4 minute read

1.1.1 Un objet : la station de mesure de la qualité de l’air

de l’école dans cette construction d’un référentiel commun de valeurs et connaissances

sur la qualité de l’air ? Nous verrons comment les représentations autour de la pollution de l’air sont véhiculées à travers les messages de communications du collectif militant. • L’école comme cadre politique « propice » à la mobilisation collective : nous verrons que l’école constitue bien pour les militants un lieu fécond de mobilisation permettant de

Advertisement

« croiser des problématiques locales et globales » pour reprendre les termes d’une personne interrogée.

Avant d’aborder ces points, nous allons retracer l’historique de la mobilisation en prenant le soin de comprendre comment le problème a été défini. Ou autrement dit, quels ont été les éléments qualifiés de « problématiques » ? S’agit-il du dépassement des seuils légaux ou bien d’autre chose? Quels acteurs et quels objets ont permis cette problématisation ?

1.1.1 Un objet : la station de mesure de la qualité de l’air

Comme nous le disions, la pollution de l’air n’est pas un phénomène nouveau dans la métropole et en particulier dans le secteur des pentes de la Croix-Rousse, mais son existence a été révélée et problématisée grâce à un objet : la station de mesure de la qualité de l’air. Son installation en 2009 a en effet permis de révéler des données chiffrées, donc facilement objectivables, aux experts et au grand public. Plusieurs années après son installation, la mère d’un des élèves de l’école a consulté les relevés de la station disponibles sur le site web d’ATMOAURA. Les résultats indiquaient des dépassements importants des seuils autorisés et recommandés par l’OMS et la loifrançaise.Comme l’indique Franck Boutaric: « ces instruments (les capteurs) produisent des effets : celui de dire ce qu’est la pollution atmosphérique, celui de désigner les problèmes et d’énoncer les actions susceptibles de les résoudre. » (Boutaric, 20042010, p10). Si l’instrument est bien l’élément déclencheur de la problématique dans le cas de l’école Michel Servet, nous verrons que le processus est très complexe et implique de multiples acteurs. En effet, le phénomène aurait pu s’arrêter là si cette mère de famille n’avait pas relayé l’information à d’autres parents et au directeur de l’école. Les niveaux de pollution de l’air du secteur seraient alors restés dans le cercle des experts de la métrologie et des décideurs (à supposer que ces derniers eurent été informés de la situation par ces derniers). Le directeur, rapidement informé par cette dernière témoigne :

« Elle est venue d’abord me voir puis ça a intéressé du monde, elle a convaincu des familles de se former parce que ce n’est pas évident du tout, ce n’est pas compréhensible par tous. Et puis ça a beaucoup évolué aussi. Les premières revendications c’était on déménage l’école, on ferme le tunnel, voilà des choses assez radicales. Avec beaucoup d’inquiétude. Au fur et à mesure on comprend qu’il n’y a pas que le tunnel il y a aussi le fond urbain, les pollutions qui viennent avec le vent et que régler le problème ça se règle déjà au moins à l’échelle de la métropole. »

Comme le relate le directeur, l’information est rapidement devenue un enjeu majeur à l’échelle de l’école pour de nombreuses familles et pour la direction qui devait agir. L’angoisse suscitée par les dépassements des seuils autorisés déclencha la création d’un collectif constitué alors d’un noyau d’une dizaine de parents (la plupart délégués élus). Une seule enseignante prit réellement part à la mobilisation.

Vue de la station de mesure depuis l’intérieur de l’école

Relevés de la station Tunnel Croix-Rousse — Sortie Rhône

Nous faisons l’hypothèse que les données de cette station ont été plus spontanément consultées par les parents de l’école en raison de son implantation très visible depuis la cour Nord. Si cette même station avait été installée à quelques dizaines de mètres seulement en dehors de l’école, les réactions auraient pu être différentes. S’il est impossible de vérifier cette hypothèse, il est tout de même intéressant de réfléchir à la façon dont le lieu d’implantation d’une station peut générer de la suspicion. En effet, pourquoi installer une station de mesure de la qualité de l’air si on présuppose que l’air est bon dans ce secteur ? Pour les parents, l’implantation d’un instrument

de mesure de la qualité de l’air au sein même de l’école et visible par tous a pu paraitre suspecte. Les dépassements de seuils autorisés ont confirmé aux parents la légitimité de tels doutes. On assiste alors à ce moment à la transformation d’un état de fait en problème (naming). Désormais, le problème existe et il a un nom : la pollution de l’air.

Nous venons de voir que le problème s’est cristallisé sur le dépassement des seuils autorisés, et ce, grâce aux performances d’un objet, la station de mesure de la qualité de l’air installé en toute visibilité en plein cœur de l’école. Désormais nous allons analyser la façon dont les personnes

interrogées désignent un coupable et une victime du problème (blaming).

This article is from: