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Conclusion générale

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Bibliographie

Bibliographie

Le passage en revue des approches théoriques sur les représentations mentales nous ont permis de comprendre leurs caractéristiques, fonctions et conséquences sur l’agir. Nous avons vu que les représentations peuvent être partagées entre les individus d’un groupe, elles sont alors qualifiées de « représentations sociales ». Bien qu’évolutives, ces représentations servent à fixer un référentiel commun de connaissances et de savoirs sur un objet au sein d’un groupe. Dans le cas de l’école Michel Servet, le partage d’un ensemble de représentations sur la pollution au sein des familles leur permet de « s’entendre » sur la réalité. Ce socle de représentations partagées sur la pollution de l’air guide l’action individuelle et collective. Les parents apprennent et transmettent à leurs enfants des « savoir-faire de prudence » visant à se protéger de la pollution ou à défaut de prévenir le stress. Dans ce socle de représentations communes, nous avons identifié le caractère invisible de la pollution de l’air, imperceptible et dangereux pour la santé. La pollution est envisagée comme une bombe à retardement menaçant la santé future des enfants. Cette pollution affecte les systèmes respiratoires particulièrement fragiles des enfants. L’automobile et la circulation du tunnel sont jugées responsables de la qualité de l’air dégradé au sein de l’école. Les symptômes ORL et respiratoires dont souffrent certains enfants de l’école sont systématiquement attribués à l’effet de la pollution de l’air. Les éventuelles allergies liées aux pollens ou à la poussière par exemple ne sont pas envisagées et intégrées au raisonnement des parents. Pour évaluer la présence voire la dangerosité de la pollution de l’air ambiant, les personnes interrogées recourent quotidiennement à leurs sens et très peu aux indicateurs de la qualité de l’air. Cet usage de l’olfactif permettent aussi aux familles interrogées de mettre en œuvre « les savoir-faire de prudence » précédemment abordés. Détecter la présence de pollution dans l’air grâce aux odeurs permet par exemple aux personnes interrogées de se couvrir le visage ou de changer d’itinéraire pour préserver leur santé et celle de leurs enfants.

Dans une seconde partie, nous nous sommes intéressés à la façon dont le problème de la pollution a émergé à l’école Michel Servet. Nous avons montré que l’installation de la station dans la cour de l’école et la publication des résultats ont déclenché une alerte qu’une mère de famille de l’école a relayée auprès de la direction et des parents délégués élus. L’implantation d’un instrument de mesure de la qualité de l’air au sein même de l’école et visible par tous a paru

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suspect. Les dépassements de seuils autorisés ont confirmé aux parents la légitimité de leurs doutes. Nous avons montré que les militants du collectif mobilisaient leurs représentations dans leur communication visuelle et orale en jouant sur le caractère fragile, sensible et innocent de l’enfant. Si celui-ci est au cœur de tous les débats, il n’a pas complètement le droit à la parole. Pourtant son rôle est crucial et dans ce sens, nous l’avons qualifié d’actant. La publication des résultats de l’étude approfondie menée par Air Rhône-Alpes sur le quartier a minimisé l’impact de la circulation automobile du tunnel au profit du fond urbain et de la circulation sur les quais du Rhône. Nous postulons que le mouvement a alors opéré une montée en gamme passant de l’échelle de l’école et celle du quartier voire de la Métropole. La faiblesse des mesures prises par la Ville visant à réduire l’exposition des enfants au sein de l’école, la dissolution des causes de la pollution à une échelle supérieure et le sentiment de frustration des militants ont peu à peu épuisé le mouvement. En effet, la question de la pollution étant remontée au niveau du quartier voire de la métropole, la problématisation de cette question à l’échelle de l’école a perdu en légitimité. Pourquoi remettre seulement en question la qualité du cadre scolaire des enfants alors que l’ensemble du quartier est concerné par un problème de cadre de vie potentiellement dégradée par la pollution de l’air ? En montant en gamme et en échelle, le problème s’est dissout. Si l’échelle micro local de l’école facilitait la problématisation, le passage à l’échelon du quartier complexifiait évidement l’action collective. Afin de résoudre la dissonance cognitive liée à l’impossibilité de poursuivre le mouvement et le désir de le poursuivre, nous avons assisté en entretien à des tentatives de délégitimation ou de relativisation du bien-fondé de la cause face à d’autres enjeux ou à des situations plus graves ailleurs. Dès lors, nous assistons à la naissance de tabous et interdits tant dans le langage que dans les actions des personnes interrogées. « La cour interdite » témoigne à la fois d’un interdit d’accéder à cette espace et de parler de cet interdit. La fin de la mobilisation a également mis fin aux débats, au dialogue, à l’échange au sein de l’école sur le sujet « épuisé » de la pollution de l’air. Pourtant, le cas de l’école Michel Servet sera peutêtre un cas d’école, un exemple pour d’autres établissements et collectifs qui souhaiteraient s’engager dans la même voie afin d’engager un changement majeur et durable en faveur de la qualité de l’air au sein de la Métropole.

Gauthier Cussey Diplômé en Sociologie Etudiant M1 VEU-MdV, Université Lumière Lyon II E-mail : gauthier.cussey@gmail.com / gauthier.cussey@univ-lyon2.fr

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