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longs métrages
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BALABAN
AYSULU ONARAN | KAZAKHSTAN, BIÉLORUSSIE, ROYAUME-UNI + ÉTATS UNIS / KAZAKHSTAN, BELARUS, UNITED KINGDOM + USA | 2022 | 101 MIN | V.O. RUSSE S.-T.A. / RUSSIAN S.-T.EN.
Inspiré de l’incident survenu en 2006 au Kazakhstan, où 160 enfants ont été infectés au VIH après que du sang contaminé leur ait été administré dans quatre hôpitaux, Balaban nous plonge dans le quotidien fictif de deux de ces adolescentes : Zhanna et Ardak. Lasses d’être altérisées à cause de leur stigmate, elles décident de voler puis vendre illégalement une espèce rare de faucon afin d’obtenir l’argent nécessaire à leur fuite vers Paris, là où elles espèrent pouvoir vivre plus librement. Bien qu’elles soient issues de milieux sociaux différents (la famille de l’une est riche et lui procure des soins au privé, alors que l’autre vit dans un orphelinat et est prise en charge par le domaine public), une relation d’amitié, voire d’amour, naît entre les deux protagonistes. Elles deviennent l’une pour l’autre cet ancrage que leur famille n’a pas été en mesure de leur fournir, la honte et la peur du VIH pourrissant leur relation. Habilement dirigé par Aysulu Onaran et rehaussé par une facture visuelle soignée, ce film se propose à la fois comme une histoire de solidarité et une critique du système qui fait la vie dure aux individus marginalisés.
Its premise arising from a 2006 incident in Kazakhstan involving tainted blood transfusions,
Balaban filters this tragic event through a stylish coming-of-age thriller shot through with
tumultuous romance as two Kazakh teenagers choose unethical means to fulfil their Paris fantasy. Writer-director Aysulu Onaran’s closeness to the subject matter – after years of charity work with
HIV-positive youth and those facing gender abuse – reveals itself in Balaban’s marriage of
philosophical contemplation and heart-in-throat dread. Their HIV diagnosis affects both privileged Zhanna (Kamila Fun-So) and orphaned Ardak (Irina Gylko), pushing them to seek solace in one another and the promise of a move to Paris. But trouble looms on all sides when they decide to steal a rare Balaban falcon to fund their escape, including taxed authority figures, a gun-toting falcon smuggler (Chingiz Kapin), and their ever-present conditions. Onaran sharpens the film’s sleek edge with dynamic camerawork, her compositions at times like contemporary artworks, at other times approaching the whiz-bang energy of Wes Anderson, to capture Kazakhstan’s eldritch beauty. Never losing sight of the “beautifully simple” promise of living and loving while one still can.
THE BLUE CAFTAN
MARYAM TOUZANI
FRANCE, MAROC, BELGIQUE + DANEMARK | 2022 | 118 MIN | V.O. ARABE S.-T.A. / ARABIC S.-T.EN.
Halim (Saleh Bakri) et Mina (Lubna Azabal) sont propriétaires d’un atelier de confection de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Pendant que Mina reçoit et conseille les clientes malgré sa santé fragile, Halim pratique son art dans l’arrière-boutique. Par respect pour la tradition, il œuvre de ses mains et refuse d’utiliser une machine qui lui permettrait de travailler plus vite. Mais les commandes s’accumulent, et il leur devient nécessaire d’engager un apprenti, Youssef (Ayoub Missioui), pour qui Halim développe une tendre affection, ce qui n’échappe pas à l’attention de Mina. Maryam Touzani offre ici un film d’une très grande maîtrise où se mélangent sensibilité et sensualité. La caméra s’attarde au mouvement des tissus comme aux gestes de l’artisan, rendant hommage à cette expertise qui tend à disparaître faute de transmission. The Blue Caftan célèbre également la force de l’amour, de la loyauté et de l’humilité. Alors que ce sont les silences, les regards et les gestes retenus qui gouvernent cet univers intime, les quelques paroles échangées, par contraste, hurlent de vérité et vont droit au cœur.
In Morocco’s official Oscars entry, Halim’s adoring and well-adored wife grows more ill while the need to complete a client’s lavish, “petroleum blue” caftan grows more urgent, as does Halim’s desire for the skilled apprentice who has big brown eyes only for him. Halim (Saleh Bakri) has a well-worn routine in a Moroccan medina: long hours with pushy customers; sexual release with men in bathhouses; home to a loving, albeit strained, evening with his ailing wife, Mina (an unforgettable
Lubna Azabal, also starring in El Houb). It’s only a matter of time before this delicate stitching comes
undone. “It’s all over,” Mina snarls. She means his profession, hand-made garments grown obsolete in a machine-made world, but it’s also true of the silence surrounding the palpable romantic tension between Halim and his mentee, Youssef (Ayoub Missioui). The central marriage, the hesitant gay romance, and the film itself are like painstakingly woven garments, approached with patience and care. This passionate slow burn is finely crafted with sumptuous colours and a tactile closeness –
the winding of thread, the piercing of cloth. A counterpoint to death, which The Blue Caftan reveals
can be both dignified and uncommonly joyous.
BREAKING THE ICE
CLARA STERN
AUTRICHE / AUSTRIA | 2022 | 102 MIN | V.O. ALLEMANDE S.-T.A. / GERMAN S.-T.EN.
Lorsque Theresa se fait transférer aux Dragons, les grands yeux bleus de Mira l’observent, s’absorbent d’elle. Par la suite, ce qui semble être un film de hockey banal, se transforme en quelque chose de plus excentrique, de plus intriguant. Les forces instables de l’alchimie qui se dégage entre ces femmes inverseront peut-être leur destinée et celle de leur équipe. Mira (Alina Shaller), est perfectionniste, terrifiée par l’idée de faire le grand saut. Cachée derrière un maillot des Vancouver Canucks, elle s’occupe consciencieusement de l’entreprise viticole autrichienne familiale, le vignoble bordé d’éoliennes, leur lente rotation. Alors qu’à l’intérieur les pressions s’entrechoquent, la menant à repousser la gentillesse de Theresa (Judith Altenberger) pendant les entraînements et à se trouver désarmée lorsque son frère aux humeurs changeantes et à la beauté indéniable (l’incroyable Tobias Resch) refait surface. Paul est maître de l’évasion, fuyant sa famille, son identité même, mais il est aussi celui qui apprendra à Mira comment être plus libre dans son corps, plus flexible vis-à-vis du genre et des apparences. C’est ainsi que le plaisir commence, Mira, Theresa, et Paul deviennent d’inséparables piliers de bar, insouciants de leurs responsabilités, qui pilonnent la glace pour essayer de se sortir de leurs torpeurs aux yeux vitreux. Le public ne sachant pas à quoi s’en tenir, entre contrainte ou libération totale.
When Theresa is transferred to the Dragons, Mira’s big blue eyes watch her, absorbing her. Then, what seems to be, on the surface, a hockey film becomes something quirkier and altogether more intriguing. And fortunes will rise and fall by these women’s volatile chemistry. Mira (Alina Schaller) is a perfectionist terrified of stepping off the proverbial tightrope. Hidden inside a Vancouver Canucks jersey, she tends dutifully to her family’s Austrian wine business, the vineyard edged by wind turbines, their slow turning. While, inside, pressures churn, causing her to rebuff the kindness of Theresa (Judith Altenberger) during practices and to become unmoored by the reappearance of her handsome, mercurial brother (an incredible Tobias Resch). Paul is an escape artist, fleeing his family, his very identity, but he is also the one to teach Mira how to be freer in her body, more playful with gender and appearance. And that’s when the fun begins, Mira, Theresa, and Paul becoming inseparable barflies but reckless in their responsibilities, which pound the ice to try and rouse them from their glassy-eyed stupors. The audience is unsure what to root for: constraint or total liberation.
CAMILA COMES OUT TONIGHT
CAMILA SALDRÁ ESTA NOCHE
INÉS BARRIONUEVO
ARGENTINE / ARGENTINA | 2021 | 101 MIN | V.O. ESPAGNOLE S.-T.A. / SPANISH S.-T.EN.
Après une évasion intense lors d’une manifestation contre les lois anti-avortement, la fougue politique de Camila se voit étouffée à nouveau lorsqu’avec sa famille, elle doit déménager à Buenos Aires et intégrer une école privée « toxique ». Mais des amitiés inattendues et des rendez-vous romantiques traversant le fossé du genre réveilleront son côté sauvage et son engagement envers l’autonomie corporelle. La maison de sa riche grand-mère dans laquelle Camila est obligée de vivre avec sa famille qui ressemble de près à un mausolée, ensevelit Camila sous les décombres des secrets de la vieille femme. Tendant un bras vers l’obscurité, les nouveaux camarades de classe de Camila : Pablo (Federico Sack) ouvertement gai, Bruno (Diego Sanchéz) le sensible et beau garçon et enfin Clara (Maite Valero) mercurielle l’introduisent aux plaisirs de la nuit de la capitale fédérale ainsi qu’à une sexualité fluide suffisamment torride et bouillante pour recourber le revêtement en plastique des meubles. Bien qu’on la qualifie de « féminazie » pour avoir brisé le moule, Camila refuse de rester enchaînée au passé et s’efforce d’entraîner son école agressivement neutre dans une conscience sociale pure. Élevée par la guérison générationnelle et amenée par la déclaration de Thoreau selon laquelle «toutes les bonnes choses sont sauvages et gratuites », la scénariste-réalisatrice Inés Barrionuevo nous transporte d’une immobilité soigneusement calibrée au coup de pied de la révolte.
After an intense escape during a protest against abortion laws, Camila’s political spirit is quelled by a family move to Buenos Aires and her enrollment in a “poisonous” private school. But unexpected friendships and romantic trysts across the gender divide awaken her wild side and her commitment to bodily autonomy. Her wealthy grandmother’s house, where Camila (Nina Dziembrowski) is forced to stay with her family, is like a mausoleum, entombing Camila among the elderly woman’s secrets. Extending a hand into the gloom, Camila’s new classmates – including the openly gay Pablo (Federico Sack); the sensitive, teen-idol-sexy Bruno (Diego Sanchéz); and the mercurial Clara (Maite Valero) – introduce Camila to Buenos Aires’ night life, as well as a fluid sexuality steamy enough to curl the plastic covering off the furniture. Though she is labelled a “feminazi” for breaking the mould, Camila refuses to stay chained to the past and endeavours to drag her oppressively neutral school into raw social awareness. Lifted by generational healing and informed by Thoreau’s declaration that “All good things are wild and free,” writer-director Inés Barrionuevo moves us from a carefully calibrated stillness into the kick of revolt.
COMPULSUS
TARA THORNE
CANADA | 2022 | 81 MIN | V.O.A. / ENGLISH
L’homme qui se sert de l’ivresse des femmes. Le siffleur de rue agressif. Le violeur libéré. Wally affronte ces hommes nuisibles et devient une justicière du quartier nord d’Halifax. Exploitant sa « rage aveugle » et sa relation avec Lou imbibée de luxure, elle entreprend une mission sanglante qui ébranlera votre vision du bien et du mal. Tout autour de Wally (Lesley Smith), des hommes nuisibles, toujours portant les mêmes vestes en jean et coton ouatés gris, le visage invisible, s’immiscent brutalement dans la vie des femmes. Alors que Wally mergent les lignes entre sa violence de vengeance et sa relation naissante avec Lou (Kathleen Dorian), le film passe sournoisement de romance à thriller socioculturel et une dualité bouillonnante vient définir la vie de Wally et son slam (poèmes écrits par la poète d’Halifax Sue Goyette). Est-ce que ce qu’elle se voit obligée de faire est une réponse justifiée par un système brisé ou une manière « téméraire » éthiquement ambiguë de se faire mettre en prison, « ou pire »? Destiné à un public exaspéré par #MeToo et les violences conjugales durant la pandémie, et empli de l’audace de Promising Young Women, Compulsus de Tara Thorne, c’est du cinéma plein la face fait pour un débat post-film. Et révèle une toute autre utilisation de la sangle d’un tapis de yoga.
The guy exploiting drunk women. The aggressive catcaller. The rapist who walks free. Wally takes on these Bad Men, becoming a vigilante in Halifax’s North End. Harnessing her “blind rage” and lustfueled partnership with Lou, she undertakes a bloody mission that will rattle your sense of right and wrong. All around Wally (Lesley Smith), Bad Men – always in the same jean jacket and grey hoodie, face unseen – brutishly insert themselves into women’s lives. As Wally blurs the line between her retributive violence and budding relationship with Lou (Kathleen Dorian), the film sneakily swings from a romance to a sociocultural thriller, and a seething duality comes to define Wally’s life and slam poetry (written by Halifax’s poet laureate, Sue Goyette). Is what she is compelled to do a justifiable response to a broken system or a “foolhardy,” ethically ambiguous way to land her in jail “or worse”? Aimed at a public incensed by #MeToo and pandemic-time domestic abuse and full
of the lightning rod audacity of a Promising Young Woman, Tara Thorne’s Compulsus is in-your-face
filmmaking ripe for post-film debate. And reveals a whole new use for a yoga mat strap.
COP SECRET
LEYNILÖGGA
HANNES ÞÓR HALLDÓRSSON
ISLANDE / ICELAND | 2021 | 98 MIN | V.O. ISLANDAISE S.-T.A. / ICELANDIC S.-T.EN.
Débutant par une poursuite effrénée dans les rues de Reykjavik, Cop Secret annonce rapidement les couleurs d’une comédie d’action policière islandaise à la sauce hollywoodienne. Au cœur du quotidien de la Lögreglan, la police islandaise, Bússi et Hörður, deux flics vedettes, s’affrontent dans une guerre d’égo, pour le titre de meilleur policier du pays. Alors qu’ils seront amenés à devenir coéquipiers pour une enquête sur une série de vols de banques, les deux hommes développent une attirance mutuelle. Bússi, par homophobie intériorisée, refuse de reconnaître son homosexualité, « parce qu’un policier viril n’est pas homosexuel ». Est-ce que le beau Hörður, ouvertement pansexuel, parviendra à le lui faire accepter? Ayant détourné les regards au dernier festival de Locarno, ce premier long-métrage du réalisateur Hannes Þór Halldórsson (également gardien de but pour l’équipe de soccer d’Islande), est sans surprise bourré de testostérone et des codes conventionnels de films de comédie masculine hétéro, évoquant parfois des films d’action de série B. Cop Secret s’adresse aux adeptes de comédies policières qui veulent avoir un avant-goût de l’Islande, sa capitale, son humour, et bien sûr, son corps policier.
Cop Secret is the type of big-budget buddy cop spoof that LGBT2SQ+ audiences aren’t afforded, with the DNA of Die Hard and the zing of Austin Powers zaniness. When Reykjavik experiences an
enigmatic crime spree, a closeted “supercop” and pansexual crime fighter unite to solve the case and ignite romance. The film opens with a Bond-worthy chase scene, guitars soaring, introducing us to Icelandic reckloose Bússi (Auðunn Blöndal) and the “rich and handsome” Hörður (Egill Einarsson). They are rival cops in pursuit of a shadowy organization led by an unhinged villain (Björn Hlynur Haraldsson) with a taste for blood and a hoarse, often nonsensical Trumpian English. A brush of their hands during a shootout and many Jägermeister shots later, Bússi and Hörður team up (in more ways than one) to stop a deadly plot at a World Cup-qualifying women’s soccer match. Loyalties are tested and bad guys exploded in this endlessly entertaining romp from former professional soccer star Hannes Þór Halldórsson, who lovingly skewers the buddy cop genre, wringing it for humour, hard-hitting hijinks, and plenty of popcorn-popping homoeroticism.
EISMAYER
DAVID WAGNER
AUTRICHE / AUSTRIA | 2022 | 87 MIN | V.O. ALLEMANDE S.-T.A. / GERMAN S.-T.EN.
À cause de ses méthodes autoritaires, Charles Eismayer est devenu, au fil des années, l’instructeur le plus redouté de l’armée autrichienne. Alors que débarque un nouveau groupe de recrues, un seul d’entre eux lui tient tête : Mario Falak. Bien qu’il soit l’un des plus prometteurs de son groupe, il se montre arrogant et affiche ouvertement son homosexualité, ce qui déstabilise le sergent, lui qui vit une double vie depuis des années et refoule ses désirs pour les autres hommes. Dans Eismayer, David Wagner nous propose une vision rafraîchissante de l’armée, traditionnellement associée à une attitude macho et virile. Ici, il souligne avec nuances l’écart entre les générations : Eismayer, avec son homophobie intériorisée, paraît en décalage par rapport au reste des membres de l’école militaire. La beauté de ce film tient également au sentiment de solidarité qui le traverse. Plus qu’une relation amoureuse, c’est surtout une reconnaissance mutuelle qui rapprochera Eismayer et Falak ; une entraide, un care qui se manifestera à différents niveaux afin que les deux hommes puissent traverser ensemble les épreuves que la vie leur impose.
Based on true events and with the restraint of a hardened soldier, Eismayer follows the titular sergeant
major as a brazenly out and proud “Yugo” emboldens him to temper his fearsome tyranny, if only he can release his stranglehold on the truth. Charles Eismayer (Gerhard Liebmann) is a neglectful husband and committed military man, the kind of guy who smokes in the shower. He is dreaded by new recruits cowed by brutal rumours and disliked by other superiors in the Austrian army, who
find his hard-driven ways unbefitting for modern times. Nevertheless, Mario Falak (Luka Dimić)
refuses to be intimidated. He’s the kind of guy who would rather run a “lap of honour” naked than give into homophobic treatment from his comrades and Eismayer’s in-your-face orders. Thus begins a begrudging mutual respect and simmering sexual tension between Eismayer and Falak that will test hierarchies and reveal the limits of control. David Wagner’s military romance is seamlessly constructed with resonant match cuts and symbolism. We keep returning to a shot of light snowfall in the abandoned brick shell of a dwelling, unsure what it might portend, but longing for a thaw.
ELEPHANT
SŁOŃ
KAMIL KRAWCYCKI
POLOGNE / POLAND | 2022 | 104 MIN | V.O. POLONAISE S.-T.A. / POLISH S.-T.EN.
Lorsque Bartek, un travailleur acharné, et Dawid, un esprit libre se rencontrent après le retour de Dawid dans son pittoresque village polonais pour les funérailles de son père, leur relation naissante stimule la volonté de Bartek de se réaliser et remue son cœur. Même si quelque chose de plus sombre s’agite chez ceux qui cherchent à brider cette force naturelle. Au début du film, Bartek (Jan Hrynkiewicz) chevauche son cheval bien-aimé, sur un fond de toile des collines qui enserrent son village. Lorsqu’il arrive à une rivière, son cheval refuse de traverser. Un refus similaire tourmente Bartek. Il tire satisfaction de sa vie de gardien de la ferme familiale, certes difficile mais enrichissante. Il aspire à ce que son identité s’épanouisse. Dawid (Paweł Tomaszewski) en revanche, qui, lui, a fui il y a longtemps ce village et l’alcoolisme de son père qu’il abrite, a pu nourrir ce côté de lui-même. Bartek aussi veut pouvoir. Troublée, la mère de Bartek (Ewa Skibińska) ne souhaite qu’une chose : que Dawid et ce besoin soudain de grandir, disparaissent. Tiraillé par des désirs disparates, Bartek doit choisir quelles rivières traverser à gué. Soutenu par le défi et se délectant du monde naturel, son vert poussiéreux se transformant en orange automnal, le premier long métrage de Kamil Krawczycki donne la parole à des pulsions autrefois silencieuses dans un style fracturé unique. Les jours passent, les allégeances changent. Les âmes s’éveillent.
When hardworking Bartek and free-spirited Dawid connect after Dawid’s return to his picturesque Polish village for his father’s funeral, their budding relationship stimulates Bartek’s drive for self-fulfillment and stirs his heart. Though something darker stirs in those who want to bridle this force of nature. In the film’s opening, Bartek (Jan Hrynkiewicz) rides his beloved horse before the hills that hem in his village and comes to a river, which his horse refuses to cross. A similar refusal plagues Bartek. He derives contentment from his rough but rewarding life as the caretaker of his family farm but yearns for his identity to flourish. Dawid (Paweł Tomaszewski), who long ago fled the village and his father’s alcoholism, has been able to nourish that side of himself. Bartek wants in.
Bartek’s troubled mother (Ewa Skibińska) wants Dawid – and this sudden need to grow – out. Pulled
by disparate desires, Bartek must choose which rivers to ford. Undergirded by defiance and reveling in the natural world – its dusty greens erupting into deep autumnal oranges – Kamil Krawczycki’s debut feature gives voice to once-silent urges in a uniquely fractured style. Days passing, allegiances shifting. Souls awakening.
EL HOUB
THE LOVE
SHARIFF NASR | PAYS BAS / NETHERLANDS 2022 | 102 MIN | V.O. ARABE, NÉERLANDAISE + A. S.-T.A. / ARABIC, DUTCH + ENGLISH S.-T.EN.
Rongé par la culpabilité d’avoir abandonné son ami Soufian, et trouvé nu avec son copain, Karim s’attaque à la fermeture d’esprit de ses parents en refusant de quitter leur placard à fournitures jusqu’à ce qu’ils acceptent le fait qu’il soit homosexuel, hanté par diverses versions de lui-même du passé. Alors que ses parents (Slimane Dazi et Lubna Azabal) refusent de céder, Karim (Fahd Larhzaoui, passé maître dans l’art du désespoir et de la honte) se met à diversifier ses tactiques en leur coupant l’eau, la télé, et même l’électricité afin de capter toute leur attention. Mais cela ne fait qu’aspirer plus de gens dans la dispute : sa communauté, son bon-à-rien de frère, son gentil copain ghanéen (Emmanuel Boafo) qu’il ne mérite pas encore. En résulte la constatation tragique de sa propre culpabilité et une comédie d’erreurs absolument hilarante remplie de voisins bien intentionnés arrivant avec des trucs complètement inutiles, voire même des cadeaux de fiançailles. Imprégnée du même humour et réalisme magique qu’Eternal Sunshine of the Spotless Mind (Du soleil plein la tête), cette autofiction met en scène de façon franchement imaginative un maroco-néerlandais volontairement enfermé dans un placard, avec une fenêtre ressemblant à celle d’un confessionnal, demandant à ses parents d’être « un peu plus compréhensifs » envers lui. Une requête qui pourrait bien s’avérer être au-dessus de leurs forces.
Wracked with guilt over abandoning his friend Soufian and caught déshabillé with his boyfriend, Karim launches an all-out emotional assault on his close-minded parents. Refusing to leave their supply closet until they deal with the truth about his sexuality, Karim convenes with the stubborn
ghosts of his younger selves. When his parents (Slimane Dazi and Lubna Azabal, also starring in The Blue Caftan) won’t budge, Karim (Fahd Larhzaoui, master of hangdog despondency) progressively
ups the stakes, shutting off their water, TV, and eventually the electricity in a bid to gain their focused attention. Instead, it manages to pull others into the fray: his community, his do-nothing brother, and the affable Ghanaian boyfriend (Emmanuel Boafo) he doesn’t yet deserve. What results is both a tragic reckoning with his own culpability and a hilarious comedy of errors; kind neighbours coming to the door bringing unnecessary supplies or offering ill-informed engagement gifts. Leavened by
Eternal Sunshine-like magical realism and comedic patter, this is the bracingly inventive autofiction
of a Moroccan-Dutch man voluntarily trapped in a closet, the window grating like a confessional, and asking his parents for “a little understanding.” Though it may be more than they can give.
ERIN’S GUIDE TO KISSING GIRLS
JULIANNA NOTTEN
CANADA | 2022 | 90 MIN | V.O.A. / ENGLISH
Selon Erin, il y a sept étapes pour obtenir un premier baiser : de l’impression initiale à l’étreinte ultime. Mais elle apprendra qu’il n’y a pas de guide si simple pour naviguer les eaux troubles de l’engouement, de la meilleure amitié et de la confusion qui naît avec l’adolescence, dans cette comédie romantique éclaboussée de bandes dessinées qui se déroule à Toronto. Erin (Elliot Stocking) est délicieusement intello, concoctant des fanfictions pour ses personnages de bandes dessinées préférés, Lunar Girl et Scarlet Sparrow, qu’elle considère comme des alter ego d’elle-même et de sa meilleure amie athlétique, Liz (Jesyca Gu). Quand Erin s’éprend de Sydni (Rosali Annikie), une ancienne enfant star de YouTube portant un t-shirt « L’avenir est fluide », sa fixation mène à la mise en marche de l’opération Catch That Kiss (attrape ce baiser). Au bal d’automne, Erin a bien l’intention de convaincre Sydn en nommant Liz comme son acolyte de « drague ». Mais des jalousies inexplorées se transforment en ruptures : les deux meilleures amies étant incapables d’apprécier ce qui est important pour l’autre. Parfait pour celles et ceux qui cherchent une suite au sérieux poussiéreux d’Heartstopper, Erin’s Guide se situe de manière résonnante dans les années où ce qui est cool et ce qui est nul est constamment renégocié, des moments précieux de l’enfance s’effondrent pour que peut-être quelque chose de nouveau puisse naître de ce qui reste.
According to Erin, there are seven steps to attaining a first kiss – from initial impression to ultimate embrace – but she will learn that there is no simple guide to navigating the gauntlet of infatuation, best friendship, and the middle school muddle in this Toronto-set, comics-splashed rom-com. Erin (Elliot Stocking) is delightfully dorky, concocting fanfiction for her favourite comics characters, Lunar Girl and Scarlet Sparrow, who she envisions as alter egos to herself and her athletic BFF, Liz (Jesyca Gu). When Erin goes all dewy-eyed for Sydni (Rosali Annikie), a former child YouTube star rocking a “The future is fluid” t-shirt, her fixation leads to Operation Catch That Kiss. By the Fall Formal, Erin intends to win Sydni over, appointing Liz as her “wingwoman.” But unexplored jealousies turn into rifts, the two besties unable to appreciate what’s important to the other. Perfect for those seeking a
follow-up to the star-dusted earnestness of Heartstopper, Erin’s Guide is set resonantly in the years
when what’s cool and what’s lame is constantly renegotiated, and precious parts of childhood come crumbling down so that perhaps something new can grow out of what remains.
GIRL PICTURE
TYTÖT TYTÖT TYTÖT
ALLI HAAPASALO
Chaleureux, rempli d’espoir et décidément cru, Girl Picture suit trois adolescentes, Mimmi (Aamu Milonoff), Rönkkö (Eleonoora Kauhanen) et Emma (Linnea Leino), pendant trois weekends remplis de séduction parfois manquée, parfois torride au cours desquels elles devront apprendre à naviguer les eaux troubles du flirt et de leur sexualité naissante. Réalisé par Alli Haapasalo, il a eu sa première mondiale à Sundance 2022, où il a remporté le prix du public du meilleur drame dans la catégorie cinéma du monde. Mimmi et Rönkkö sont les meilleures amies du monde. La première est une dure à cuire queer alors que la seconde est une hétéro malheureuse qui ne comprend pas pourquoi elle n’arrive pas à jouir avec des garçons. Atteindre l’orgasme avec un homme devient donc sa mission. Entre-temps, l’explosive Mimmi tombe sous le charme de la très sage Emma pour qui la seule passion avant leur rencontre était le patinage artistique. Alors que les jeunes femmes explorent diverses possibilités amoureuses, les squelettes se mettent à jaillir de leurs placards respectifs de manière inattendue. Avec sa direction photo impeccable, son rythme enjoué et son adorable passion d’adolescente, Girl Picture nous attire au cœur de la vie étonnamment très sexuelle de trois ados bien différentes, mais unies dans leur quête d’authenticité.
Dueling storylines of female friends, one gay, one straight – commitment-phobic Mimmi and climax-chaser Rönkkö – convey the tribulations of pleasure, both sexual and emotionally enduring. And the salve of a powerful hug-it-out bond that transcends every hiccup, humiliation, and failed orgasm. As Rönkkö (Eleonoora Kauhanen) attends party after party, trawling for the man who can send her into the sexual stratosphere, Mimmi (Aamu Milonoff) has found a “supernova” in the form of a competitive figure skater as equally fierce and unpredictable as she is. Emma (Linnea Leino) fights for their love in a way that Mimmi’s distracted mother never does, yet a series of inexplicable choices underscore the psychic wounds that lie beneath Mimmi’s now happy veneer. With a satisfying story arc that brings together Mimmi and Rönkkö’s wayward lives and a Shazam-worthy
soundtrack crowned by a club sequence set to Perfume Genius, Girl Picture puts female desire in the
frame. Offering space for frank discussions between women who, in their own ways, are averse to the collisions of intimacy but are there to attend to one another’s bruises.
GOLDEN DELICIOUS
JASON KARMAN
CANADA | 2022 | 120 MIN | V.O.A. / ENGLISH
La famille Wong, aux apparences « instagrammable » est loin d’être parfaite. En plein milieu de sa dissolution et de sa dernière année de secondaire de plus en plus désastreuse, Jake doit démêler ses sentiments pour un nouveau voisin sexy, Aleks, qui lui propose de l’aider « en tête-à-tête » avec autre chose que juste ses performances au basketball. Jake (l’exceptionnel Cardi Wong) ressent la pression tout autour de lui: les rêves corrosifs de son père agressif (Ryan Math) ; l’effondrement de sa mère surmenée (Leeah Wong) ; les aspirations culinaires dénuée de fondement de sa soeur (Claudia Kai) ; et les besoins sexuels de sa petite amie «de et pour toujours», Valerie (Parmiss Sehat). Aleks (Chris Carson) transperce tout. Il offre à Jake sa gentillesse et un exemple brillant de confiance en soi. Ouvertement gai, avec un six-pack parfait, Aleks se défend et remet les intimidateurs à leur place. Il est tout ce que Jake n’oserait jamais rêver d’être et alors que les attentes le rongent, les cellulaires sont prêts à capturer chaque dérapage, chaque dysfonction. Le sincère, et parfois agréablement libidineux Golden Delicious associe un conte de passage à l’âge adulte au drame familial pour offrir un portrait multidimensionnel d’une famille canado-asiatique apprenant à s’aimer comme telle.
The seemingly social-media-ready Wong family is far from picture perfect. In the midst of its dissolution and his increasingly disastrous final year of high school, Jake must untangle his feelings for a sexy new neighbour, Aleks, who offers to help him “one-on-one” with more than just his basketball performance. Jake (a superb Cardi Wong) feels the pressure all around him: the corrosive dreams of his “aggro” father (Ryan Mah); the breakdown of his overworked mother (Leeah Wong); the unsupported culinary aspirations of his sister (Claudia Kai); and the sexual needs of his “forever” girlfriend, Valerie (Parmiss Sehat). Aleks (Chris Carson) cuts through all of that. He offers Jake kindness and a shining example of self-confidence. Openly gay – with a killer six-pack – Aleks stands up for himself and puts bullies in their place. He’s everything Jake won’t allow himself to be, and as expectations eat away at him, phones are at the ready to catch every slip-up and breakdown.
The heartfelt – and, at times, crowd-pleasingly libidinous – Golden Delicious pairs a coming-of-age
tale with a family drama to offer a multi-dimensional portrait of an Asian-Canadian family coming to terms with loving themselves.
HEARTBEAST
AINO SUDI
FINLANDE / FINLAND | 2022 | 104 MIN | V.O. FINLANDAISE + F. S-T.A. / FINNISH + FRENCH S.-T.EN.
« Je te traînerai jusqu’en enfer avec moi », rappe Elina, prophétiquement, dès la première seconde. En quittant la Finlande pour s’installer sur l’opulente Côte d’Azur, elle devient obsédée par Sofia, une danseuse de ballet alternativement douce et cruelle. Se dépeint alors devant nous, dans cet étourdissant néo-noir, une relation psychologiquement abusive et passionnément inévitable entre elles deux. Elina (acteurice nonbinaire Elsi Sloan) est une adolescente qui défie les genres, qui inhale des séries policières et convoite une mort « grandiose ». Lorsque Sofia (Carmen Kassovitz, star de Stalk) devient sa nouvelle pseudo demi-sœur et colocataire, Elina se retrouve perfidement frappée. Poussée par les pires excès de la toxicité, sous ses cheveux verts radioactifs, Elina est infectée par des mutations d’amour, de luxure et de jalousie qu’elle tente de contenir dans ses paroles de rap, mais qui s’infiltrent, monstrueusement, dans le monde réel. Heartbeast, profondément troublant, d’Aino Suni est captivant du premier cadre éclairé au néon jusqu’au dernier. Il scintille et frissonne de fondus enchaînés et d’un montage sonore immersif, fondés sur les performances impressionnantes des deux protagonistes. Avec des nuances de Black Swan et de The Talented Mr. Ripley, le film explore, avec une attention palpitante, les bords tranchants de l’amour et la douleur féminine au cœur d’un succès grand public masculinisé.
“I’ll drag you down to hell with me,” raps Elina, prophetically, early on. Upon moving from Finland to the opulent French Riviera, she becomes fixated on Sofia, an alternatingly sweet and self-indulgently cruel ballet dancer, and the two begin a psychologically abusive relationship in this neo-noir stunner. Elina (non-binary actor Elsi Sloan) is a gender-defying teenager who inhales crime series and
covets a “grandiose” death. When Sofia (Carmen Kassovitz, star of Stalk) becomes her new
pseudo-stepsister and bunkmate, Elina finds herself treacherously smitten. Driven by the worst excesses of toxicity, her hair radioactive green, Elina is infected by mutations of love, lust and jealousy she tries to contain in her rap lyrics, but which leak out, monstrously, into the real world.
Aino Suni’s profoundly unsettling Heartbeast is enthralling from the first neon-lit frame to the last.
It shimmers and shudders along with killer dissolves and immersive sound editing, grounded by
commanding performances from the two leads. With shades of Black Swan and The Talented Mr. Ripley, the film explores, with heart-thumping attention, the sharp edges of amour and the female
pain at the core of much masculinized mainstream success.
HORSEPLAY
LOS AGITADORES
MARCO BERGER
ARGENTINE / ARGENTINA | 2022 | 102 MIN | V.O. ESPAGNOLE S.-T.A. / SPANISH S.-T.EN.
Une dizaine d’amis dans la mi-vingtaine se rassemblent dans la villa familiale d’Artur pour les vacances de Noël et du Jour de l’an. Tout au long de leur séjour, ils s’amusent à tester les limites de chacun pour chasser l’ennui, entremêlant bromance et homoérotisme : ils se promènent nus, se chamaillent et cumulent les contacts physiques ambigus, dorment les uns sur les autres, simulent des actes homosexuels qu’ils filment ou prennent en photos pour rire, etc. Mais le vernis craque lorsque certains commencent à soupçonner que l’un d’eux, Poli, est peut-être gay. Horseplay met en lumière tout ce que l’homosocialité, la masculinité toxique et l’homophobie peuvent avoir de paradoxal. Marco Berger souligne aussi comment tous ces comportements homophobes ne sont souvent motivés que par la peur, l’insécurité et la recherche d’approbation au sein d’un groupe qui cherche coûte que coûte à reproduire les codes et les rituels de la masculinité qu’ils ont appris. Il y critique également les doubles standards qui ont cours dans notre société en ce qui a trait aux identités sexuelles et de genre, tout comme l’absence de fondements derrière ces croyances discriminatoires.
A group of testosterone-pumped pals unwind for the holidays in a swanky Argentinian villa under the guise of heterosexuality, discussing the paradoxes of the universe as the paradoxes of sexuality bring them together and pull them apart in erratic, erotic, and unexpected ways. The word “homo” flowing through their rhetoric as often as “hello,” the group of ten impossibly attractive men lounge around or nap in various states of undress, pull juvenile pranks, and use one another’s privates as sport, snapping photos in compromising positions. It is unclear, at first, who might be queer, as it could plausibly be any of them – though it’s undeniable that the dynamic anxiously shifts when there is at least one identified in their midst. As the antics escalate, turning into voyeurism and threesomes upon the arrival of female friends for New Years, much darker choices are made in the charged, free-wheeling environment. Marco Berger, also the writer-director of the image+nation’s
2019 entry The Blonde One, is a maestro of titillating tension, and Horseplay utilizes those skills to blur
lines and accentuate the absurdity – and clinging influence – of labels.
IN FROM THE SIDE
MATT CARTER
Mêlant agilement les genres – suspense sportif, film sentimental, cinéma réconfortant des fêtes, comédie romantique (très) sexy –, In From the Side suit un joueur de rugby d’une équipe B dont l’aventure avec un joueur arrogant d’une équipe A (pour « abruti ») vient compromettre un équilibre délicat, sur le terrain comme à l’extérieur. Mark (Alexander Lincoln) est la pierre angulaire d’une équipe gaie désorganisée et composée de joueurs de second ordre qui tente de tirer son épingle du jeu. Puis arrive le joueur étoile Warren (Alexander King), qui lui fait discrètement de l’œil. Bien que les deux soient en relation, ils sont incapables de contrôler leurs regards, leurs mains et leurs lèvres l’un devant l’autre. Les circonstances (et sa mère philosophe) poussent Mark à redéfinir son éthique personnelle. Doit-il se soucier davantage du mal qu’il peut faire autour de lui ou de l’immense bonheur qu’il peut se procurer à lui-même? Le scénariste, réalisateur et monteur Matt Carter (qui propose même des pièces sur la bande sonore) réussit à créer une tension à couper au couteau – où même une vibration de téléphone nous estomaque. Il dépeint habilement des tableaux aux métaphores visuelles fortes : le soleil se levant sur des pics enneigés ; les nuages passant comme des pensées embrouillées. Voilà un décor touchant pour cet hommage déchirant (et plein de boue) à l’esprit sportif et à toutes ses ramifications.
Nimbly eliding genres – a sports nailbiter, a weepy, a feel-good Christmas movie, a (very) sexy
rom-com – In from the Side follows the star player of a rugby “B Squad” whose steamy affair with
a cocky “A-Squad-A-hole” endangers a delicate balance of relationships on and off the field. Mark (Alexander Lincoln) is the glue holding together his ragtag team of all-gay B-listers as they run drills and ogle refs. That is, until A-lister Warren (Alexander King) secretly wrests away his affections. Though both are in long-term relationships, they are unable to keep their eyes, hands, or lips off each other, and Mark is forced by circumstances – and his wise mother – to define his own personal morality. Should one worry more about the hurt you’ll cause or the joy you can grab? Writer-director-editor Matt Carter – who even performs original soundtrack songs – ratchets up the tension, where even a phone buzz can cause a heart to stop, and lovingly crafts the shots with an eye for visual metaphor: the rising sun unveiling a frosted mountaintop, clouds streaming like troubled thoughts. Emotive backdrops for a mudslinging, heart-stirring homage to sportsmanship in all its permutations.
JOYLAND
SAIM SADIQ
Le premier film pakistanais officiellement sélectionné pour Cannes et aux Oscars du Pakistan 2022, le drame fougueux de Saim Sadiq étend l’empathie envers chacun des membres compliqué.es de la famille agitée de Haider, jusqu’à la femme trans dont il tombe amoureux alors qu’il tente de se frayer un chemin au sein d’un groupe de danse érotique et de trouver sa voie en amour. Biba (l’actrice trans Alina Khan), à court d’argent, est rusée et déterminée à briller sous les projecteurs pour se sauver d’emplois secondaires dégradants. Le maladroit et gentil Haider (nouveau venu charismatique Ali Junejo) entre dans son orbite comme danseur remplaçant, puis amant, bien qu’il ait une femme (Rasti Farooq) à la maison, désespéré d’aller au-delà des limites conservatrices et une famille à qui il ment sur les spécificités de son travail. Plus troublant pour Biba, Haider ne sait pas trop comment gérer sa féminité, perplexe sur les contours de sa sexualité. Dans la chaleur oppressante de Lahore - ses ruelles et ses toits capturés dans des tons dignes de Rembrandt - les voisin.es bavardent dans des endroits invisibles et les individus modernes s’irritent des rôles prescrits qui les enchaînent encore. Alors que chacun.e expérimente des joies séparées, il n’est pas clair s’iels pourront s’autoriser ; et s’autoriser mutuellement, de nouveaux royaumes de bonheur.
The first Pakistani film officially selected for Cannes and Pakistan’s 2022 Oscars entry, Saim Sadiq’s feisty drama extends empathy to each complicated member of Haider’s fractious family and the trans woman he falls for as he trips his way into an erotic dance group, and into love. Cash-strapped Biba (trans actress Alina Khan) is wily, determined to have just a sliver of the spotlight to save herself from demeaning side jobs. The bumbling, kindly Haider (charismatic newcomer Ali Junejo) enters her orbit as a backup dancer, then a paramour, though he has a wife (Rasti Farooq) at home desperate to reach beyond its conservative confines and a family he lies to about work specifics. More troubling for Biba, Haider doesn’t quite know how to handle her womanhood, confused about the contours of his sexuality. In the oppressive heat of Lahore – its lanes and rooftops captured in Rembrandt-rich tones – the neighbours gossip from unseen places and modern individuals chafe at the prescribed roles still shackling them. As each experiences separate joys, it is unclear if they’ll be able to allow themselves – and one another – new realms of happiness.
LES MEILLEURES
BESTIES
MARION DESSEIGNE-RAVEL
FRANCE | 2021 | 97 MIN | V.O.F. S-T.A. / FRENCH S.-T.EN.
Dans ce conte de Juliette & Juliette à la chimie instantanée, une vibrante communauté très soudée du quartier parisien de la Goutte d’Or se désagrège lorsque deux femmes de groupes d’amies en lice défient leurs meilleures amies pour explorer leurs sentiments. Nedjma (Lina El Arabi) a pris l’habitude de cultiver une attitude détachée: « vénère » contre la vie. Pourtant, rien, ni même son attitude, ne pourrait combattre l’effet fondant de Zina (Esther Rollande), une nouvelle voisine qui, d’un seul regard, peut changer un rythme hip hop en une partition classique vertigineuse. Zina peut voir au-delà du « méchant » et discerne le « doux » en elle. Le hic c’est qu’elles font partie de deux groupes de meilleures amies rivaux et diamétralement opposés. Dans son monde, une telle étincelle n’est pas sans une série de représailles, et Nedjma n’y échappera pas. Transformée en paria, c’est l’étincelle à son tour qui ne survivra pas. La scénaristeréalisatrice Marion Desseigne-Ravel imprègne son premier long métrage d’une physicalité volatile qui rend l’intime encore plus tendre. En accord avec la nature intrusive de la communication constante, elle explose le cadre avec du texte coloré et divise l’écran avec des appels vidéo tout en exploitant l’immobilité du paysage urbain nocturne lorsque Zina et Nedjma se retrouvent à l’air libre. Nedjma découvre une liberté dont elle a si désespérément rêvé dans son quotidien et se prépare à dépasser cette discordance.
In this Juliet & Juliet tale of instant chemistry, a vibrant, close-knit community in the Parisian district of Goutte d’Or comes apart at the seams when two women from vying friend groups defy their besties to explore their affections. Nedjma (Lina El Arabi) has cultivated a detached, “pissy” attitude. Though, it’s no match for the thawing effect of Zina (Esther Rollande), a new neighbour who, with just one look, can transform a hip hop beat into a soaring classical score. Zina can see beyond the “nasty” to the “gentle” in her. The catch is that both have rival besties, and a series of retaliations turns Nedjma into a pariah and suppresses their spark. Writer-director Marion Desseigne-Ravel imbues her debut feature with a volatile physicality that renders intimacies even more tender. In tune with the intrusive nature of constant communication, she blasts the frame with colourful texts and splits the screen with video calls but harnesses the stillness of the nighttime cityscape when Zina and Nedjma come together in the open air. Nedjma experiencing a freedom she so desperately wants in her everyday life and preparing to push past the dissonance.
LONESOME
CRAIG BOREHAM
Casey (Josh Lavery) fuit la campagne qui l’a vu naître après avoir été impliqué dans un scandale avec un homme marié. Rejeté par son père, il se retrouve dans la ville de Sydney, sans argent et sans autre ressource que son corps et son téléphone cellulaire. Naviguant sur Grindr dans l’espoir d’échanger une nuit de sexe contre une douche et un peu de nourriture, c’est alors qu’il fait la rencontre de Tib (Daniel Gabriel). Ce qui se voulait une rencontre d’un soir devient rapidement une relation d’entraide et de solidarité entre deux êtres injustement victimes de leurs désirs. Pendant un temps, ils partagent un logis et de petits emplois, trouvent du réconfort dans cette rencontre de deux solitudes. Mais n’ayant pas l’habitude de négocier avec ce genre de relations, les maladresses et les conflits en viennent à se tailler une place dans leur quotidien, et tous deux renouent avec leurs habitudes autodestructrices. Dans ce film, Craig Boreham explore la difficulté des gays d’entrer en relation, alors qu’ils doivent porter le bagage de la honte et du rejet qui est au fondement de leur identité. Comme si, ayant développé une méfiance envers toutes formes d’affection, ils comblaient le vide et la solitude en recherchant plutôt le mépris et l’abjection.
Writer-director Craig Boreham’s dark romance is a knockout film devoid of pretensions. Both deeply hot and deeply daring. Its “corn-fed” protagonist, Casey, hitchhiking to Sydney to escape a violent past and ending up in the bed and fickle heart of Tib, the two becoming ardent, unpredictable lovers. Casey (Josh Lavery) is a loner. The type of cowboy-hat-wearing drifter who crashes a party, charges his phone, and grabs some whiskey and nosh before slipping out the door. A man who wanders into the ocean, hoping never to return. It’s only after meeting Tib (Daniel Gabriel), a cheeky charmer, that he finds something worth sticking around for, and the two go into business together tackling odd jobs and hooking up in the downtime. But Tib’s polyamory triggers something coiled within
Casey, capable of putting them both in danger. By treating lust and nudity openly, Lonesome can fully
investigate its delights and degradations, the film’s lead actors, and their knockout supporting cast, making every small moment feel lived in, every naked kitchen conversation nuanced. Casey and Tib, like the anticipatory electronic soundtrack, full of tensions waiting to become undone.
MY EMPTINESS AND I
MI VACIO Y YO
ADRIAN SILVESTRE
Après son documentaire Sediments (image+nation 2021), Andrián Silvestre nous revient avec une fiction abordant une fois de plus la question de la transidentité. Co-écrit et joué par Raphaëlle Pérez, My Emptiness and I suit le parcours de Raphi, une jeune Française nouvellement arrivée à Barcelone, alors qu’elle reçoit un diagnostic de dysphorie de genre et qu’elle tente, par le biais de diverses expériences, de trouver sa vraie identité, celle qui lui permettra enfin de se sentir complète. Silvestre aborde avec sensibilité les problèmes de transphobie et de violence auxquels est confronté son personnage, c’est-à-dire sa difficulté à rencontrer et à trouver l’amour alors qu’elle est le plus souvent victime d’objectification ou de rejet sur les applications de rencontre. De plus, Raphi n’arrive pas à décider si elle souhaite recevoir la chirurgie de réassignation sexuelle, et doit faire face à l’opinion de chacun·e, cis comme trans. Lasse d’être toujours réduite à son identité trans (par exemple quand on lui offre de participer à un projet de théâtre documentaire) alors qu’elle voudrait seulement se fondre dans la masse, elle doit choisir entre s’intégrer et revendiquer sa différence, pour le meilleur et pour le pire.
“Love is in the air,” but… Raphäelle Perez, a French trans woman living in Barcelona, feels shut out. Between medical interrogations and dates that end badly even when men treat her as something more than “alien,” Raphi is desperate for belonging and willing to explore her limits to find it. Thus begins Raphi’s journey of self-discovery, which will lead her from a diagnosis of gender dysphoria to a documentary theatre stage, learning from women of all kinds along the way, from her workout buddies and colleagues to the trans support group I-Vaginarium and an LGBT2SQ+ art “Collective.” Time and time again confronted by the question: when intimacy has become a commodities market, who and what counts as legitimate? A fiction follow-up to Adrián Silvestre’s hyper-observant hybrid
doc Sediments, one of last year’s festival picks and featuring many of the same cast members, this
Künstlerroman has an equally layered, probing approach, offering an unflinching portrayal of the body’s realities. Raphi must embrace the time and commitment needed for change in order to come to terms with the way the world perceives her and the woman she wants to be.
PETIT MAL
RUTH CAUDELI
Une crise, la douleur de l’absence, un état de conscience altéré, le Petit Mal semi-autobiographique de Ruth Caudeli exprime chacune des significations de son titre, déconstruisant ce qu’il se passe romantiquement et psychiquement lorsque le pilier central d’un trouple doit temporairement s’éloigner, forçant celles qui restent à affronter la réalité de leurs liens sans l’autre. Anto (Ana María Otálora), pensive et à tendance dépressive, sans réel but, et Marti (Silvia Varón), forte de volonté, s’illuminent lorsque Lai (Ruth Caudeli, scénariste-réalisatrice) est là. Leur rire contagieux. Leur camaraderie indéniable. Sans Lai pour aligner leurs énergies, elles sont confrontées au calme assourdissant de leur majestueuse maison isolée en Colombie et cette question: les sentiments peuvent-ils survivre à l’absence? L’égoïsme à longue distance de Lai semble être la seule chose qui mène au consensus. Si Lai revient, que retrouvera-t-elle? Des fondations plus solides ou bien des ruines d’une vie d’avant? Nous, témoins de cataclysmes relationnels au travers de perspectives changeantes: l’œil cinématographique omniscient, les caméscopes et les cellulaires, les médias sociaux, les images du trouple que Marti tente de transformer en un récit vendable. Étreignant les clichés même qu’il examine, telle que l’utilisation du noir et blanc pour transmettre l’idée de stagnation et les montages musicaux faisant concorder les concepts, le film devient une «rumination» sur l’originalité alors que la réalité est interminablement subjective.
A seizure, the pain of absence, an altered state of consciousness, Ruth Caudeli’s semi-autobiographical
Petit Mal expresses each of its title’s meanings, deconstructing what happens romantically and
psychically when a throuple’s central pillar must leave temporarily, forcing the remaining women to reflect on what binds them. Moody, aimless Anto (Ana María Otálora) and strong-willed Marti (Silvia Varón) both light up in the presence of Lai (writer-director Ruth Caudeli). Their laughter is infectious. Their camaraderie is undeniable. Without Lai to align their energies, they face the deafening quiet of their remote house in Colombia and the question of whether affections can outlast absence. Lai’s long-distance selfishness is the only thing they can agree on. If Lai returns, what will she be returning to: a stronger foundation or ruins? We witness relational cataclysms through shifting perspectives: the omniscient cinematic eye, camcorders and cell phones, social media posts, the footage of the throuple that Marti is trying to shape into a saleable narrative. Embracing the very cliches it examines, such as the use of B&W to convey stagnancy and music montages to cohere concepts, the film becomes a rumination on “originality” when reality is interminably subjective.
PHANTOM PROJECT
PROYECTO FANTASMA
ROBERTO DOVERIS
Pablo (Juan Cano) est un jeune acteur gay qui cumule les contrats de simulations dans une école de médecine et dans un centre de thérapie alternative pour arriver à payer son loyer. Le jour où son coloc déménage, il laisse derrière lui un vieux cardigan hanté par un esprit qui envahit progressivement l’appartement et le quotidien de Pablo. Par ce dispositif, représenté dans le film par l’animation d’un trait de crayon figurant une silhouette humaine, Roberto Doveris donne une forme métaphorique aux soucis financiers et relationnels de ce jeune millénial chilien. Il explore également le genre de connexions qui s’établit entre les êtres, que ce soit simplement par le partage d’un objet ou d’une chanson, lequel permet à cette présence fantomatique de voyager d’une personne à l’autre, comme un fil invisible reliant les êtres entre eux. Un sentiment de communauté et de solidarité qui est aussi appuyé par l’omniprésence de YouTube dans le film, alors que les personnages sont virtuellement liés les uns aux autres par leur intérêt commun pour tel ou telle youtubeur·se qui se spécialise dans les plantes, le maquillage ou le mode de vie gay.
An ex-roommate owes Pablo two months’ rent, he misses his “hilarious” YouTuber ex-boyfriend, and the dog he’s been saddled with keeps knocking over things in his apartment. Or so he thinks. A ghost is about to teach Pablo a lesson in connection – how it’s achieved and the ways it dissolves. To make ends meet, Pablo (Juan Cano, winner of Best Actor at the BUEIFF) hops between uninspiring odd jobs in Chile’s eclectic Ñuñoa neighbourhood, though he longs to be on the silver screen. A desire that will lead him on an otherworldly networking escapade involving the unexpected ties of our screen-obsessed modernity – one influencer watching another – and at least one incident of “paranormal sex.” Travelling from object to object, person to person, an amorphous, ever-changing phantom with murky motives is able to transcend the boundaries those lost souls in Pablo’s orbit can’t seem to break down, edging them closer to epiphany. Roberto Doveris’ infectiously quirky contemporary ghost story testifies to the grind of the gig economy, while reveling in the many magical moments and coincidences that propel us forward.
PRIVATE DESERT
DESERTO PARTICULAR
ALI MURITIBA
Daniel Moreira (Antonio Saboia) est un policier exemplaire jusqu’au jour où il est suspendu à la suite d’un acte de violence irréfléchi. Il passe alors ses journées à s’occuper de son père souffrant d’Alzheimer et à correspondre avec Sara, son amante virtuelle. Mais du jour au lendemain, Sara cesse de répondre à ses messages. Daniel s’embarque dans un voyage à travers le Brésil dans le but de retrouver – et rencontrer – cette femme mystérieuse dont il est tombé amoureux. Ce qu’il découvre sur place ébranle toutes ses certitudes : Sara est en fait Robson (Pedro Fasanaro). Avec délicatesse et nuances, Ali Muritiba aborde dans Private Desert les questions de la masculinité et de l’homophobie : quelle importance a vraiment le sexe de la personne en face de soi quand l’amour s’en mêle? Daniel, élevé par un père militaire, doit repenser son rapport à la masculinité et au désir, alors que Robson, qui a été envoyé vivre chez sa grand-mère par un père qui ne peut accepter l’homosexualité de son fils, doit apprendre à assumer son identité queer.
Fleeing the backlash of a violent outburst, Daniel drives 2,000 miles across Brazil through sweltering temps to locate the love of his life. But there’s a catch: he’s never met her, she has cut off all contact, and she isn’t exactly the “Sara” she says she is. Daniel (Antonio Saboia) has the instincts and pugilistic features of a boxer, all torqued-up machismo with a soft underside he lets slip in his playful caretaking of his father (Luthero Almeida) and the panting messages he sends his online lover. Upon arriving in Bahía, he plasters the town with grainy photos, desperate to find Sara (Pedro Fasanaro) and sort out why she has ghosted him. With a clever perspectival shift, we come to know the object of his affection more intimately and her reasons for concealment, though she underestimates Daniel’s need for her. Accomplished writer-director Aly Muritiba helms this naturalistic drama, his veteran touch imbuing intimate, electric moments with the gravitas and burnished tones of classic film, the actors allowed to inhabit real forms, cheeks sprayed with acne, quarrelsome hearts straining for understanding, even when they’re unable to fathom salvation.
ROSIE
GAIL MAURICE
CANADA | 2022 | 90 MIN | V.O.F., A. + CRIE S.-T.F. / FRENCH, ENGLISH + CREE S.-T.F.
Un film sur la famille, sur l’amour et les inadapté.es de ce monde, le premier long métrage de la scénariste/ réalisatrice/actrice métisse Gail Maurice nous emmène en marge du Montréal des années 1980 au travers des yeux d’une douce fille autochtone soudainement orpheline et de sa nouvelle famille choisie. Rosie (Keris Hope Hill), jeune et orpheline, est obligée de vivre avec sa tante débrouillarde et réticente à l’idée, Frédérique, alias Fred (Mélanie Bray). Rosie se voit alors propulsée dans un Montréal des années 80 qu’elle ne connaît pas encore, sous la garde de Fred, qui vient de perdre son emploi, est sur le point d’être expulsée et qui ne ressemble en rien à elle. Artiste, elle crée ses toiles à partir d’objets trouvés et jetés ou de déchets d’autrui. Fred présente Rosie à ses deux meilleures amies Flo (Constant Bernard) et Mo (Alex Trahan), deux travailleuses de rue trans et glamour. Finalement, Rosie transforme la vie de ces personnages colorés et trouve l’amour, l’acceptation et un véritable FOYER avec sa nouvelle famille choisie étranger·ère·s scintillant·e·s. Évoquant la rafle des années 60 et la déconnexion de l’identité autochtone, ROSIE est une ode à la recherche d’une famille de cœur lorsque vos liens de sang ont été effacés du décor.
A film about family, love and misfits, Métis writer/director/actor Gail Maurice’s debut feature takes us to the fringes of 1980s Montreal as seen through the eyes of a sweet, suddenly orphaned Indigenous girl and her newly chosen family. Rosie (Keris Hope Hill) - young and orphaned - is forced to live with her reluctant street-smart auntie, Frédérique, aka Fred (Mélanie Bray). Rosie is thrust into the fringes of 80s Montreal into the care of Fred, who just lost her job, is on the verge of eviction, and who looks and sounds nothing like her. An artist who creates art from found and discarded objects or other peoples’ trash, Fred introduces Rosie to her two best friends Flo (Constant Bernard) and Mo (Alex Trahan), two glamorous, gender-bending street workers. In the end, Rosie transforms the lives of these colourful characters and finds love, acceptance, and a true HOME with her new chosen family of glittering outsiders. Touching on the Sixties Scoop and disconnection from Indigenous
identity, ROSIE is an ode to finding your chosen family when your blood relations have been removed
from the picture.
THIS PLACE
V. T. NAYANI | CANADA | 2022 87 MIN | V.O. MOHAWK, PERSANE, TAMOUL, F. + A. / MOHAWK, PERSIAN, TAMIL, FRENCH + ENGLISH
Le premier long métrage de la réalisatrice V.T. Nayani, qui met en vedette Kawennáhere Devery Jacobs (Reservation Dogs) et Priya Guns, est une histoire d’amour queer sur deux jeunes femmes; l’une est iranienne et Kanienʼkehá꞉ka, l’autre tamoule. Elles vivent à Toronto et doivent faire face à leurs héritages familiaux difficiles. Kawenniióhstha quitte sa communauté de Kahnawà:ke pour étudier à l’université de Toronto et retrouver son père dont elle est séparée. Une fenêtre ouverte sur l’histoire d’amour passée de ses parents illustre soigneusement la dynamique compliquée en jeu, lorsqu’une mère choisit sa communauté Kanien’kehá:ka plutôt que son partenaire iranien. Malai (Priya Guns) réfléchit à ses choix post-universitaires tout en vivant dans un appartement du centre-ville avec son frère aîné, qui a renoncé à ses propres aspirations pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa sœur. Leur relation est tendue et la tension s’intensifie lorsque leur père réapparaît. Kawenniióhstha et Malai, toutes deux filles de réfugiés, se retrouvent dans une laverie torontoise. Avec une étincelle et un carnet perdu, leur histoire d’amour commence. Cependant, de grands événements de la vie impliquant leurs pères respectifs menacent de les séparer. Avec des dialogues en mohawk, persan, tamoul, français et anglais, This Place est une histoire d’amour unique mêlant des éléments universels qui résonneront au-delà du langage et des communautés.
Canadian director V.T. Nayani’s feature debut, starring Kawennáhere Devery Jacobs (Reservation Dogs) and Priya Guns, is a queer love story about two young women - one Iranian and Kanienʼkehá꞉ka,
the other Tamil - living in Toronto and dealing with difficult family legacies. Kawenniióhstha has left her community of Kahnawà:ke to attend university in Toronto and to seek out her estranged father. A window into her parents’ past love story carefully illustrates the complicated dynamics at play when a mother chooses her Kanien’kehá:ka community over her Iranian partner. Malai (Priya Guns) is contemplating her post-university choices while living in a downtown apartment with her older brother, who has given up his own aspirations to provide for them both. Their relationship is strained and gets only more so when their father re-enters the picture. Kawenniióhstha and Malai, both daughters of refugees, find one another in a Toronto laundromat. With a spark and a missing notebook, their love story begins. However, big life events involving their respective fathers threaten
to keep them apart. With dialogue in Mohawk, Persian, Tamil, French, and English, This Place is a
unique love story with universal elements that will resonate beyond language and communities.
THREE TIDY TIGERS TIED A TIE TIGHTER
TRÊS TIGRES TRISTES
GUSTAVO VINAGRE
Armé·es de masques et de désinfectant, trois jeunes queers – Pedro (Pedro Ribeiro), Isabella (Isabella Pereira) et Jonata (Jonata Vieira) – explorent la ville de São Paulo après l’annonce de l’énième vague d’infections d’une pandémie qui affecte le cerveau et la mémoire de la population. Iels errent en parlant de culture pop (RuPaul’s Drag Race, les makeup tutorials sur YouTube), de VIH et de vaccin, de leurs aspirations professionnelles (comme administratrice, drag queen ou travailleur du sexe), et luttent contre l’ennui en partant à la découverte de lieux chargés d’histoire. Iels y font la rencontre d’individus étonnants, mais plus le temps passe, plus leur cerveau semble affecté : iels fabulent des conversations avec des étrangers, font la rencontre de fantômes de leur passé et fantasment leur vie rêvée. Pour ce faire, Gustavo Vinagre donne une touche surréaliste à son film, autant en ce qui a trait à la musique qu’aux images. On bascule ainsi souvent dans l’onirisme afin de mettre en lumière de manière ludique le délire qui gagne les personnages, celui-ci leur permettant de s’évader momentanément du poids du quotidien.
Three queer youths meander a surreal, near-future São Paulo. As the city drifts into a pandemic-fueled forgetfulness, they face realities both personal and political – a devastating death, an HIV diagnosis, the systemic scourge of “craptalism” – and find comfort in the body as it is, in all its eroticism and incontinence. As the government continues to fail them, forcing them into absurdly named phases of restriction, Isabella (Pereira), Pedro (Ribeiro), and Jonata (Vieira) create ties with their community, the young looking after the old and the weirdly wise teaching lessons to newly awakened consciences. And to not only survive but thrive, the cash-strapped find rent money in sex cam work and joy in free makeup sessions with the social media famous. With the audacious energy and asynchronous intercuts that helped win it a Teddy Award at the 72nd Berlinale, Gustavo Vinagre’s late-capitalist dystopia manages to be both phantasmagoric and hauntingly real. A man takes a phone call inside a bubble. An antique shop owner conjures an impromptu, orgasmic concert. “Many people suffer the consequences of great diseases.” And a darkly comedic vision emerges of impermanence and the art of moving on.
TROIS NUITS PAR SEMAINE
THREE NIGHTS A WEEK
FLORENT GOUËLOU
FRANCE | 2022 | 103 MIN | V.O.F. S.-T.A. / FRENCH S.-T.EN.
Baptiste est en couple avec Samia depuis longtemps, depuis toujours. Un soir, il l’accompagne alors qu’elle travaille pour une clinique mobile de dépistage du VIH et fait la rencontre de Cookie Kunty, une drag queen parisienne. Celle-ci lui inspire un projet photo qui l’amène à s’immiscer dans cette sous-culture dont il ne sait rien. Il tombe rapidement sous le charme de Quentin, le jeune homme qui se trouve sous le maquillage et les perruques, ce qui bouleverse toutes ses certitudes. Dans Trois nuits par semaine, Florent Gouëlou nous plonge dans le milieu de la drag parisienne : la House of Utopia part sur la route pour participer au Drag Olympus, une compétition qui, si elles gagnent, leur permettra de s’évader de cette vie qui ne les satisfait pas. Comme le protagoniste du film, Gouëlou jette un regard tendre et nuancé sur les coulisses de cette forme d’art et les performeur·euse·s qui la pratiquent. À la fois réflexion sur la dimension performative de l’identité, histoire d’amour et célébration de ces artistes de l’ombre, il nous offre le To Wong Foo français, empreint d’une sensibilité toute contemporaine.
Deep into an 8-year heterosexual relationship, Baptiste is given license to explore his sudden, all-consuming attraction to Cookie Kunty, a vision in and out of drag, the same throaty purr. Brought into Cookie’s swirling, bejewelled world, Baptiste examines his preconceived notions of masculinity and uncovers the performer underneath Cookie’s performance. Baptiste (Pablo Pauly of the “warm,” irresistible smile) comes across Cookie (Romain Eck) at the mobile clinic his girlfriend (Hafsia Herzi) helps run and his camera can’t get enough. Like Baptiste, his camera comes to caress her, adore her, and accompany her in her darkest and most triumphant moments. Joining Cookie and her troupe of trans, cis, and non-binary performers on a road trip to a potentially life-changing Drag Olympus competition, Baptiste tackles his issues with self-confidence and self-sacrifice while getting to know who Cookie/Quentin truly is to him. This show-stopping, refreshingly gritty rom-com by writer-director Florent Gouëlou – a drag queen himself – is brimming with instantly iconic shots: figures twirling in a ceiling mirror; a long green train trailing along concrete; Baptiste seen through a window, illuminated by a neon cut-out of Cookie’s face, their identities forever entwined.
UNIDENTIFIED OBJECTS
JUAN FELIPE ZULETA
Winona avait 15 ans lorsqu’ils l’ont emmenée. Dans trois jours ils reviennent au Canada. C’est juste assez de temps pour voler une auto et se rendre sur le lieu de l’enlèvement. Même si cette auto vient avec une condition majeure et pointue: Peter, un misanthrope malchanceux qui lui aussi voit un intérêt personnel à ce voyage vers le Grand Nord Polaire. Peter (Matthew August Jeffers de New Amsterdam) se décrit lui-même, dans une auto-description cinglante, comme un « nain homosexuel diplômé d’université ». Un triple outsider devenu grincheux par les coups durs de la vie. C’est Winona (Sarah Hay, nominée aux Golden Globes), une travailleuse du sexe rousse qui poétise sur les « espèces avancées et harmonieuses » se dirigeant vers eux, qui saura réveiller Peter de son marasme. Ensemble, ils affronteront les déboires de notre roche spatiale commune, connaissant des épiphanies, comme de petites explosions cosmiques, en cours de route. Unidentified Objects est hors de ce monde, un joyau tragi-comique peuplé de personnages tchekoviens dont la vie représente des enjeux bruts et réels. Le film tient son succès de sa prémisse étrange, injectant une originalité sauvage dans le genre road trip, avec quelque chose de captivant ou enchanté dans chaque scène, chaque image : une vue, une blague crépitante, un monologue sournois sur la belle promesse non tenue de la vie.
Winona was fifteen when they took her. In three days, they’re coming again – to Canada. Enough time to steal a car to reach the abduction site. Though that car comes with one major, sharp-tongued condition: Peter, a down-on-his-luck misanthrope with his own reasons for sneaking
into the Great White North. Peter (New Amsterdam’s Matthew August Jeffers) calls himself, in withering
self-description, a “college-educated homosexual dwarf.” A triple outsider turned curmudgeonly by life’s hard knocks. It takes Winona (Golden Globe-nominated Sarah Hay) – a redheaded sex worker waxing poetic about the “advanced, harmonious species” heading their way – to shake Peter out of his doldrums. Together, they confront the disappointments of our shared space rock, experiencing
epiphanies, like little cosmic explosions, along the way. Unidentified Objects is out of this world, a
tragicomic gem populated by Chekhovian characters whose lives represent real, raw stakes. The film pays off on its paranormal premise, injecting wild originality into the road trip genre, with something to enthral or enchant in every scene, every frame: a vista, a crackling joke, a sneakily gut-punching monologue about life’s beautiful, broken promise.
WHEN TIME GOT LOUDER
CONNIE COCCHIA
CANADA | 2022 | 113 MIN | V.O.A. / ENGLISH
Enrichi par le jeu brut et déchirant du duo mère-fille composé d’Elizabeth Mitchell (Lost) et de Willow Shields (Hunger Games), le premier long métrage de Connie Cocchia saisit toutes les subtilités familiales découlant du passage à l’âge adulte des enfants. Abbie, une jeune femme toujours dans le placard, quitte le nid familial pour poursuivre ses études et doit faire un choix déchirant entre l’enivrement d’une nouvelle aventure amoureuse et le lien qui la noue à son frère autiste. Devant gérer un « père surmené » (Mark Peterson), une « mère surstressée », un frère pot-de-colle (Jonathan Simao) et sa première année d’études en animation, Abbie croule sous la pression. C’est alors qu’entre en scène la grande, la sensuelle Karly (Ava Capri de Love, Victor) qui vient détourner les centres d’intérêt d’Abbie. Submergée, mais aussi émoustillée, la jeune femme se met à préférer ses rendez-vous galants (à la plage comme au lit) aux appels de sa mère de plus en plus inquiète. Pendant ce temps, le désarroi de son frère et la frustration de son père, qui tente d’ajouter de nouvelles cordes à l’arc de son fils, les mènent droit vers la catastrophe. Puissamment ponctué, When Time Got Louder se promène entre l’avant et l’après-accident à l’aide d’une travailleuse sociale bienveillante, alors que Abbie et sa famille devront apprendre à modifier leurs habitudes. Un film d’une grande rareté qui dévoile de manière réaliste le quotidien des aidant·e·s naturel·le·s, un travail éreintant, mais aussi rempli de belles récompenses durement gagnées.
Enriched by raw, gutting mother-daughter performances from Lost’s Elizabeth Mitchell and The Hunger Games’ Willow Shields, Connie Cocchia’s first feature captures one family’s growing pains.
Closeted Abbie moves away from her autistic brother to attend university and is pulled between the elation of a new adventure and their inseparable connection. Already juggling an “overworked dad” (Mark Peterson), “overstressed mom,” attached-at-the-hip brother (Jonathan Simao), and her
first-year studies in Animation, Abbie is overwhelmed when the “tall, sultry” Karly (Love, Victor’s Ava
Capri) swaggers into the picture and pulls Abbie’s focus from her entwined family unit. Overwhelmed but giddy: Abbie skips phone calls from her increasingly frantic mother for beach dates and bedroom lessons. All the while, the bewilderment of her brother and the frustration of her father, who attempts
to teach Kayden new skills, speed them all towards a portended disaster. When Time Got Louder shifts
back and forth between post-accident scenes with a concerned social worker and pre-accident Abbie and her family settling into altered routines. The rare film that realistically unspools the daily, gruelling work of caretaking, as well as its wonderful, hard-won rewards.
YOU CAN LIVE FOREVER
SARAH WATTS + MARK SLUTSKY
Dans le début des années 90, Jaime, nouvelle arrivante du Saguenay venue de Thunder Bay, est une adolescente tout à fait ordinaire, qui cache ses joints dans ses boîtes de cassettes. Son ordinarité cependant, la rend étrangère et étrange au sein de la communauté des Témoins de Jehovah dans laquelle elle se voit plongée, y compris avec Marike dont les sentiments oscillent entre amour et conversion. Le regard de Marike (June Laporte) croise celui de Jaime (Anwen O’Driscoll) lors de rencontres religieuses. Il ne faudra pas longtemps pour que ce jeu des yeux se transforme en romance clandestine testant à (presque) chaque instant la tolérance de l’autre. Lors de leurs séances de traînage quotidiennes à jouer à Sega Genesis après les cours, Nate (Hasani Freeman), le nouvel ami de Jaime questionne sa foi et ses intentions pendant qu’elle, contemple les intentions de Marike envers elle. Est-elle seulement une « soeur » au sein de La Vérité pour elle ou bien plus? Les cinéastes Sarah Watts (qui elle-même a vécu sa jeunesse gaie dans une communauté des Témoins de Jehovah) et Mark Slutsky font preuve de respect et nous offrent un aperçu sincère de la culture pieuse autour de Jaime tout en restant ouvert face à son propre manque de croyance. L’emplacement pittoresque du Québec dans lequel l’histoire se déroule scintille et ondule, et le film imite le cadence de ce lieu, lent et rythmé comme les vagues et les collines. Un lieu où tout, y compris la passion, est une épreuve.