7 minute read

Projets Les nouveaux habits de la participation citoyenne

ingénierie

Les nouveaux habits de la participation citoyenne

La participation citoyenne fête déjà ses vingt ans. Elle s’illustre sous de nombreuses formes. Les outils pour la mettre en œuvre se sont également diversifiés avec le numérique.

La participation citoyenne est protéiforme. Elle peut relever d’initiatives proposées par les citoyens, plus ou moins bien organisées, ou d’une volonté politique plus ou moins ambitieuse. Qu’elle vienne du bas ou du haut, il s’agit de créer de l’espace pour le dialogue afin de coconstruire des projets de territoire. Qu’il s’agisse de la démocratie participative ou de la démocratie représentative, l’enjeu de représentativité des citoyens reste une constante pour donner sens aux projets de territoire. La participation citoyenne s’avère primordiale dans les projets d’urbanisme transitoire. Il s’agit là d’habiter, de développer de nouveaux usages dans des espaces publics ou privés en déshérence, ou dans l’espace public. Les collectivités sont à l’écoute de tels projets. Par exemple, elles organisent des appels à projets pour une expression artistique donnant un nouveau sens aux friches urbaines. Les collectivités exercent ainsi leur droit à l’expérimentation et vont jusqu’à déléguer la gestion de ces nouveaux lieux aux utilisateurs. La participation citoyenne revêt d’autres formes, comme des démarches parti-

L’essentiel

La participation citoyenne est primordiale dans les projets d'aménagement du territoire. Mixer présentiel et outils numériques permet une meilleure représentativité. Écouter les citoyens ne suffit pas, il faut parvenir à coconstruire le projet.

cipatives de coconstruction allant de l’acculturation à l’engagement pour faire un projet et avancer en confiance. C’est par exemple le cas avec la requalification de la place du Grand marché située dans le secteur sauvegardé de la ville de Tours (Indre-et-Loire), sans crainte de la page blanche. La participation citoyenne est intégrée dès l’amont. « L’absence de plan évite que soit captée l’attention sur les détails, cause d’intervention d’intérêt trop particulier », indique Arnaud Belleville, chef de projet. Mais avec quels outils ? Le dialogue territorial est devenu une nécessité pour le pacte de confiance et aussi parce que c’est seulement collectivement que nous arriverons à relever le défi des transitions écologique, énergétique, numérique, démocratique… Il y a vingt ans, le numérique n’était pas un outil de la participation citoyenne. Le dialogue territorial pouvait s’exercer, notamment via la technique du Community planning développée en France par Éléonore Hauptmann, urbaniste-environnementaliste.

Budgets participatifs

Depuis six ans, le paysage de la participation devient numérique avec l’offre des Civic tech – cet ensemble de technologies numériques qui améliore le fonctionnement démocratique des sociétés. Ainsi, pendant la crise sanitaire, des démarches de participation citoyenne ont pu être maintenues. Par exemple, grâce à la Civic tech Cap collectif (solution souvent retenue dans le cadre de marchés publics car évolutive), les budgets participatifs ont pu se dérouler malgré le confinement. Que ce soit avec des logiciels développés en interne, libres ou propriétaires, les collectivités s’engagent dans la participation citoyenne numérique. Selon le baromètre « La démocratie locale numérique », édition 2021, issu de l’enquête annuelle de l’association « Décider ensemble », « 87 % des collectivités ont déployé une plateforme numérique de participation, suivie de près par les dispositifs réglementaires de participation (conseils citoyens, conseils de quartier, dispositifs ponctuels de participation) ». Un résultat à tempérer au vu des trente et une collectivités qui constituent le panel de répondants. Selon l’enquête nationale 2020 des budgets participatifs, conduite par Antoine Bézard,

De multiples rencontres

En mai 2021, les Rencontres nationales de l’ingénierie territoriale (RNIT) organisées par l’Association des ingénieurs et ingénieurs en chef territoriaux de France (AITF) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) portaient sur le thème « La transition numérique au cœur des territoires durables » avec des ateliers comme « Le numérique, un outil au service de la participation citoyenne et d’une gouvernance durable des territoires ». En continuité, les 19 et 20 mai 2022, à Metz (Moselle), les RNIT porteront sur « L’intelligence collective pour relever les défis des territoires en transition ». D’ici là, les 6es Rencontres nationales des budgets participatifs, à Angers, les 8 et 9 novembre 2021, permettront d’échanger sur le thème de la représentativité, du rôle des services techniques, de la sécurisation de la démarche, etc.

© Corinne Fourquier

Cartes et papier-calque

Le Community planning est une méthode avant-gardiste de participation citoyenne en urbanisme. Faite de cartes, papiers-calque, crayons et de dialogues territoriaux, cette méthode fête ses vingt ans depuis son introduction en France, en 2001. Le Community planning consiste à regrouper les acteurs du territoire pour échanger sur celui-ci et traduire sur cartes les productions, fruits de l’intelligence collective. Cette démarche participative est enseignée à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris la Villette, par Éléonore Hauptmann, aux étudiants en postMaster Démarche en programmation architecturale et urbaine et génie urbain (dits « Dpraugiens »), qui sont urbanistes, architectes, économistes, designers, ingénieurs de la ville de Paris ou encore ingénieurs territoriaux.

fondateur du site lesbudgetsparticipatifs.fr, pour la Fondation JeanJaurès, « entre 2014 et 2020, le nombre de budgets participatifs en France a doublé chaque année ». Environ 170 collectivités dont 140 communes organisent un budget participatif en lien avec l’amélioration durable de leur cadre de vie ou sur une thématique particulière. C’est le cas à Bordeaux (Gironde) avec la thématique du développement durable. Parmi les critères pour être soumis au vote, un projet doit « participer à la dynamique de développement durable de la ville de Bordeaux ». Il n’empêche que la participation citoyenne, sous toutes ses formes, est souvent le fait des « TLM », des « Toujours les mêmes » à participer. Face à cette problématique, il est logique de penser que l’outil numérique améliore en partie la représentativité. Ainsi, une famille se retrouvant après le travail et l’école ne prendra pas le temps de ressortir mais pourra tout de même participer sans être pour autant un « TLM ». A contrario, la fracture numérique (17 % de la population française concernée par l’illectronisme, selon l’Insee en 2019), éloigne une partie de la population de la démarche de participation citoyenne. C’est pourquoi les formules hybrides combinant la participation numérique et les rencontres physiques permettront une meilleure représentativité.

Dialogue territorial

À Grenoble (Isère), le forum ouvert, organisé dans le cadre des budgets participatifs de la ville, permet aux porteurs de projets de présenter leurs projets et d’échanger avec les citoyens. Il décloisonne les publics et permet des échanges informels. Ainsi, en mars 2022, lors de sa 7e édition des budgets participatifs, ce forum permettra aux citoyens de prendre connaissance et de présélectionner trente projets en vue des votes prévus entre juin et juillet 2022. Pour autant, une participation citoyenne hybride ne garantit pas un taux élevé de participation. Qui est informé? Qui lit la presse? Qui regarde les affiches urbaines ? Qui suit les réseaux sociaux et lesquels ? Maints supports existent, mais combien de personnes arrivent à recevoir l’information? Les relais, l’inscription dans le temps des dispositifs, la sensibilisation, l’éducation à la participation citoyenne, la connaissance des outils, l’esprit festif, la confiance dans les dispositifs permettront une meilleure représentativité. Le contrat de confiance passera immanquablement par le dialogue territorial inclusif. Aujourd’hui, le dialogue territorial n’est plus seulement le fait de concerter mais le fait d’écouter, de comprendre pour entendre et arriver de manière collective à contribuer au projet territorial. Il existe d’ailleurs une école du dialogue territorial, destinée à former les agents des collectivités, présentée lors d’une conférence des Rencontres européennes de la participation citoyenne le 16 septembre dernier. Coconstruire, quelle que soit la forme de cette coconstruction, nécessite une démarche participative de plusieurs mois. C’est ainsi que ce premier semestre 2021, Orléans Métropole (Loiret) a organisé ses Assises de la transition écologique autour des thèmes de l’alimentation et de l’agriculture, des mobilités, de la réduction des déchets et de l’économie circulaire, de l’eau et des milieux aquatiques, de la ville durable, du risque inondation, des énergies renouvelables, de la rénovation énergétique, de la gouvernance et de la participation en faveur de la transition. Ces neuf thèmes ont fait l’objet d’un dialogue avec les citoyens pour partager les constats, les enjeux, les solutions et s’engager. Du signalement à l’enquête publique dématérialisée en passant par les plateformes de budgets participatifs, les conseils de quartier, les conseils citoyens et l’évaluation d’usages dans la programmation urbaine, les collectivités disposent de nombreux outils de participation citoyenne. Les professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme doivent dès l’amont intégrer la participation pour favoriser la confiance des participants. Les territoriaux et les ingénieurs doivent veiller à associer les usagers et à leur faire un retour argumenté à chaque étape du projet. La prise en compte des besoins des usagers nécessite du temps, qu’il faut intégrer dans les projets urbains. Les directions doivent être organisées pour permettre un bon équilibre dans la prise en compte de ces besoins dans toutes les composantes de ces projets. Une ingénierie de la participation est nécessaire pour réinventer les villes, les villages et les territoires résilients. | Par Corinne Fouquet Fourquier, ingé-

nieure territoriale spécialités patrimoine éducatif, urbanisme et participation citoyenne, enseignante à Polytech Orléans et à l’EIVP

This article is from: