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2.2.2 tabou et interdits

2.2.2 Tabou et interdits

Comme nous l’annoncions précédemment, il est apparu lors des entretiens un ensemble de « symptômes », des manifestations visibles dans les discours traduisant la fin du mouvement. Au-delà de la déception, frustration, démotivation des militants, nous avons remarqué chez certaines personnes interrogées une relative dévalorisation, délégitimation du mouvement. L’extrait suivant montre très bien cet aspect :

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« C’est vrai que ce sont des problématiques de riches parce que l’impact de la pollution dans le monde c’est surtout à New Delhi, dans les villes des pays en voie de développement, que la pollution à Lyon c’est ridicule par rapport à ça. Mais bon, il y a quand même des enfants. »

La personne interrogée, cherche à travers sa remarque à relativiser le problème de la pollution à l’école Michel Servet. Selon elle, les niveaux de pollution dans l’air du secteur n’auraient rien de comparable à ceux de certaines métropoles comme New Delhi. Si cette information est véridique, il n’empêche que la qualité de l’air à l’école Michel Servet dépasse tout de même les seuils autorisés. La présence d’enfant ne détermine pas la légitimité du mouvement, car même si leur système respiratoire est plus sensible aux effets de la qualité de l’air, la pollution a de conséquences sur la santé de tout un chacun.

« Un dépassement de seuil c’est quoi au final ? Ça ne se joue à pas grand-chose. Le seuil c’est arbitraire on sait pas vraiment si ça a des effets à ces niveaux-là. »

Ici, la personne réinterroge la pertinence et la validité scientifique des seuils autorisés. Selon lui, il y aurait une incertitude quant aux effets sur la santé de tels dépassements. Là encore, nous assistons à une mise en doute voire à une remise en question de la légitimité du mouvement.

Ce discours de remise en question du mouvement serait-il une traduction « symptomatique » de l’épuisement de la mobilisation ? Cela serait-il une « stratégie » qui ne serait pas objectivée par les individus et qui servirait à rendre explicable, justifiable et supportable la fin du mouvement ? Face aux manques de perspectives de la mobilisation comment réduire la « dissonance cognitive » dont nous parlions plus tôt? Dans ce cas, il s’agirait pour les militants de liquider un conflit psychique entre leurs désirs d’améliorer les conditions de vie de leurs enfants et

l’impasse dans laquelle se trouve le collectif. Ne pouvant plus agir sur la situation, les

militants seraient contraints de modifier leurs représentations. Comme nous l’avons vu plus tôt, les éléments périphériques des représentations sont en capacité d’évoluer dans des situations de dissonances cognitives. Nous pensons que ces extraits d’entretien témoignent d’une même logique.

Au-delà des discours de discrédit du mouvement, les personnes rencontrées lors de cette étude ont constaté l’épuisement des débats et discussions au sein de l’école. Si le mouvement se caractérisait par de nombreux échanges entre les parents et avec la direction de l’école, la fin de la mobilisation marquait aussi la fin de cette émulation militante. Dès lors, les discussions sur le sujet se sont interrompues entre parents et avec les enfants.

« Honnêtement on a arrêté d’en parler aux enfants. »

« Le sujet de la pollution est complètement retombé, on en parle plus avec les autres familles. »

L’enseignante que nous avons rencontrée prétend que l’échange au sein de l’équipe sur le sujet de la pollution était déjà faible pendant la mobilisation. Si la question était régulièrement abordée en classe, cela ne serait plus le cas depuis 2017.Des éléments de langage complètent ce sentiment d’interdit, de tabou sur le sujet :

« Les enfants l’ont appelé comme ça (la cour nord), c’est la cour interdite ! »

Selon le propos du directeur et de plusieurs parents, la cour désormais interdite d’accès serait aujourd’hui qualifiée ainsi par les enfants. Selon le directeur, le terme serait même repris par les enseignants et parents « sans s’en rendre compte ». Cet élément de langage nous parait tout à fait révélateur du sentiment d’interdit à accéder à la cour d’une part et en parler d’autre part. De nombreux psychanalystes et en particulier Freud et Lacan ont particulièrement insisté sur le langage comme élément de révélation et de compréhension des imaginaires. Pour le processus thérapeutique, l’analyste doit prêter une attention particulière au langage qui structure la pensée. Pour ces auteurs, le langage nous en dit parfois plus sur le sujet et sa pensée que le fond de son discours lui-même. Dans une perspective compréhensive, nous avons prêté attention à la

formulation et les termes employés par les personnes interrogées. L’emploi presque

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