migraines avec ou sans aura, à une fréquence de 2 à 8 crises par mois au cours des 3 mois précédents, et qui avaient des migraines depuis au moins 1 an. Les participants étaient autorisés à continuer leur prophylaxie antimigraineuse, sauf s’il s’agissait des anticorps du CGRP.

CAS CLINIQUE 2/3

Vous rencontrez Mme DP à la suite de la validation de l’ordonnance. Elle est très heureuse, car son neurologue lui a parlé d’un nouveau traitement pour soigner ses migraines. Elle se demande toutefois quel pourrait être l’avantage de ce nouveau traitement par rapport à son comprimé habituel.

Vous commencez alors par lui expliquer que l’ubrogépant fait partie d’une nouvelle famille de médicaments qui agissent différemment de l’élétriptan. Vous mentionnez également qu’en utilisant l’ubrogépant pour les crises moins importantes, elle pourra avoir moins recours à son élétriptan, et donc limiter les migraines rebonds, mentionnées lors de sa rencontre avec votre collègue.

Vous n’omettez pas de dire à Mme DP qu’il est très important de prendre ce nouveau comprimé dès le début de la crise, avec ou sans nourriture, afin de profiter d’un effet maximal. Comme pour l’élétriptan, il est possible de prendre un deuxième comprimé après deux heures si la migraine est toujours présente. L’ubrogépant peut causer des nausées, de la somnolence et de la sécheresse de la bouche, tout comme les triptans. Toutefois, ces effets sont moins fréquents avec les gépants.

Les résultats primaires ont démontré que l’ubrogépant était plus efficace que le placébo pour faire disparaître la douleur dans les 2 heures suivant la prise de doses de 50 mg (RC 1,83 [IC95 % 1,25-2,66]; p = 0,002) et de 100 mg (RC 2,04 [IC95 % 1,41-2,95]; p < 0,001). L’ubrogépant était aussi supérieur au placébo pour faire disparaître le symptôme le plus incommodant associé à la migraine, qui différait d’un patient à l’autre (photophobie, phonophobie ou nausées), aux doses de 50 mg (RC 1,70 [IC95 % 1,27-2,28]; p = 0,002) et de 100 mg (RC 1,63 [IC95 %1,222,17]; p = 0,002).

Il faut toutefois retenir que les patients ayant une maladie cardiovasculaire ou cérébrovasculaire établie étaient exclus de l’étude. Ceux ayant un risque cardiovasculaire léger à modéré, déterminé par un algorithme incluant le score de Framingham, étaient quant à eux admissibles. On remarque tout de même que les patients à faible risque cardiovasculaire (risque Framingham de < 10 % sur 10 ans) représentaient environ 90 % des participants. De plus, étant donné l’évaluation sur une crise unique, il est important de noter que ces données ne peuvent pas être extrapolées à une utilisation chronique.

Étude ACHIEVE II10

Lipton et coll. (2019) ont mené l’étude ACHIEVE II qui était très similaire à l’étude ACHIEVE I. La principale différence réside dans les doses de 25 mg et 50 mg, comparé à un placébo. Les résultats primaires sont les mêmes que ceux de l’étude de Dodick et coll. L’ubrogépant a encore une fois prouvé sa supériorité contre le placébo en réussissant à arrêter la douleur dans les 2 heures suivant la prise d’une dose de 25 mg (RC 1,56 [IC95 % 1,09-2,22]; p = 0,03) et de 50 mg (RC 1,62 [IC95 % 1,14-2,29]; p = 0,01). Ce gépant était également plus efficace que le placébo pour mener à l’absence du symptôme le plus incommodant, après 2 heures avec la dose de 50 mg (RC 1,65 [IC95 % 1,25-2,20]; p = 0,01), mais pas avec la dose de 25 mg (RC 1,37 [IC95 % 1,02-1,83]; p = 0,07). Cet essai randomisé contrôlé a donc pu révéler que la dose de 25 mg est moins intéressante en ce qui a trait à l’efficacité, comparativement aux doses de 50 mg et 100 mg. Par conséquent, elle n’est pas commercialisée au Canada.

Plusieurs questions demeurent sans réponse à la suite de ces deux études, soit la persistance de l’efficacité après plusieurs crises ainsi que l’innocuité chez les patients

IIc RÉSUMÉ DES PRINCIPALES ÉTUDES SUR L’UBROGÉPANT

Comparaison de nouveaux agents pharmacologiques avec les triptans pour le traitement de la migraine - 202114

Revue systématique et méta-analyse en réseau incluant 64 études randomisées contrôlées Recherche dans la littérature scientifique le 5 mars 2020 (études datées entre 1991-2019) n = 46 442

Majoritairement des femmes (74 % à 87 %)

Âge moyen : 36 à 43 ans

Traitements inclus (offerts au Canada) : Dihydroergotamine 2 mg et 3 mg intranasal; almotriptan

6,25 mg et 12,5 mg; élétriptan 20 mg et 40 mg; frovatriptan 2,5 mg; naratriptan

1 mg et 2,5 mg; rizatriptan

5 mg et 10 mg; sumatriptan

10 mg intranasal et 50 mg et 100 mg PO; zolmitriptan

2,5 mg; ubrogépant 50 mg et 100 mg

Absence complète de migraine à 2 heures : Triptans étaient supérieurs à l’ubrogépant : RC entre 1,54 [IC95 % 1,00-2,37] et RC 3,05 [IC95 % 2,02-4,60]

Forces n Comparaison indirecte avec des triptans n Ubrogépant n’a pas été associé à un risque plus élevé d’effets indésirables par rapport au placébo (contrairement à la majorité des triptans) n Analyse de sensibilité rapporte des résultats similaires

Faiblesses n 92 % des études ne permettaient pas l’utilisation concomitante de prophylaxie antimigraineuse n Évaluation d’une seule crise de migraine dans la plupart des études et évaluant un seul paramètre d’efficacité (douleur) n Évaluation de la réponse à court terme seulement (ubrogépant aurait un effet tardif bénéfique de 5 h à 8 h postdose) ayant des problèmes cardiovasculaires et ceux sous anticorps du CGRP en contexte de prophylaxie. À la suite de ces études, l’efficacité relative de l’ubrogépant en comparaison avec les autres traitements, particulièrement les triptans, est toujours inconnue.

Une étude ouverte randomisée multicentrique de phase III de 52 semaines, qui est en fait une extension de ACHIEVE I et II, a été menée afin de mieux évaluer la sécurité et la tolérance à long terme de l’ubrogépant aux doses de 50 mg et 100 mg, par rapport au traitement standard (en aveugle entre les doses d’ubrogépant)11

Le traitement standard était seulement utilisé pour évaluer l’innocuité hépatique, puisque les patients étaient déjà stables avec ces molécules.

Ainsi, la prise intermittente de l’ubrogépant semble être sécuritaire, entre autres du côté hépatique et cardiovasculaire, avec une majorité d’effets indésirables d’intensité légère à modérée. De plus, les effets indésirables rapportés par les patients étaient souvent considérés comme non reliés au traitement et entraînaient rarement une cessation du traitement (< 3 %).

Il est également important de noter que les auteurs n’ont pas remarqué de lien entre la fréquence des effets indésirables et le nombre de crises traitées par mois. Le nombre de patients n’ayant pas de douleur après 2 heures concordait avec les données recueillies dans ACHIEVE I et II, même après 1 an d’utilisation de la molécule.

CAS CLINIQUE 3/3

Vous mentionnez toutefois à la patiente qu’il existe une interaction entre sa nifédipine, un inhibiteur modéré du CYP450 3A4, et ce nouveau médicament. Vous devrez alors diminuer la dose de l’ubrogépant à 50 mg en faisant une modification de la thérapie médicamenteuse pour gérer l’interaction. Vous lui remettez son médicament et vous planifiez un suivi au prochain renouvellement.

OPINION D’UN EXPERT SUR LE MÉDICAMENT

La migraine est la première cause « d’années vécues avec une invalidité » dans le monde, chez les moins de 50 ans, selon l’OMS. Souvent perçue comme une condition de santé bénigne, elle a pourtant un impact majeur sur la vie de la personne atteinte. Le CGRP est une cible thérapeutique bien démontrée, et l’efficacité des anticorps contre le CGRP est observée en clinique. La nouvelle classe des gépants, agents oraux bloqueurs du récepteur du CGRP, est innovatrice, car on l’utilise pour le traitement de la crise (ubrogépant) et pour la prévention (atogépant). La place des gépants dans les algorithmes de crise et de prophylaxie est à établir en fonction de leur efficacité et de leur innocuité, mais également en tenant compte de la couverture par les assurances. Au final, les personnes souffrant de migraines bénéficient d’une autre option spécifique pour améliorer leur capacité fonctionnelle et leur qualité de vie.

Elizabeth Leroux, M.D., FRCPC, neurologue spécialisée en céphalées et fondatrice de Migraine Québec et Migraine Canada

Une autre analyse post hoc a vérifié si les antécédents de réponse aux triptans (répondant, non répondant ou n’ayant jamais pris de triptans) avaient un impact sur l’efficacité de l’ubrogépant. Les données recueillies ont démontré que l’ubrogépant était efficace dans les trois sous-groupes, prouvant ainsi qu’il n’y a pas de différence significative en lien avec la réponse initiale des patients aux triptans12

Efficacité, tolérabilité et sécurité de l’ubrogépant en contexte populationnel - 202113

Une étude de cohorte postcommercialisation, réalisée par un centre tertiaire de traitement des maux de tête (Mayo Clinic Arizona), a évalué l’efficacité et l’innocuité de l’ubrogépant chez 106 patients représentant une population en contexte réel.

À l’aide d’un questionnaire standardisé, quelques données rassurantes jusqu’ici manquantes ont été récoltées. Aucune complication vasculaire n’est ressortie au sein de la population étudiée, malgré la présence de 15,1 % de patients avec antécédents d’un trouble cardiovasculaire ou cérébrovasculaire significatif, comme un accident cardiovasculaire ou une maladie coronarienne. L’incidence d’effets indésirables a été plus grande dans la population réelle, avec la fatigue en tête de liste, sans toutefois rapporter d’effets indésirables graves. Également, plus de la moitié des patients avaient reçu un traitement d’anticorps du CGRP comme prévention antimigraineuse et les résultats d’efficacité sont restés semblables malgré la prise concomitante. Cependant, ces patients ont rapporté des effets indésirables d’intensité modérée plutôt que légère, sans changement quant à la fréquence.

Comparaison de nouveaux agents pharmacologiques avec les triptans pour le traitement de la migraine - 202114

Cette méta-analyse a permis de comparer indirectement l’ubrogépant aux triptans, les agents de première ligne actuels. L’ubrogépant a démontré une plus grande efficacité que le placébo pour arrêter la douleur dans les 2 heures, mais son efficacité était inférieure aux différents triptans. En revanche, son profil d’innocuité était avantageux, similaire au placébo, alors que la majorité des triptans avait une incidence d’effets indésirables plus élevée, à l’exception de l’almotriptan.

L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) s’est penchée sur le sujet, mais n’a pas émis de recommandations quant au remboursement de l’ubrogépant, considérant qu’elle n’avait pas le prix canadien du produit au moment de sa publication. Elle mentionne toutefois qu’il est difficile de déterminer la place de l’ubrogépant au sein de la thérapie antimigraineuse puisqu’il n’a pas été comparé directement aux traitements aigus actuels, comme les triptans15 De son côté, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) n’a pas fait d’évaluation pharmaco-économique sur l’ubrogépant16

Effets indésirables

Le tableau III présente les principaux effets indésirables rapportés par les études ACHIEVE I et ACHIEVE II

Les effets indésirables survenus dans les 48 premières heures et dans les 4 semaines suivant la prise du médicament y ont été évalués. En général, la molécule semble avoir un profil d’innocuité intéressant, sans effets indésirables graves ou majeurs. Par contre, il faut prendre en compte que les pourcentages dans le tableau peuvent différer de la prévalence réelle de ces effets indésirables dans la pratique.

Iii

EFFETS INDÉSIRABLES DE L’UBROGÉPANT À DES DOSES DE 50 MG ET 100 MG SURVENUS DANS LES 48 HEURES SUIVANT LA PRISE, PRÉSENTÉS DANS LES ÉTUDES ACHIEVE I ET ACHIEVE II8

Une des préoccupations importantes lors des essais cliniques avec l’ubrogépant a été l’élévation des enzymes hépatiques. Celle-ci a été observée lors d’études avec un autre gépant, le telcagépant, et a mené à l’arrêt de son développement. Toutefois, les données des études ACHIEVE I et II ainsi que leur extension sont rassurantes à cet égard. Effectivement, les rares cas d’élévation des ALT ou AST à plus de 3 fois la limite supérieure normale ont été, pour la plupart, considérés comme étant probablement non liés au traitement. D’ailleurs, aucun patient ne satisfaisait les critères pour un cas potentiel de la loi de Hy, qui permet d’estimer la probabilité qu’un patient soit à risque élevé d’hépatotoxicité médicamenteuse9-11. Bien qu’aucune recommandation n’ait été émise à ce sujet, le suivi des enzymes hépatiques ne semble donc pas recommandé d’emblée.

Enfin, les effets indésirables graves ont été rapportés à une fréquence de 0,2 %. Ceux-ci incluaient des cas d’appendicite, d’avortement spontané et d’épanchement péricardique.

Mise en garde et contre-indications

Selon la monographie, le médicament est contre-indiqué si le patient a une réaction d’hypersensibilité au médicament ou à l’un de ses excipients, et si le patient prend l’ubrogépant en concomitance avec un inhibiteur puissant du CYP450 3A4, à cause du risque d’accumulation.

Insuffisance hépatique

En présence d’insuffisance hépatique, aucun ajustement de dose n’est requis dans les cas légers à modérés. En effet, on observe chez ces patients une augmentation de l’exposition à l’ubrogépant de 25 % et de 52 %, respectivement. Lorsque la posologie recommandée est respectée, de telles augmentations ne sont pas jugées cliniquement significatives. Dans les cas plus graves, il est recommandé d’utiliser l’ubrogépant à demi-dose, soit 50 mg per os pouvant être répété 1 fois, au moins 2 heures après la dernière dose. La dose maximale quotidienne d’ubrogépant devient donc 100 mg per os8

Suivi Et Surveillance De La Th Rapie

Efficacité n Au prochain renouvellement, il est recommandé de documenter le nombre de crises soulagées adéquatement suivant la prise de l’ubrogépant. Cela peut être plus facile si le patient remplit son calendrier de migraine.

Innocuité n Vérifier la présence d’effets indésirables, tels que des étourdissements ou de la somnolence. n Un bilan hépatique n’est pas indiqué d’emblée. Il serait envisageable de le faire si le patient présente plusieurs comorbidités le mettant à risque d’une atteinte hépatique, selon le jugement du clinicien.

Adhésion n En cas d’efficacité insatisfaisante, vérifier si la méthode de prise (dès les premiers symptômes) et les mesures non pharmacologiques sont optimales. n En cas d’une surutilisation, pensez à instaurer une prophylaxie ou à la modifier. Une prise en charge de l’ajustement du traitement prophylactique de la migraine, facturable à la RAMQ, est également possible. Pensez toujours à la possibilité de céphalées médicamenteuses avec les autres agents.

Populations spéciales

Grossesse

Insuffisance rénale

Chez les patients souffrant d’insuffisance rénale, l’ubrogépant peut être donné à des doses régulières, jusqu’à une clairance à la créatinine (mesurée avec la formule de Cockcroft-Gault) de 30 ml/min inclusivement. En deçà d’un tel seuil, une dose maximale de 50 mg par prise est recommandée. Sous 15 ml/ min, son usage devrait être évité par manque de données. Toutefois, l’élimination urinaire sous forme inchangée semble minime (6 %) et pourrait avoir peu d’impact sur l’exposition à l’ubrogépant.

Effet sur l’intervalle QT

L’ubrogépant n’a démontré aucun effet pharmacodynamique sur l’intervalle QT, et ce, à des doses de 100 mg et de 400 mg (c’est-à-dire au-delà de la dose maximale recommandée)8.

Les données animales démontrent une augmentation des avortements spontanés, de la mortalité embryofoetale et d’autres complications.

Les données humaines pour quantifier le risque associé à l’utilisation de la molécule chez la femme ou le fœtus sont insuffisantes. Il est toutefois connu que le CGRP est un neuropeptide important pour la circulation sanguine placentaire et son implantation17. Ainsi, antagoniser ce neuropeptide par l’action de l’ubrogépant pourrait théoriquement avoir un effet délétère pour le bébé s’il est pris durant la grossesse. Pour les femmes désirant commencer une thérapie avec l’ubrogépant, il serait donc conseillé d’aborder le sujet de la contraception.

Allaitement

L’ubrogépant serait présent dans le lait maternel à des concentrations comparables aux taux plasmatiques maximaux atteignables chez la mère. Sa pharmacocinétique n’ayant fait l’objet d’aucune étude chez les nourrissons, son utilisation durant la période d’allaitement est donc déconseillée8.

Fertilité

La molécule n’a pas eu d’effet sur la fertilité chez le rat. Il n’y a pas de données chez l’humain8

Pédiatrie

Santé Canada n’a pas autorisé l’indication chez cette population8. Des études de phase III sont toutefois en cours chez les 6 à 17 ans, aux ÉtatsUnis.

Gériatrie

Les patients de 65 ans et plus ont fait l’objet d’évaluations pharmacocinétiques limitées. L’utilisation n’est pas contre-indiquée, mais un niveau de vigilance supplémentaire est nécessaire étant donné la fréquence accrue de comorbidités hépatiques et rénales dans cette population, qui peut avoir un effet sur l’exposition à l’ubrogépant8.

Interactions médicamenteuses

L’ubrogépant ne semble pas être le précurseur d’interactions médicamenteuses. Bien qu’il soit un faible inhibiteur des enzymes CYP450

2C8, 2C9, 2D6, 2C19, UGT1A1 et de la monoamine-oxydase A (MAO-A), son pouvoir d’inhibition ne semble pas assez important pour causer des interactions médicamenteuses cliniquement significatives.

IV PRINCIPALES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES DE L’UBROGÉPANT8

INTERACTIONS EXEMPLES CONDUITE RECOMMANDÉE

Inhibiteurs puissants du CYP450 3A4

Inhibiteurs modérés du CYP450 3A4

Inhibiteurs faibles du CYP450 3A4 (n’ont pas fait l’objet d’études)

Inhibiteurs des transporteurs P-gp ou BCRP

Inducteurs puissants du CYP450 3A4

Inducteurs faibles et modérés du CYP450 3A4

Kétoconazole, itraconazole, clarithromycine

Ciprofloxacine, fluconazole, fluvoxamine, vérapamil, pamplemousse

Amlodipine, amiodarone, nifédipine, cimétidine

Quinidine, carvédilol, eltrombopag, curcumine, thé vert en grande quantité

Phénytoïne, barbituriques, rifampine, millepertuis

Dexaméthasone, cyclophosphamide, elvitégravir

Contraceptifs oraux Éthinylœstradiol et norelgestromine sont étudiés

Autres traitements contre les migraines

Acétaminophène, naproxène, sumatriptan, atogépant, érénumab, galcanézumab

L’administration d’ubrogépant avec des contraceptifs oraux contenant de l’éthinylœstradiol a montré une diminution des concentrations maximales de ce dernier de 26 %8. L’aire sous la courbe n’ayant toutefois pas été affectée, on ne s’attend pas à ce que cette diminution des concentrations plasmatiques maximales soit cliniquement importante. Aucun effet pharmacocinétique n’a été observé avec la norelgestromine. Les autres contraceptifs n’ont toutefois pas été étudiés. Le fabricant suggère de garder cette information en tête lors du choix de dose du contraceptif et d’ajouter une protection supplémentaire au besoin8. Devant l’absence de conduite claire, une discussion avec les patientes s’impose.

Utilisation concomitante contre-indiquée

Dose maximale d’ubrogépant de 50 mg per os.

Minimum 24 h entre 2 doses

Dose maximale d’ubrogépant de 50 mg per os

Minimum 2 h entre 2 doses

Utilisation concomitante à éviter

Dose initiale de 100 mg per os répétable au moins 2 heures après la première dose

Prendre en considération qu’une réduction des concentrations maximales d’éthinylœstradiol est possible et pourrait affecter l’efficacité du contraceptif

Peuvent être administrés en concomitance

* Les pourcentages entre parenthèses représentent les effets indésirables survenus un mois suivant la prise de l’ubrogépant.

Selon les données actuelles, l’utilisation d’ubrogépant en concomitance avec d’autres traitements contre les migraines est rassurante. En effet, l’administration d’ubrogépant 100 mg per os avec le sumatriptan 100 mg per os a montré des changements pharmacocinétiques minimes dans une étude de phase I. En phase III, il a été bien toléré lorsqu’administré avec des triptans8. Il en va de même avec l’acétaminophène, le naproxène, l’atogépant, l’érénumab et le galcanézumab8. À noter que l’étude avec l’atogépant incluait seulement une trentaine de patients.

Il y a toutefois des interactions entre l’ubrogépant et les inhibiteurs du CYP450 3A4, dont certaines peuvent avoir des conséquences cliniques importantes8. Le kétoconazole, par exemple, aurait augmenté l’exposition à l’ubrogépant de près de 10 fois8. L’usage concomitant d’inhibiteurs puissants du CYP450 3A4 est donc contre-indiqué8

CONSEILS AUX PATIENTS LORS DE LA REMISE DE L’UBROGÉPANT

Pour des résultats optimaux, il est essentiel de parler du moment de prise idéal aux patients. Les principales notions à partager lors de la remise de l’ubrogépant sont détaillées ici.

n Ce médicament permet de traiter vos symptômes de migraine avec ou sans aura. Il est essentiel de le prendre dès le début de vos symptômes pour maximiser son efficacité. Pensez à conserver le médicament avec vous, dans une « trousse migraine », par exemple.

n La dose initiale habituelle est de 50 g ou 100 mg par la bouche, avec ou sans nourriture, au besoin.

n Son effet devrait se ressentir en 2 heures. Si les symptômes ne sont pas complètement résolus après ce délai, une deuxième dose est possible, pour un maximum de 2 doses en 24 heures.

n Il est important d’éviter la consommation de pamplemousse, car cela pourrait augmenter le risque d’effets indésirables. Si vous désirez commencer à prendre des produits de santé naturels, adressez-vous à votre pharmacien pour vous assurer qu’il n’y a pas d’interactions.

n L’ubrogépant est généralement bien toléré. Certains effets indésirables d’intensité légère à modérée peuvent survenir, comme des nausées, de la sécheresse de la bouche et de la somnolence.

n Afin de réduire la récurrence des migraines, il est important d’agir sur les facteurs qui contribuent au déclenchement de celles-ci, comme le stress, la sédentarité, la mauvaise hygiène de sommeil et l’alimentation non équilibrée. Migraine Québec est une bonne ressource pour s’informer sur votre condition de santé21 n Il est recommandé de remplir un calendrier de migraine afin de documenter la fréquence de celles-ci et de cibler les causes. Calendrier des migrainesMD et Migraine BuddyMD sont des applications mobiles sans frais permettant de faciliter la consignation des informations et de visualiser les tendances21.

Les inhibiteurs légers et modérés du CYP450 3A4 peuvent être utilisés avec l’ubrogépant (voir tableau IV pour les ajustements nécessaires). Même si l’interaction est présente, cette dernière semble moins problématique dans un contexte de prise occasionnelle de l’ubrogépant puisque son accumulation liée à l’inhibition enzymatique serait limitée.

Les inducteurs puissants du CYP450 3A4 devraient être évités avec l’ubrogépant de peur de réduire significativement son efficacité. En effet, des études in vivo, en concomitance avec la rifampine, ont montré une réduction de l’exposition de 80 %20. L’ajustement de doses dans un tel cas n’a pas été étudié8 Le tableau IV résume les interactions significatives décrites avec l’ubrogépant et la conduite à tenir par rapport à celles-ci.

Posologie et coûts de traitement

Le tableau V présente les posologies et les coûts des principales options de traitements aigus de la migraine.

Conclusion

L’ubrogépant est un antagoniste spécifique du récepteur du peptide lié au gène de la calcitonine. Il est le premier de sa classe à avoir l’indication officielle de traitement de secours de la migraine au Canada. Le rimégépant (NurtecMD), une autre molécule de la même famille, est présentement offert aux États-Unis pour le traitement aigu de la migraine; celui-ci est le seul à être également indiqué comme prophylaxie.

L’ubrogépant a démontré des résultats favorables quant à son efficacité, à des doses de 50 mg et 100 mg, autant pour l’absence de la douleur ou du symptôme le plus incommodant parmi la photophobie, la phonophobie ou les nausées, dans les 2 heures suivant la prise. Il faut cependant retenir que son délai d’action d’environ 1 heure peut être déterminant dans le choix de traitement des patients migraineux qui désirent un début d’action rapide.

Les études à court et moyen termes n’ont pas démontré d’effets indésirables graves, notamment du côté hépatique, mais des données post-commercialisation sont encore nécessaires.

Les données actuelles confirment que les triptans demeurent néanmoins plus efficaces que l’ubrogépant, quoique généralement moins bien tolérés.

Ce gépant est donc une nouvelle option prometteuse pour les migraineux. Il est toutefois important de se rappeler qu’il n’est pas couvert par le régime de l’assurance maladie du Québec, ce qui peut être contraignant chez certains patients. Bien que sa place au sein de l’arsenal thérapeutique ne soit pas coulée dans le béton, il pourrait être une option intéressante si les triptans sont contre-indiqués ou non tolérés, ou si les patients sont susceptibles de développer des céphalées médicamenteuses. Ces derniers pourraient bénéficier d’un congé de leurs triptans pour des crises plus légères. n

V Posologie Et Co T Des Principales Options De Traitements Aigus De La Migraine18

TRIPTANS

Agent Rizatriptan ODT (MaxaltMD) Sumatriptan intranasal (ImitrexMD)

ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROÏDIENS (AINS) ANTAGONISTE DU PEPTIDE LIÉ À LA CALCITONINE

Diclofénac (CambiaMD)

Naproxène sodique (AnaproxMD)

Acétaminophène (TylenolMD) Ubrogépant (UbrelvyMD)

Voie d’administration Sublinguale Intranasale Orale (poudre) Orale Orale Orale

Posologie usuelle 5 mg à 10 mg SL STAT, répéter 2 h plus tard si non résolue (maximum 20 mg/24 h)

5 mg à 20 mg IN STAT, répéter 2 h plus tard si non résolue (maximum 40 mg/24 h)

50 mg PO STAT 275 mg à 825 mg PO STAT, puis 275 mg q4h PRN (maximum 1250 mg/jour)

325 mg à 1000 mg PO STAT, puis PRN (maximum 4000 mg/jour)

50 mg à 100 mg PO STAT, répéter 2 h plus tard si non résolue (maximum 200 mg/24 h)

Références

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