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Pour garder ses talents, il faut une nouvelle culture

Isabel Group, la première fintech du pays, a changé son approche RH de fond en comble. Ainsi, le taux d’engagement des collaborateurs était en dessous de la norme. Objectif de la nouvelle DRH, Géraldine Valentini? Réaliser une transformation culturelle tout en contribuant au repositionnement de l’entreprise.

texte: liliane fanello / photos: wouter van vaerenbergh

Quel était le contexte du changement culturel entrepris il y a quatre ans?

Géraldine Valentini: «Avec l’entrée en vigueur de la directive européenne PSD2 en 2018 qui visait notamment à renforcer la concurrence dans les services de paiement, nous avons senti l’urgence de diversifier les activités d’Isabel Group. Nous craignions en effet de voir partir beaucoup de clients, ce qui n’a finalement pas été le cas. Néanmoins, l’activité de la société reposait essentiellement sur un produit qui évoluait au gré des demandes d’amélioration arrivant plutôt du sommet.»

Qu’est-ce qui a changé pour la société depuis lors?

Géraldine Valentini: «Isabel Group a commencé à acquérir des start-ups qui n’étaient pas dans l’écosystème des activités régulées de paiement. Et nos collègues ont dû apprendre à travailler avec des personnes de cultures très différentes. Comment allionsnous réaliser l’intégration? Fallait-il imposer les processus plutôt rigides de la société régulée, au risque de brider l’esprit plus libre des équipes des start-ups? Ces opérations soulevaient énormément de questions, parfois des tensions…»

Une Quipe De Recrutement Interne

Quelle a été votre première initiative en tant que DRH?

Géraldine Valentini: «Isabel Group confiait la plupart de ses recrutements à des sociétés externes. J’ai décidé de mettre en place notre propre équipe de recrutement et d’insister davantage sur l'accord entre les candidats et le projet de l’entreprise. Et ce, quel que soit le statut du travailleur. Premier objectif: mieux maîtriser notre taux de rotation. Et je pense que c’est une chose que nous avons bien réussie.

Aujourd’hui, celui-ci est de 15 à 18%, tous contrats confondus. Ce n’est pas encore formidable, mais nous sommes plutôt bien placés par rapport à d’autres.»

Dans les technologies de l'information, le marché de l’emploi est depuis longtemps très tendu… Géraldine Valentini: «Effectivement, mais depuis deux ans, la base des métiers en pénurie s’élargit. Tous les métiers qui nous intéressent sont en tension, y compris la finance et les RH! Il s’agit donc de montrer notre valeur ajoutée et de mettre en place des outils de développement personnel. Il y a une demande importante d’avoir un métier qui a du sens. Et pour revenir à la question de la rétention, nous savons que les gens nous quittent principalement à cause du contenu de leur fonction. Nous employons énormément de profils techniques, et si les aspirations de ces experts ne sont pas rencontrées, ils s’en vont.»

Géraldine Valentini

FONCTION

DRH d'Isabel Group

LA CERTIFICATION TOP EMPLOYER ::

«Notre transformation s’est faite petit à petit, explique Géraldine Valentini. «Nous sommes allés toujours plus loin dans la culture centrée sur l’humain que nous voulions insuffler dans l’entreprise. Nous avons obtenu la certification Meilleur Employeur du Top Employer Institute, ce qui était pour nous une manière de donner une visibilité à ce travail. Mais je ne vous cache pas qu’au début, en tant que PME, nous avions des doutes sur son obtention. Ce résultat est très motivant.»

STIMULER L'INNOVATION PAR LE BAS

Dans quel sens la culture devait-elle évoluer?

Géraldine Valentini: «Notre culture était très hiérarchique, plutôt focalisée sur les processus, laissant peu de place à l’initiative. Les directives venaient de nos actionnaires; nous devions nous contenter de les attendre. Petit à petit, la société a mis en place des initiatives pour stimuler l’innovation, notamment un Innovation Board.»

Sur le plan de la GRH, comment le changement s’est-il traduit?

Géraldine Valentini: «Le volet culturel gagne en importance, comme le confirment nos enquêtes internes. Le bien-être devient prépondérant et il faut adapter le leadership en fonction. Nous avons donc travaillé sur trois axes: avoir un environnement de travail stimulant et centré sur les collaborateurs, ensuite emmener toute la ligne hiérarchique pour faire en sorte qu’elle soit bien alignée avec la politique de l’entreprise, et enfin flexibiliser nos processus pour qu’ils soient, eux aussi, davantage orientés sur les collaborateurs.»

Des exemples de cette flexibilisation?

Géraldine Valentini: «Nous avons par exemple instauré le télétravail pendant quatre jours par semaine. Singulièrement, celui-ci n’existait pas chez nous avant la pandémie. Nous avons aussi complètement ouvert les possibilités de mobilité pour que le système ait plus de sens pour nos collaborateurs. Les gens disposent d’un budget mobilité qu’ils peuvent utiliser chaque jour différemment, en fonction de leurs besoins. Nous avons aussi mis en place un plan cafétéria qui a rencontré un vif succès.»

Le travail concernant la ligne hiérarchique a été très exigeant…

Géraldine Valentini: «Tout à fait! Nous avons remis à plat notre système d’évaluation annuelle. Parmi nos managers, nous avons beaucoup de leaders techniques qui ne maîtrisent pas toujours les aspects plus relationnels. Ils ne savent pas non plus très bien comment raccrocher le travail quotidien à la stratégie de l’entreprise. Nous avons investi du temps pour former nos managers aux entretiens de checkin. Cela peut paraître anodin, mais nous avons énormément de gens avec des profils bleus, comme on dit dans la méthode Insights. Nous avons dû faire un très gros travail de mise en confiance pour arriver à des conversations plus fluides, et honnêtement, au début, nous avons parfois dû faire les gendarmes. Mais aujourd’hui, ça marche. Nous avons aussi mis en place du coaching et du coaching entre pairs, un programme de leadership… Et nous n'avons pas négligé le côté émotionnel du changement.»

Parler Pour D Tecter Les Talents Internes

Que retirez-vous des entretiens de check-in?

Géraldine Valentini: «Ces dialogues ont eu un effet direct sur l’évolution de la mobilité interne. Quand je suis arrivée, elle n’était que de 2%. Ces 2% concernaient des personnes qu’on venait chercher. Et les autres se disaient que si on ne venait pas leur proposer un changement, c’est qu’ils étaient probablement mauvais. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ces conversations nous permettent de détecter les individus qui ont potentiellement envie de faire autre chose. Ainsi, l’équipe RH peut les contacter spontanément pour leur proposer un trajet de changement interne. Bien sûr, Isabel Group compte seulement près de 400 postes, mais il existe tout de même plein d’opportunités.»

Vous avez aussi inventé des rituels pour ancrer la nouvelle culture dans l’entreprise…

Géraldine Valentini: «En 2018, nous avons mené un gros travail d’actualisation de nos valeurs.

Les premières années, les gens ne voyaient pas très bien comme elles s’incarnaient dans le quotidien. Pour rendre les valeurs vivantes, nous avons par exemple réalisé de petites cartes à utiliser à chaque fin de réunion. Nous nous demandons alors quelle valeur a été la plus présente, laquelle a été moins présente dans la réunion, et pourquoi.»

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Premier prestataire de services multibancaires pour les utilisateurs professionnels, cette entreprise belge propose à ses clients, des entreprises essentiellement, une gamme complète de solutions financières. Elle assure un échange fluide et sécurisé de documents, de paiements et d’identités en interconnectant tous les acteurs de la chaîne de valeur financière.

Votre changement de culture concernait tant les travailleurs indépendants que les salariés, pourquoi?

Géraldine Valentini: «Structurellement, Isabel Group compte 40% de contractants et 60% d’employés. Or si 40% de vos collaborateurs se considèrent uniquement comme des variables d’ajustement, qu’est-ce que cela dit du dynamisme de l’entreprise et de l’ambiance de travail dans les équipes? Personnellement, je considère un salarié de la même manière qu’un indépendant. Cette vision a apporté plus de cohésion et d’inclusion dans les équipes. Et puis, on voit qu’en quatre ans, notre taux d’engagement est passé de 56% à un score de presque 82% aujourd’hui!» ¶

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