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CULTURE FEUILLUE
• PAR GABRIELLE ANCTIL
À quoi ressemble la forêt dans l’imaginaire québécois? Il suffit de fermer les yeux pour voir l’étendue boréale où se distinguent quelques espèces iconiques : ici un pin, là des thuyas. À ces résineux se mêlent des bouleaux au tronc blanc qui ajoutent une touche jaune l’automne venu. Ces images font partie de l’identité de nombreux.ses Québécois.es.
Et les autres cultures ? Comment imaginent-elles la forêt ?
AU PAYS DU SOLEIL LEVANT
Les Japonais.e.s sont friand.e.s de randonnées pédestres en forêt, auxquels certain.e.s ajoutent des passe-temps comme la cueillette de champignons ou de plantes sauvages. «“Aller en forêt” est presque synonyme de “aller à la montagne”», explique Sonia Dandaneau, agente culturelle aux Jardin et Pavillon japonais. Les montagnes occupent en effet près des »trois quarts du territoire japonais !
«Dans la religion Shinto, les dieux se trouvent dans les éléments naturels remarquables, comme une forêt particulièrement dense », ajoute l’agente culturelle. Cet endroit sera désigné avec le terme 森 mori, qui évoque une forêt dense, luxuriante, presque inaccessible, que l’on distingue de la forêt ordinaire, désignée par le terme 林hayashi. Aujourd’hui encore, certains arbres et motifs végétaux ont une symbolique particulière. On verra ainsi parfois un pin, emblème de longévité, orner un plateau servant à présenter un cadeau pécuniaire lors d’un mariage.
L’EMPIRE DU MILIEU
Plus de 60 % de la population chinoise habite la ville. Résultat : «Les gens vivent moins l’expérience de la forêt,» résume Fei Gao, agente culturelle au Jardin de Chine. La relation avec la nature devient ainsi plutôt affaire d’imaginaire – ou de vacances. «Les villes sont entourées de montagnes, les gens vont y faire des randonnées. C’est un passe-temps très apprécié des jeunes.»
Tout comme au Japon, la religion chinoise accorde une importance particulière aux forêts. Tao Yuan-Ming, un des plus grands poètes inspirés par le taoïsme, est connu pour son célèbre texte «Le récit de la source des fleurs de pêcher », dans lequel un pêcheur découvre par hasard un village entouré d’arbres aux fleurs «odorantes, fraîches et belles» et où se sont réfugiés des gens désireux d’échapper à la vie politique de l’époque. Le texte est à l’origine d’une tendance chez les intellectuel.le.s, qui vont déménager à la campagne pour chercher de l’inspiration et s’éloigner des contraintes politiques des villes, un choix suscitant l’admiration de leurs pairs.
PREMIERS PEUPLES
Même au Québec, divers peuples ont une vision différente de la forêt. « Les Québécois.e.s disent qu’ils vont dans le bois, comme si c’était un lieu extérieur à eux. Plusieurs peuples autochtones considèrent plutôt qu’ils font partie de la forêt », détaille Myriam »Landry, agente culturelle au Jardin des Premières Nations. Elle cite la langue atikamekw où le mot notcimik signifie « dans le bois » mais aussi « là d’où je viens ».
Dans son œuvre, la poétesse innue Joséphine Bacon remarque que certains termes se perdent aujourd’hui, car son peuple fréquente beaucoup moins l’intérieur du territoire, le nutshimit, terme pour « dans le bois ». Elle décrit ce lieu avec éloquence dans son recueil Bâtons à message :
Mes sœurs les quatre vents caressent une terre de lichens et de mousses de rivières et de lacs, là où les épinettes blanches ont parlé à mon père. « La forêt n’est pas un lieu séparé, explique Myriam Landry. Elle repré sente tout ce dont on a besoin pour vivre. C’est le supermarché, la pharmacie. » De fait, la santé de cet écosystème est étroitement liée à celui des gens qui y habitent. « Si la forêt est malade, nous aussi sommes malades. » À l’inverse, la nature est également un lieu de guérison.
Pour ces cultures et de nombreuses autres, la présence de la forêt, même lointaine, est un important marqueur d’identité. Qu’elle soit sacrée ou dédiée aux loisirs, la forêt est un endroit que l’on souhaite préserver et mettre en valeur.
Les mots de Joséphine Bacon accompagneront votre visite du Jardin des Premières-Nations lors de l’événement Jardins de lumière à l’automne 2022. Un parcours immersif permettra de voyager au cœur des principes spirituels qu’ont en commun la plupart des Premiers Peuples. Jardin de lumière vous permettra aussi d'admirer les lanternes illuminées du Jardin de Chine et de traverser le Jardin japonais sous un éclairage nocturne.
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Photo : Espace pour la vie/Claude Lafond