Événement
ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE MÉDICALE
OUTRE-MER Des maladies graves et rares Les besoins de santé sont énormes à Djibouti. Il faut soutenir 820 000 habitants (1), plus de 5 000 expatriés français, dont 2 800 militaires, et l’opération Atalante qui lutte contre la piraterie et l’instabilité régionale. L’offre de soins est très faible, sans activité locale spécialisée viable à ce jour. Si la mission prioritaire de l’HMC Bouffard est le soutien des militaires français, l’essentiel de l’activité du service de médecine est réalisée au profit des Djiboutiens avec des résultats hors normes : 862 hospitalisations (2), dont les deux tiers par les urgences, et plus de 3 200 consultations pour l’année 2009. La gravité, la variété et la rareté de certaines pathologies (méningites, hépatites, infections opportunistes du SIDA - une cohorte de 145 patients VIH/SIDA est suivie à l’hôpital e n d o c a r d i t e s “ h i s t o r i q u e s”, complications des cirrhoses, des cardiopathies…) font tout l’intérêt de la pratique outre-mer. Ainsi, ce sont 74 cas de tuberculose, 60 complications de diabète, plus de 200 pathologies infectieuses ou tropicales aigues, une centaine de pathologies
cardio-vasculaires et autant de pathologies digestives, 160 enfants de moins de 15 ans qui ont été hospitalisés en 2009.
Une activité spécialisée de haut niveau L’activité spécialisée se partage entre la gastro-entérologie et la cardiologie. Les actes de gastro-entérologie n’ont cessé d’augmenter avec le développement de l’échographie (400 examens/an). La pratique endoscopique est unique à Djibouti : 232 fibroscopies œso-gastroduodénales et 65 coloscopies en 2009. Les interventions sous endoscopie restent une solution de secours : ligature de varices œsophagiennes, mise en place de gastrostomie per-endoscopique et d’endoprothèse œsophagienne. L’exercice spécialisé cardio-vasculaire est également sans équivalent à Djibouti. En 2009, 700 échocardiographies, dont trente-huit trans-œsophagiennes et 160 vasculaires, ont été effectuées. La réalisation de 80 échocardiographies de stress apporte une valeur ajoutée diagnostique (3) inestimable dans cette
situation d’éloignement. Les dons associatifs et l’aide des fabricants ont permis de réaliser quatre implantations de stimulateurs cardiaques, dont une chez une jeune de dix-huit ans. Lors des dix-huit derniers mois, douze cardiopathies congénitales ont été dépistées. Cinq ont été prises en charge par l’association Mécénat chirurgie cardiaque avec la possibilité de se faire opérer en France. L’activité spécialisée médicale est possible, avec un haut niveau de technicité et sans complication, même dans un HMC situé dans une des régions les plus pauvres du monde. Dans cette situation d’isolement, elle apporte une valeur ajoutée inestimable à la prise en charge des militaires français, de leurs familles et de milliers de Djiboutiens. Médecin en chef Pierre-Laurent Massoure Médecin en chef Gatien Lamblin HMC Bouffard - Djibouti (1) Espérance de vie : 54 ans. (2) Moyenne d’âge : 36 ans. (3) En plus des 161 épreuves d’effort.
Échocardiographie de stress à l’HMC Bouffard
© MC Massoure
D
ans le monde de la “surspécialisation”, devant l’évolution de nos pratiques vers une médecine de plus en plus technologique (robots, navigation, cartographies, nanotechnologies,…), le fossé entre la médecine occidentale et la médecine “tropicale” est-il définitivement trop profond ? Est-ce une hérésie que de vouloir appliquer les techniques d’aujourd’hui (stimulation cardiaque, endoprothèses digestives,…) dans un HMC ?
La synergie des spécialités médicales à l’Hôpital médico-chirurgical (HMC) Bouffard permet d’associer un haut niveau de technicité à une activité clinique intense et originale par bien des aspects. À partir de leur expérience djiboutienne, deux praticiens proposent une réflexion sur l’évolution de la pratique de la médecine outre-mer.
Actu Santé - N°
117 - mai - juin 2010
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