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DOCUMENTAIRES DOCUMENTARIES
ALL MAN: THE INTERNATIONAL MALE STORY
BRYAN DARLING + JESSE FINLEY REED
Immortalisé par Zoolander et Seinfeld (dans l’épisode The Puffy Shirt), le catalogue International Male fut à la fois célébré et critiqué pour être gai. Narré par Matt Bomer, ce film relate la manière dont l’équipe de son fondateur, Gene Burkard, a réussi à revamper la masculinité en lui permettant d’être stylée, voire extravagante et de devenir à la fois un objet de désir charnel et de faire sensation dans le monde des catalogues. S’adressant aux hommes gais, tout en étant judicieusement inoffensif pour les hétéros, International Male s’est retrouvé dans des millions de foyers aux quatre coins du monde, dont ceux d’Elton John et de Cher. Les styles de vie fantaisistes et les corps luisants qui se retrouvaient dans le catalogue étaient autant d’hommages au physique masculin et agissaient comme un réel antidote à la dure réalité des années 70 et 80 avec son lot de conceptions rétrogrades de la virilité et les ravages du sida. D’anciens employés et des influenceurs stylistes, dont Carson Kressley, nous entraînent dans une course à la rentabilité débutant dans les « Vaseline Flats » et se terminant par l’acquisition du catalogue par Hanover Direct. Soulignant les bons coups de la compagnie, dont sa capacité à aider les hommes gais à sortir du placard, il documente aussi ses points faibles, comme le manque de diversité ou l’insécurité masculine qui touchait même les mannequins.
Immortalized in Zoolander and Seinfeld’s “puffy shirt,” International Male was both celebrated and
maligned as “that gay catalogue.” Narrator Matt Bomer chronicles how founder Gene Burkard and his team rebranded masculinity as the confidence to embrace style - no matter how outrageous - bridging the gap between masturbation material and mail-order sensation. Appealing to gay men but
shrewdly inoffensive to straight consumers, International Male reached millions of homes across the
globe, racking up famous customers like Elton John and Cher. The catalogue’s fantasy lifestyles and glistening physiques glorified the male body and provided an antidote to the often harsh realities of the 70s and 80s, whether it be conservative ideas of manliness or the devastations of AIDS. Former employees and style influencers such as Carson Kressley take us from the company’s scrappy early years in “Vaseline Flats” to its eventual acquisition by Hanover Direct and the changes wrought by a scramble for profitability. Accentuating the positives, like the catalogue’s ability to help usher gay men out of the closet, they also contend with thornier elements, like the lack of diversity, as well as the insecurities engendered in men, even the models themselves.
DOMINIQUE BOURQUE, JULIE VAILLANCOURT + JOHANNE COULOMBE
CANADA | 2022 | 57 MIN | V.O.F. S.-T.A. / FRENCH S.-T.EN.
Amazones d’hier, Lesbiennes d’aujourd’hui. 40 ans plus tard propose un retour en images sur la création d’AHLA, Amazones d’hier, Lesbiennes d’aujourd’hui, un collectif lesbien à l’origine de la vidéo du même nom tournée en 1979 et de la revue également éponyme parue entre 1982 et 2014. En s’appuyant sur des entretiens réalisés en mai 2021 ainsi que sur des images d’archives, ce documentaire met en lumière les quatre membres fondatrices du collectif – Gin Bergeron, Ariane Brunet, Louise Turcotte et Danielle Charest (1951-2011) – et la nécessité de documenter nos existences. Le décès soudain de la co-réalisatrice Johanne Coulombe en juillet 2021, alors que le film n’était pas encore terminé, souligne d’autant plus l’importance de ce travail de mémoire.
Amazones d’hier, Lesbiennes d’aujourd’hui. 40 ans plus tard offers a return in images to the creation of
AHLA, Amazones d’hier, Lesbiennes d’aujourd’hui, a lesbian collective at the origin of the video of the same name shot in 1979 and also the eponymous magazine published between 1982 and 2014. Based on interviews conducted in May 2021 as well as archive footage, this documentary highlights the four founding members of the collective – Gin Bergeron, Ariane Brunet, Louise Turcotte and Danielle Charest (1951 -2011) – and underlines the urgent need to document our lives. The sudden death of co-director Johanne Coulombe in July 2021, when the film was not yet finished, further amplifies the great importance of this work of collective memory.
ESTHER NEWTON MADE ME GAY
Esther Newton Made Me Gay nous invite à (re)découvrir la vie intime et la carrière d’Esther Newton, cette pionnière des études LGBT2SQ+ et de genre qui a inspiré et influencé des générations d’activistes et d’universitaires. Adoptant un style documentaire classique, Jean Carlomusto rend hommage à cette anthropologue dont les convictions et la force de caractère ont permis d’ébranler le statu quo entourant la question du genre dans les années 1970, mais aussi plus largement la façon de pratiquer l’anthropologie. De façon similaire à ce qu’elle proposait dans My Butch Career, ses mémoires publiés en 2018, Newton nous relate ici sa jeunesse, son parcours universitaires parsemé d’embûches, ses influences marquantes (Margaret Mead, Gertrude Stein, David M. Schneider), l’affirmation et l’exploration de son identité butch, ses relations amoureuses, la genèse de ses principaux ouvrages (Mother Camp : Female Impersonators in America [1972] et Cherry Grove, Fire Island [1993]), de même que sa passion pour les compétitions canines. Entrecoupée de commentaires de collègues comme Jack Halberstam et Gayle Rubin, la narration de Newton nous replonge, avec générosité et franchise, dans divers moments marquants de l’histoire des communautés LGBT2SQ+ auxquelles elle a pris part, soulignant par le fait même le chemin parcouru.
Esther Newton’s cultural anthropology work formed the cornerstone of what we now know as LGBT2SQ & Gender Studies. By her side, we take a time journey as emotionally and intellectually curious as Esther herself, from academia’s treacherous waters to the dog agility course where she further proves her mettle. Though neglected in childhood after a brief, fanatic closeness with her Communist mother, Esther was relentlessly loving in life, her gender deviancy drawing her
towards outsiders who she hoped to give a voice in scholarly circles. Her groundbreaking Mother Camp illuminated the world of drag queens, for whom she had an affinity, feeling like a female
impersonator herself as someone who wholeheartedly identified with butch lesbianism. And she
went on to give Cherry Grove, Fire Island and her own Butch Career similar elucidation. Filmmaker and
activist Jean Carlomusto underscores how Esther’s incredible accomplishments and deep humanity continue to push queer spaces towards further inclusivity, as lovers and contemporary academics sing her praises, today’s youth appreciate her impact, and her adorable dogs hang on her every command. By the end of this cerebral yet big-hearted doc, you’ll know exactly why.
FRAMING AGNES
CHASE JOYNT
Chase Joynt, accompagné de la sociologue Kristen Schilt, se rend à UCLA afin d’éplucher les archives des travaux effectués par le Dr. Harnold Garfinkel sur les personnes trans, et ce, dans l’espoir d’y trouver des informations sur l’une de ses iconiques patientes : Agnes. Les transcriptions des entretiens menés par le sociologue américain dans les années 1960 deviendront le matériau de base de Framing Agnes, une rigoureuse proposition qui entremêle le documentaire de fiction et de non-fiction. S’entourant d’une équipe de comédien·ne·s trans, Joynt rejoue ces échanges entre Garfinkel et Agnes (Zackary Drucker), Barbara (Jen Richards), Georgia (Angelica Ross), Henry (Max Wolf Valerio), Denny (Silas Howard) et Jimmy (Stephen Ira), mais en les re-imaginant sous forme de talkshow. Entrecoupé de commentaires personnels des comédien·ne·s et de l’historienne Jules Gill-Petersen, ce dispositif permet d’interroger les bénéfices associés à la visibilité identitaire, ainsi que le système d’icônes que la culture des talkshows a contribué à renforcer dans les dernières décennies, faisant de ces femmes et hommes trans un spectacle, des individus vulnérabilisés qu’on a surtout cherché à faire entrer dans un cadre normatif.
The Agnes of lore – a young trans girl in the 50s who outsmarted her way to surgery – has been stuck in a binary between cautionary tale and folk hero, co-opted for demonization or celebration.
The articulate, affecting Framing Agnes is here to try and understand and complicate that history.
Filmmaker Chase Joynt and writer Morgan M. Page wrestle with Agnes’ iconic nature through an ingenious structure: a seamless blend of black-and-white talk show entertainment, erudite history lesson, self-examination, and the archival contents of a UCLA gender clinic’s rusted shut file cabinet.
Reenactments from trans performers such as Angelica Ross (Pose), Jen Richards (Nashville, Mrs. Fletcher), and poet Max Wolf Valerio (The Testosterone Files) are contextualized by sociologists and
scholars like Jules Gill-Peterson, as we contemplate what it meant to move through space as a black trans woman or confident transmasc teen in the 1950s. Embracing a performative mode of documentary with all its frictions, Joynt reveals the usually invisible mechanisms of filmmaking and
the subjective shades of tackling the past through a stubbornly present lens. Framing Agnes finds a
powerful nuance somewhere between truth and a lie, where life takes place.
INTO MY NAME
NEL MIO NOME
NICCOLÒ BASSETTI
ITALIE / ITALY | 2022 | 93 MIN | V.O. ITALIENNE S.-T.A. / ITALIAN S.-T.EN.
Quatre ami.es, Nic, Leo, Andrea et Raff racontent l’histoire de leurs transitions de genre. En repensant à leur enfance et à leur jeunesse, ils partagent leurs souvenirs et leurs expériences personnelles. Même si elles ne sont pas toujours conformes aux normes sociales de la féminité, toutes les quatre ont été socialisées en tant que filles. Chacune de leurs biographies de genre peut être différente, mais il existe des parallèles. Cela les aide à se comprendre et à se sentir moins seul.es. Les discussions avec les partenaires, le choix des pronoms, l’hormonothérapie, les décisions chirurgicales et les démarches auprès des autorités, qui sont multiples et longues. Dans le monde strictement binaire dans lequel nous vivons, la décision de déterminer soi-même sa propre identité de genre est un acte subversif. Into My Name (Nel mio nome) offre aux personnes trans un espace pour décrire leur cheminement personnel vers leur propre identité avec le nom qu’elles se sont choisi. Le film est également une description franche et sensible des obstacles qu’iels ont dû surmonter dans la société afin de mettre en œuvre les changements sociaux, physiques et juridiques nécessaires.
Four friends – Nic, Leo, Andrea and Raff – tell the stories of their gender transitions. Looking back on their childhood and youth, they share their personal memories and experiences. Even if they did not always conform to the social norms of femininity – all four were socialised as girls. Each of their gender biographies may be different, yet there are parallels. This helps them to understand each other and feel less alone. The discussions with partners, the choice of pronouns, the hormone therapy, decisions about surgery and dealing with the authorities – the processes are diverse, and lengthy. In the strictly binary world we live in, the decision to determine one’s own gender
identity is a subversive act. Into My Name (Nel mio nome) gives trans people a space to describe their
personal paths to their own identity with the name they have chosen for themselves. The film is also a frank and sensitive depiction of the hurdles that they have had to overcome in society in order to implement the necessary social, physical and legal changes.
LOVING HIGHSMITH
EVA VITIJA | SUISSE + ALLEMAGNE / SWITZERLAND + GERMANY 2022 | 82 MIN | V.O. ALLEMANDE, A. + F. S.-T.A. / GERMAN, ENGLISH + FRENCH S.-T.EN.
Ce documentaire biographique conjugue la vie personnelle et professionnelle de la romancière américaine Patricia Highsmith. Si le nom de cette écrivaine texane demeure méconnu, ses œuvres évoquent à elles seules des imaginaires portés au grand écran par les plus grands noms du cinéma, de L’Inconnu du NordExpress (1951, Alfred Hitchcock), à l’encensé Le talentueux Mr. Ripley (1999, Anthony Minghella), sans oublier le récent Carol (2015, Todd Haynes). Basé sur les écrits personnels de la romancière, annexés aux images d’archives, récits et témoignages de ses proches, le documentaire s’intéresse à l’univers créatif de Highsmith, mais également à sa vie personnelle, sa « double vie » empreinte de saphisme, à une époque où il fallait taire le mot. D’anciennes amantes témoignent, dont Monique Buffet, ou encore l’écrivaine américaine Marijane Meaker, qui sera en couple avec Highsmith pendant plusieurs années. D’ailleurs, Meaker qui écrivait des lesbian pupls sous le nom de Vin Packer, évoque Carol, la seule œuvre à thématique « lesbienne » de Highsmith qui paraîtra à priori sous un nom de plume. Néanmoins, avant sa mort, la romancière revendiquera la paternité de l’œuvre dévoilant ainsi sa véritable identité.
Acclaimed writer Patricia Highsmith, who wrote the first lesbian novel with a happy ending, shrugged off conventions the way she shrugged off genres. Framed by her unpublished diaries, unparalleled prose, and interviewed intimates, she can be seen as “the forever seeking,” an avid traveller who accumulated accolades and impassioned affairs. We follow Highsmith from her upbringing in Texas to her European adventures, stopping in at Berlin trans bars frequented by David Bowie and her own “women’s festival” of lusty admirers in Paris, and alongside her on a move to a French village where she could daydream in silence. Guided by Highsmith’s bravura writing – given voice by
the throaty tones of Gwendoline Christie (Game of Thrones) – we hear stories from former lovers
about her rejections and resentments, and her living, for a time, the complicated double-life of her
indelible characters from Carol. Eva Vitija’s documentary manages to give even the scribblings of
plot structure a fervent energy and imbues the film’s flow with a dreamy potency, like Highsmith herself, who is seen typing in a cloud of smoke or walking her slow, masculine walk. Never less than captivating.
MAMA BEARS
DARESHA KYI
Dans son documentaire, Daresha Kyi part à la rencontre de trois membres des « Mama Bears », un regroupement de mères américaines issues d’un milieu chrétien et conservateur qui, sans renier leurs convictions religieuses, ont pourtant décidé un jour de se battre afin de défendre les droits de leurs enfants LGBT2SQ+. On trouve des « Mama Bears » partout à travers les États-Unis. Elles communiquent via un groupe Facebook privé et militent dans le but de rendre le monde plus sécuritaire pour les enfants LGBT2SQ+ ; les leurs, mais aussi celles et ceux qui ont été rejeté·e·s par leurs parents. À travers les portraits inspirants de Kimberly Shappley, la mère d’une enfant trans (Texas) ; Sara Cunningham, dont le fils est gay (Oklahoma) ; et Tammi Terrell Morris, la fille lesbienne d’une fervente chrétienne (Californie), Mama Bears nous replonge d’abord dans les années pleines de préjugés qui ont précédé la prise de conscience de ces mères. Le documentaire nous offre ensuite un panorama sensible des actions de ces militantes dévouées à une cause qu’elles ont choisi de défendre par amour, au risque d’être elles-mêmes rejetées par leur entourage conservateur.
Following a trans girl, a gay man, and a lesbian mother, this emotional triptych chronicles evangelical Christian “Mama Bears” fighting for their children’s rights and wrestling with their conflicted souls as the movement gains members and sprouts local chapters across the U.S. one glitter-dusted hug at a time. “The Bible says…” a lot of things. When bathroom bills, conversion therapy, and suicidal ideation endanger the well-being – and very existence – of young Kai Shappley, Parker Cunningham, and Tammi Morris, it’s up to these individuals and their scripture-loving mothers to decide for themselves how to interpret God’s plan. Finding strength in one another, a network of Mama Bears works together on and offline to extend comfort and bring about a kinder, safer place for LQBT2SQ+ children. Together, this “tribe” makes them brave, allowing them to pinpoint moments
of personal epiphany and face their fears. As directed by Emmy-winning Daresha Kyi, Mama Bears
refuses to sand away contradictions, the manifold structuring of this “delicate balance” of faith showing enlightening points of comparison and contrast between the subjects while revealing the ease of hatred, and how arduous the road towards unconditional love can be.
MY NAME IS ANDREA
PRATIBHA PARMAR
À une époque où les droits de la femme sont menacés et où la pornographie prolifère, il reste peu de choses aussi prémonitoires et aussi puissantes que la parole et la vie d’Andrea Dworkin, dramatisées ici par une variété de personalités primées pour faire le procès de l’expérience quasi-universelle de la violation des femmes. Et pour bousculer votre vision du monde. Andrea Dworkin s’est prononcée contre l’ordre établi: contre le racisme et la répartition inéquitable des richesses, contre la culture du viol et la persécution marchande de l’industrie du porno. Ses mots et leur phrasé hypnotique, souvent vibrant d’une énergie nerveuse et juste, avaient le « pouvoir de poèmes », inspirés de son admiration pour Ginsberg. Ils pouvaient également la placer dans le collimateur des mauvaises personnes puisque comme Salman Rushdie, elle dû faire face à des menaces de mort lorsqu’elle monta sur scène. Néanmoins, après de multiples instances lors desquelles les traumatismes ont mené au mutisme, sa désobéissance à elle grandit encore et encore. Au travers des performances cinématographiques magistrales d’Amandla Stenberg (The Hate U Give), de l’actrice et activiste Ashley Judd, et de l’auteure-compositrice française Soko, le documentaire de Pratibha Parmar, sans faire de bruit, établit des liens saisissants et effrayants entre les luttes passées (ex. le massacre de l’École Polytechnique) et présentes. Arrachant quelque chose de durable à la douleur.
At a time when women’s rights are under threat and porn proliferates, little remains as prescient or as powerful as Andrea Dworkin’s life and words, dramatized here by a variety of award-winning personages to put the near-universal experience of women’s violation on trial. And to shake up your worldview. Andrea Dworkin spoke out against the established order: against racism and the unfair distribution of wealth, against rape culture and the commodified persecution of the porn industry. Her words and their mesmeric phrasing – often vibrating with nervy, righteous energy – had the “power of poems,” spurred on by her admiration of Ginsberg. They could also place her in the crosshairs so that, like Salman Rushdie, she had to contend with threats to her life when she took the stage. But, even after traumas led repeatedly to muteness, her defiance rose again and again. Through
masterful cinematic performances by the likes of Amandla Stenberg (The Hate U Give), actress and
activist Ashley Judd, and French singer-songwriter Soko, Pratibha Parmar’s documentary pulls no punches and draws chilling links between struggles past (ex. the École Polytechnique massacre) and present. Wrenching something lasting from pain.
NELLY & NADINE
MAGNUS GERTTEN | SUÈDE, BELGIQUE + NORVÈGE / SWEDEN, BELGIUM + NORWAY | 2022 | 90 MIN V.O. SUÉDOISE, ESPAGNOLE, F. + A. S.-T.A. / SWEDISH, SPANISH, FRENCH + ENGLISH S.-T.EN.
L’histoire d’amour de deux héros de guerre commencée dans des circonstances des plus horribles, mais avec la plus heureuse des fins. L’histoire d’amour d’une chanteuse d’opéra globe-trotteuse soudainement arrêtée à Paris par la statue de Molière et son « Papillon », la fille d’un ambassadeur de Chine en Espagne. Nous sommes en 1945 et des images en noir et blanc capturent les survivants des camps de concentration allemands à leur arrivée à Malmö, en Suède. Nadine Hwang, un visage fascinant parmi la multitude battue par la guerre, son expression énigmatique. Comme beaucoup ont posé des questions sur La Joconde, le cinéaste Magnus Gertten demande : « À quoi pense-t-elle? » Après avoir parcouru les photographies, les journaux intimes et les bobines de film cachés dans la ferme de la petite-fille de Nelly Mousset-Vos dans le nord de la France et nous avoir emmené.es avec lui à la recherche d’indices à travers l’Europe et l’Amérique du Sud, il pense avoir une réponse. Une œuvre à l’ambiance mystérieuse se dévoile. Des salons littéraires célèbres y participent. Espionnage entrepris. Le documentaire exceptionnellement touchant de Gertten est une confluence de prose poétique, de cinématographie exquise et d’une partition élégante, accompagnée de riches images d’archives de vies privées queer. Tous rendent justice à la grande et durable romance de Nelly et Nadine.
This is the love story of two war heroes begun in the most horrible of circumstances, but with the happiest of endings. The love story of a globe-trotting opera singer suddenly arrested in Paris by the statue of Molière and her “Butterfly,” the daughter of a Chinese ambassador to Spain. It’s 1945, and black and white footage captures the survivors of German concentration camps as they arrive in Malmö, Sweden. Nadine Hwang’s is a fascinating face among the war-battered multitude, her
expression enigmatic. As many have asked about the Mona Lisa, filmmaker Magnus Gertten asks,
“What is she thinking?” After scouring the photographs, diaries, and film reels tucked away on Nelly Mousset-Vos’s granddaughter’s farm in Northern France and taking us with him on a hunt across Europe and South America for clues, he thinks he has his answer. And a mysterious mood piece unfolds. Famous literary salons attended. Espionage undertaken. Gertten’s uncommonly affecting documentary is a confluence of poetic prose, exquisite cinematography, and an elegant score, with rich archival footage of private queer lives. All doing justice to Nelly and Nadine’s grand, enduring romance.
PAT ROCCO DARED
BOB CHRISTIE + MORRIS CHAPDELAINE CANADA | 2022 | 90 MIN | V.O.A. / ENGLISH
Dans les années 60, les films de Pat Rocco avaient beau montrer une large part de nudité (comme en atteste ce documentaire sans tabou), ils transcendaient la pornographie, offrant au passage un coup d’œil jamais vu sur les vies d’hommes gais marquées par l’affirmation de soi, la romance et l’érotisme, entre les autoroutes de Los Angeles et Disneyland. Une vision aussi utopique que cette histoire personnelle est remplie. « Extraordinaire » est un euphémisme pour décrire Pat Rocco, un artiste et activiste pionnier. Au-delà des images positives d’hommes gais qu’il a montrées au grand écran – y compris la toute première scène montrant deux hommes s’embrassant –, Pat Rocco a documenté un monde en mouvement, posant sa caméra sur Harvey Milk lors d’un discours pivot enflammé, documentant l’acharnement des policiers sur un danseur noir ou encore mettant en lumière une femme trans. Et il a redonné à sa communauté, étant le fer de lance d’un programme d’hébergement queer à Los Angeles. Pour démontrer l’étendue de sa contribution, le touche-à-tout Charlie David (Dante’s Cove) remonte la filière dans la maison hawaïenne débordante de souvenirs de Pat Rocco et discute avec des activistes et spécialistes comme le Torontois Syrus Marcus Ware. L’« avant-gardiste étalage de la présence queer » fait par Pat Rocco est analysé et célébré, le corps devenant ici vecteur de changement radical.
Pat Rocco’s films of the 60s featured plenty of nudity, as this no-holds-barred documentary can attest, yet they transcended pornography, offering groundbreaking glimpses of gay men exploring self-affirming, romantic, and erotic lives everywhere from the L.A. freeway to Disneyland. A vision as utopic as this personal history is comprehensive. Extraordinary is too understated a word to describe Pat Rocco, a trailblazing artist and activist. Beyond showing gay men positive images of themselves on the big screen, including the first film featuring two men kissing, Rocco documented a world in flux, pointing his lens at Harvey Milk during a fiery, pivotal speech; documenting the police harassment of a Black dancer; and offering the spotlight to a trans woman. And he gave back to his community: spearheading an emergency queer housing program in Los Angeles. To convey the
breadth of Rocco’s achievements, multi-hyphenate Charlie David (Dante’s Cove) walks down memory
lane with Rocco inside his memorabilia-packed house in Hawaii and sits down with activists and scholars like Torontonian Syrus Marcus Ware. Rocco’s “unusual displays of queer presence” are parsed and celebrated, the body figured as a vehicle for radical change.
SIRENS
RITA BAGHDADI
ÉTATS-UNIS / USA | 2022 | 79 MIN | V.O. ARABE + A. S.-T.A. / ARABIC + ENGLISH S.-T.EN.
Au cœur de Beyrouth, en 2015, des jeunes femmes forment le premier groupe de métal féminin au Moyen-Orient. Si Slave to Sirens est invité à performer au festival de Glastonbury en Angleterre, sa reconnaissance dans le Liban conservateur, instable et fragilisé par l’explosion de 2020 dans le port de la capitale, tarde à se faire sentir. Malgré leurs nombreux admirateurs, ces pionnières vont à l’encontre des traditions en jouant du heavy métal, considéré comme «la musique du diable». Sans compter qu’une femme dans la vingtaine doit se marier et avoir des enfants et non faire des tournées musicales. « Je ne crois pas qu’il y ait de liberté d’expression au Liban… Chaque fois que la femme veut être autre chose que ce que veut la société, il y a toujours un problème », affirme Lilas, guitariste du groupe. Cette dernière, au même titre que Shery, également guitariste, peine à affirmer son amour pour les femmes, dans une société où l’homosexualité est encore jugée criminelle. Ironiquement, la rage de la musique métal exprime celle d’un pays en proie au conservatisme.
Shery and Lilas met in the middle of a riot. A fitting start for these revolutionary co-founders of
the thrash metal quintet Slave to Sirens – the first all-female band of its kind in Lebanon. Women
capturing the discontent of their country as their own lives fracture and attractions sear. A sexual awakening and subsequent estrangement complicate the musical relationship of a soulful Shery Bechara (lead guitar) and live wire Lilas Mayassi (rhythm guitar), whose electric chemistry provides both the tension and potential death knell of their taboo-courting group. As they work through ideas, arguing about tempos and studying performances, their unspoken conflicts create an instability analogous to Lebanon’s so that love, art, and politics intertwine. Rita Baghdadi’s adrenalinepowered documentary has the coherence and cinematography of narrative film, the camera intimate, searching, staying with Shery and Lilas in spectacular landscapes and cramped kitchens doused in darkness by yet another power outage. The blare of Beirut’s sirens, literal and metaphorical, never far out of earshot. As controversies and tempers erupt, and a long-distance romance plucks at the heartstrings, two “tangled” women must decide what they’re willing to sacrifice.
TRAMPS!
KEVIN HEGGE
CANADA | 2022 | 102 MIN | V.O.A. / ENGLISH
Dans les années 80 en pleine course à la fortune, un groupe de marginaux appelés les nouveaux romantiques naviguait dans les clubs en sueur et les squats en ruine de la vie underground londonienne, insouciants des détails pratiques. Construire des liens de pilules et de rendez-vous. Secouer le monde, le réveiller une performance de « drag radicale » ou une révolution vestimentaire à la fois. L’origine fièrement dégénérée de l’histoire de « punk vaniteux » des nouveaux romantiques est souvent dominée par des méga-stars comme Boy George, qui figure à merveille dans Blitzed de cette année, compagnon parfait de ce festin d’art visuel. Ici, le cinéaste Kevin Hegge rend hommage aux repousseurs de frontières moins souvent déifiés et restaure les virtuoses perdus par le SIDA. À une époque où l’on frappait ou ignorait les excentriques dans la rue, des artistes comme Scarlett Cannon, Les Child, Leigh Bowery, Trojan et BodyMap attelaient les médias pour faire avancer la société. Soutenu par une bande originale changeante de rythmes rêveurs et déconstruits, Tramps! est un sillage très contrasté d’entrevues franches et d’images d’archives époustouflantes. N’hésitant pas à donner un coup aux traditions bien ancrées, il révèle un portrait nuancé des « gouines, queers, punks et prostituées » qui ont refusé de n’être que des pions et ont demandé bien plus à la culture que des nuances de gris.
In the get-rich-quick 80s, a group of misfits labeled the New Romantics navigated the sweaty clubs and crumbling squats of the London underworld, innocent of practicalities. Building friendships from pills and trysts. Shaking the world awake one “radical drag” performance or fashion revolution at a time. The proudly degenerate origin story of the New Romantics’ “peacock punk” is often dominated by megastars like Boy George. Here, filmmaker Kevin Hegge pays homage to less often deified boundary-pushers and recovers the virtuosos lost to AIDS. At a time when eccentrics were ignored or punched in the street, artists like Scarlett Cannon, Les Child, Leigh Bowery, Trojan, and BodyMap harnessed the media to prod society forward. Undergirded by a shifting soundtrack of
dreamy and deconstructed beats, Tramps! is a high-contrast slipstream of candid interviews and