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Conclusion

Conclusion

Au cours de cette recherche, un certain nombre de prises de conscience, de découvertes et de remises en cause ont pu se développer. Rencontrant une première difficultéàdéfinirlenéologisme InstaWorld, ainsi que les termes gravitant autour du sujet, nous avons emprunté des notions liées à divers écrits, pour constituer une boîte à outils. Cette nécessaire base lexicale a constitué un premier bagage aux interrogations liées à notre problématique.

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Dans une première partie, la lecture des écrits de Lewis Mumford a contribué à mettre en avant l’histoire des techniques, comme acteur de mutation sociétal. Nous avons exposé notre interrogation quant à sa traduction française, proposant ainsi une première prise de distance vis-à-vis de l’utilisation des notions abordées par nos différents auteurs. Nous avons étudié la dissociation entre les différentes phases historiques éotechnique, paléo-technique et néotechnique en mettant en avant les conditions propres à chaque période. Par nos études et recherches nous avons distingué une première phase pré-machiniste développant chezl’individuunelocalitéd’interactionetdevie,d’une«èrebarbare»affirmant une première rupture avec la première révolution industrielle. L’étude, par la découverte de l’âge néotechnique a fait émerger les premiers réels intérêts pour le développement et les transformations engendrées sur l’architecture et la ville.

Par la suite, nous avons interrogé la mutation linguistique des notions art, technique puis technologie. Cette exploration a fait émerger deux constats. L’un concerne la mutation possible de la langue liée au progrès technique, l’autre met en exergue un lien de plus en plus intimiste entre ces termes et l’individu qui verra naître l’homo faber, l’individu technicien.

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Puis, nous avons étudié la mise en place progressive de la société de

l’information en soulignant les travaux pionnier d’Hollerith et de Turing. La

découverte des réflexions vis-à-vis de cette ère de l’information a fait émerger

plusieurs discours des auteurs, laissant apparaître craintes et enjeux d’actualité, dès le milieu du XX ème siècle. La naissance de la cybernétique, par son caractère

futuriste et auto-réalisateur, nous a permis de lier cette époque avec notre période

contemporaine en interrogeant le paysage actuel des prothèses techniques.

Enfin, nous avons conclu cette première partie en nous intéressant aux réactions architecturales liées à la progressive colonisation des technologies de

l’information et de la communication. Leur production, bien que souvent théorique,

nous a mené à étudier la période de l’après-guerre. Par la recherche, nous avons

fait le rapprochement entre les projets des mégastructures des années 1950 et

la programmation informatique, plaçant la technologie comme co-ordinateur

de l’espace. L’étude du projet Fun Palace a ainsi constitué une référence en la

matière. Le voyage de la recherche nous a rapidement menés au Japon. Nous y

avons découvert une architecture cybernétique. De retour sur la scène européenne,

nous avons interrogé le travail du Team Ten. La mise en exergue des schémas

Combart de Lauwe (1952), Play Brubeck ! (1968) et La Toile (2000) ont constitué

des éléments importants à notre recherche sur la dualité individu et réseau. Nous

n’aurions pas été en mesure d’interroger l’architecte et l’architecture sans explorer

une part du travail des groupes Archigram, Superstudio et Archizoom. Les

différents projets abordés ont sû faire émergerdes possibles mutations du projet et rupture de la profession. Le parcours, par la recherche, des années 50 et 60 ont

fait émerger les premières remises en question de notre domaine. Nous avons vu

comment les groupes de l’après-guerre ont potentiellement fait de l’architecte un

technicien, et annoncé sa disparition.

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Dans une seconde partie, nous avons tenté de dresser un portrait de notre

situation actuelle. La découverte des écrits de Michel Serres nous a interrogés

sur l’émergence d’un nouvel individu. Cet individu s’est vu affablé

d’une multitude de noms laissantentendre différents degrés de compréhensiondulien qu’il entretient avec la technologie. Un retour historique a été nécessaire pour

replacer le contexte de l’apparition de la technologie de l’Internet, dont nous

avons découvert l’aspect militaire. La mise en place progressive du réseau nous

a appris que la fonction sociale était déjà présente à son origine, le principe de

communautéliantscientifiques, chercheursetmilitairesenatémoigné. Dèslors, une prise de recul à été nécessaire quant à l’accessibilité de cette technologie.

L’étude des années 1990 a fait émerger une possible démocratisation de

l’Internet, laissant entrevoir les prémisses du travail de l’architecte au-delà des

contraintes spatiales. Ce constat a fait naître une première interrogation quant

à l’émergence d’un territoire non-géographique. Nous avons ensuite découvert

les apports théoriques de McLuhan autour de la notion de planétarisation.

Ceux-ci ont été déterminants pour renforcer notre compréhension de l’individu

contemporainconnecté, futurbénéficiaireduprojetarchitectural.

Puis, nous avons interrogé l’avènement de ce que nous avons nommé la

période InstaWorld.Notrehypothèsed’unecourseàl’instantanéités’estconfirmée par l’étude historique de la relation Homme-Temps. Celle-ci nous a appris que

l’organisation de la vie des individus est depuis longtemps liée à la mesure du

temps. Ainsi, nous avons appris que l’horloge, présente à chaque période, constitue

un élément marquant du développement sociétale. Ces études nous ont permis

d’interroger l’apparition du capitalisme et de la possible aliénation des individus.

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Le regard porté sur le récent progrès scientifique de mesure du temps, a fait émerger une possible rupture des rapports de l’Homme d’aujourd’hui. Un recul

critique a cependant été nécessaire quant à ces notions de temps et d’espace. Par la

recherche, nous avons été amenés à contredire Rifkin lorsqu’il énonce une possible

accélération du temps. Cette étude a permis de faire émerger une étroite relation

entre temps et espace. L’analyse du projet d’Euralille en a été déterminante. Ce

chapitre se conclu par la découverte d’une substitution des notions de temps de

parcours à celle de distance parcourue. Le recours à des références récentes nous a

permis de souligner la conquête de l’instantanéité.

Enfin, nousavonstentédecomprendrecommentlesmutationsdesnotions d’espace et de temps pouvaient se répercuter sur le rapport au monde. Au regard des

propos de Serres et de Choay, nous avons appris que l’individu contemporain avait

transité d’un espace métrique à un espace de voisinage. Il habite partout et nulle

part à la fois. Les interrogations liées au territoire de cet individu nous ont menés

ànousinterrogersurladésertificationdumilieururaletàlanaissancedel’urbain, induite par le progrès technologique. Par la suite, nous avons interrogé l’occupation

du territoire contemporain. L’étude de la notion d’urbain a été explorée au sein de

l’agglomération parisienne, nous menant en dehors des limites administratives de la

région. Notre étude nous aappris que lanotionde filet, oude toile, telle que nous l’entendons, est assez récente. Elle s’est substituée aux itinéraires de commerces

et de voyage d’autrefois. Un regard vers l’hausmannisation de Paris a fait émerger

des enjeuxetdes défis quantàlamise enréseauplanétaire.Ainsi, nous avons fait émerger une interrogation quant à la dualité Réseau-Individu. Nous avons appris

que le réseau, à l’image des projets architecturaux de l’après-guerre, se déploie sur

un territoire sans frontières, englobant lieu et monument.

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La troisième partie a tenté d’explorer les appropriations et questionnements

liés au domaine de l’architecture. En ce sens, notre choix s’est porté sur deux

attitudes architecturales liées au contexte de la période InstaWorld. Une première

attitude a été explorée dans le sens d’une possible transgression de la globalisation

au domaine de l’architecture. Puis, une seconde, plus critique, a interrogé le sens

de cette architecture vis-à-vis des précédents enjeux.

Ce premier chapitre s’est interrogé sur les conséquences de l’impact de la

globalisation dans le domaine de l’architecture. L’étude du livre Supermodernisme,

l’architecture à l’ère de la globalisation, a été déterminante dans la compréhension

decettetransgression. Pouraffinernotreétude,nousavonsapprisàdifférencierla mondialisation de la globalisation.Parlasuite,etnotammentparlafiguredeRem Koolhaas, nous avons découvert une possible soumission de l’architecture face à

la condition sociétale. En ce sens, nous avons été amenés à étudier sa contribution

à la biennale d’architecture de Venise 2014, ainsi qu’un de ses projets : le Centre

de congrès de Lille. Dès lors, notre recherche a mis en avant une attitude de rejet

à l’ancrage et à l’identité du territoire d’implantation. Cette étude nous a demandé

de prendre une certaine distance avec cette production architecturale, en insistant

sur le fait qu’elle ne se veut pas représentative.

Puis, nous avons tenté de mettre en parallèle cette précédente architecture

et la notion d’édification. Notre étude s’est ainsi intéressée à la question du lieu et de l’émergence des non-lieux. Nous avons tenté d’ouvrir une réflexion plus profonde sur les notions d’identité et de culture dans un monde oscillant entre local

et global. La notion propre d’ancrage de l’individu dans un lieu géographique est

ainsi abordée dans une dimension prospective.

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Ensuite, parlarecherche, nousavonsinterrogélaconditiondel’édification architecturale au sens de la théorie du De Re aedificatoria. La récente traduction du texte en français par Choay et Caye nous a été d’une grande aide quant à la compréhensiondelapenséeAlbertinienne. Cetteédificationappelleraitlanécessité deplacerl’individucommeclefd’unepossiblearchitecture. Enfin, nousavonsfait le choix de ne pas apporter de conclusion à la confrontation des deux pensées, mais plutôtdesoulignerlesenjeuxetdéfisdel’édificationàl’èredel’InstaWorld.

Enfin, nous sommes retournés àl’originedel’InstaWorld, soit autour de la notion du temps, pour formuler une critique. Au regard porté par certains auteurs et par notre étude, nous avons pu décrire une possible aliénation, telle que le dénonçait Charlie Chaplin dans Les Temps modernes. Nous avons émis l’hypothèse, face à l’accélération des rythmes quotidiens, d’un possible appel au ralentissement. Cependant et malgré l’unique livre de Beaudouin, nous n’avons à ce jour pas trouvé de documentation suffisante pour en restituer un contenu au lecteur. Nous avons observé une utilisation, voir une revendication, de la Slow-architecture par quelques architectes,cependantleurdiscoursnesemblepass’accorder.Làoùcertainsparlent de durabilité, d’autre parle de temps de réflexion, une conférence nous a même fait découvrir une Slow-architecture comme méthode marketing d’architecture globalisée.

Si nous disposions de plus de temps pour étudier cette question, et si cette recherche pouvait se prolonger, nous poursuivrions dans le sens d’une éventuelle Slow-architecture. Pour cela, nous convoquerions les différents antagonistes de la notion,ettenterionsdecomprendrelasignificationqu’ilsdonnentàleurarchitecture. De plus, nous essayerions d’avantage d’orienter cette recherche sous une forme critique, pour mieux interroger la réception des ruptures dont nous avons fait le portrait par cette recherche.

InstaWorld, préparation ou dénonciation?

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