Les adultes
de personne pa r a n to i n e b e r t r a m
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Rentre le ventre, lève la tête, donne-toi l’air. Baisse la tête, courbe-toi, surtout ne dis rien. C’est l’urgence, la fuite, la rage, le tout mélangé, nous n’avons le temps de rien, ni de nous tromper ni de réfléchir, il faut agir, agir, agir plus, plus loin plus vite, dépêche-toi c’est pour hier. À tout prendre je veux qu’on m’aime sinon tant pis, à tout faire pour aimer, ou essayer au moins. Le premier soir on donne beaucoup d’amour, on donne tout, mais au bout d’un an il ne reste rien. Pour tenir on se moque, on se masque par l’humour, on ment nos folles terreurs, on rit plus fort pour écraser les larmes des enfants abandonnés, on se ment pour te plaire un soir de pleine lune, quand le loup pernicieux gronde dans nos êtres.
Futile mon existence, terrifiante l’expérience du quotidien, et je vois au bord de tes yeux tes rides naissantes, toi petite fille dans le corps d’une femme, je vois tes yeux espiègles et tes lèvres sans mansuétude, je vois ton corps gracieux bien entretenu par tous ces kilomètres courus pour le respect de ton miroir, je vois tes seins hauts et tes beaux cheveux blonds… Et ce que je vois au-dessus n’est ni ça ni autre chose, je vois un refuge où m’apaiser, je vois ta gentillesse non feinte cette source de promesse, faisant de toi la petite fille qui sauverait les restes d’un gavroche abîmé.
Quand je pense aux enfants, je retrouve la peur, ils sont si fragiles, disponibles et faibles. La nature est dégueulasse, c’est un sordide enfer où le lion bouffe inéluctablement le zèbre, où le rire sadique de la mort contemple le carnage perpétuel du faible torturé par le fort, je tuerai Dieu je le jure.
Attends ! Toi la grande que je n’ose nommer, je voudrais t’aimer, encore peut-être, peut-être encore demain, je voudrais y croire parce que tu es douce et je pourrais te regarder vieillir dans cette grâce, avec tes traits fins, avec tes yeux éveillés à la rigueur sans pour autant être méchants, ton harmonie perdurera et j’aurais vu cela pendant des siècles. Rentre le ventre lève la tête, elle ne voudra pas de toi t’es trop bête, courbé gauche t’es trop moche, romantique psychopathe tu n’as pas assez de tout, tu connais pleins de choses ne servant à rien, minable, minable, minable frimeur, mâche la limaille et saigne par dedans. Le monde ne supporte ni la médiocrité ni la laideur, ni l’infirmité ni la vieillesse, le monde est une guerre ouverte pour la survie et au fond de ses yeux de biche elle ne se verra pas s’enlaidir par toi.