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1.2.2 L’enfant comme actant

communication des militants afin d’interpeller le grand public et les élus. Nous allons voir dans la partie suivante que ces représentations de l’enfant fragile et victime ressortent aussi pleinement dans le discours des personnes interrogées en entretien.

1.2.2 L’enfant comme actant

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Si les représentations d’un enfant en prise avec les problématiques des adultes ont été clairement identifiées dans la communication visuelle du collectif militant, les entretiens ont fait ressortir un discours de revendications semblable :

« Les enfants sont des êtres sensibles, en plein développement avec des poumons fragiles. »

Selon ce père, les enfants de l’école seraient plus sensibles à la pollution à cause de l’incomplétude de leur système respiratoire. Il ajoute :

« C’est d’autant plus préoccupant que les enfants étudient ici, vivent dans le secteur et certains mangent même à la cantine dans l’école. Ils sont 24 h/24 exposés. »

Contrairement à l’équipe enseignante, toutes les familles habitent le quartier, mais seuls les enfants y vivent à plein temps,car un certain nombrede parents ne travaillent pas dans le quartier. Selon les parents interrogés, l’enfant est donc à la fois « fragile » par nature et « surexposé » dans le contexte de sa scolarité à l’école Michel Servet.

Dans cette controverse, l’enfant n’est pas particulièrement acteur, car il n’agit pas au sens propre du terme pour défendre ses droits. Bien qu’il soit au cœur de tous les discours, débats et discussions, il n’est pas pour autant un instrument de la cause portée par des adultes, car il s’agit bien de leurs droits et de leur santé qu’on cherche à défendre, à protéger. Selon nous, l’enfant occupe une place particulière, celle d’un actant. Selon les grammairiens, « les actants sont les êtres ou les choses qui, à un titre quelconque et de quelque façon que ce soit, même au titre de simples figurants et de la façon la plus passive, participent au procès ». (Déf. CNTRL). De la même façon, selon la théorie de l’acteur réseau, l’actant est une entité humaine ou non humaine relativement passive qui structure, organise,

influence, oriente l’action (Latour, 2006). Pour l’heure, la problématique s’organise autour de l’automobiliste responsable de la pollution et l’enfant comme victime.

« Je pense qu’en tant que parent, c’est mon rôle de protéger mes enfants de danger pour leur santé. »

Ici, l’enfant joue un rôle, celui de victime que l’on se doit, en tant qu’adulte, de protéger des maux du monde. Bien qu’il n’ait pas le droit à la parole dans ce débat, l’enfant occupe tout de même une place centrale. Il est l’objet de la mobilisation, car c’est en son nom que les familles se mobilisent. Comme nous l’avons vu, il est au centre de la communication du collectif et au cœur des discours des personnes interrogées. Dans tous les cas il ressort comme un être sensible, victime de la pollution de l’air générée par les automobilistes à la sortie du tunnel. Les personnes interrogées portent cette revendication et jouent sur les aspects précédemment cités dans une perspective performative.

Dans la partie suivante, nous allons voir que le problème change peu à peu d’échelle. Si pour l’heure, la controverse touche principalement l’école et les familles, elle va être progressivement publicisée à plus grande échelle. Par des stratégies d’information, d’interpellation, de mobilisation, le collectif militant va parvenir à intégrer de nombreux autres acteurs (médias, élus, etc.) dans le débat. Cette mobilisation va permettre l’adoption de mesures visant à réduire l’exposition des enfants au sein de l’école. Nous allons également mettre en lumière une subtile montée en gamme du problème : les familles militantes vont à peu à peu se dégager du seul problème de la pollution à l’école Michel Servet pour porter leurs revendications au niveau métropolitain.

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