Inter View
Dominique Jean
C o m é d i e n , m e t t e u r e n s c è n e , à l a t ê t e d e « L a C o mp a g n i e d e l ’ A r c h i p e l » , D o m i n i q u e Jean
est
depuis
vingt
ans
un
habitué
des
pl a n c h e s .
At t i r é
pa r
un
théâtre
irrévérencieux où l’humour prime, il présente les 25, 26 et 27 septembre au Théâtre d e l ’ Il e , L e f i l à l a p a t t e d e G e o r g e s F e y d e a u . U n va u d e v i ll e q u i m e t e n l u m i è r e l e s t r av e r s d e l a s o c i é t é d e l a f i n d u XIX e s i è c l e . S a n s u n e p o i n t e d ’ i r o n i e .
p r o p o s r e c u e i ll i s p a r f r é d é r i q u e d e j o d e
Ce aux
numéro
de
Must
R é vo lu t i o n s .
A
est
co n sac r é
choisir,
vo u s
s e r i e z pl u t ô t C h e G u e va r a , G a n d h i ,
16
T r o t s k i o u Ol i v i e r B e s a n c e n o t ?
grandes idées que l’on défend se casseront la gueule. Et, le théâtre nous amène aussi à nous pencher sur ces détails, à regarder l’autre, à le comprendre.
d o m i n i q u e j e a n : Le fils caché de Gandhi
et Trotski ! Trotski parce qu’il avait une vraie vision du socialisme qui aurait pu réussir, d’ailleurs il a été tué pour cette raison en Amérique du Sud par les sbires de Staline. Et Gandhi parce qu’il a été à la tête d’une révolution qui prônait la désobéissance civile par la non-violence, même si cette révolution n’a pas été toujours pacifiste. Mais le personnage est intéressant de part ses zones d’ombres et son parcours étonnant d’avocat en Afrique du Sud avant qu’il ne soit l’homme célèbre que l’on connait. Disons qu’il avait ce charisme que Trotski n’avait pas pour emmener autant d’hommes et de femmes vers cette révolution qui a abouti à l’indépendance de l’Inde.
E s t- c e q u e v o u s ê t e s d é j à d e s c e n d u da n s l a r u e p o u r d é f e n d r e u n e cause ?
Oui deux fois mais par hasard ! La première fois, j’étais à Cherbourg, ma ville natale. C’était le jour de mes dix-neuf ans, j’allais acheter mon gâteau d’anniversaire quand je me suis trouvé dans une manifestation ouvrière. J’ai pris une bombe lacrymogène sur la tête et j’ai passé la nuit à l’hôpital ! La seconde fois, c’était à Paris. Par curiosité, je suis allé voir la manifestation qui défilait en bas de chez moi. Je me suis trouvé au milieu d’une charge de CRS. Je me suis pris des coups, je me suis battu. Ils ne m’ont jamais cru lorsque je leur ai dit que ne participais pas à cette manifestation.
Vot r e c ô t é r é vo l u t i o n n a i r e , i l s e m a n i f e s t e c o mm e n t ?
Dans tout. Mais plus précisément dans les détails. On ne fait pas sa vie en défendant des grandes idées mais dans des petits choses qui se manifestent dans la politesse, l’élégance, le respect. S’il y a révolution, elle commence par là, par la manière dont on se comporte et on s’adresse aux autres. Selon moi, la révolution qui serait à faire aujourd’hui c’est celle du respect du vivant d’abord avec l’écologie et le respect de l’humanité. Comment à notre petite échelle apprendre à respecter l’humain, la souffrance de l’autre, sa peur, son questionnement. Tant qu’on ne prendra pas conscience que tout ceci est fragile, les
pour son époque dans une forme de contreculture. Sans parler du côté grivois et érotique de ses pièces. Rappelons que Feydeau a eu une vie sexuelle très active, d’ailleurs il est mort de la syphilis. Il était bi, il avait tout compris !
Vo u s m e t t e z e n s c è n e L e f i l à l a pat t e d e G e o r g e s F e y d e a u . P e u t- o n d i r e q u ’ i l é ta i t u n r é v o l u t i o n n a i r e en chambre ?
A sa manière car il a eu une vie dissolue qui n’était pas dans les normes de l’époque. Là où il a été révolutionnaire, même si c’est un bien grand mot, c’est qu’il avait ce regard aiguisé sur la société bourgeoise et aristocratique qu’il fréquentait et à laquelle il taillait un joli costume. Il ne loupait personne avec son œil toujours rieur et son ironie. Son théâtre a été qualifié de théâtre bourgeois ce qui n’est pas faux, mais en allant plus loin il pourrait s’inscrire
Qu’est-ce qui vous a plu dans cette pièce ? Je voulais mettre en scène un divertissement qui soit de qualité, avec un texte de répertoire très bien écrit. Feydeau, ce n’est pas du gros boulevard où on rit toutes les minutes, c’est beaucoup plus fin et subtil. Je voulais également un terrain de jeu pour que les comédiens professionnels de ce pays se croisent sur un plateau. La pièce réunit des comédiens de cinq troupes différentes. A t r av e r s l e s p i è c e s q u e v o u s m e ttez en scène, on sent une récurr e n c e à d é n o n c e r l e s t r av e r s d u genre humain...
Ce qui me plait, c’est de dénoncer cet esprit de sérieux qui se prend au sérieux. Pour moi c’est le cancer de notre société. On peut s’amuser tout en travaillant sérieusement mais pas avec cet esprit de sérieux et cette suffisance. Ceux qui pensent l’avoir sont d’une tristesse et nous amènent dans les abimes de l’âme humaine. Le
rire
jours
et
l ’a b s u r d i t é
présents
da n s
sont vos
to u choix
théâtraux.
Le rire, c’est le contraire justement de se prendre au sérieux. Le rire, c’est l’arme absolue mais si ce n’est pas forcément l’arme de destruction massive.