6 minute read

Analyse juridique Le développement durable dans la commande publique

réglementation

Analyse juridique

Le développement durable dans la commande publique

La loi Climat et résilience renforce la prise en compte du développement durable dans la commande publique. Elle fixe de nouvelles obligations aux acheteurs en déterminant solidement les conditions environnementales et sociales à respecter. Mémo

Code de la commande

publique art. L.3-1, L.2152-7, L.2112-2-1 (nouveaux). A vec un volume d’environ 200 milliards d’euros chaque année, la commande publique les articles concernant ces clauses sont devenus obligatoires dans le code des marchés publics de 2006, La mise en place de schémas de promotion des achats publics socialement responsables (Spaser) est renforcée. représente aujourd’hui 10 % du PIB qui exige que le pouvoir adjudicafrançais. Soit un poids économique teur se justifie s’il n’intègre pas non négligeable pouvant influencer ces critères. L’entrée en vigueur favorablement des produits, des du CCP en 2019 a repris ces évolu- d’achat en intégrant toutes les étapes prestations et des services plus tions. Parallèlement, d’autres textes du marché et de la vie du produit ou respectueux des principes du déve- ont impacté la commande publique. de la prestation. loppement durable. La loi du 22 août Ainsi, la loi du 17 août 2015 relative à La loi Climat et résilience modifie 2021 portant lutte contre le dérègle- la transition énergétique pour la crois- l’article L.2152-7 du CCP en préciment climatique et renforcement de sance verte (2) a prévu des contraintes sant que « le marché est attribué au la résilience face à ses effets, dite loi environnementales pour les ache- soumissionnaire ou, le cas échéant, Climat et résilience (1) vient désor- teurs relevant des services de l’État aux soumissionnaires qui ont présenté mais fixer de nouveaux objectifs que et de ses établissements publics. En l’offre économiquement la plus avanles acheteurs doivent atteindre. Ainsi, outre, la loi du 10 février 2020 rela- tageuse sur la base d’un ou plusieurs le nouvel article L.3-1 du code de la tive à la lutte contre le gaspillage et critères objectifs, précis et liés à l’objet commande publique (CCP) prévoit à l’économie circulaire (3) contient du marché ou à ses conditions d’exéque la commande publique participe certaines dispositions qui ont pour cution. Au moins un de ces critères à l’atteinte des objectifs de développe- effet de modifier le comportement des prend en compte les caractéristiques ment durable « dans leurs dimensions acheteurs publics. environnementales de l’offre ». économique, sociale et environne- Les pouvoirs adjudicateurs sont tenus mentale ». Achat public durable dorénavant d’insérer obligatoirement Pourtant, depuis 2001, la commande Jusque-là, le CCP prévoyait exclusi- un critère environnemental pour publique n’a cessé d’évoluer, à vement que les objectifs de dévelop- départager les offres. Même si l’inchaque modification des textes pement durable devaient être pris tégration du développement durable réglementaires. D’abord incitatifs, en compte lors de la définition des s’est largement démocratisée, l’introbesoins, tant en matière de marchés duction de cette obligation ne laisse publics que de concessions. Les plus aux acheteurs de dérogation L’essentiel dispositions de la loi Climat et résilience vont plus loin en imposant la possible. Ainsi, le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, D’ici à 2026 au plus tard, tous les marchés prise en compte de ces conditions aux soumissionnaires qui ont présenté publics devront intégrer une clause dans les spécifications techniques l’offre économiquement la plus avanécologique. des marchés publics et des contrats tageuse sur la base d’un ou plusieurs Une offre pourra être jugée plus ou moins-disante par rapport à une offre concurrente au-delà des seuls facteurs du prix et de la qualité. de concession (CCP, art. L.2111-2 et L.3111-2). De là, on peut définir un achat public durable comme étant un achat qui intègre des dispositions en faveur de la protection ou de la mise en valeur critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Dans un délai maximum de cinq ans au plus tard, soit d’ici à 2026, tous les marchés publics devront intéLa loi Climat et résilience encourage les de l’environnement, du progrès social, grer une clause écologique. Cette acheteurs à imposer l’usage de matériaux et favorise le développement écono- disposition s’applique également aux biosourcés ou bas carbone lors de mique. Il doit prendre en compte contrats de concession. la passation de marchés de travaux. l’intérêt de l’ensemble des parties Les contrats de la commande prenantes concernées par l’acte publique devront intégrer, à différents

égards, des considérations environnementales. La loi Climat et résilience crée un nouvel article L.2112-2-1 dans le CCP. Ce dernier indique que « l’acheteur prévoit des conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées, dans ses marchés dont la valeur estimée est égale ou supérieure aux seuils européens figurant dans un avis annexé au présent code ». Des dérogations ont toutefois été ajoutées : l’acheteur peut décider de ne pas prévoir de conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi dans l’un des cas suivants : le besoin peut être satisfait par une solution immédiatement disponible ; une telle prise en compte n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché; une telle prise en compte est de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation, ou bien encore, lorsqu’il s’agit d’un marché de travaux d’une durée inférieure à six mois. Il est à noter toutefois que pour les marchés supérieurs aux seuils européens, l’acheteur ne prévoit pas de conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, il en indique les motifs dans les documents conservés en application de l’article L.2184-1 du CCP lorsqu’il agit en tant que pouvoir adjudicateur ou par tout moyen approprié lorsqu’il agit en tant qu’entité adjudicatrice.

Suivre la prise en compte de l'environnement

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (4) a instauré, afin d’encourager les acheteurs publics dans la voie des achats responsables, l’obligation d’adopter et de publier un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. La loi Climat et résilience renforce le contenu des schémas de promotion des achats publics socialement responsables (Spaser). Ils devront prévoir la publication d’indicateurs, par exemple le taux de recours aux entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus) et des objectifs cibles à atteindre. Ces informations devront être publiées tous les deux ans. Ces dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2023. S’agissant des concessions, leur titulaire doit désormais, lors de son rapport annuel à l’autorité concédante, décrire les mesures mises en œuvre pour garantir la protection de l’environnement dans le cadre de l’exécution des contrats. Ces dispositions devraient entrer en vigueur au plus tard à l’issue d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi. Enfin, au plus tard le 1er janvier 2025, l’État devra également mettre à la disposition des pouvoirs adjudicateurs des « outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat ». Ces outils devront intégrer le coût global lié notamment à l’acquisition, à l’utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens ainsi que, lorsque c’est pertinent, les coûts externes supportés par l’ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation. | Par Vanessa Pardo-Lebon, docteure en

droit, attachée principale

(1) Loi n° n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, JO du 24 août 2021. (2) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, JO du 18 août 2015. (3) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, JO du 11 février 2020. (4) Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JO du 1er août 2014.

This article is from: