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Quels livres lisez-vous pendant les vacances?

L'été s'annonce. Et avec lui vient le temps de déconnecter. Nous avons interrogé quelques responsables RH pour connaître les livres qu'ils emporteront à la plage, à la montagne ou à la campagne.

Pour Ilse Janssens, coordinatrice RH du groupe Emmaüs, les vacances servent à rattraper ses retards de lecture. Trois romans et un récit de voyage l'attendent. Parmi eux, La plus secrète mémoire des hommes, de Mohamed Mbougar Sarr, un jeune écrivain sénégalais qui a gagné le Prix Goncourt en 2021. Le livre raconte la recherche d'un auteur africain à l'origine d'un roman grandiose mais qui pourrait aussi être un plagiaire. «C'est une histoire qui traverse plusieurs monde, plusieurs cultures, en Afrique et en France. On retrouve au cœur du roman des thèmes comme l'écriture et la littérature. Le livre est épais et n'est pas toujours facile à lire, mais c'est une vraie fête littéraire.»

Ilse Janssens s'est rendu au Japon au début de l'année. «Une expérience passionnante. J'ai éprouvé le besoin de réfléchir à ce que j'avais vu et ressenti. J'aimerais que la Belgique copie certaines choses, comme la ponctualité des transports en commun, le respect des valeurs et des traditions, l'esprit de communauté et la propreté. Mais je ne voudrais pas habiter là-bas. Il y a trop de règles, de hiérarchie, de conformisme. Je pense que je me sentirais très vite oppressée. Cela dit, je projette de lire certains livres que Cees Nooteboom a écrits sur le Japon, peut-être Mokusei! Cet écrivain néerlandais a le don de saisir l'âme de ce pays et de son peuple.»

«La plus secrète mémoire des hommes est une vraie fête littéraire.»

Ilse Janssens

Apprendre En Lisant

Les lectures de vacances ne sont pas toutes consacrées à la détente. C'est le cas de Philippe Mercier, DRH du Samusocial. «Je profite de ce répit pour approfondir certains thèmes liés à mon métier», dit-il. «Je me plonge aussi dans d'autres sujets plus en lien avec le monde tel qu'il va. On y retrouvera toujours un rapport avec la gestion du facteur humain dans la société.»

Les lectures de Philippe Mercier sont plutôt sérieuses, donc. À commencer par Différents. Le genre vu par un primatologue. «Cet ouvrage de Frans De Waal est une analyse sur le genre et l'égalité au travers du travail d'un primatologue. Ses conclusions ébranlent nos croyances et nos certitudes sur une question contemporaine.» Une question qui a de quoi interpeller toutes les organisations humaines et tous les professionnels de la GRH.

Autre livre qu'il lira pendant les vacances: Au commencement était la guerre, d'Alain Bauer. «Cet ouvrage permet d’appréhender le monde tel qu’il est plutôt que de l’ignorer. De le comprendre plutôt que de le rêver. De le travailler plutôt que de le consommer. S’employer à faire l’histoire pour n’être pas dévoré par elle.» Ce livre lui rappelle la phrase de son père: «Si tu ne sais pas où tu vas, sache au moins d'où tu viens.»

La défense de l'environnement est une autre préoccupation de Philippe Mercier. à ce titre, il recommande une bande dessinée: Le monde sans fin, de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain. «Une bédé qui, par la vulgarisation et des images simples, donne envie de se retrousser les manches face aux enjeux climatiques de notre monde. Ici aussi, le dérèglement climatique aura des impacts colossaux sur l'activité humaine et ébranlera inévitablement bien des évidences actuelles.»

LE LIVRE, UN OBJET D'ÉVASION

Souzanna Bandos, directrice des carrières d'Actiris, profite-t-elle de ses vacances pour lire? «Absolument! Étant, pour des raisons professionnelles, trop souvent et trop longtemps devant un laptop ou un smartphone, je n’emporte avec moi que des livres, des vrais, incarnant pour moi, par la texture, la consistance et l’odeur, le luxe de l’évasion réelle du quotidien.»

Et quand elle lit en vacances, c'est avant tout pour se détendre. «J’éprouve ce besoin de faire une réelle coupure avec mes préoccupations quotidiennes afin de faire le vide, recharger les batteries et prendre du recul. Pour apprendre, je privilégie d’autres supports (podcasts, articles, interviews, vidéos), mais les vrais livres, en papier, je les réserve pour ces moments de détente. Quand je prends un livre en main, je sais que c’est pour être transportée ailleurs, même le temps de quelques pages.»

Vers quels genres se tourne-t-elle? «J’apprécie les thrillers psychologiques où s’entrechoquent les relations humaines, souvent complexes, avec une dose de suspens qui me tient en haleine. J’aime particulièrement les romans de Paula Hawkins (La fille du train, Celle qui brûle), et son jeu d’alternance, l’histoire étant décrite via le prisme de chacun de ses personnages, illustrant à merveille les facettes différentes et les perceptions altérées que les êtres humains peuvent avoir d’une même réalité.»

Souzanna Bandos compte également découvrir cet été deux romans dans des styles totalement différents: Melissa da Costa et notamment Tout le bleu du ciel dont elle a entendu beaucoup de critiques très élogieuses et le dernier roman de Ken Follett, Pour rien au monde, qui s'inscrit visiblement dans une anticipation glaçante. «Le synopsis m'intrigue suffisamment pour le prendre avec moi en vacances, bien que ce ne soit pas la lecture la plus apaisante au bord de l'eau.»

Un Club De Lecture

Quand on demande à sa collègue, Gisèle Dedobbeleer, analyste stratégique d'Actiris Academy, si elle lit, la réponse est claire: «Je lis en permanence. J'ai effectué une maîtrise en langues et littératures romanes, complété par des cursus complémentaires en GRH. J'ai d'ailleurs créé avec une collègue un club de lecture chez Actiris, la Bibliobulle. Nous nous réunissons un midi tous les deux mois pour partager nos coups de cœur littéraires. Nous avons même mis en place un groupe Teams pour des échanges plus fréquents.» Navetteuse, elle profite de ses trajets quotidiens pour lire dans le train mais les vacances sont évidemment un moment propice à un temps plus long, et d'autres lectures.

Lit-elle plutôt pour se détendre ou pour apprendre? «Les deux. Tout fait farine au moulin en termes de GRH. Tant de romans ou de pièces de théâtre sont une allégorie des relations humaines, des structures organisationnelles, des paradoxes de la fonction managériale. Je lis aussi bien des romans ou de la poésie que des essais philosophiques et de la littérature professionnelle, essais et revues comme articles en ligne. J'écoute aussi des podcasts, une autre forme de littérature. Je recommande les excellents C'est quand la pause de Jérôme Robyns, Lionel Meinertzhagen et Nicolas Roland et L'entreprise apprenante, produit par l'entreprise Noous.

Signe distinctif de Gisèle Dedobbeleer: elle utilise une liseuse électronique depuis quelques années. «Pour cet été, j'ai choisi notamment Crépuscule de Paul Claudel. “Noir- ceur métaphysique: sous un canevas socio-policier allégorique, une prose pleine de surprises”, titrait Le Monde à sa sortie. J'aime beaucoup cet auteur, qui navigue entre plusieurs styles littéraires et est aussi cinéaste. En outre, il est fidèle aux Éditions Stock depuis des années même après le décès de son éditeur fondateur, Jean-Marc Stock, à qui il a dédié de très belles pages dans le court texte Jean-Barck Eloge de la durabilité.»

Elle emmènera aussi Je ne suis pas là de Lize Spit. «L'autrice ausculte la tragédie d’un couple dévasté par la bipolarité de l’un et l’impuissance de l’autre. Le texte se déroule de plus à Bruxelles, ville-région pour laquelle je travaille. Et elle est un écrivaine néerlandophone: vive la convivialité linguistique bruxelloise où tant de langues coexistent dans l'harmonie.»

De La Peste 1984

De son côté, toujours en mouvement, Alain Jonet, consultant RH indépendant, lit assez peu chez lui. «J'ai besoin d'avoir au moins deux heures libres pour commencer un livre. Chez moi je lis donc plutôt la presse (L'Écho) ou des revues. Je rattrape mon retard pendant les vacances ou les week-ends prolongés.»

Il a récemment dévoré Au revoir là-haut et Miroir de nos peines de Pierre Lemaitre, Le saut de l'ange de Lisa Gardner ou encore Sérotonine de Michel Houellebecq. «Je me suis plongé à nouveau tout récemment dans La Peste de Camus, pandémie oblige, La Ferme des animaux de George Orwell ou encore Le Pingouin d'Andreï Kourkov d'une actualité déconcertante.»

Alain Jonet apprécie l'un ou l'autre livre plus en rapport avec son métier: Digitalis de Thierry Geerts ou Les Batailles du Trident sur les coulisses du Club Méditerranée par Jean-Jacques Manceau.

«Pour les vacances, j'ai repéré La Péremption de Nicolas Fargues qui traite du conflit des générations, un Mary Higgins Clark (La Reine du Bal ) et un George Orwell (1984). ¶

Une S Lection Rapide De Nos Experts Rh

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→ La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr, Livre de Poche, 2023.

→ Mokusei!, Cees Nooteboom, Folio, 2000.

→ Différents. Le genre vu par un primatologue, Frans De Waal, Les Liens qui Libèrent, 2022.

→ Le monde sans fin, Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain, Dargaud, 2021.

→ La fille du train, Paula Hawkins, Pocket, 2016

→ Tout le bleu du ciel, Melissa da Costa, Livre de Poche, 2019

→ Crépuscule, Paul Claudel, Stock, 2023

→ Je ne suis pas là, Lize Spit, Actes Sud, 2023

→ Au revoir là-haut, Pierre Lemaitre, Livre de Poche, 2013

→ La Peste, Albert Camus, Folio, 1947

→ La Péremption, de Nicolas Fargues, P.O.L., 2023

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