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Entretien « Le Cerema se place au cœur du système d’ingénierie »

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« Le Cerema se place au cœur du système d’ingénierie »

Fragilisé mais indispensable, le Cerema est aujourd’hui à la croisée des chemins. Revue de détail des chantiers en cours avec Erick Lajarge, directeur général adjoint en charge de la coordination territoriale et directeur des programmes du Cerema.

Sept ans après sa création, le Cerema s’avère être un géant aux pieds d’argile, à lire le rapport publié par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) fin juillet. Issus de la fusion de plusieurs services centraux de l’État, l’établissement public voit ses moyens baisser année après année, tout en réalisant de plus en plus de missions pour les collectivités. Mais sous la houlette de Pascal Berteaud, le Cerema s’est réorganisé, l’équipe de direction est renouvelée et un contrat d’objectifs vient d’être adopté en conseil d’administration, avant sa signature par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. La mue devrait être achevée avec la possibilité de travailler en quasirégie avec les collectivités, grâce à une disposition du projet de loi 3DS, qui doit revenir devant les députés début décembre 2021.

La situation du Cerema est-elle vraiment aussi inquiétante que le décrit le rapport du CGEDD ?

Le budget du Cerema dépend, d’une part, de la subvention de l’État pour charge de service public (SCSP), votée dans le cadre de la loi de finances, et d’autre part, du plafond d’emplois fixé par l’État. Les deux sont en baisse et nous n’avons aucune certitude sur ce qui va être voté dans la loi de finances 2021 pour le budget 2022. Le directeur général du Cerema, Pascal Berteaud, a lancé un projet de restructuration, baptisé Cerem’avenir, pour tirer au mieux parti des ressources de l’établissement. Il s’agit de s’organiser autour de pôles de compétences, plutôt que d’avoir toutes les compétences dans toutes les directions territoriales. Aujourd’hui, le Cerema est structuré en six domaines de compétences – tous représentés dans chacune des délégations territoriales –, trois directions techniques (au siège) et dix directions territoriales. Le Cerema reste un instrument fort de l’ingénierie territoriale, avec 2500 agents sur tout le territoire – aucun à Paris, quand l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) c’est 300 agents à Paris.

Comment fonctionne le Cerema aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le Cerema travaille pour l’État en quasi-régie. Pour faire simple, plus de 80 % du budget du Cerema est utilisé par l’État dans le cadre de conventions, sans passer par les marchés publics. Les 20 % restant sont disponibles pour les autres acteurs, dont les collectivités. Certains programmes sont commandés par l’État hors de ce cadre : CRTE, programme national Ponts, sentiers du littoral, friches… De fait, le Cerema travaille beaucoup avec et pour les collectivités : deux de ses six domaines d’activité sont d’ailleurs de compétences des collectivités, et les quatre autres sont partagées entre l’État et les collectivités. Le pack « commandé par l’État pour les collectivités » est donc conséquent. Il nous faut cependant acter la baisse des subventions de l’État au budget du Cerema et tourner notre action vers les collectivités. Pour cela, il faut créer un établissement au service de l’État et des collectivités, ce qui n’existe pas aujourd’hui.

C’est le principe de la quasi-régie, ou « in-house »…

En effet, et c’est un changement de paradigme assez fort. Il y a encore quelques années, l’ouverture du Cerema aux collectivités faisait débat. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pour mettre en œuvre cette quasi-régie conjointe, ou in-house, il faut démontrer que les collectivités exercent sur le Cerema un contrôle analogue à celui exercé sur leurs propres services. Le Cerema doit donc être contrôlé par l’État et les collectivités. Il faut pour cela ouvrir la gouvernance du Cerema aux collectivités.

Qui alors représente les collectivités ?

Selon le Conseil d’État, les associations d’élus ne peuvent pas représenter les collectivités. Il faut un système d’adhésion, sans doute similaire à celui du CNFPT, dont le tarif est fixé en conseil d’administration, et des élections par collège.

C’est le projet porté par l’article 48 du projet de loi 3DS, que les sénateurs ont réécrit. Où en est ce projet ?

Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, souhaite cette ouverture du Cerema. Le ministère de la Transition écologique n’y est pas opposé. D’où l’article 48 du projet de loi 3DS. La version qui sera examinée le 6 décembre à l’Assemblée nationale sera complétée par une ordonnance et un projet de décret. Le vote conduira sans doute à une commission mixte paritaire en début d’année 2022, l’ordonnance et le

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décret pourraient donc paraître d’ici à l’été 2022. C’est long, mais ces débats ouvrent les esprits au lien entre le Cerema et les collectivités. De fait, ce changement de statut est acté philosophiquement en attendant de le faire juridiquement. Désormais, le Cerema se place au cœur du système d’ingénierie et signe des conventions avec les autres acteurs que sont les agences techniques, les représentants de l’ingénierie publique (AITF) et privée (Cinov, Syntec), et les associations d’élus comme l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ou Villes de France…

Le conseil d’administration du Cerema vient également d’adopter son contrat d’objectifs et de performances. Dans quel but ?

Ce contrat d’objectif et de performance (COP) est une première pour le Cerema depuis sa création. Ce COP est un document contractuel qui fixe nos objectifs, en déclinaison avec notre projet stratégique. Il s’agit d’un document contractuel entre le Cerema et l’État comme pour tout établissement ou tout opérateur public. Avec ce COP, le Cerema achève sa reconstruction avec un projet d’établissement – Cerem’avenir – et un projet stratégique, voté en avril 2021. Cette dynamique sera poursuivie avec d’autres sujets essentiels comme le fait de conforter nos activités de normalisation, de s’inscrire dans le cadre d’une démarche qualité, ou encore en obtenant le label Qualiopi pour nos activités de formation. Notre COP distingue sept axes et notamment, l’axe 2, sur l’ouverture aux collectivités et le sujet de la quasirégie conjointe entre l’État et les collectivités territoriales. Concernant les relations avec l’État (axe 1), beaucoup de choses sont désormais posées grâce à ce document contractuel. Notre programme d’activité est élaboré en interne et voté par le CA. Il est issu d’une large concertation avec nos bénéficiaires, partenaires et clients et d’un processus d’écoute dite stratégique avec les directions d’administration centrale en particulier sur les grandes orientations de politique publique et le sujet extrêmement important des compétences. Un autre point important concerne l’axe 5, qui porte sur l’activité de recherche du Cerema. Un décret paru cet été en application de la loi sur la programmation de la recherche labellise le Cerema comme établissement menant des activités de recherche bien que n’étant pas lui-même juridiquement un établissement de recherche, ce qui l’autorise à demander des financements européens, par exemple. C’est en tout cas un point extrêmement important et même essentiel pour nos équipes de recherche et en vue aussi de la labellisation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) de notre activité de recherche. | Propos recueillis par Albane Canto

Pour en savoir plus

Le rapport du CGEDD : bit.ly/3ajwgsI et l’analyse du Club Techni.Cités : bit.ly/3oK9nGX

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